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Date : 20010906

Dossier : IMM-6554-00

Référence neutre : 2001 CFPI 995

ENTRE :

                        SATINDER PAL SINGH MANN

                                                                demandeur

                                  - et -

          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                défendeur

                         MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER

[1]                 La Cour est appelée à statuer sur une demande de contrôle judiciaire visant la décision du 4 décembre 2000 de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la « Commission » ) selon laquelle M. Satinder Pal Singh Mann (le « demandeur » ) n'est pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]                 Le demandeur, un citoyen de l'Inde, prétendait avoir une crainte justifiée d'être persécuté en raison de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social.


[3]                 À l'appui de sa revendication du statut de réfugié, le demandeur a allégué ce qui suit.

[4]                 En septembre 1989, l'oncle du demandeur a été accusé à tort dans une affaire d'armes. Traduit devant le tribunal, il a été innocenté en février 1993. Il a de nouveau été arrêté en 1995 après l'assassinat du ministre en chef Beant Singh.

[5]                 En janvier 1996, l'oncle et le père du demandeur ont joint les rangs du parti Akali Dal Anuitsar. Ils ont travaillé pour le parti, ont été arrêtés en avril 1996 et ont été accusés d'avoir aidé des militants. Ils ont été libérés après le versement d'un pot-de-vin.

[6]                 Le 13 avril 1999, le demandeur et son père se sont joints au groupe de Sant Darshan Singh, qui se rendait à Anandpur Sahib pour les célébrations du 300e anniversaire de la confrérie sikh ( « Khalsa » ). Le 17 avril, la police a fait irruption chez le demandeur et l'a arrêté. Après avoir été battu et torturé, le demandeur a été libéré le 20 avril grâce à l'intervention du conseil du village ( « panchayat » ) et à un pot-de-vin.

[7]                 Le 10 mai 1999, le père du demandeur a organisé un rassemblement de protestation contre l'arrestation de Sant Darshan Singh. Il a été arrêté le 12 mai, puis mis en liberté après que le conseil du village eut intercédé en sa faveur.

[8]                 Le 12 octobre 1999, la police a fait une descente chez le demandeur et l'a arrêté. Elle prétendait que l'oncle et le père du demandeur avaient participé à un incident violent ( « snatching incident » ). Il a été torturé, puis libéré le 15 octobre 1999 après le paiement d'un pot-de-vin.

[9]                 Le 28 avril 2000, le demandeur a quitté l'Inde à destination du Canada, où il a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention.

[10]            Dans sa décision, la Commission a examiné la question de la protection assurée par l'État et celle de savoir si la crainte d'être persécuté était justifiée compte tenu de la possibilité d'obtenir la protection de l'État. Elle a conclu que le demandeur pourrait demander la protection de l'État et ce, pour les raisons suivantes :


[Traduction] Selon la preuve au dossier, l'oncle, qui est principalement à l'origine des problèmes du demandeur, a bénéficié de la protection de l'État. Les pièces P-6 et P-7 montrent que, après avoir été accusé d'une infraction criminelle, l'oncle a été traduit devant les tribunaux, puis innocenté en 1993. Si le système judiciaire a permis à l'oncle d'établir son innocence, rien ne permet de croire qu'il ne le permettrait pas également au demandeur. Selon la preuve documentaire, l'Inde est doté d'un système législatif et judiciaire qui fonctionne. Le fait que l'oncle accusé (à tort) ait pu être représenté par avocat, comparaître devant un tribunal et obtenir justice montre que la police n'est pas toute puissante et que, dans ce cas, elle n'avait pas le pouvoir de contourner la loi et d'obtenir la mise à l'écart de l'oncle. Il montre également que les tribunaux sont objectifs et impartiaux vis-à-vis des accusations portées par la police. Les circonstances de l'espèce et une preuve claire amènent le tribunal à croire que le demandeur pourrait demander la protection des tribunaux contre les actes de persécution qu'il impute à la police. Le tribunal estime que le demandeur ne s'est pas acquitté de son obligation de demander la protection de l'État et que, compte tenu de ce qui est arrivé à son oncle, il est raisonnable de conclure que l'État lui accorderait sa protection.

[11]            La Commission a justifié sa conclusion que le demandeur pourrait bénéficier de la protection de l'État en affirmant que, vu l'expérience de l'oncle du demandeur, le système judiciaire de l'Inde fonctionne et les tribunaux sont objectifs et impartiaux vis-à-vis des accusations portées par la police.

[12]            Ce serait faire une entorse à la logique que de conclure que la protection accordée par le système judiciaire contre la fausse accusation portée par la police s'appliquerait également aux actes de brutalité et de torture commis par la police. En ne mettant l'accent que sur l'expérience vécue par l'oncle, la Commission a fait fi de la preuve accablante de l'inefficacité de la protection de l'État contre les actes de la police.

[13]            Selon le raisonnement de la Commission, le demandeur devrait se résigner face aux actes de persécution de la police et attendre d'être accusé à tort comme son oncle pour bénéficier du système judiciaire et être innocenté plusieurs années plus tard. Je ne crois pas que le seuil applicable au demandeur aux fins de la protection de l'État puisse être si élevé.

[14]            La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L'affaire est renvoyée au ministre pour réexamen par un tribunal constitué d'autres membres.

                                                                         Danièle Tremblay-Lamer                       

   JUGE

MONTRÉAL (QUÉBEC)

6 septembre 2001

Traduction certifiée conforme

Claire Vallée, LL.B.


             COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

           SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

            AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :        IMM-6554-00

INTITULÉDE LA CAUSE :           

SATINDER PAL SINGH MANN

                                                demandeur

ET

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :              5 septembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :

                                                 MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

DATE DES MOTIFS :                   6 septembre 2001

ONT COMPARU:

Jean-François Bertrand              POUR LE DEMANDEUR

François Joyal    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Bertrand, Deslauriers

Montréal (Québec) POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec) POUR LE DÉFENDEUR


Date : 20010905

Dossier : IMM-6554-00

MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 5 SEPTEMBRE 2001

EN PRÉSENCE DE :                  MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :

             SATINDER PAL SINGH MANN

                                          demandeur

                        et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                          défendeur

Contrôle judiciaire de la décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié rendue le 15 décembre 2000 par M. Tony Manglaviti dans le dossier MA0-04080

   (Article 82.1 de la Loi sur l'immigration)


                    ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Commission est annulée et l'affaire est renvoyée au ministre pour réexamen par un tribunal constitué d'autres membres.

        Danièle Tremblay-Lamer                 

                                  Juge                                 

Traduction certifiée conforme

Claire Vallée, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                    Date : 20010906

                        Dossier : IMM-6554-00

ENTRE :

SATINDER PAL SINGH MANN

                                              demandeur

                              ET

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                défendeur

                                                                                         

    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                                            

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