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     Date : 19980903

     Dossier : IMM-3533-98


EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE LUTFY

OTTAWA (ONTARIO), LE 3 SEPTEMBRE 1998


ENTRE

     MARKO MOUDRAK,

     demandeur,


     et


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


         défendeur.


     ORDONNANCE


         VU la requête introduite par le demandeur en vue d'obtenir un sursis à l'exécution d'une mesure d'interdiction de séjour prise contre lui le 25 novembre 1994, qui deviendra une mesure d'expulsion s'il ne quitte pas le Canada avant le 6 septembre 1998, en attendant qu'il soit statué sur sa demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de K. Mustakas qui lui a refusé la résidence permanente en application du paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration;

     LA COUR ORDONNE :

1.      La requête est accueillie.

2.      Il est sursis à l'exécution de la mesure d'interdiction de séjour prise contre le demandeur jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la demande d'autorisation de solliciter le contrôle judiciaire et, si l'autorisation en est accordée, jusqu'à ce que la demande de contrôle judiciaire ait été tranchée. Toute autre suspension de la mesure d'interdiction de séjour, si ce n'est pas à la suite de la décision sur la demande de contrôle judiciaire, doit être demandée au moyen d'une nouvelle demande.

                                         Allan Lutfy

                                         Juge



Traduction certifiée conforme



Tan, Trinh-viet




     Date : 19980903

     Dossier : IMM-3533-98


ENTRE

     MARKO MOUDRAK,

     demandeur,


     et


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


         défendeur.


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE LUTFY

[1]      Le demandeur sollicite une ordonnance portant sursis à l'exécution d'une mesure d'interdiction de séjour qui deviendra une mesure d'expulsion s'il ne quitte pas le Canada avant le 6 septembre 1998. Cette ordonnance est demandée à l'occasion d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision qui a rejeté une requête fondée sur des raisons d'ordre humanitaire sous le régime du paragraphe 114(2) de la Loi sur l'Immigration.

[2]      En l'absence d'une preuve produite par l'agent d'immigration qui a rejeté la demande du demandeur fondée sur des raisons d'ordre humanitaire, je suis certain que le dossier révèle une sérieuse question. Le rejet par l'agent d'immigration de la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire découlait apparemment d'une mauvaise interprétation, savoir que le demandeur n'était pas un "fils à charge" au moment de la demande de parrainage de conjoint présentée en faveur de sa mère vers la fin de 1993 ou au début de 1994. L'avocat du défendeur reconnaît que le demandeur était à l'époque un "fils à charge" au sens du Règlement sur l'immigration de 1978 .

[3]      Selon l'agent d'immigration, le défendeur reconnaît maintenant que le mariage de la mère avec un Canadien était et est authentique. De plus, une décision a été prise en 1998 pour approuver la demande de droit d'établissement de la mère en application du paragraphe 114(2). De nouveau, selon le dossier dont je dispose, l'agent d'immigration a insisté sur deux occasions distinctes dans son mémoire de trois pages daté du 22 juin 1998 selon lequel le demandeur n'était pas un "fils à charge" au moment de la demande de parrainage de conjoint. Cela laisse entendre que la décision de rejeter la demande du [TRADUCTION] "fils" fondée sur des raisons d'ordre humanitaire aurait très bien pu être différente n'eût été cette erreur. Le fait que la décision de l'agent d'immigration a été prise sans tenir compte des éléments disponibles constitue une sérieuse question.

[4]      Si le demandeur quitte le Canada, cela entraînera sa perte d'emploi et de la possibilité de poursuivre ses études dans ce pays. Il invoque également une dépendance émotive à l'égard de sa mère. Ces facteurs en soi ne constituent pas un préjudice irréparable. Toutefois, le fait que le défendeur a, de façon apparemment dilatoire, examiné la demande de parrainage de conjoint est, à mon avis, un facteur primordial qui parle en faveur d'un sursis d'exécution. Voir Rizzo c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 124 (QL) (C.F.1re inst.); Shchelkanov c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1994), 76 F.T.R. 151; et Petit c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 2 C.F. 505. Il a fallu au défendeur plus de quatre ans pour conclure que la demande de parrainage de conjoint était fondée sur un mariage authentique. Si cette décision avait été prise de façon opportune, le demandeur aurait très bien pu obtenir le droit d'établissement avec sa mère et ne pas se trouver dans sa situation difficile actuelle. En outre, le demandeur a appris que les agents ministériels avaient conclu que le mariage de sa mère était et est authentique et qu'elle obtiendrait le droit d'établissement seulement lorsque son avocat a consulté les dossiers ministériels peu de temps avant le dépôt de la présente requête. Ni le demandeur ni sa mère n'ont été avisés par le ministère de la décision d'accorder le droit d'établissement à la mère même si cette décision a été prise en juin 1998 et probablement dès février 1998. Le demandeur doit maintenant décider s'il faut quitter le Canada, et son emploi, volontairement par suite du retard ministériel. Dans ces circonstances uniques, j'ai conclu que les facteurs qui auraient pu par ailleurs être qualifiés de sérieux inconvénient constituent effectivement un préjudice irréparable.

[5]      De même, la prépondérance des inconvénients penche en faveur du demandeur. La condition légale qu'il quitte le Canada avant le 6 septembre 1998 aurait très bien pu être autre si la décision ministérielle selon laquelle le mariage était authentique avait été prise de façon opportune ou si la propre demande du demandeur fondée sur des raisons d'ordre humanitaire n'était apparemment pas viciée par l'erreur concernant son âge.

[6]      L'avocat du défendeur a mis en doute le pouvoir de la Cour de surseoir à l'exécution d'une mesure d'interdiction de séjour. L'alinéa 27(1)a) du Règlement sur l'immigration de 1978 prévoit le sursis à l'exécution de mesures d'interdiction de séjour. Voir Calderon c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1995), 92 F.T.R. 103 et Dugonitsch c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'immigration), (1992) A.C.F. no 320 (QL) (C.F.1re inst.). Pour les motifs invoqués dans l'affaire Petit précitée, je suis convaincu que les circonstances particulières de l'espèce justifient l'exercice du pouvoir discrétionnaire pour surseoir à l'exécution de la mesure d'interdiction de séjour à l'occasion d'une demande de contrôle judiciaire de la décision défavorable prise en application du paragraphe 114(2).

                             Allan Lutfy

                                 Juge

Ottawa (Ontario)

Le 3 septembre 1998

Traduction certifiée conforme



Tan, Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER



No DU GREFFE :                      IMM-3533-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Marko Moudrak c. MCI



LIEU DE LA TÉLÉCONFÉRENCE :          Ottawa (Ontario)

DATE DE LA TÉLÉCONFÉRENCE :          Les 31 août et 1er septembre 1998


MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          le juge Lutfy


EN DATE DU                      3 septembre 1998


ONT COMPARU :

Hart Kaminker                       pour le demandeur
David Tyndale                      pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Mamann, Kranc                      pour le demandeur
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
                             pour le défendeur

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