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Date : 20010206

Dossier : IMM-4395-99

Référence : 2001 CFPI 30

Ottawa (Ontario), le 6 févier 2001

EN PRÉSENCE DE :             MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

MUHAMMAD TANVEER

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire qui vise la décision par laquelle l'agent des visa a refusé, le 16 juin 1999, les demandes de visas d'immigrant présentées par le demandeur dans le cadre de la catégorie des immigrants indépendants.


Les faits

[2]                Le demandeur, citoyen de l'Inde, a fait en 1997 une demande de visa d'immigrant pour s'établir au Canada, et il a demandé d'être apprécié au titre d'architecte - CNP 2151. Le demandeur est titulaire d'un baccalauréat en architecture obtenu au Pakistan. De 1984 à 1997, il a occupé un certain emploi en lien avec sa formation.

[3]                Le 25 octobre 1997, l'agent des visas a fait parvenir une lettre au demandeur pour lui indiquer que sa demande ne pouvait être étudiée avant que le Conseil canadien de certification en architecture rende une décision visant à certifier sa qualification académique.

[4]                Après le dépôt de la demande, le conseiller du demandeur (Sun Enterprises) a examiné s'il pouvait être opportun de demander une appréciation au titre d'architecte d'intérieur. Ce changement était motivé par le fait que le demandeur était tenu de faire certifier sa formation par le Conseil de certification en architecture, ce qui aurait pour conséquence de retarder l'étude de sa demande et, éventuellement, de l'obliger à se rendre au Canada. Avec l'assentiment du demandeur, le conseiller s'est adressé à l'agent des visas comme suit :


[TRADUCTION] Nous aimerions vous souligner qu'en plus d'exercer la profession d'architecte, notre client possède en outre une formation et une expérience de travail à titre d'architecte d'intérieur (5242) et son niveau de satisfaction se situe à un minimum de 90 %. Veuillez également prendre note que le profil de son expérience à titre d'architecte d'intérieur apparaît à son curriculum vitae, lequel vous a déjà été transmis avec la demande de visa (voir copie sous pli).

Monsieur/Madame, compte tenu des difficultés reliées à l'obtention d'un permis d'exercice pour la profession d'architecte, notre client désire et préfère, pour des raisons évidentes, être évalué en fonction de la profession d'architecte d'intérieur (5242). Pour les raisons mentionnées précédemment, notre client ne fera pas de demande de permis auprès du Conseil canadien de certification en architecture pour le moment.

(Page 81, Dossier authentique du tribunal)

[5]                L'agent des visas a estimé que la lettre signifiait que le demandeur retirait sa demande d'appréciation à titre d'architecte pour la remplacer par une demande d'appréciation à titre d'architecte d'intérieur.

[6]                L'agent des visas a apprécié la demande au titre d'architecte d'intérieur et il a constaté qu'il n'y avait aucune indication, dans la rubrique des architectes, qui permettait d'établir que la profession d'architecte d'intérieur était une profession assimilable. L'agent des visas est arrivé à la conclusion que l'expérience de travail du demandeur ne démontrait pas qu'il avait effectivement occupé un poste d'architecte d'intérieur et, en conséquence, il ne lui a pas accordé de points d'appréciation pour l'expérience. Le demandeur a obtenu seulement 56 points d'appréciation (et s'est trouvé sous le seuil des 60 points requis pour accéder à une entrevue), et l'agent des visas a conclu qu'il n'y avait pas lieu qu'il exerce son pouvoir discrétionnaire d'accorder une entrevue. L'agent des visas a également fait observer qu'au moment où le demandeur a rempli sa demande de visa, ce dernier y avait inscrit qu'il exerçait la profession de pupitreur.


[7]                L'appréciation globale était ainsi détaillée :

Âge                                                           10

Facteur professionnel                              01

Formation académique/Prof.    15

Expérience                                                00

Facteur démographique                            08

Études                                                      13

Anglais                                                     09

Bonification                                             00

TOTAL                                                   56

Les arguments du demandeur

[8]                Le demandeur soutient que la lettre signée par son conseiller ne disait pas clairement qu'il retirait sa demande d'appréciation au titre d'architecte. Il explique qu'il désirait effectivement être apprécié à titre d'architecte, mais qu'il préférait être apprécié à titre d'architecte d'intérieur et, subsidiairement, qu'il comptait néanmoins être apprécié à titre d'architecte.

[9]                Par conséquent, compte tenu de l'intention du demandeur et du fait (selon le demandeur) qu'une lettre ambiguë avait été transmise, l'agent des visas aurait dû faire l'appréciation en fonction des deux professions, à savoir architecte d'intérieur et architecte.


[10]            Le demandeur soutient que la lettre démontre clairement qu'il a confondu l'appréciation des compétences (qui peut être faite à l'extérieur du Canada) avec une demande visant à obtenir un permis pour exercer la profession d'architecte, et que l'agent des visas aurait dû déceler l'imbroglio et voir que le demandeur pouvait tout de même être apprécié au titre d'architecte.

[11]            Le demandeur s'appuie sur son affidavit et sur une décision récente, Zhang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 177 F.T.R. 151 (C.F. 1re inst.), où la Cour arrive à la conclusion que l'agent des visas a le devoir d'évaluer les deux professions dans les situations où une ambiguïté ou un doute subsiste.   

Les arguments du défendeur

[12]            Le défendeur soutient que la décision prise par l'agent des visas, soit d'apprécier uniquement la profession d'architecte d'intérieur, était fondée sur la volonté du demandeur (une question de fait) et relevait purement de la compétence de l'agent des visas.


[13]            À titre subsidiaire, le défendeur soutient que si la Cour conclut que l'agent des visas a commis une erreur parce qu'il n'a pas apprécié le demandeur au titre d'architecte, l'erreur commise n'est pas pour autant fatale puisque le demandeur ne peut être qualifié d'architecte selon la classification nationale des professions. Le demandeur n'a pas effectué de demande d'affiliation et il n'a pas demandé non plus l'évaluation de ses qualifications académiques. Par conséquent, il n'était pas possible que le demandeur soit un architecte autorisé et, partant, il est inadmissible à exercer la profession.

[14]            Le demandeur n'aurait pu se voir accorder de visa au regard de la profession d'architecte même si l'agent des visas avait étudié la question.

Les dispositions de la CNP et le droit applicables

[15]            La section des architectes à la CNP 2151 précise ce qui suit :

Conditions d'accès à la profession :

·                La réussite des examens prévus par l'Association provinciale des architectes est exigée.

·                L'affiliation à l'Association provinciale des architectes dans la province d'emploi est exigée.

De plus, avant d'être affiliés à l'une quelconque des associations provinciales, les demandeurs sont tenus de faire évaluer et certifier leurs qualifications académiques par le Conseil canadien de certification en architecture.


[16]      Le fait que la loi impose à l'agent des visas l'obligation d'apprécier l'immigrant au regard de la profession demandée n'est pas un élément contesté. Toutefois, la décision Zhang, précitée, est d'une grande pertinence eu égard aux circonstances de l'espèce. Dans cette affaire, le juge Gibson a conclu que l'agent des visas avait l'obligation d'apprécier toutes les professions mentionnées s'il était confronté à une ambiguïté quelconque au sujet de l'intention de l'immigrant et ce, dans les circonstances où la profession envisagée a été changée.

[17]      Dans l'affaire Zhang, précitée, l'agent des visas a reçu une lettre, de la part d'un conseiller, ainsi libellée :

[TRADUCTION] Soyez avisé que M. Zhang a eu un résultat acceptable de l'évaluation informelle de ses qualifications d'ingénieur [. . .] Après un examen approfondi de l'éducation et de l'expérience de M. Zhang, nous concluons que ses qualifications sont plus proches de celles d'un ingénieur électronicien. [. . .]

Nous serions reconnaissant si l'agent d'immigration désigné pouvait prendre note de la présente modification lors de l'examen de la demande en question.

[18]      Le demandeur dans cette affaire avait initialement demandé une appréciation à titre de monteur de lignes et de câbles de télécommunications. Il avait acquis de l'expérience dans ce travail. Lors de l'entrevue, il s'est fait demander s'il voulait que sa profession soit changée pour celle d'ingénieur électricien. Le demandeur a témoigné qu'il avait compris devoir choisir l'une ou l'autre des professions et non les deux. Le juge Gibson a dit, à la page 154, qu'il y a eu :


[. . .] au moins quelques doutes quant à la question de savoir si le demandeur a cherché à se faire évaluer dans des emplois subsidiaires ou s'il a retiré le premier emploi dans lequel il cherchait à se faire évaluer, pour en substituer un autre. Compte tenu de l'ambiguïté et de l'échange quelque peu ambigu cité plus haut dans l'affidavit du demandeur [. . .] je suis convaincu que la charge de procéder à une évaluation complète du demandeur dans les deux emplois et d'indiquer les résultats de ces évaluations dans toute lettre de rejet de la demande du demandeur, pesait sur l'agente des visas.

La question en litige

[19]      Est-ce à tort que l'agent des visas a jugé que la lettre signée par le représentant du demandeur signifiait que ce dernier souhaitait être apprécié à titre d'architecte d'intérieur au lieu d'architecte?

[20]      La norme de contrôle judiciaire qui doit s'appliquer à une décision de l'agent des visas, à l'égard d'une conclusion de fait, est de savoir si la décision était manifestement déraisonnable.

[21]     L'agent des visas a conclu que la volonté du demandeur d'être apprécié en fonction de la profession d'architecte d'intérieur, au lieu de la profession d'architecte inscrite dans sa demande, constituait un fait.

[22]      C'est en s'appuyant sur l'extrait qui suit, soit l'extrait d'une lettre qui lui était destinée et qui était signée par le conseiller du demandeur, que l'agent des visas a conclu que le demandeur avait l'intention d'être évalué au titre d'architecte d'intérieur :


[TRADUCTION] Monsieur/Madame, compte tenu des difficultés reliées à l'obtention d'un permis d'exercice pour la profession d'architecte, notre client désire et préfère, pour des raisons évidentes, être évalué en fonction de la profession d'architecte d'intérieur (5242). Pour les raisons mentionnées précédemment, notre client ne fera pas de demande de permis auprès du Conseil canadien de certification en architecture pour le moment.

[23]      À mon avis, non seulement la décision de l'agent des visas n'était pas manifestement déraisonnable, mais elle était effectivement très raisonnable dans les circonstances. La Cour n'a pas pour rôle de modifier une décision très raisonnable rendue par l'agent des visas.

[24]      Mon opinion à l'égard du bien-fondé de la décision de l'agent des visas est d'autant plus ferme que le demandeur, afin d'obtenir l'autorisation d'exercer la profession d'architecte, doit nécessairement s'affilier à l'association provinciale des architectes dans la province d'emploi. Et puisque le demandeur a dit qu'il ne faisait pas de demande d'affiliation, il ne pouvait se qualifier à titre d'architecte. Cela étaye la conclusion voulant que le demandeur désirait être apprécié au titre de la profession d'architecte d'intérieur 5242.

[25]             La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[26]      Aucune des parties n'a exprimé le désir que la Cour certifie que l'affaire soulève une question grave de portée générale conformément au paragraphe 83(1) de la Loi.


ORDONNANCE

[27]      LA COUR ORDONNE QUE la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                                                                            « John A. O'Keefe »              

                                                                                               J.C.F.C.                     

Ottawa (Ontario)

Le 6 février 2001

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-4395-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :             Muhammad Tanveer c. Le Ministre

de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 8 septembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE PAR :               MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

EN DATE DU :                                   Le 6 février 2001

ONT COMPARU:                                                    

Arlene Tinkler                                                    POUR LE DEMANDEUR

Ann Margaret Oberst                                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Arlene Tinkler                                                    POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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