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Date : 20040625

Dossier : IMM-1667-03

                                                                                                      Référence : 2004 CF 917

Ottawa (Ontario), le 25 juin 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

                                              RAIMONDAS MALINAUSKAS

                                                                                                                               demandeur

                                                                       et

                   LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                 défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA JUGE SNIDER

[1]         En 2001, M. Raimondas Malinauskas, le demandeur, un citoyen et résident de la Pologne, a présenté une demande de résidence permanente au Canada. Le demandeur est un thérapeuthe par l'athlétisme qualifié (CNP 3144) et il a cherché à exercer cette profession au Canada.


[2]         Le 13 février 2003, le demandeur a été reçu en entrevue par un agent des visas à l'ambassade du Canada à Varsovie, en Pologne. L'agent des visas a accordé 69 points d'appréciation au demandeur, c'est-à-dire un point de moins du nombre de points nécessaires au succès d'une demande. Un fait important dans la présente demande est que le demandeur n'a reçu aucun point d'appréciation pour la connaissance de l'anglais et cinq points pour la personnalité.

[3]         Dans sa décision datée du 14 février 2003, l'agent des visas a écrit que vu que ce n'était qu'avec difficulté que le demandeur pouvait parler, lire et écrire l'anglais, aucun point ne pouvait être attribué pour le facteur connaissance de la langue anglaise. De plus, le demandeur ne s'est vu attribuer que cinq points d'appréciation pour le facteur de la personnalité; cette appréciation est fondée sur une évaluation de la motivation, l'ingéniosité, l'esprit d'initiative et la faculté d'adaptation du demandeur.

[4]         Le demandeur demande le contrôle judiciaire de cette décision.

Questions en litige

[5]         Le demandeur soulève deux questions :

1.          L'agent des visas a-t-il commis une erreur dans son appréciation de l'aptitude du demandeur à écrire l'anglais?


2.          L'agent des visas a-t-il commis une erreur de droit en examinant à la lumière de deux facteurs, soit les facteurs de la personnalité et de l'emploi réservé - E.R., la capacité du demandeur d'obtenir une offre d'emploi?

Analyse

Norme de contrôle

[6]         La norme de contrôle applicable à la décision de l'agent des visas est celle énoncée dans l'arrêt Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, aux pages 7 et 8, et suivie par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Chiu Chee To c. Canada, [1996] A.C.F. no 696 (C.A.) (QL), au paragraphe 3. La demande de visa d'immigrant du demandeur nécessite une décision discrétionnaire qui doit être fondée sur des critères réglementaires précis. Si ce pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, et si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, alors la Cour ne devrait pas intervenir (To, précité).

Question #1: L'agent des visas a-t-il commis une erreur dans son appréciation de l'aptitude du demandeur à écrire l'anglais?


[7]        La Colonne II de l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978 énonce la façon dont les points doivent être calculés relativement aux aptitudes linguistiques. Pour la capacité de parler, de lire ou d'écrire correctement mais pas couramment, deux crédits sont attribués pour chaque capacité. Les points d'appréciation sont ensuite attribués en fonction du nombre de crédits reçus. Si aucun crédit n'est attribué, aucun point d'appréciation n'est accordé. L'attribution de deux à cinq crédits équivaut à deux points d'appréciation.

[8]        Dans la présente affaire, l'agent des visas a apparemment conclu que le demandeur était incapable de parler, de lire ou d'écrire correctement même si ce n'était pas couramment et ne lui a accordé aucun crédit pour l'une ou l'autre de ces capacités. Si le demandeur avait possédé l'une ou l'autre de ces capacités, au niveau « correctement mais pas couramment » , on lui aurait accordé deux points d'appréciation et il aurait acquis suffisamment de points pour que sa demande réussisse.

[9]        Le demandeur ne conteste pas la conclusion de l'agent des visas en ce qui concerne ses capacités de parler et de lire. Toutefois, le demandeur affirme que l'agent des visas ne s'est pas arrêté à la capacité d'écrire du demandeur et que par conséquent, sa décision est abusive. Je ne suis pas d'accord.

[10]       Dans les notes STIDI, l'agent des visas a écrit ce qui suit :


[traduction] Anglais : Il est évident que le sujet éprouve des difficultés à parler l'anglais. Mes questions ont dû être formulées à nouveau, et répétées dans un langage très simple. Selon mon appréciation, il s'exprime difficilement. Je crois qu'un niveau de communication suffisant a été atteint uniquement en raison de mes efforts à formuler à nouveau et à répéter les questions lentement, en utilisant un langage très simple. Lecture : on a donné au sujet un article tiré du bulletin du Commissaire aux langues officielles pour lecture et discussion. L'article traite de l'utilisation des deux langues officielles dans le domaine du transport aérien au Canada. Le sujet a dit que l'article traitait, et je cite, de compagnie aérienne. Selon mon appréciation, il lit difficilement.

Écriture : On a demandé au sujet d'écrire un texte concernant un livre qu'il avait lu récemment. On lui a accordé 5 minutes pour compléter la tâche. L'échantillon est au dossier.

[...]

J'ai fait part au sujet de mes inquiétudes concernant ses capacités en anglais et lui ai donné la possibilité de répondre et de fournir des renseignements additionnels. Le sujet a dit qu'il va apprendre l'anglais.


[2]         L'agent des visas n'a pas ignoré l'aspect écriture de l'appréciation. Ses notes précisent qu'un échantillon d'écriture était au dossier. De plus, un examen de l'échantillon d'écriture fourni par le demandeur appuie pleinement la conclusion de l'agent des visas selon laquelle le demandeur éprouve de la difficulté à écrire l'anglais. En particulier, l'échantillon d'écriture fourni par le demandeur montre que, dans une période de cinq minutes, il a réussi à composer seulement deux phrases, lesquelles étaient remplies de fautes d'orthographe et d'erreurs grammaticales. L'appréciation de la qualité de l'écriture relève du pouvoir discrétionnaire de l'agent des visas. Même si sa conclusion est énoncée en des termes relatifs aux capacités du demandeur en anglais et ne se penche pas séparément sur les trois composantes, je suis convaincue que l'agent des visas s'est intéressé aux trois composantes et que, eu égard à la preuve, il lui était loisible de tirer la conclusion qu'il a tirée concernant la capacité d'écrire ainsi que la capacité de parler et de lire l'anglais.

Question #2 : L'agent des visas a-t-il commis une erreur de droit en examinant à la lumière de deux facteurs, soit les facteurs de la personnalité et de l'emploi réservé - E.R., la capacité du demandeur d'obtenir une offre d'emploi?

[3]         Pour le facteur de la personnalité, on a attribué au demandeur cinq points d'appréciation sur une possibilité de dix. Selon la Colonne II de l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978, un agent des visas est censé examiner la capacité d'une personne à s'installer au Canada en se fondant sur « la faculté d'adaptation du requérant, sa motivation, son esprit d'initiative, son ingéniosité et autres qualités semblables » . Le demandeur allègue que l'agent des visas a commis une erreur de droit lorsqu'il a examiné son incapacité d'obtenir un emploi à la lumière du facteur de la personnalité et du facteur 5, qui traite des emplois réservés. C'est ce qui s'est produit dans l'arrêt Zeng c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 12 Imm. L.R. (2d) 167, où la Cour d'appel fédérale a statué comme suit :


Il n'est pas nécessaire de reproduire la multitude de conditions qu'il faut respecter pour obtenir des points d'appréciation sous la rubrique de l'emploi réservé. Le fait est que c'est que cela aussi est prévu par le Règlement. Le défaut ou le refus d'avoir un emploi réservé fait perdre dix points au requérant; le fait pour l'agent de tenir compte une seconde fois de ce défaut en appréciant la personnalité du requérant ne constitue pas un exercice légitime de son pouvoir discrétionnaire, et le juge de première instance a commis une erreur en se contentant de dire qu'il aurait été préférable que l'agent agisse autrement. C'était une erreur. Qui plus est, la compétence linguistique, le fait d'avoir un emploi réservé et la situation familiale ne sont pas des « qualités semblables » aux qualités dont on doit tenir compte pour apprécier le neuvième facteur.

[4]         Le demandeur allègue que l'agent des visas a commis précisément la même erreur que celle dont la Cour d'appel fédérale traite dans Zeng, précité. Je ne suis pas d'accord.

[5]         La partie des notes STIDI qui traite de la personnalité se lit comme suit :

[traduction] Personnalité :

Le sujet affirme avoir fait des recherches sur les possibilités d'emploi au Canada au moyen de l'Internet. Il dit avoir fait des recherches sur le site www.workopolis.ca et a fourni des copies papier, toutefois aucune d'entre elles ne renvoie à la profession de thérapeute par l'athlétisme. Les copies papier font état d'offres d'emploi comme physiothérapeutes, massothérapeutes et moniteurs d'aérobie. J'ai fait des recherches sur le site workopolis et je n'ai trouvé aucune offre pour cette profession. Le sujet a dit qu'il n'avait pas trouvé d'offres d'emploi pour des thérapeutes par l'athlétisme mais qu'il sait que sa profession est en demande.

[6]         À mon avis, les commentaires de l'agent des visas concernent la capacité du demandeur de faire une recherche d'emploi efficace. Le terme « offre d'emploi » est utilisé dans le passage précité dans un sens analogue à « affichage d'emploi » . Le passage entier semble porter sur une recherche d'emploi effectuée par le demandeur au moyen de l'Internet et les copies papier tirées de cette recherche, qu'il a présentées à l'agent des visas. L'agent des visas ne tenait pas compte de l'incapacité de trouver un emploi, comme c'était le cas dans Zeng, précité, mais il appréciait la motivation ou l'ingéniosité du demandeur.


[7]         À mon avis, la capacité du demandeur de trouver des affichages d'emplois pour sa profession constitue une marque de son ingéniosité qui est une considération valide lorsqu'il s'agit d'apprécier le facteur de la personnalité. Pour ces motifs, je ne crois pas que l'agent des visas ait compté en double.

Conclusion

[8]         Appliquant la méthode prescrite de calcul aux conclusions tirées par l'agent des visas, je ne vois pas d'erreur. L'agent des visas a tenu compte des facteurs pertinents et a calculé les points d'appréciation du demandeur en conséquence.

[9]         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[10]       Ni l'une ni l'autre des parties n'a soulevé de question pour certification. Aucune question ne sera certifiée.


                                                          ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Il n'y a aucune question de portée générale à certifier.

                                                                                                                  « Judith A. Snider »          

                                                                                                                                         Juge                        

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.


                                                       COUR FÉDÉRALE

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                               IMM-1667-03

INTITULÉ :                                              RAIMONDAS MALINAUSKAS

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                        TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                      LE 23 JUIN 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ORDONNANCE :                                    LA JUGE SNIDER

DATE DES MOTIFS :                             LE 25 JUIN 2004

COMPARUTIONS:

Max Chaudhary                                           POUR LE DEMANDEUR

Marianne Zoric              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Cabinet juridique Chaudhary                        POUR LE DEMANDEUR

North York (Ontario)

Morris Rosenberg                                        POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

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