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Date : 19990805


Dossier : IMM-6394-98

Entre :

     ABALA MOHAMED AL DALAWI

     Demandeur

     - et -

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     Défendeur

     MOTIFS D'ORDONNANCE

LE JUGE DENAULT :

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la "section du statut") rendue le 3 novembre 1998, selon laquelle le demandeur, citoyen de l'Irak, n'est pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      Kurde de confession musulmane, le demandeur est né le 1er juillet 1969 en Irak. En 1984, il a adhéré au Kurdish Democratic Party ("KDP"). En novembre 1988, il a commencé son service militaire au sein de l'armée irakienne, mais en juin 1990, craignant que des accusations d'espionnage soient portées contre lui, il a déserté l'armée. De février 1991 jusqu'en 1994, le demandeur est demeuré actif au sein du KDP, comme employé de bureau. Au début de l"année 1995, le demandeur aurait cependant refusé d'exécuter l'ordre d"un leader du KDP de porter une arme et de combattre pour le parti. Il a fui l'IRAK le 15 juin 1995 à destination de la Turquie. Il y est resté jusqu"en novembre 1995 d'où il est venu au Canada après un séjour d'environ deux semaines en Malaisie.

[3]      Dans sa revendication du statut de réfugié, le demandeur disait craindre la persécution du gouvernement de l'Irak dont il avait déserté l'armée, du KDP dont il avait refusé d'exécuter l'ordre d'un de ses leaders, et du Patriotic Unity of Kurdistan Party (PUK), un parti opposé au KDP, dont il ne partage pas l'opinion politique.

[4]      Vu les invraisemblances et les contradictions qu'il contenait, la section du statut n'a pas accordé foi au témoignage du demandeur et a rejeté sa demande de statut de réfugié au sens de la Convention.

[5]      Le demandeur s'en prend à l'analyse faite par la section du statut qui aurait erré en rejetant l'ensemble de sa revendication. Il reproche en particulier au tribunal d'avoir négligé de tenir compte que dans sa déclaration au point d'entrée, dix jours après son arrivée au Canada, il aurait déclaré avoir été membre du KDP1. Il lui reproche aussi d'avoir retenu dans sa déclaration au point d'entrée, sa fiche de renseignements personnels et son témoignage à l'enquête des omissions et des contradictions qui ont été néfastes à l'appréciation de sa crédibilité.

[6]      En l'espèce, il est clair que la section du statut a fait une affirmation exagérée en écrivant que "...jamais le demandeur n'a fait quelque allusion à un parti politique, KDP ou autres..." dans sa déclaration faite au point d'entrée alors qu'une note, en regard des organisations dont le demandeur avait été membre, précisait: "...Democratic Party (Kurdish)" (p. 025 du dossier du tribunal). Il ne faut pas en déduire pour autant que la décision est erronée et doit être cassée.

[7]      J'estime au contraire qu'en l'espèce, la section du statut n'a pas fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait, comme l'énonce l'alinéa 18.1(4)(d) de la Loi sur la Cour fédérale, et qu'il n'était pas déraisonnable, vu la preuve, de conclure au rejet de la demande.

[8]      Dans son témoignage, le demandeur avait en effet précisé que sa principale crainte de persécution provenait du gouvernement Irakien dont il avait déserté l'armée; et son témoignage à cet égard a été jugé par le tribunal comme étant laborieux et "...ses réponses vagues et embrouillées" (p. 4 de la décision). Malgré la gravité du geste posé, la section du statut a constaté que ni lui ni sa famille n'avaient été inquiétés à la suite de cette désertion. Quant à la crainte du demandeur à l'égard du KDP pour qui il avait travaillé et dont il disait maintenant avoir une crainte de persécution en raison de son refus d'obtempérer à un ordre de porter des armes, le tribunal n'en a rien cru. Non plus que ses craintes de représailles de la part du PUK. Bref, il ressort des motifs de la décision que les membres de la section du statut n'ont pas pu se convaincre de la crédibilité de l'ensemble du récit du revendicateur.

[9]      En conclusion, j'estime qu'en l'espèce l'intervention de la Cour n'est pas justifiée.

[10]      À la fin de l'audition, l'avocate du demandeur a soumis qu'aux fins d'un appel devant la Cour d'appel fédérale, la Cour devrait certifier la question suivante: "La Fiche d'interrogatoire au Port d'entrée est-elle admissible en preuve dans une revendication au statut de réfugié? Si oui, l'agent d'immigration a-t-il l'obligation de remettre l'ensemble de cette preuve au revendicateur avec tous les documents pertinents au moment même du déféré à la Section du statut."

[11]      J'estime qu'il n'y a pas matière à certifier cette question. En vertu du paragraphe 68(3) de la Loi sur l'immigration, la section du statut n'est pas liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve et peut recevoir les éléments qu'elle juge crédibles ou dignes de foi. Par ailleurs, cette question a déjà fait l'objet de jugements de cette Cour qui non seulement ont jugé admissibles les déclarations faites au point d'entrée mais aussi qu'elles n'enfreignaient pas les règles de justice naturelle2. Enfin, dans la mesure où lors de l'enquête devant la section du statut l'admission de cette preuve n'a pas été contestée, la certification de cette question ne saurait disposer de cet appel.

OTTAWA

le 5 août 1999

    

     Juge

__________________

     1      À la p. 4 de cette décision, la section du statut a écrit: "Pourtant, dans la déclaration précitée (exhibit A-7), jamais le demandeur n'a fait allusion à un parti politique, KDP ou autres, auquel il aurait adhérer (sic ) en Irak".

     2      Mongu et Mboyo c. Canada (Solliciteur général) 1994, 86 F.T.R. 59; Abdoli c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'immigration) IMM-3769-94, décision du 17 février 1995 (juge Muldoon) et Lin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'immigraton) IMM-4684-94, décision du 27 septembre 1995 (juge Gibson).

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