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Date : 20060711

Dossier : IMM‑6140‑05

Référence : 2006 CF 867

Ottawa (Ontario), le 11 juillet 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

 

ENTRE :

NADIA KARIMIAN

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse sollicite, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), le contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SAI), en date du 29 août 2005. La SAI a rejeté l’appel formé par la demanderesse contre la décision d’un agent des visas de refuser la demande parrainée de visa de résident permanent de son conjoint, en application de l’alinéa 117(9)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement), parce que la demanderesse ne l’avait pas déclaré comme son conjoint au moment où était traitée sa propre demande de résidence permanente.

 

POINTS LITIGIEUX

[2]               La demanderesse soulève ici deux questions :

1.      L’expression « à l’époque où cette demande a été faite », dans l’alinéa 117(9)d) du Règlement, signifie‑t‑elle la date à laquelle a été présentée la demande de résidence permanente?

2.      L’alinéa 117(9)d) du Règlement est‑il invalide ou inopérant pour raison d’inconstitutionnalité parce qu’il prive la demanderesse de son droit à la liberté et/ou de son droit à la sécurité de sa personne, d’une manière qui va à l’encontre des principes de justice fondamentale, en violation de l’article 7 de la Charte?

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, les réponses à ces questions sont négatives, et la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

FAITS

[4]               La demanderesse a obtenu un visa d’immigrante le 21 novembre 2003 au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés. Ce visa était valide jusqu’au 9 juillet 2004.

 

[5]               La demanderesse a accepté le 31 octobre 2003 la demande en mariage d’Abolghassem Wahabi, et ils se sont mariés le 14 mars 2004. C’était le second mariage de la demanderesse. Elle était divorcée quand lui fut délivré le 21 novembre 2003 son visa d’immigrante.

 

[6]               Quand la demanderesse est arrivée au Canada depuis la Syrie et qu’elle est devenue résidente permanente du Canada le 4 mai 2004, elle n’a pas révélé le changement intervenu dans sa situation matrimoniale.

 

[7]               La demanderesse a présenté une demande de parrainage en faveur de son mari en juillet 2004.

 

[8]               La demande de résidence permanente du mari de la demanderesse à titre de membre de la catégorie du regroupement familial a été refusée par un agent des visas, dans une lettre datée du 19 décembre 2004.

 

[9]               La demanderesse a fait appel de la décision de l’agent des visas devant la SAI le 2 février 2005.

 

DÉCISION CONTESTÉE

[10]           La SAI a rejeté l’appel de la demanderesse et confirmé la décision de l’agent des visas de refuser la demande de résidence permanente de son mari en tant que membre de la catégorie du regroupement familial.

 

[11]           Dans ses motifs, la SAI a estimé que comme la demanderesse n’avait pas déclaré son mari avant d’obtenir la résidence permanente le 4 mai 2004, il convenait d’appliquer l’alinéa 117(9)d) du Règlement, qui excluait le mari de la catégorie du regroupement familial.

 

[12]           Selon la SAI, l’expression « à l’époque où cette demande a été faite », dans l’alinéa 117(9)d) du Règlement, s’entend de la période qui commence par le dépôt de la demande et qui se termine par l’octroi de la résidence permanente.

 

[13]           La demanderesse avait fait valoir que cette expression se limitait au dépôt de la demande de résidence permanente et ne se poursuivait pas jusqu’à la date de l’octroi de la résidence permanente.

 

DISPOSITIONS LÉGALES ET RÉGLEMENTAIRES APPLICABLES

[14]           Les dispositions applicables de la Loi sont les suivantes :

13. (1) Tout citoyen canadien et tout résident permanent peuvent, sous réserve des règlements, parrainer l’étranger de la catégorie « regroupement familial ».

 

13. (1) A Canadian citizen or permanent resident may, subject to the regulations, sponsor a foreign national who is a member of the family class.

15. (1) L’agent peut procéder à un contrôle dans le cadre de toute demande qui lui est faite au titre de la présente loi.

15. (1) An officer is authorized to proceed with an examination where a person makes an application to the officer in accordance with this Act.

 

63. (1) Quiconque a déposé, conformément au règlement, une demande de parrainage au titre du regroupement familial peut interjeter appel du refus de délivrer le visa de résident permanent.

63. (1) A person who has filed in the prescribed manner an application to sponsor a foreign national as a member of the family class may appeal to the Immigration Appeal Division against a decision not to issue the foreign national a permanent resident visa.

 

[15]           Les dispositions applicables du Règlement sont les suivantes :

28. Pour l’application du paragraphe 15(1) de la Loi, la demande est faite au titre de la Loi lorsque la personne, selon le cas :

 

 

28. For the purposes of subsection 15(1) of the Act, a person makes an application in accordance with the Act by

 

a) présente la demande par écrit;

 

(a) submitting an application in writing;

 

b) cherche à entrer au Canada;

 

(b) seeking to enter Canada;

 

c) cherche à transiter par le Canada aux termes de l’article 35;

 

(c) seeking to transit through Canada as provided in section 35; or

 

d) demande l’asile.

 

(d) making a claim for refugee protection.

 

51. L’étranger titulaire d’un visa de résident permanent qui, à un point d’entrée, cherche à devenir un résident permanent doit :

 

51. A foreign national who holds a permanent resident visa and is seeking to become a permanent resident at a port of entry must

 

a) le cas échéant, faire part à l’agent de ce qui suit :

 

(a) inform the officer if

 

[…]

 

[…]

 

(ii) tout fait important influant sur la délivrance du visa qui a changé depuis la délivrance ou n’a pas été révélé au moment de celle‑ci;

 

(ii) material facts relevant to the issuance of the visa have changed since the visa was issued or were not divulged when it was issued;

 

117. (1) Appartiennent à la catégorie du regroupement familial du fait de la relation qu’ils ont avec le répondant les étrangers suivants :

 

117. (1) A foreign national is a member of the family class if, with respect to a sponsor, the foreign national is

 

a) son époux, conjoint de fait ou partenaire conjugal;

(a) the sponsor’s spouse, common‑law partner or conjugal partner;

[…]

[…]

(9) Ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les personnes suivantes :

(9) A foreign national shall not be considered a member of the family class by virtue of their relationship to a sponsor if

[…]

 

[…]

 

d) sous réserve du paragraphe (10), dans le cas où le répondant est devenu résident permanent à la suite d’une demande à cet effet, l’étranger qui, à l’époque où cette demande a été faite, était un membre de la famille du répondant n’accompagnant pas ce dernier et n’a pas fait l’objet d’un contrôle.

(d) subject to subsection (10), the sponsor previously made an application for permanent residence and became a permanent resident and, at the time of that application, the foreign national was a non‑accompanying family member of the sponsor and was not examined.

 

ANALYSE

Norme de contrôle

[16]           Les points que doit décider la Cour sont des questions de droit. La norme de contrôle qui est applicable est donc la décision correcte (Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982).

 

1.         L’expression « à l’époque où cette demande a été faite », dans l’alinéa 117(9)d) du Règlement, signifie‑t‑elle la date à laquelle a été présentée la demande de résidence permanente?

[17]           Selon la demanderesse, la SAI a commis une erreur de droit dans sa manière d’interpréter l’expression « à l’époque où cette demande a été faite », en disant que cette expression s’entend de la période qui débute par le dépôt de la demande et qui prend fin avec l’octroi de la résidence permanente.

 

[18]           La demanderesse a invoqué la décision dela Fuente c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 992, [2005] A.C.F. no 1219 (1re inst.) (QL). Dans cette affaire, la demanderesse s’était également mariée après avoir obtenu un visa d’immigrante, mais avant d’obtenir le droit d’établissement au Canada. La demanderesse s’était déclarée « célibataire » à son arrivée au Canada, mais avait voulu plus tard rectifier cette omission et parrainer son mari.

 

[19]           Le juge Harrington écrivait ce qui suit, aux paragraphes 30 et 31 :

Je ne suis pas d’accord pour dire que, si on donne leur sens courant aux mots « époque de la demande », tout demandeur pourrait contourner le Règlement en se mariant après avoir soumis sa demande. La réponse réside dans la fiche d’établissement. Mme dela Fuente aurait pu être renvoyée du Canada en vertu de l’ancienne Loi pour fausses déclarations. Dans le même ordre d’idées, l’article 40 de la LIPR interdit de territoire pour fausses déclarations le résident permanent ou l’étranger qui a fait une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent ou qui a été parrainé par un répondant dont il a été statué qu’il était interdit de territoire pour fausses déclarations. Le « préjudice » aurait pu être évité en ne pardonnant pas à Mme dela Fuente. Elle aurait pu être renvoyée, tout comme son mari en tant que personne parrainée par une répondante dont il a été statué qu’elle était interdite de territoire.

 

On devrait par ailleurs concilier, dans la mesure du possible, les versions anglaise et française du Règlement. Le texte français dit bien qu’il vise le cas « où le répondant est devenu résident permanent à la suite d’une demande à cet effet [...] ». La demande visant à devenir un résident permanent et le statut de celui qui a obtenu la résidence permanente lors de son établissement sont des questions bien distinctes.

 

 

[20]           Le défendeur a fait appel de la décision du juge Harrington, et la Cour d’appel fédérale a accueilli l’appel le 18 mai 2006 (dela Fuente c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 186, [2006] A.C.F. no 774 (C.A.) (QL)). Au paragraphe 51, le juge Noël s’exprime ainsi :

Je répondrais donc ainsi à la seconde question certifiée : l’expression « à l’époque où cette demande a été faite », dans l’alinéa 117(9)d) du Règlement, s’entend de la durée de la demande, depuis la date à laquelle elle a été amorcée par le dépôt du formulaire officiel jusqu’à la date à laquelle l’intéressé obtient le statut de résident permanent au point d’entrée.

 

Comme la demanderesse était mariée à ce moment‑là, et comme elle n’a pas révélé cette union, son mari est exclu de la catégorie du regroupement familial en vertu de l’alinéa 117(9)d) du Règlement.

 

[21]           En raison de la règle du stare decisis, je suis lié par l’arrêt de la Cour d’appel fédérale selon lequel l’expression « à l’époque où cette demande a été faite » comprend l’arrivée du demandeur de visa à un point d’entrée. La Commission n’a donc commis aucune erreur dans sa manière d’interpréter l’alinéa 117(9)d) du Règlement.

 

2.         L’alinéa 117(9)d) du Règlement est‑il invalide ou inopérant pour raison d’inconstitutionnalité parce qu’il prive la demanderesse de son droit à la liberté et/ou de son droit à la sécurité de sa personne, d’une manière qui va à l’encontre des principes de justice fondamentale, en violation de l’article 7 de la Charte?

[22]           La Cour d’appel fédérale a répondu à cette question par la négative (De Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 436, [2005] A.C.F. no 2119 (C.A.) (QL)). La demande d’autorisation de pourvoi déposée par l’appelante devant la Cour suprême du Canada a été rejetée le 22 juin 2006 (De Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] S.C.C.A. No 70 (QL)). Les parties ont reconnu que la présente demande devrait être rejetée si l’autorisation de pourvoi était refusée dans l’affaire De Guzman.

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE : La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                 IMM‑6140‑05

 

 

INTITULÉ :                                                NADIA KARIMIAN

                                                                     c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION et LE MINISTRE

DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE

LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                        LE 20 JUIN 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                       LE JUGE BEAUDRY

 

DATE DES MOTIFS :                               LE 11 JUILLET 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Munyonzwe Hamalengwa                              POUR LA DEMANDERESSE

 

Neeta Logsetty                                              POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Munyonzwe Hamalengwa                              POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                          POUR LES DÉFENDEURS

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

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