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Date : 20010226

Dossier : IMM-1070-00

                                                           Citation neutre : 2001 CFPI 116

ENTRE :

                          SHAHRAM FIRUZI MAGHAM

                                                                                                 demandeur

                                                         et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                  défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

A.        CONTEXTE

[1]                 La présente demande de contrôle judiciaire est introduite par Shahram Firuzi Magham (le demandeur), un citoyen iranien. Elle porte sur une décision du 12 mars 1999 de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal), qui a déterminé qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention, et ce pour deux motifs.


[2]                 Premièrement, le tribunal a constaté que son témoignage n'était ni crédible ni digne de confiance, en donnant quatre exemples :

a)         le fait qu'il n'a pu expliquer la contradiction entre son FRP et la pièce 7c) au sujet des circonstances qui ont mené à la cessation de son emploi en tant que vérificateur au ministère iranien de l'Économie et des Finances;

b)         une contradiction entre son FRP et son témoignage de vive voix portant sur les motifs pour lesquels on l'avait attaqué en février 1999;

c)         une contradiction entre la déclaration dans son FRP qu'il était en faveur de la cause monarchiste en Iran et son témoignage de vive voix, le tribunal déclarant qu'il n'avait « pas défendu la monarchie avec beaucoup de conviction » ; et

d)         les circonstances de son départ de l'aéroport de Téhéran en utilisant son propre passeport et en versant un pot-de-vin. Le tribunal a fondé ses conclusions sur la preuve documentaire (une réponse à une demande de la CISR).

[3]                 Le deuxième motif que le tribunal a donné pour rejeter la revendication, « dans l'éventualité où la preuve serait crédible » , portait sur la question de savoir si sa crainte reposait sur un fondement objectif. Sur cette question, le tribunal a conclu que le demandeur n'avait pas produit une preuve crédible démontrant l'existence d'un fondement objectif à sa crainte d'être persécuté.


[4]                 Le tribunal a fait référence au FRP du demandeur, dans lequel il « décrit l'arrestation de son ami Arzhang qui avait transmis des exemplaires du livre sur le prophète Mohammed, écrit par Ali Dashty » .

[5]                 Le tribunal a ensuite mentionné la réponse à une demande d'information de la CISR et conclu que la « preuve documentaire ne corrobore pas l'allégation du revendicateur selon laquelle le régime islamique rechercherait activement les gens soupçonnés de posséder et de diffuser des publications interdites » .

[6]                 Le tribunal a ensuite ajouté que si le revendicateur avait perdu son emploi parce qu'il avait été trouvé coupable d'une infraction, « il est raisonnable de s'attendre à ce qu'il produise des documents pour corroborer cette allégation » . Il a mentionné le fait que le revendicateur avait témoigné qu'après son départ d'Iran, sa famille avait reçu une citation à comparaître à son nom pour avoir copié et distribué des exemplaires du livre « Les vingt-trois jours » , qui est frappé d'interdiction.

[7]                 Le tribunal a déclaré que la citation à comparaître ne faisait pas partie des documents transmis par son avocat après l'audience. Le tribunal s'exprime ainsi à ce sujet, à la page 9 :

La citation à comparaître est importante car elle aurait constitué une preuve corroborante démontrant que le revendicateur était effectivement recherché par les autorités en raison de ses activités anti-religieuses. S'il existait une citation à comparaître, elle aurait été envoyée au revendicateur avec les pièces d'identité puisqu'il était essentiel de démontrer qu'il était recherché par les autorités.


[8]                 Le contrôle judiciaire a été entendu en même temps que la demande de contrôle judiciaire dans le dossier IMM-1069-00, qui visait l'annulation d'une détermination par un agent de révision des revendications refusées (ARRR) qu'il n'était pas membre de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (DNRSRC), ainsi que le contrôle judiciaire dans le dossier IMM-1071-00, qui porte sur la conclusion d'un conseiller de l'immigration qu'il n'existait pas de raisons humanitaires suffisantes pour accorder l'exemption permettant le traitement de la demande de résidence permanente de l'intérieur du Canada.

B. ANALYSE

[9]                 L'avocate du défendeur a admis que deux des quatre conclusions du tribunal sur la crédibilité ne résistaient pas à l'examen. Elle a convenu que la conclusion voulant que le demandeur n'avait pu expliquer une contradiction au sujet des circonstances entourant la cessation de son emploi auprès du gouvernement iranien ne pouvait être maintenue, puisqu'on ne lui en avait pas parlé. Elle a aussi admis qu'au vu de l'ensemble de la transcription, le demandeur avait fourni, dans son témoignage, une explication au sujet de l'attaque qu'il avait subie en février 1996.

[10]            Il reste deux conclusions quant à la crédibilité que l'avocate du défendeur déclare être fondées en droit.


[11]            Je partage l'avis de l'avocat du demandeur que le dossier ne justifie pas la conclusion que le demandeur n'avait pas défendu la monarchie avec beaucoup de conviction. Le demandeur a témoigné qu'il n'était pas monarchiste, mais il a ajouté qu'il acceptait ce mouvement comme représentant de l'opposition. Personne n'a cherché à obtenir du demandeur qu'il clarifie ce qu'il avait écrit dans son FRP, où il ne dit pas qu'il était membre du parti monarchiste ou même qu'il était associé à ce parti.

[12]            La dernière conclusion du tribunal au sujet de la crédibilité est liée au fait qu'il aurait quitté l'Iran par l'aéroport de Téhéran, après qu'un ami eut versé un pot-de-vin à un responsable de l'aéroport. Comme je l'ai déjà fait remarquer, le tribunal a conclu que cette allégation de versement d'un pot-de-vin n'était pas crédible en s'appuyant sur la preuve documentaire, savoir une déclaration de M. Farrell voulant qu'il était improbable qu'on puisse acheter un responsable de l'aéroport.

[13]            Il est de commune renommée que le tribunal peut privilégier la preuve documentaire par rapport au témoignage d'un revendicateur du statut de réfugié. Le problème qui existe ici, comme l'a fait remarquer l'avocat du demandeur, est que le tribunal avait aussi une preuve documentaire à l'effet contraire, qui déclarait que la corruption est endémique dans la fonction publique. Le tribunal avait aussi en sa possession une critique de la position de M. Farrell. Le tribunal n'a pas évalué cette preuve documentaire contradictoire et, en conséquence, je constate que sa conclusion sur ce point est fautive et qu'elle constitue une erreur susceptible de révision.


[14]            Par conséquent, il n'est possible de maintenir aucune des conclusions du tribunal au sujet de la crédibilité.

[15]            L'avocat du défendeur a essayé d'appuyer la décision du tribunal sur le fait qu'on n'avait pas contesté sa conclusion que le demandeur n'avait pas un fondement objectif à sa crainte d'être persécuté s'il retournait en Iran. La conclusion du tribunal sur ce point doit être écartée, pour plusieurs raisons.

[16]            Premièrement, la conclusion du tribunal que son témoignage n'était ni crédible ni digne de confiance a nécessairement coloré son évaluation lorsqu'il s'agit du critère objectif. Deuxièmement, l'examen du tribunal sur ce point n'a traité qu'un seul des motifs prévus par la Convention, savoir la persécution pour des motifs religieux. Troisièmement, il y a de la preuve dans le dossier IMM-1069-00 qui n'est pas techniquement admissible en l'instance (mais dont je ne peux ignorer l'existence), savoir qu'il a été condamné par un tribunal en Iran. Cette preuve a été fournie à l'ARRR après que le tribunal eut rendu sa décision, mais elle n'a pas été présentée par l'avocat dans les documents envoyés après l'audience parce qu'il ne l'avait pas à ce moment-là.


Page : 7

C. DISPOSITIF

[17]            Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision du tribunal est annulée et la question est renvoyée pour nouvel examen par une formation différente. Il n'y a pas de question certifiée.

« F. Lemieux »

J.C.F.C.

Le 26 février 2001

Vancouver (Colombie-Britannique)

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                                           IMM-1070-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                       Shahram Firuzi Magham

c.

MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           le 14 février 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :                   MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :                                                  le 26 février 2001

ONT COMPARU

M. Anthony Norfolk                                                          pour le demandeur

Mme Helen Park                                                                 pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Anthony Norfolk

Avocat et procureur

Vancouver (C.-B.)                                                            pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur

général du Canada                                                            pour le défendeur

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