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                                                                                                                                     IMM-2502-95

 

 

 

 

 

Entre :

 

 

SHING BIU HUI, HANG SHEUN SO,

FUNG LUN HUI et CHING YAN HUI,

 

                                                                                                                                           requérants,

 

 

                                                                          - et -

 

 

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                                                                                                                 intimé.

 

 

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

 

LE JUGE DUBÉ

 

 

            La présente demande fondée sur l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, vise à obtenir une ordonnance annulant le rejet par un agent des visas, à Hong Kong, le 17 octobre 1994, d'une demande de résidence permanente au Canada présentée par le requérant.

 

            Le requérant, Shing Biu Hui (le requérant) a quarante-cinq ans; il est citoyen de la République populaire de Chine. Les autres requérants sont son épouse et ses deux enfants. De 1979 à 1985, il a travaillé comme coordinateur de production. En 1985, il a ouvert, à Hong Kong, le restaurant végétarien « Dor Bo Vegetarian Kitchen Ltd. », avec quatre autres associés, lui-même étant également gérant du restaurant. En 1991, il a contribué à l'installation du restaurant végétarien « Bo-Jik Vegetarian Inc. », à Vancouver (C.-B.) avec son épouse et deux autres associés.

 

            Au mois de février 1994, le requérant a présenté une demande de résidence permanente à titre d'entrepreneur. Le 17 octobre 1994, l'agent des visas (Mme S. Dragan, deuxième secrétaire) a rejeté sa demande. Voici les deux principaux paragraphes de sa lettre de refus :

 

 

[Traduction]

D'après moi, vous ne répondez pas à la définition de ce qu'est un entrepreneur. Vous avez été associé et gérant du Dor Bo Vegetarian Kitchen Limited depuis 1985. Mais, depuis sa création, cette entreprise a soit perdu de l'argent, soit fait de très faibles bénéfices. Au cours des quatre dernières années, le bénéfice moyen n'a été que de 22 199 $ Hong Kong par an. Si l'on se fondait sur votre activité au restaurant Dor Bo pour juger de vos capacités d'entrepreneur, on ne se ferait pas une très haute idée de votre sens des affaires. Le fait que cette entreprise fonctionne depuis neuf ans déjà n'empêche pas d'affirmer que si vous deviez compter uniquement sur vos activités de gestionnaire, vous et votre famille éprouveriez probablement de grandes difficultés.

 

                Vous affirmez également vous être associé dans le cadre d'un restaurant végétarien au Canada. Dans la mesure où votre activité au sein de cette entreprise canadienne semble se limiter à un investissement et ne comprend aucune activité de gestion, on ne peut guère se fonder sur ces entreprises pour dire si vous êtes en mesure de gérer effectivement une entreprise.

 

            Le requérant conteste la décision de l'agent des visas, estimant que celle-ci a commis une erreur de droit dans sa manière d'interpréter la définition du terme « entrepreneur » prévue au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration, qu'elle n'a pas tenu compte des éléments de preuve qui lui étaient présentées, qu'elle a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées et qu'elle n'a pas tenu compte du projet précis que le requérant lui avait exposé en vue de la création d'une entreprise au Canada.

 

            Selon le paragraphe 2(1) du Règlement, le terme « entrepreneur » est défini de la manière suivante :

 

« entrepreneur » désigne un immigrant

 

a) qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante, de façon à contribuer de manière significative à la vie économique et à permettre à au moins un citoyen canadien ou résident permanent, à part l'entrepreneur et les personnes à sa charge, d'obtenir ou de conserver un emploi, et

b) qui a l'intention et est en mesure de participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise ou de ce commerce;


            Le requérant fait valoir que cette définition ne contient aucune exigence précise concernant la rentabilité de l'entreprise à créer au Canada, estimant que l'agent des visas ne doit pas restreindre l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est reconnu en ne tenant compte que la prétendue absence de rentabilité. L'agent des visas doit également tenir compte de la valeur de l'actif net du requérant (qui dépasse les 2 millions de dollars), de ses antécédents professionnels, de la période d'activité du restaurant du requérant à Hong Kong (neuf ans), de la clientèle attirée par le requérant et son épouse (une ancienne actrice) et de sa capacité à contribuer activement à la gestion d'une entreprise au Canada qui, d'ailleurs, emploie plus d'un résident canadien (actuellement dix, en fait).

 

            Le requérant soutient également que l'agent des visas a commis plusieurs erreurs au niveau des conclusions de fait. Selon les preuves qu'il a fournies, en l'occurrence des états financiers préparés par un cabinet de comptabilité et démontrant que le restaurant de Hong Kong était en fait rentable et que, au 31 mars 1993, l'entreprise disposait de réserves financières et était effectivement rentable. Les administrateurs avaient été rémunérés. L'agent des visas n'a tenu aucun compte de la clientèle et de l'augmentation de la valeur de l'entreprise.

 

            Il faut savoir que pour obtenir gain de cause dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire fondée sur l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, le requérant ne saurait s'en tenir à démontrer que la Cour aurait pu aboutir à une conclusion différente. Le requérant doit démontrer l'existence soit d'une erreur de droit au niveau du dossier, soit d'un manquement au devoir d'équité qui accompagne ce qui constitue, en l'espèce, une évaluation de caractère essentiellement administratif.

 

            L'agent des visas a interrogé le requérant et examiné sa demande de résidence permanente. Elle a conclu qu'il ne correspondait pas à la définition d'« entrepreneur » étant donné que son entreprise de Hong Kong avait, depuis sa création, soit perdu de l'argent, soit rapporté de très faibles bénéfices. Elle a estimé que la rentabilité de l'entreprise du requérant à Hong Kong était l'un des facteurs permettant de juger de son sens des affaires. Si le requérant possède effectivement 2 millions de dollars d'actif net, cet argent ne provient pas des bénéfices de son entreprise mais de ce qu'il a hérité de sa famille. Ainsi, la valeur de son actif net ne permet pas de juger de son sens des affaires.

 

            S'il est vrai que la lettre de refus ne précise pas les éléments de preuve dont elle a tenu compte, les notes personnelles de l'agent des visas, ainsi que son affidavit indiquent qu'elle a effectivement tenu compte de tous les facteurs invoqués par le requérant.

 

            L'agent des visas a tenu compte des intérêts commerciaux que le requérant possède au Canada, mais, jusqu'ici, il ne s'agit que d'un investissement, car le requérant n'a pris aucune part à la gestion du restaurant de Vancouver.

 

            Le requérant n'a pas établi que l'agent des visas avait commis une erreur de droit, qu'elle avait manqué à un principe d'équité procédurale ou qu'elle avait rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait.

 

            En conséquence, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

 

 

 

 

         (Sign.) «J.E. Dubé»         

  J.C.F.C.

 

 

Le 9 janvier 1997

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme______________________________

 

     François Blais, LL.L.


                           AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

INTITULÉ :SHING BIU HUI, HANG SHEUN SO,

FUNG LUN HUI et CHING YAN HUI

 

- et -

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

No DU GREFFE :IMM-2502-95

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :Vancouver (Colombie-Britannique)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :Le 9 janvier 1997

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE DUBÉ en date du 9 janvier 1997

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

M. Andrew Z. Wlodyka                                                                                  pour les requérants

 

 

M. Sandra Weafer                                                                                                      pour l'intimé

 

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Lawrence Wong & Assocs.                                                                             pour les requérants

 Vancouver (C.-B.)

 

 

George Thomson                                                                                                         pour l'intimé

Sous-procureur général du Canada

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