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Date : 20050908

Dossier : IMM‑8659‑04

Référence : 2005 CF 1216

 

ENTRE :

 

IYENKARAN ARIYARATNAM

demandeur

 

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

LA JUGE SIMPSON

 

 

[1]               En l’espèce, il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) le 14 septembre 2004, par laquelle elle a conclu que le demandeur n’était pas un réfugié au sens de la Convention parce qu’il ne l’avait pas convaincue qu’il était un Tamoul sri‑lankais, comme il le prétendait.

 


[2]               Le demandeur a critiqué cette décision pour les motifs suivants :

a)                  La Commission a commis une erreur lorsqu’elle s’est fiée au rapport du Haut‑Commissariat du Sri Lanka en Inde (le Haut‑Commissariat) en ce qui concerne la validité des passeports sri‑lankais.

b)                  La Commission n’a pas mentionné l’offre du demandeur de faire authentifier son passeport.

c)                  La Commission n’a pas mentionné le témoignage du demandeur, selon lequel il n’avait besoin que de 15 à 20 jours pour obtenir la copie d’un rapport de police de l’Inde.

d)                  La Commission n’a pas analysé le poids à donner au certificat de naissance du demandeur.

e)                  La Commission n’a pas mentionné l’importance de la connaissance qu’avait le demandeur de la langue tamoule et des conditions régnant au Sri Lanka.

f)                    La Commission a commis une erreur en s’appuyant sur l’article 49 de la Convention des Nations Unies.

g)                  La Commission n’a pas agi raisonnablement lorsqu’elle a tiré des inférences défavorables des contradictions du demandeur dans sa déposition au sujet de la date figurant dans sa carte d’identité militaire et du fait qu’il n’a pas pu donner la date de naissance figurant dans le passeport indien frauduleux dont il s’était servi pour parvenir au Canada.

ANALYSE

Questions (a‑d)

 

[3]               Ces questions sont liées. Le problème le plus grave auquel a dû faire face le demandeur en l’espèce était le fait que nul numéro de carte nationale d’identité ne figurait pas dans son passeport de la manière habituelle. Il s’agissait donc d’un passeport « sans carte nationale d’identité ».

 

[4]               Lors de la première séance de son audience à la mi‑juin 2004, le demandeur a témoigné que, lorsqu’il est arrivé en Inde du Sri Lanka en décembre 2000, il s’est inscrit à la police indienne et qu’elle a préparé un rapport où étaient indiqués ses numéros de passeport et de carte nationale d’identité (le rapport). Lorsqu’il était en Inde, il a perdu son passeport et sa carte nationale d’identité. Cependant, il a témoigné, lors de la première audition des témoins devant la Commission au début juin 2004, qu’il n’était pas nécessaire de signaler leur perte à la police indienne parce qu’elle avait relevé les numéros nécessaires lorsqu’elle a préparé son rapport.

 

[5]               Après avoir perdu ses documents, le demandeur a demandé un nouveau passeport sri‑lankais (le passeport) et il s’est servi du rapport et de son certificat de naissance, qui indique que le Sri Lanka est le lieu de sa naissance, mais il n’y a pas de photo. Il lui a été délivré un nouveau passeport qualifié de « passeport sans carte nationale d’identité » parce que son numéro de carte nationale d’identité n’y était pas indiqué.

 

[6]               Lorsque l’audience a repris devant la Commission plus tard en juin 2004, le demandeur a contredit son témoignage antérieur et il a dit que si les numéros de son passeport et de sa carte nationale d’identité n’étaient pas mentionnés dans le rapport, c’était peut‑être parce qu’il avait simplement « montré » ces documents à la police indienne. Il a aussi témoigné qu’il avait pris ce jour‑là les dispositions pour que quelqu’un obtienne la copie du rapport en Inde et qu’il devait normalement le recevoir dans les 15 ou 20 jours. Il n’a jamais été produit à la Commission et aucune explication n’a été fournie.

 

[7]               La Commission a été troublée par le fait que le passeport du demandeur était un « passeport sans carte nationale d’identité » et elle n’a pas pu comprendre pourquoi c’était le cas puisque, selon son premier témoignage, ce numéro figurait dans le rapport, qui avait été utilisé dans la demande de passeport. Le trouble de la Commission n’était pas sans fondement. Le Haut‑Commissariat avait fourni à la Commission les renseignements suivants relatifs aux « passeports sans carte nationale d’identité » :

[TRADUCTION] L’absence de numéro de carte nationale d’identité peut constituer un signal d’alarme lorsque l’on soupçonne que l’intéressé a peut‑être frauduleusement usurpé l’identité d’une autre personne. Et en outre, même si le passeport sri‑lankais est sûr, on fait très peu de vérifications pour vérifier l’identité de la personne qui fait une demande de passeport. Et l’on ne délivre un passeport autorisant son titulaire à faire des déplacements multiples que lorsque qu’il a produit une carte nationale d’identité.

 

[8]               Je conclus que ces renseignements sont suffisants pour réfuter la présomption d’authenticité de documents officiels habituellement applicable, d’autant plus que le demandeur a changé de version au sujet du contenu du rapport, qu’il n’a d’ailleurs pas produit. Je suis d’avis que la Commission pouvait à bon droit conclure que le passeport en question était peut‑être un document sri‑lankais authentique, mais qu’il avait été obtenu frauduleusement par le demandeur par l’usage d’une fausse identité.

 

[9]               Dans les circonstances, l’offre du demandeur de faire authentifier ce passeport par le Haut‑Commissariat était dénuée de sens parce que son authenticité n’était pas en cause. De même, si la Commission n’a pas mentionné le fait que le demandeur avait offert de fournir de produire ce rapport, cela ne constitue pas une erreur puisqu’il n’a, en fait, jamais été produit.

 

[10]           Enfin, il est manifeste que la Commission était consciente du fait qu’elle avait une copie du certificat de naissance du demandeur dans son dossier et que celui‑ci s’en était servi avec le rapport dans le cadre de sa demande de passeport. Ces faits sont mentionnés dans la décision. Cependant, il n’y a pas d’observations sur les raisons pour lesquelles le certificat de naissance n’a pas été accepté comme preuve de nationalité sri‑lankaise. La Commission n’y a fait allusion que lorsqu’elle a remarqué que, à part le « passeport sans carte nationale d’identité », « il n’a présenté à l’audience aucune pièce d’identité avec photo ». Je suis d’avis que, comme le passeport n’était pas fiable, la Commission pouvait à bon droit choisir de n’accorder aucun poids à un document, comme un certificat de naissance, où ne figurait aucune photo. Les motifs auraient pu être exposés plus clairement à cet égard mais, dans les circonstances, ils sont suffisants.

 

Question e)

 

[11]           La preuve documentaire dont la Commission a été saisie montre qu’il y a une forte population tamoule en Inde. Dans les circonstances, le fait que le demandeur parlait la langue tamoule et qu’il était au courant des conditions régnant au Sri Lanka ne prouvait pas sa nationalité sri‑lankaise et, vu les doutes sérieux concernant sa nationalité, la Commission n’a pas commis d’erreur matérielle lorsqu’elle a omis de faire des observations au sujet de ces éléments de preuve.

 

Question f)

 

[12]           À la fin de sa décision, la Commission mentionne l’article 49 du Guide du HCNUR. Le demandeur dit, à raison, que cette mention n’a aucun sens. Cependant, je suis d’avis que cela constitue une erreur sans conséquence en l’espèce.

 


Question g)

 

[13]           Je conviens aussi avec le demandeur que les conclusions concernant la crédibilité par la Commission étaient peut‑être trop sévères et qu’elle a dépassé les bornes. Cependant, ce sont des considérations secondaires qui n’ont rien à voir avec le doute sérieux auquel a donné lieu le « passeport sans carte nationale d’identité »; les erreurs commises sont donc sans conséquence.

 

CONCLUSION

[14]           Pour tous ces motifs, la demande sera rejetée.

 

 

« Sandra J. Simpson »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 8 septembre 2005

 

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑8659‑04

 

 

INTITULÉ :                                                   IYENKARAN ARIYARATNAM

                                                                        c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 25 AOÛT 2005

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LA JUGE SIMPSON

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 8 SEPTEMBRE 2005

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lani Gozlan                                                      POUR LE DEMANDEUR

 

Kristina Dragaitis                                              POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Max Berger & Associates                                 POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

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