Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Date : 20060511

Dossier : IMM-4728-05

Référence : 2006 CF 545

ENTRE :

MENGISTU KEBEDE SIDA

EMEBET TADESSE GEBRIE

ABENEZER MENGISTU

SELEHOM MENGISTU

 

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

LE JUGE PINARD

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) en date du 5 juillet 2005, par laquelle elle a conclu que les demandeurs n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention, ni des personnes à protéger, au sens des articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

[2]               Mengistu Kebede Sida, Emebet Tadesse Gebrie, Abenezer Mengistu, et Selehom Mengistu (les demandeurs) sont citoyens de l’Éthiopie et ils prétendent être persécutés du fait de leurs opinions politiques.

 

[3]               En juin 2001, les demandeurs sont arrivés au Canada et ont présenté leur demande d’asile.

 

[4]               Le 8 juillet 2003, la Commission a conclu que les demandeurs n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger.

 

[5]               Le 23 juin 2004, le juge Phelan de la Cour a accueilli la demande de contrôle judiciaire des demandeurs, il a annulé la décision de la Commission et renvoyé l’affaire à la Commission pour réexamen.

 

[6]               Le 5 juillet 2005, une nouvelle formation de la Commission a conclu que les demandeurs n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger.

 

[7]               Par sa décision du 5 juillet 2005, la Commission a conclu que les demandeurs n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger, ayant conclu que le témoignage du demandeur principal n’était pas crédible.

 

[8]               Ayant entendu les parties et ayant examiné le témoignage en question, il appert que la Commission a fait de sérieuses erreurs d’appréciation en ce qui concerne la crédibilité du principal demandeur.

 

[9]               En effet, la Commission a conclu que le principal demandeur s'était réclamé à nouveau de la protection de l'État de l’Éthiopie en y retournant quatre fois.

 

[10]           Les demandeurs font valoir que la Cour s’est déjà prononcée sur la conclusion de la précédente formation de la Commission, selon laquelle les quatre fois où le principal demandeur était retourné en Éthiopie posaient problème et que le principe de l’autorité de la chose jugée est applicable en l’occurrence.

 

[11]           La Cour a dit :

[18]     Le commissaire a conclu que les demandeurs n'avaient pas quitté suffisamment tôt après la fouille du bureau pour lui permettre de conclure qu'il y avait un risque, autant objectif que subjectif.

[19]    Toutefois, la preuve indique que, bien que l'effraction se soit produite avant mai 2001, Sida n'avait que des doutes sur son existence. Ce n'est qu'en mai que ses soupçons ont été confirmés par le concierge. Dans l'espace d'à peu près un mois à la suite de cette confirmation, les demandeurs ont quitté l'Italie et ont présenté leur revendication.

[20]     En toute déférence pour le commissaire, j'estime qu'il est manifestement déraisonnable de conclure que le retard, soit à partir de la naissance des doutes ou du moment de la confirmation, a été trop long. Il faut tenir compte du fait que Sida ne pouvait agir avant de connaître les véritables circonstances, qu'il avait une famille dont il devait organiser le départ et que le risque qu'il courait ne se concrétiserait qu'à son retour en Éthiopie en juin, et non pas pendant son séjour à Rome.

[21]     En supposant que l'effraction a eu lieu (le commissaire n'a tiré aucune conclusion à l'effet contraire), la preuve laisse entendre que la situation dans le pays est très pertinente au risque objectif. La situation dans le pays à son retour nous informe de la nature du risque que courait Sida. Par conséquent, la conclusion du commissaire à l'égard de la pertinence de la situation dans le pays est une erreur.

 

 

[12]           Les demandeurs font valoir que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le principal demandeur s’était réclamé à nouveau de la protection de l'État et ce, parce qu’il s’était rendu en Éthiopie. Cependant, la conclusion de la Commission est contraire à la preuve. Selon le demandeur, c’est lorsqu’il a découvert (grâce au concierge) que son bureau avait été perquisitionné qu’il a craint pour sa vie; c’est alors que le demandeur a fui pour se rendre au Canada.

 

[13]           Je penche du côté du demandeur sur ce point. La conclusion de la Cour avait trait au fait que le demandeur a apparemment tardé à quitter l’Italie, et non pas au fait qu’il se serait souvent réclamé à nouveau de la protection de l'État; cependant, elle est pertinente. La Cour a conclu que la Commission avait commis l’erreur suivante : elle n’a pas tenu compte du fait que l’on ne pouvait pas s’attendre à ce que le principal demandeur agisse tant qu’il n’avait pas de raison de craindre pour sa vie; selon son témoignage, cela ne s’est produit qu’en mai 2001, lorsque le concierge a confirmé ses soupçons. Environ un mois après cette confirmation, les demandeurs ont quitté l’Italie et présenté leur demande d’asile.

 

[14]           De même, en ce qui concerne les quatre fois où le principal demandeur a passé ses vacances en Éthiopie, elles ne démentent pas sa crainte subjective parce qu’il ne craignait pas pour sa vie avant mai 2001. La Commission a donc commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le fait qu’il s'était réclamé à nouveau de la protection de l'État en 1997, 1999 et 2000 démentait sa crainte subjective : en effet, à ces époques, le demandeur ne craignait pas encore pour sa vie.

 

[15]           Je suis donc d’avis que cette conclusion est manifestement déraisonnable.

 

[16]           En outre, la Commission a conclu que le fait que le principal demandeur était accompagné par des gardes du corps était normal et donc sans conséquence parce qu’il s’agissait d’une « pratique courante de sécurité ». Selon les demandeurs, aucun élément de preuve ne va dans le sens de cette conclusion, et la Commission a donc commis une erreur. Les demandeurs font valoir que la Commission s’est ainsi livrée à de pures conjectures, et j’abonde dans leur sens.

 

[17]           Je conviens aussi que la Commission s’est livrée à de pures conjectures lorsqu’elle a fait la remarque suivante :

Le tribunal conclut, selon la prépondérance des probabilités, que les autorités étaient au courant que le demandeur d’asile principal avait quitté l’Italie pour le Canada et qu’il est un migrant économique.

 

 

 

[18]           Aucun élément de preuve ne va dans ce sens, sauf que les demandeurs ont raisonnablement déduit que cela avait été révélé dans un article de journal. La Commission a conclu que le principal demandeur n’était pas visé par les autorités, et donc conclu que, selon la prépondérance des preuves, elles étaient au courant de son départ. Cette conclusion ne découle pas de la prémisse.

 

[19]           Il s’agit d’une décision fondée sur le manque de crédibilité du demandeur principal; je conclus donc que les erreurs relevées plus haut l’entachent intégralement et qu’elles justifient l’intervention de la Cour.

 

[20]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en date du 5 juillet 2005 est annulée et l’affaire est renvoyée à une autre formation de la Commission, qui rendra une nouvelle décision conformément aux présents motifs.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 11 mai 2006

 

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4728-05

 

INTITULÉ :                                       MENGISTU KEBEDE SIDA, EMEBET TADESSE

GEBRIE, ABENEZER MENGISTU, SELEHOM MENGISTU

c.

                                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 26 AVRIL 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE PINARD

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 11 MAI 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Micheal Crane                                                  POUR LES DEMANDEURS

 

Angela Marinos                                                POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Micheal Crane                                                  POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.