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Date : 20060321

Dossier : IMM-5926-05

Référence : 2006 CF 366

Ottawa (Ontario), le 21 mars 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN

ENTRE :

JOSEPH PATRICK EASTON

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                M. Joseph Patrick Easton (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire d'une décision d'une agente d'immigration, rendue le 19 septembre 2005, qui rejetait sa demande de permis de séjour temporaire déposée en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, modifiée (la Loi).

[2]                Le demandeur est un citoyen des États-Unis. Son ancien partenaire domestique et lui ont adopté un enfant en Californie le 12 janvier 1998. L'ancien partenaire domestique et l'enfant sont tous deux américains de naissance.

[3]                Le demandeur et son ancien partenaire domestique se sont séparés en avril 2000. Ils ont conclu une entente sur la garde partagée de l'enfant. Le 2 mai 2000, l'ancien partenaire domestique et l'enfant sont venus au Canada avec un visa qui leur avait été délivré à Buffalo, dans l'État de New York, par un représentant dûment autorisé du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. L'ancien partenaire domestique est maintenant citoyen canadien.

[4]                En août 2003, le demandeur est venu au Canada pour aider son ancien partenaire domestique, qui était malade, à s'occuper de leur fils. Pendant un certain temps, ils ont habité tous les trois sous le même toit, mais comme l'ancien partenaire domestique avait alors une relation avec une autre personne, le demandeur a déménagé ailleurs. Il a continué à s'occuper de l'enfant, qui fréquentait alors l'école à Calgary (Alberta). Le demandeur a déposé une demande de résidence permanente au Canada en novembre 2002. Cette demande a été rejetée en octobre 2004.

[5]                Le 10 septembre 2004, le demandeur a obtenu un visa de résident temporaire, conformément à la Loi. Une copie de ce visa est comprise dans le dossier de demande et il semble qu'il ait été valide jusqu'au 5 mars 2005. Le 6 juillet 2005, après que son visa eut expiré, le demandeur a déposé une demande de permis de séjour temporaire. Au même moment, il a déposé une demande de résidence permanente en invoquant des raisons d'ordre humanitaire (demande CH), en vertu de l'article 25 de la Loi.

[6]                Les deux demandes ont été envoyées au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration avec une lettre d'accompagnement du représentant juridique du demandeur. Le demandeur y a joint un affidavit à l'appui de ses demandes et un grand nombre de pièces au sujet de son enfant. La lettre d'accompagnement de son représentant juridique énonçait clairement que deux demandes étaient soumises, soit une demande de permis de séjour temporaire et une demande CH. Il a présenté ses observations sous les titres [TRADUCTION] « demande de permis de séjour temporaire » et [TRADUCTION] « demande de résidence permanente » .

[7]                La lettre de refus du 19 septembre 2005 avisait simplement le demandeur que sa demande de permis de séjour temporaire avait été rejetée. Aucun motif n'accompagnait ce rejet. Le dossier du tribunal a été présenté après que les procédures de demande de contrôle judiciaire eurent débuté. Ce dossier comprend les notes du système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI) qui avaient été préparées par l'agente d'immigration au sujet de la demande du demandeur. Ces notes se lisent, en partie, somme suit :

[TRADUCTION]

FRAIS PERÇUS POUR LA DEMANDE D'UN PERMIS DE SÉJOUR TEMPORAIRE. LE STATUT DE RÉSIDENT TEMPORAIRE DU DEMANDEUR [SIC] A EXPIRÉ LE 07AVR2005, S'IL DEMANDAIT LE RÉTABLISSEMENT DU STATUT, IL N'ÉTAIT PAS ADMISSIBLE, PARCE QUE LA DEMANDE A ÉTÉ DÉPOSÉE LE 07JUL2005, 91 JOURS APRÈS L'EXPIRATION DE SON STATUT. LE CLIENT EST UN CITOYEN AMÉRICAIN, IL EST CONSTAMMENT RESTÉ AU CANADA AU COURS DU TRAITEMENT DE SA DEMANDE CH/RP. RP REJETÉE POUR ABSENCE DE RAISONS CH. JE SUIS D'ACCORD, IL N'EST PAS DIFFICILE POUR LE CLIENT DE VOYAGER ENTRE LES É.-U. ET LE CANADA POUR VISITER SA FAMILLE, TROP PEU DE PREUVES ONT ÉTÉ PRÉSENTÉES POUR JUSTIFIER POURQUOI IL DEVRAIT OBTENIR UN PERMIS POUR RESTER AU CANADA. LA DEMANDE DE PERMIS DE SÉJOUR TEMPORAIRE EST REJETÉE [...]

[8]                Le demandeur soulève deux arguments dans le cadre du contrôle judiciaire. Premièrement, il soutient que l'agente d'immigration a limité l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en ne faisant pas référence au fait qu'il avait présenté une demande de résidence permanente à partir du Canada, conformément à l'article 25 de la Loi. Deuxièmement, il allègue que l'agente d'immigration a commis une erreur susceptible de révision en ne tenant pas compte de l'intérêt de l'enfant lorsqu'elle a examiné la demande présentée en vertu du paragraphe 24(1) de la Loi.

[9]                Le demandeur a présenté un argument au cours de l'audience au sujet de l'exhaustivité du dossier du tribunal. La demande de permis de séjour temporaire, un formulaire produit par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, permet à une personne d'ajouter des renseignements additionnels. Sur le formulaire en question en l'espèce, la note [TRADUCTION] « voir annexe » est inscrite au bloc 10. Dans le dossier du tribunal, aucune annexe n'apparaît avec la demande de permis de séjour temporaire.

[10]            Comme la présente demande porte sur une décision prise par un décideur administratif qui a exercé son pouvoir discrétionnaire, il faut effectuer une analyse pragmatique et fonctionnelle afin de déterminer la norme de contrôle appropriée : voir Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404. Il faut examiner quatre facteurs : la présence ou l'absence d'une disposition privative, l'expertise du tribunal, l'objet de la loi et la nature de la question.

[11]            La Loi ne comprend pas de disposition privative complète ni de droit absolu à l'appel. Le contrôle judiciaire est disponible, si l'autorisation est accordée. Ce facteur est neutre.

[12]            Les agents d'immigration traitent régulièrement des demandes de permis déposés en vertu de la Loi, y compris des permis de séjour temporaire. Leur expertise relativement plus importante que celle de la Cour mérite une grande déférence.

[13]            L'objectif général de la Loi est de réglementer l'admission des immigrants au Canada et de maintenir la sécurité de la société canadienne. Cet objectif général comprend aussi la réunification des familles. Ceci implique qu'il faut examiner divers intérêts qui pourraient entrer en conflit. Il faut faire preuve d'une certaine déférence envers les décisions prises dans un contexte polycentrique.

[14]            Finalement, la nature de la question, soit l'exercice du pouvoir discrétionnaire de délivrer un permis de séjour temporaire, porte plutôt sur les faits que sur le droit. L'exercice du pouvoir discrétionnaire nécessite l'évaluation des preuves déposées et des dispositions légales applicables, en l'espèce le paragraphe 24(1) de la Loi. Ceci peut être qualifié de question mixte de fait et de droit, qui est assujettie à la décision raisonnable simpliciter comme norme de contrôle.

[15]            En soupesant ces quatre facteurs, je conclus que la norme de contrôle applicable est la décision raisonnable simpliciter. C'est le point de vue que la Cour suprême du Canada a adopté quant à la norme de contrôle à appliquer à l'exercice du pouvoir discrétionnaire d'un agent des visas, dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.

[16]            En l'espèce, le demandeur allègue que l'agente d'immigration n'a pas tenu compte d'un élément de preuve, soit la lettre qui accompagnait sa demande de permis de séjour temporaire. Le défendeur prétend qu'il revenait au demandeur de présenter sa cause et que l'agente d'immigration n'était pas obligée de chercher dans le dossier pour trouver la lettre d'accompagnement qui portait sur la demande de permis de séjour temporaire et sur la demande CH.

[17]            Je suis d'accord que le demandeur a le devoir de présenter tous les renseignements pertinents à l'agent d'immigration. Cependant, il semblerait que l'agente d'immigration n'ait pas reçu toute la preuve qu'avait déposée le demandeur. L'agente d'immigration a pris une décision sans tenir compte de la lettre d'accompagnement, ce qui soulève des questions à savoir si la décision a été prise sans qu'il soit tenu compte de la preuve déposée par le demandeur.

[18]            Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie. La décision de l'agente d'immigration sera annulée et l'affaire sera renvoyée devant un agent d'immigration différent pour un nouvel examen. Les parties n'ont soulevé aucune question à certifier.

ORDONNANCE

            La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l'agente d'immigration est annulée et l'affaire est renvoyée devant un agent d'immigration différent pour un nouvel examen. Les parties n'ont soulevé aucune question à certifier.

                                                                                                                  « E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-5926-05

INTITULÉ :                                       JOSEPH PATRICK EASTON c. MCI

                                               

                                               

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Calgary (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 9 mars 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        La juge Heneghan

DATE DES MOTIFS :                       Le 21 mars 2006

COMPARUTIONS :

Rishma N. Shariff                                  POUR LE DEMANDEUR

Rick Garvin                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Caron & Partners LLP

Calgary (Alberta)                                   POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général

du Canada                                             POUR LE DÉFENDEUR

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