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Date : 20060302

Dossier : IMM-889-05

Référence : 2006 CF 274

Ottawa (Ontario), le 2 mars 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

 

 

ENTRE :

PAULINA RODRIGUEZ MARTINEZ

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision en date du 27 janvier 2005 rendue par la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR), dans laquelle la demanderesse (Paulina Rodriguez Martinez) s’est vu refuser la qualité de réfugiée. La CISR a jugé non crédible le récit de la demanderesse et a conclu ce qui suit en rejetant sa demande : « [a]ux termes du paragraphe 107(2) de la [Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés], je suis tenue d’affirmer que la présente demande d’asile n’a aucun minimum de fondement ».

[2]               La demanderesse a demandé l’asile en alléguant qu’elle craignait de faire l’objet de persécution, sous forme d’assassinat, de viol à répétition, de menaces ou d’enlèvement, aux mains de son ancien patron, et ce, du fait de son appartenance à un groupe social, à savoir les femmes victimes de violence.

 

[3]               La CISR a conclu que le récit de la demanderesse n’était pas crédible pour les raisons suivantes :

·                    ses réponses étaient évasives;

·                    elle a invoqué de nouveaux motifs – selon lesquels son patron s’était livré à des tractations illicites dont elle avait eu connaissance – sans pouvoir expliquer de façon satisfaisante pourquoi elle ne les avait pas avancés plus tôt;

·                    son récit allait contre le bon sens;

·                    il y avait d’importantes contradictions entre son dossier de l’interrogatoire, son FRP et son témoignage oral;

·                    le rapport du psychologue qu’elle a soumis n’était pas digne de foi.

 

[4]               L’enlèvement et le viol, dans lesquels son ancien patron aurait été impliqué selon elle, étaient au cœur de la crainte de la demanderesse. Le dossier de l’interrogatoire de la demanderesse révèle qu’au début, lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle soupçonnait son patron d’avoir été impliqué dans son enlèvement, elle a répondu que des évènements étranges avaient commencé à se produire après qu’elle a quitté son emploi, c’est-à-dire qu’elle a reçu des menaces par téléphone et que son petit ami a été battu. Plus tard, dans son FRP et dans son témoignage devant la CISR, la demanderesse a indiqué qu’elle savait que son ancien patron était impliqué parce qu’elle avait entendu sa voix lorsqu’elle était avec son ravisseur.

 

[5]               Il est reconnu que la norme de contrôle applicable aux conclusions de la CISR relatives à la crédibilité telles que les conclusions en l’espèce est la norme de la décision manifestement déraisonnable. (Voir Aguebor c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1993] A.C.F. no 732 (C.A.F.) (QL).)

 

[6]               Dans sa décision, la CISR a satisfait aux critères qui doivent être remplis pour qu’un tribunal fasse preuve de retenue à l’égard d’une conclusion relative à la crédibilité tirée par la CISR :

·                    elle a fourni des motifs valables à l’appui de sa conclusion quant au manque de crédibilité;

·                    les inférences qu’elle a tirées reposent sur des conclusions plausibles;

·                    les inférences qu’elle a tirées sont étayées par la preuve;

·                    les conclusions de fait n’ont pas été tirées de façon abusive, arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve.

(Voir Bains c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 1144 (QL), au paragraphe 11.)

 

[7]               La CISR a eu tout à fait raison de mettre en doute la crédibilité du récit de la demanderesse au sujet de l’enlèvement. Si sa crainte était fondée sur le rôle de son ancien patron, on serait en droit de s’attendre à ce que la demanderesse dise dès le départ qu’elle savait que celui-ci était impliqué parce qu’elle avait entendu sa voix pendant l’enlèvement. De même, je ne trouve aucun motif me permettant de remettre en question les autres aspects des conclusions générales tirées par la CISR au sujet de la crédibilité.

 

[8]               La demanderesse a soulevé une question de droit concernant le paragraphe 107(2) de la Loi. Plus précisément, la demanderesse reproche à la CISR d’avoir commis une erreur de droit parce que, avant de déclarer que « la présente demande d’asile n’a aucun minimum de fondement », la CISR a dit ne pas disposer] « […] d’éléments suffisants crédibles et dignes de foi sur lesquels j’aurais pu me fonder pour rendre une décision favorable».

 

[9]               Le paragraphe 107(2) est rédigé ainsi :

107. (2) Si elle estime, en cas de rejet, qu’il n’a été présenté aucun élément de preuve crédible ou digne de foi sur lequel elle aurait pu fonder une décision favorable, la section doit faire état dans sa décision de l’absence de minimum de fondement de la demande.

107. (2) If the Refugee Protection Division is of the opinion, in rejecting a claim, that there was no credible or trustworthy evidence on which it could have made a favourable decision, it shall state in its reasons for the decision that there is no credible basis for the claim.

 

[10]           La demanderesse fait essentiellement valoir qu’il existe une différence importante entre « l’absence » et « l’insuffisance » d’éléments de preuve crédibles.

 

[11]           À première vue, il s’agit d’un argument qui peut paraître persuasif en théorie. Toutefois, un examen de la décision dans son ensemble révèle que la CISR ne disposait tout simplement pas d’éléments de preuve suffisants en droit pour lui permettre d’accueillir la demande. Comme l’a dit le juge Evans au paragraphe 30 de l’arrêt Rahaman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 3 C.F. 537 (C.A.F.) (QL), « l'existence de certains éléments de preuve crédibles ou dignes de foi n'empêchera pas une conclusion d’"absence de minimum de fondement" si ces éléments de preuve sont insuffisants en droit pour que le statut de réfugié soit reconnu au revendicateur ».

 

[12]           Il serait peut-être préférable de ne pas utiliser des expressions comme « insuffisance d’éléments de preuve crédibles » et « absence d’éléments de preuve crédibles » côte à côte. De plus, il y aurait peut-être lieu d’étudier l’opportunité de certifier la question de la juxtaposition du caractère suffisant des éléments de preuve crédibles et de l’absence d’éléments de preuve crédibles dans le contexte du paragraphe 107(2), mais la présente affaire ne se prête pas à ce genre d’analyse. En l’espèce, il n’existe tout simplement aucun motif valable justifiant l’annulation de la décision de la CISR.

 

[13]           Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-889-05

 

INTITULÉ :                                       PAULINA RODRIGUEZ MARTINEZ

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 28 FÉVRIER 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 2 MARS 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Loftus Cuddy

 

POUR LA DEMANDERESSE

Mme Marina Stefanovic

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gertler et associés

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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