Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision



     Date: 20000824

     Dossier: IMM-3522-99


Entre :

     MBUYI WILFRIED KABEYA

     MANGABU CLARIS KADIMA

     Demandeurs

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     Défendeur



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE PINARD :

[1]      La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 5 février 1999 par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié statuant que les demandeurs, monsieur Mbuyi Wilfried Kabeya et sa soeur mineure Mangabu Claris Kadima, ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention, tel que défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.

[2]      Les demandeurs, citoyens de la République démocratique du Congo (RDC), sont monsieur Kabeya (le demandeur principal) et sa soeur mineure mademoiselle Kadima. Cette dernière base sa revendication sur celle de son frère.

[3]      La décision en cause est fondée sur l'absence de crédibilité du demandeur principal :

             Après avoir analysé l'ensemble de la preuve, le tribunal conclut que les revendicateurs ne sont pas des "réfugiés au sens de la Convention". Le témoignage du revendicateur principal est truffé d'omissions importantes et d'invraisemblances non expliquées et non explicables. Son témoignage est jugé non crédible par le tribunal.


[4]      Effectivement, le tribunal a noté les omissions et invraisemblances suivantes :

-      Les extraits d'actes de naissance des demandeurs portent la date d'émission du 6 juin 1998, alors qu'ils vivaient cachés et recherchés par les autorités de la RDC. Le demandeur principal n'a pu expliquer comment les prêtres auraient obtenu lesdits documents.
-      La mère du demandeur a mentionné un plus grand nombre d'enfants dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) que le demandeur principal a énuméré dans le sien. Lors de l'audience, le demandeur principal a formulé une nouvelle liste de ses frères et soeurs, mais cette dernière ne correspond pas à celle comprise dans le FRP de sa mère.
-      Il est invraisemblable que les demandeurs ne savaient pas sous quels noms ils ont voyagé et qu'ils ont voyagé avec des passeports d'un pays inconnu d'eux.
-      Le demandeur principal n'a pas pu informer le tribunal sur les villes ou pays de transit.
-      Le tribunal a cru que l'addendum présenté par le demandeur principal pour corriger ses années d'études fut nécessaire pour s'ajuster avec les pièces P-2, P-3 et P-4. Malgré cet addendum, il a omis des années universitaires.
-      Il est invraisemblable que le demandeur principal n'a connu aucun problème significatif quant à sa participation active au sein de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) au temps de Mobutu. Questionné à ce sujet, le demandeur principal a ajouté deux événements en 1992 et 1994. Il constate avoir omis ces incidents suivant avis de son procureur.
-      Certains éléments sont mentionnés dans le FRP du demandeur principal alors qu'ils sont omis dans le FRP de sa mère. Le demandeur principal a prétendu qu'il avait cru qu'il était nécessaire de décrire seulement ce qu'il avait vécu personnellement, mais selon le tribunal, lors d'un incident qui implique un enfant ou sa mère, selon le cas, on y mentionne le fait.
-      Le demandeur principal a omis de mentionner dans son FRP que son frère serait mort en 1996, suite aux tortures que la police de Mobutu lui aurait infligées.
-      Selon les prétentions du demandeur principal, son père était un membre co-fondateur de l'UDPS, mais les attestations de l'UDPS déposées par le demandeur principal ne mentionnent pas ce fait.

[5]      Malgré la présentation soignée de Me Blanchard, je ne suis pas convaincu, à la lumière de la preuve au dossier, que le tribunal a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments à sa disposition. Dans Aguebor c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 160 N.R. 315, monsieur le juge Décary, pour la Cour d'appel fédérale, a énoncé ce qui suit :

             Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. . . .


[6]      En l'espèce, l'appréciation des faits faite par le tribunal spécialisé que constitue la Section du statut et les inférences qu'il a tirées m'apparaissent tout à fait raisonnables.

[7]      Concernant l'argument du demandeur principal voulant que la négligence de son ex-avocate, Me Brigitte Objois, constitue un motif suffisant pour accorder sa demande de contrôle judiciaire, je le trouve sans mérite, compte tenu des nombreuses contradictions et invraisemblances qui ne sont pas nécessairement liées à l'incompétence alléguée de Me Objois. Bien que celle-ci n'aurait pas dû conseiller de passer sous silence les incidents importants situés au temps de Mobutu, je suis d'avis que ce mauvais conseil n'excuse pas pour autant les nombreuses autres failles dans la version des faits de demandeur principal. D'ailleurs, je ne suis pas convaincu qu'il était manifestement déraisonnable pour le tribunal, en regard des deux événements survenus sous le régime Mobutu, soit ceux de 1992 et 1994, de conclure :

         Le revendicateur aurait dû, du moins, les mentionner brièvement.


[8]      En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.




                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 24 août 2000



 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.