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Date : 20050930

Dossier : T-1795-01

Référence : 2005 CF 1347

ENTRE :

                                            L. S. ENTERTAINMENT GROUP INC.

                                              CHINA STAR PICTURES LIMITED

                                            FILM CITY (HONG KONG) LIMITED

                                         FLEA MARKET PRODUCTION LIMITED

                                         FOREIGN EXCHANGE FILMS LIMITED

                                          IMPERIAL INTERNATIONAL LIMITED

                                            LONG SHONG PICTURES (H.K.) LTD.

                           ONE HUNDRED YEARS OF FILMS COMPANY LIMITED

                                              et WIN=S ENTERTAINMENT LTD.

                                                                                                                                  demanderesses

                                                                          - et -

                                              FORMOSA VIDEO (CANADA) LTD.

                                      SHUN PO CHAN et MANDY HUI MEI CHEN

                                                                                                                                          défendeurs

          MOTIFS DE LA DÉCLARATION, DE L=ORDONNANCE ET DU JUGEMENT

LE JUGE GIBSON

INTRODUCTION

[1]                Les présents motifs font suite à une requête déposée pour le compte des demanderesses le 16 septembre 2004, par laquelle celles-ci sollicitent :


[traduction]

1.              La radiation de la défense de Formosa Video (Canada) Ltd. (Formosa) et de Mandy Hui Mei Chen (Chen) et un jugement par défaut en faveur de la demanderesse [sic] en ce qui concerne ces deux défenderesses.

2.              L=adjudication, en faveur des demanderesses, des dépens de la présente requête, des dépens découlant de la comparution avortée aux interrogatoires préalables et des dépens de l=action, taxés selon l=échelon supérieur du tarif.

3.              Toute autre réparation que la Cour pourra juger appropriée.

[2]                Les demanderesses ont demandé que la requête soit entendue [traduction] * aux lieu, jour et heure que fixera l=administrateur +.

[3]                Par dossier de requête supplémentaire déposé le 14 décembre 2004, les demanderesses ont demandé à la Cour de trancher la requête sur la base des prétentions écrites, conformément à l=article 369 des Règles de la Cour fédérale (1998)[1].

[4]                L=avocat des défendeurs a répondu en déposant, le 17 janvier 2005, un dossier de requête dans lequel il demande que la requête des demanderesses soit examinée par le juge soussigné, à titre de juge responsable de la gestion de l=instance, et qu=elle soit entendue en audience publique, et non sur la base de prétentions écrites. L=avocat des défendeurs a aussi brièvement contesté le bien-fondé de la requête, sur la foi de trois affidavits souscrits au soutien de la réponse.

[5]                L=avocat des demanderesses a déposé une réplique écrite le 18 janvier 2005.

[6]                Le 25 février 2005, l=avocat des demanderesses a déposé un autre dossier de requête supplémentaire portant sur les dommages-intérêts et les dépens. Ce document fait suite à une ordonnance de la Cour, en date du 24 janvier 2005, établissant un calendrier pour le dépôt de documents additionnels. Outre le dépôt de documents additionnels pour le compte des demanderesses, l=ordonnance de la Cour prévoyait que les défendeurs pourraient présenter une réponse au plus tard le 18 mars 2005. L=ordonnance disposait également que la Cour, exerçant le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 369(4) des Règles, statuerait par écrit sur la requête des demanderesses après le 18 mars 2005.

[7]                Les avocats des défendeurs ont informé la Cour, dans une lettre en date du 11 mars 2005, qu=ils cessaient d=occuper pour les défendeurs. La lettre précisait que les défendeurs feraient parvenir sous peu à la Cour un avis de leur intention d=agir seuls. Cependant, la Cour n=a reçu aucun avis à cet effet. De plus, la Cour n=a reçu aucune observation additionnelle de la part des défendeurs ou de quiconque en leur nom.

[8]                Compte tenu de ce qui précède, la Cour se penche à présent sur le fond de la requête des demanderesses.


CONTEXTE

a)          La déclaration

[9]                Dans leur déclaration, les demanderesses allèguent qu=elles sont individuellement titulaires, au Canada, du droit d=auteur sur 158 * films + en diverses langues asiatiques (les films en question), répertoriés et décrits comme des films produits pour la télévision et des productions cinématographiques. Elles soutiennent de plus que L. S. Entertainment Group Inc. (L. S. Entertainment) est notamment distributrice en gros de produits vidéo en langues asiatiques destinés au marché résidentiel au Canada, dont les films en question, et que L. S. Entertainment possède au Canada un droit, un titre et un intérêt protégés par la Loi sur le droit d=auteur[2]sur les films en question appartenant aux autres demanderesses. Elles précisent que L. S. Entertainment est [traduction] * la demanderesse active dans la présente instance; les autres demanderesses sont des parties aux termes du paragraphe 36(2) de la Loi sur le droit d=auteur qui n=ont pas l=intention de prendre part à l=instance à titre de titulaires du droit d=auteur +.

[10]            L. S. Entertainment est une société de la Colombie-Britannique dont le siège social est situé à Richmond, en Colombie-Britannique. Les autres demanderesses seraient des sociétés de Hong Kong qui poursuivent des activités dans le domaine de la réalisation ou de la distribution de films, ou des deux.

[11]            Les demanderesses soutiennent que les défendeurs ont violé le droit d=auteur sur les films de langues asiatiques en question, pour chacun desquels un droit d=auteur a été enregistré au Bureau du droit d=auteur du Canada et un certificat d=enregistrement de droit d=auteur a été dûment délivré.

[12]            Les demanderesses appuient leurs prétentions sur les présomptions établies au paragraphe 53(2) de la Loi sur le droit d=auteur, rédigé comme suit :



53.(2) Le certificat d'enregistrement du droit d'auteur constitue la preuve de l'existence du droit d'auteur et du fait que la personne figurant à l'enregistrement en est le titulaire.

53.(2) A certificate of registration of copyright is evidence that the copyright subsists and that the person registered is the owner of the copyright.


[13]            Les demanderesses allèguent également que Formosa Video (Canada) Ltd. (Formosa) est une société britanno-colombienne privée dont le siège social se trouve à Burnaby, en Colombie-Britannique, et qui compte trois (3) mandants dont chacun était, à l=époque pertinente, un dirigeant ou un administrateur de Formosa, ou l=un et l=autre à la fois. Elles affirment que les activités de Formosa consistent à exploiter une chaîne de quatre (4) clubs vidéo de Vancouver (Colombie-Britannique) et des environs, depuis lesquels Formosa distribue, loue et vend au grand public des films de langues asiatiques, notamment, offerts entre autres sur bandes magnétoscopiques VHS, sur VCD et sur DVD, à des fins de visionnement privé. Elles allèguent que la défenderesse Mandy Hui Mei Chen est la conjointe de Shun Po Chan et gestionnaire de Formosa.

[14]            En plus de réclamer un montant très élevé de dommages-intérêts qui comprend des dommages-intérêts punitifs ou, subsidiairement, la remise des bénéfices, les demanderesses cherchent à obtenir un jugement déclaratoire attestant que le droit d=auteur sur les films en question subsiste, que l=une ou l=autre des demanderesses est titulaire du droit d=auteur sur chacun des films en question et que L. S. Entertainment possède un droit, un titre et un intérêt protégés par la Loi sur le droit d=auteur relatifs au droit d=auteur sur les films en question qui sont la propriété des autres demanderesses. Elles demandent que la Cour décerne une injonction, rende une ordonnance Anton Piller prescrivant la garde et la préservation de toute copie contrefaite des films en question qui aura été saisie, et ordonne la remise, aux frais des défendeurs, des copies contrefaites et du matériel, de l=équipement et des dossiers qui s=y rapportent, le paiement des intérêts avant jugement et après jugement et le paiement des dépens.

b)          L=ordonnance Anton Piller et son exécution


[15]            Le 15 octobre 2001, une ordonnance Anton Piller comptant quinze (15) pages plus annexes a été rendue en l=espèce en faveur des demanderesses à la suite d=une audience ex parte et sur la foi d=un dossier de requête de cinq (5) volumes déposé le 10 octobre 2001, contre le commerce de Formosa sis au 4819 Kingsway, à Burnaby (Colombie-Britannique) [traduction] * [...] et tous autres locaux commerciaux, emplacements, véhicules motorisés et autres lieux et objets qui se trouvent dans la province de la Colombie-Britannique et qui peuvent être la propriété des défendeurs, être occupés par les défendeurs ou utilisés pour l=exploitation des affaires de Formosa par les défendeurs, leurs administrateurs, dirigeants, employés, préposés, agents, ayant cause ou ayant droit respectifs ou par toute société associée ou liée aux défendeurs [...] +. L=ordonnance s=appliquait à [traduction] * certains films de langues asiatiques présentés sur bande magnétoscopique VHS, dont les titres sont énumérés dans les annexes A à I jointes à la présente ordonnance et à l=égard desquels L. S. Entertainment Group Inc. [...] détient les droits exclusifs pour le Canada [...] +. Les directives complètes de l=ordonnance sont énoncées sous les titres suivants : Prise d=effet et durée de l=ordonnance; Objet de l=ordonnance : Les films; Lieux; Personnes autorisées; Rôle des personnes autorisées; Droits des défendeurs; Obligations des défendeurs; Obligations des demanderesses; Aliénation des objets et éléments matériels saisis; Heures d=accès; Injonction prohibitive provisoire; Requête ex parte et à huis clos; Mise sous scellés de documents; Engagement des demanderesses; Dispense du respect de certaines règles; Terminologie et interprétation; Dépens.

[16]            La déclaration, dont il a été question plus tôt et qui fait partie des documents dont la Cour a été saisie relativement à la requête pour l=obtention d=une ordonnance Anton Piller, a été déposée le 19 octobre 2001.


[17]            L=ordonnance Anton Piller a été exécutée aux locaux de Formosa au 4819 Kingsway, à Burnaby (Colombie-Britannique), le 8 novembre 2001. Cinq (5) personnes y ont assisté pour le compte des demanderesses, à savoir un avocat, un huissier, deux (2) représentants de L. S. Entertainment et un interprète. Un rapport intitulé * Report to the Court made pursuant to the Anton Piller Order + a été déposé à la Cour le 15 novembre 2001 à l=appui d=une requête, elle-même déposée le 14 novembre 2001, sollicitant une révision de l=exécution de l=ordonnance Anton Piller. L=avocat présent pendant l=exécution atteste dans le rapport que la défenderesse Mandy Hui Mei Chen était présente durant l=exécution, qu=on a communiqué avec un avocat pour le compte des défendeurs, que ce dernier a été consulté et que le contenu intégral de l=ordonnance Anton Piller a été expliqué aux personnes présentes. Trente-six (36) bandes magnétoscopiques de quatorze (14) films différents (les films saisis) et dix (10) disques de sauvegarde de l=ordinateur contenant les registres de location, les listes des clients et celles des clients alors en possession de bandes magnétoscopiques louées ont été saisis et emportés.

[18]            Comme il a été mentionné, les demanderesses ont déposé, le 14 novembre 2001, une requête sollicitant la révision de l=exécution de l=ordonnance Anton Piller, conformément aux directives de cette ordonnance. L=audition de la requête en révision a été ajournée par la Cour à cinq (5) reprises; le dernier ajournement est survenu le 27 mai 2002, alors que la Cour a ordonné que la requête soit ajournée sine die [traduction] * en attendant les discussions de règlement entre les parties +. Par la même ordonnance, la Cour a aussi ajourné sine die l=audition d=une requête déposée par les défenderesses le 2 avril 2002 [traduction] * en vue d=obtenir, notamment, une ordonnance annulant l=ordonnance Anton Piller rendue ex parte [...] en date du 15 octobre 2001 [...] +.

[19]            Il y a lieu de penser que les éléments matériels saisis au cours de l=exécution de l=ordonnance Anton Piller sont toujours en la possession ou sous le contrôle des demanderesses ou de leur avocat.


c)          La défense

[20]            Une défense a été déposée pour le compte des défendeurs le 8 janvier 2002. Après un certain nombre de paragraphes niant des allégations précises de la déclaration, la défense se termine par les paragraphes suivants :

[traduction]

13. En réponse au paragraphe 18 de la déclaration, les défendeurs déclarent, et considèrent comme fait avéré, que les activités dont se plaignent les demanderesses ont toujours été exercées avec le consentement des demanderesses et en vertu de licences consenties par elles par écrit, implicitement ou verbalement.

14. En réponse à la déclaration dans son ensemble, les défendeurs nient que les films soient protégés par un droit d=auteur au Canada et nient que les demanderesses ou l=une quelconque d=entre elles soient titulaires du droit d=auteur au Canada sur les films.

15. Plus particulièrement, les défendeurs nient que les films soient des oeuvres originales ou constituent une matière susceptible d=être protégée par un droit d=auteur. Les défendeurs nient de plus que les auteurs ou producteurs des films satisfassent aux conditions relatives aux auteurs et aux producteurs énoncées à l=article 5 de la Loi sur le droit d=auteur ou que la mise des films à la disposition du public ait eu lieu pour la première fois dans un pays signataire.

16. Les défendeurs nient en outre que l=un quelconque des auteurs des films ait été lié à une des demanderesses par un contrat de louage de services; ils nient que les films aient été produits dans le cadre d=un contrat d=emploi de leurs auteurs. De surcroît, les défendeurs nient que l=une quelconque des demanderesses ait obtenu une cession valide du droit d=auteur ou quelque droit exclusif sur les films à l=égard desquels existent un droit d=auteur, l=existence d=un tel droit étant niée.

17. En réponse additionnelle à la déclaration dans son ensemble, en ce qui a trait aux paragraphes 15, 16 et 17 [sic] ci-dessus, tout enregistrement d=un droit d=auteur sur les films invoqué à l=appui des prétentions des demanderesses est nul et non avenu.

18. De plus, en réponse à la déclaration dans son ensemble, les défendeurs déclarent, et c=est un fait avéré, qu=ils ne savaient pas ni n=avaient aucun motif raisonnable de soupçonner qu=il existait un droit d=auteur sur les prétendues oeuvres, droit d=auteur dont ils nient l=existence. Les défendeurs soutiennent que les demanderesses n=ont droit à aucune réparation, mais que, dans le cas contraire, les demanderesses n=auraient droit qu=à une injonction, conformément à l=article 39 de la Loi sur le droit d=auteur.


19. Les défendeurs prétendent que les prétentions des demanderesses se heurtent à la prescription du paragraphe 41(1) de la Loi sur le droit d=auteur. Les défendeurs prétendent de plus que les demanderesses sont privées de tout recours du fait de l=acquiescement et du manque de diligence.

[21]            En conséquence, les défendeurs demandent le rejet de l=action des demanderesses, avec dépens.

d)          Ordonnances interlocutoires pertinentes

[22]            Deux (2) requêtes en radiation de la défense ont déjà été déposées par les demanderesses. La première a été ajournée sine die. Quant à la deuxième, une requête en vue d=obtenir la radiation de la défense et un jugement par défaut contre Formosa et Mandy Hui Mei Chen, j=ai tiré les conclusions suivantes, dans une ordonnance en date du 8 janvier 2004, alors que j=agissais à titre de juge responsable de la gestion de l=instance :

[traduction]

LA COUR est convaincue que les réponses écrites aux questions formulées par écrit à l=occasion de l=interrogatoire préalable de Mandy Hui Mei Chen, comme il avait été convenu lors de l=interrogatoire préalable de Mme Chen à Vancouver (Colombie-Britannique), le 20 décembre 2002, sont, comme le font valoir les demanderesses, [traduction] * si dénuées de contenu significatif qu=elles équivalent à un refus absolu de répondre aux questions +;

ET LA COUR constate aussi que les éléments matériels déposés en l=instance par les défendeurs n=apportent aucune réponse à l=allégation des demanderesses portant que les défendeurs [traduction] * [...] se sont engagés pendant l=interrogatoire préalable oral à remettre copie des dossiers informatiques de Formosa relatifs aux films qui font l=objet de la présente action, mais ont ensuite refusé de ce faire +;

J=ai ensuite rejeté la requête des demanderesses en prononçant les directives suivantes :


[traduction]

[...]

2.              La défenderesse Chen se présentera à Toronto pour subir un nouvel interrogatoire préalable en son nom personnel et au nom de Formosa, aux frais des défendeurs, au moment dont seront convenus les avocats respectifs, mais quoi qu=il en soit, au plus tard soixante (60) jours suivant la date de la présente ordonnance, afin de répondre à toute question légitime posée dans l=interrogatoire préalable écrit du 15 janvier 2003 et à toute question légitime découlant des réponses données.

3.              Les défenderesses Formosa et Chen se conformeront, dans les soixante (60) jours de la date de la présente ordonnance, à l=engagement pris par Chen en réponse à la question 124 de l=interrogatoire préalable oral mentionné précédemment, tel qu=il est précisé dans les questions 123 et 125 dudit interrogatoire et nonobstant l=opposition expresse formulée par l=avocat de Chen et de Formosa relativement à cet engagement en réponse à la question 127 dudit interrogatoire préalable.

4.              Les demanderesses ont droit à leurs dépens dans la présente requête, calculés de la façon ordinaire et exigibles des défendeurs, quelle que soit l=issue de la cause.

[23]            Après consultation avec les avocats, j=ai organisé une conférence de règlement des litiges et rendu, le 5 mars 2004, une nouvelle ordonnance portant que cette conférence se tiendrait à Vancouver (Colombie-Britannique) un matin de la semaine du 14 juin 2004, à compter de 9 h 30, heure de Vancouver, et qu=elle ne devrait durer qu=une seule journée.

[24]            Dans une autre ordonnance en date du 5 mars 2004, j=ai modifié mon ordonnance du 8 janvier pour remplacer la période de soixante (60) jours dont il est fait mention au premier paragraphe de cette ordonnance traitant du bien-fondé de la question, ci-devant cité, par la date du 30 avril 2004, pour la participation de Mandy Hui Mei Chen à un nouvel interrogatoire préalable, à Toronto, en son nom personnel et au nom de Formosa.

[25]            Par ordonnance en date du 6 avril 2004, il a été décidé que la conférence de règlement des litiges, dont la tenue était prévue pour la semaine du 14 juin 2004, aurait lieu le 17 juin 2004 à compter de 9 h 30, heure de Vancouver, et qu=elle devait être complétée en une (1) journée. Au jour dit, l=avocat des demanderesses s=est présenté pour la conférence à l=heure et au lieu indiqués, en compagnie d=une représentant des demanderesses dûment autorisé par celles-ci à consentir en leur nom à toute entente négociée; l=avocat des défendeurs s=est aussi présenté, mais celui-ci n=avait pas reçu mandat de consentir à une entente au nom des défendeurs. Ni Mandy Hui Mei Chen, ni une autre personne ayant pleins pouvoirs pour le compte des défendeurs n=a comparu. Aucun avis prévenant de l=absence de Mandy Hui Mei Chen ou d=une autre personne ayant pleins pouvoirs n=a été transmis à la Cour ni aux demanderesses. En conséquence, le même jour, j=ai ordonné :

[traduction]

La conférence de règlement des litiges qui devait avoir lieu ce jour en l=espèce est ajournée sine die; les dépens relatifs à cette journée, que je fixe à sept cent cinquante dollars (750,00 $), devront être versés par les défendeurs aux demanderesses sans délai et quelle que soit l=issue de la cause.

Les défendeurs ne pourront entreprendre aucune autre démarche en l=instance, si ce n=est une mesure déjà ordonnée par la Cour ou une mesure prise en réponse à une action qui pourrait être accomplie pour le compte des demanderesses, jusqu=à ce qu=une preuve satisfaisante du paiement des dépens adjugés par la Cour par la présente soit déposée à la Cour.

Aucune preuve du paiement des dépens ainsi adjugés n=a été, à ce jour, déposée à la Cour.

LES OBSERVATIONS DES DEMANDERESSES AU SOUTIEN DE LA REQUÊTE ACTUELLEMENT DEVANT LA COUR

[26]            Au soutien de la présente requête en vue de faire radier la défense des défendeurs et d=obtenir un jugement par défaut contre les défenderesses Formosa et Mandy Hui Mei Chen (Mme Chen), l=avocat des demanderesses insiste sur le défaut de Formosa et de Mme Chen de se conformer à trois (3) ordonnances de la Cour, à savoir mon ordonnance du 8 janvier 2004 enjoignant à Mme Chen de se présenter à Toronto pour la poursuite de son interrogatoire préalable, telle que modifiée, mon ordonnance du 5 mars 2004 concernant la participation des défenderesses, à Vancouver, à une conférence de règlement des litiges, y compris l=ordonnance supplémentaire précisant que cette conférence se tiendrait le 17 juin 2004 et, enfin, mon ordonnance du 17 juin 2004 prescrivant le paiement des dépens de la journée par les défendeurs aux demanderesses, sans délai et quelle que soit l=issue de la cause.


[27]            En ce qui a trait à la première ordonnance, Mme Chen ne s=étant pas présentée à Toronto avant le 5 mars 2004, elle a demandé à la Cour de proroger le délai pour ce faire; le délai a été prorogé, dans un premier temps, au 30 avril 2004. Les parties ont convenu que l=interrogatoire se déroulerait le 29 avril 2004, mais en raison de circonstances touchant l=avocat des demanderesses et indubitablement indépendantes de sa volonté, le délai pour se conformer à cette ordonnance a de nouveau été prorogé jusqu=au 31 mai 2004, à la demande des demanderesses cette fois. Les demanderesses ont fait signifier à Mme Chen et à Formosa une convocation pour la poursuite de l=interrogatoire préalable, fixée au 31 mai 2004. À la suite de cette convocation, Mme Chen a informé les demanderesses, par l=intermédiaire de son avocat, qu=elle ne pourrait être présente ce jour-là, parce qu=elle se trouvait prétendument à Taiwan. Les demanderesses ont donc consenti à reporter l=interrogatoire de Mme Chen au 11 juin 2004. À cette date, les demanderesses et leur avocat se sont rendus au lieu et à l=heure fixés, mais, sans explication aucune, ni Mme Chen ni son avocat ne se sont présentés. Les demanderesses font observer qu=elles ont dû débourser les coûts entraînés par l=ajournement du 31 mai et par le défaut de Mme Chen de se présenter pour l=interrogatoire le 11 juin, coûts que les défendeurs ont refusé de payer.

[28]            Comme il a été mentionné, la Cour, après avoir consulté les avocats, a rendu une ordonnance fixant au 17 juin 2004 la tenue d=une conférence de règlement des litiges qui devait avoir lieu à Vancouver, à une heure et dans un lieu précisés dans l=ordonnance. Les demanderesses se sont présentées, représentées par leur avocat et par un dirigeant de L. S. Entertainment qui avait le pouvoir de lier les demanderesses. Bien que l=avocat de Mme Chen ait aussi été présent, Mme Chen elle-même ne s=est pas présentée. Son avocat a remis un certificat médical qui, de l=avis de l=avocat des demanderesses, avis que partage la Cour, était en tous points trop vague pour justifier l=absence de Mme Chen. Aucun nouveau certificat médical ni certificat médical plus précis n=a été présenté depuis.

[29]            Enfin, comme il a aussi été mentionné, la Cour a rendu une ordonnance fixant les dépens de la journée du 17 juin 2004, que les défendeurs devaient verser sans délai aux demanderesses. Deux (2) B peut-être même trois (3) B chèques ont été signés par l=un ou l=autre des défendeurs pour un montant correspondant aux dépens et transmis aux demanderesses, mais aucun n=a été honoré.

[30]            L=avocat des demanderesses termine ses observations écrites à ce sujet de la façon suivante :

[traduction]

Cet incident [c=est à dire le fait de remettre, pour acquitter les dépens relatifs à la journée du 17 juin 2004, des chèques qui ont ensuite fait l=objet de refus de paiement] étaye la prétention des demanderesses que le comportement de Mme Chen en mai et en juin [2004] n=avait guère à voir avec son état de santé, mais dénotait plutôt un refus arrogant et méprisant de se conformer aux ordonnances du tribunal.

LES OBSERVATIONS PRÉSENTÉES EN RÉPONSE POUR LE COMPTE DES DÉFENDEURS

[31]            L=avocat des défendeurs soutient que les demanderesses elles-mêmes ont une part de responsabilité dans le défaut des parties de se conformer à l=ordonnance de la Cour enjoignant à Mme Chen de se soumettre à un interrogatoire préalable à Toronto au plus tard le 31 mai 2004, puisqu=en acceptant de reporter l=interrogatoire au 11 juin 2004, elles ont renoncé à suivre l=ordonnance à la lettre. L=avocat prétend en outre que Mme Chen n=a pu se présenter à l=interrogatoire à la nouvelle date [traduction] * pour des motifs liés à son état de santé +, prétentions corroborées par un affidavit d=un avocat de Formosa et de Mme Chen, autre que celui qui les représente en l=instance.

[32]            Au sujet de l=absence de Chen à la conférence de règlement des litiges le 17 juin 2004, l=avocat estime que la Cour a réglé cette question de façon satisfaisante en ordonnant à Mme Chen ce jour-là de payer [traduction] * les dépens +.

[33]            Enfin, l=avocat prétend que le défaut de paiement des dépens fixés dans l=ordonnance [traduction] * n=était pas intentionnel, mais découle vraisemblablement, à tout le moins pour ce qui est du troisième chèque, du retard à présenter le chèque pour paiement, puisque d=autres chèques émis simultanément ont été honorés +.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[34]            Dans un dossier de requête supplémentaire concernant les dommages-intérêts et les dépens, déposé le 25 février 2005, l=avocat des demanderesses écrit :

[traduction]

Étant donné que les observations en l=espèce sont présentées sans audience, les demanderesses renoncent à leur demande de déclaration. Une ordonnance Anton Piller a été rendue. La Loi sur le droit d=auteur ne permet plus l=allocation de dommages-intérêts pour possession d=exemplaires contrefaits. Une injonction interlocutoire a été prononcée; les demanderesses sollicitent une injonction permanente. Les demanderesses ne donnent pas suite à leur demande pour dommages-intérêts punitifs; dans la mesure où le comportement des défendeurs au cours de la présente instance mérite d=être blâmé, nous soulèverons cet élément dans nos observations sur les dépens. Les demanderesses ne demandent pas la remise des bénéfices.

Les demanderesses sollicitent l=injonction permanente demandée, des dommages-intérêts préétablis plutôt que des dommages-intérêts généraux, la remise, l=intérêt, les dépens et la TPS, le cas échéant.


[35]            Par conséquent, les questions qu=il reste à trancher relativement à la présente requête sont les suivantes : premièrement, y a-t-il lieu de rendre une ordonnance radiant la défense et un jugement par défaut contre les défenderesses Formosa et Mme Chen? deuxièmement, est-il indiqué de statuer sur la demande à l=égard du défendeur Shun Po Chan? troisièmement, si la défense était radiée en ce qui concerne Formosa et Mme Chen et qu=un jugement par défaut était rendu contre elles, les réparations que les demanderesses cherchent maintenant à obtenir contre Formosa et Mme Chen, soit une injonction permanente, des dommages-intérêts préétablis, la remise B qui, présume la Cour, inclut la confiscation des films saisis et des dossiers de sauvegarde s=y rapportant B , les intérêts sur les dommages-intérêts préétablis et l=attribution des dépens aux demanderesses, y compris la taxe sur les produits et services, seraient-elles justifiées?

[36]            Enfin, la Cour se penchera brièvement sur les questions quelque peu incidentes de la confidentialité en ce qui concerne certains aspects du dossier de la Cour et du statut de l=avocat des défendeurs en l=espèce, compte tenu de la lettre en date du 11 mars 2005 dans laquelle celui-ci indique à la Cour que lui-même et son cabinet cessent d=occuper pour les défendeurs en l=instance, étant donné surtout qu=aucun avis d=intention d=agir seuls n=a été transmis depuis par aucun des défendeurs ou en leur nom.

ANALYSE


[37]            Par ordonnance en date du 3 juin 2003, le juge en chef adjoint de la Cour fédérale du Canada, maintenant juge en chef de la Cour fédérale, m=a désigné à titre de juge responsable de la gestion de l=instance dans la présente affaire. En conséquence, je suis associé de près à ce dossier depuis cette date, et même, à vrai dire, depuis quelques semaines avant cette date. Les documents concernant la présente requête, y compris les affidavits, sont plutôt sommaires à certains égards. Aussi m=appuierai-je, à certains égards encore une fois, sur la connaissance générale du dossier que j=ai acquise comme juge responsable de la gestion de l=instance, notamment sur mes notes au dossier concernant les négociations avec l=avocat des demanderesses et avec l=avocat des défendeurs, et plus particulièrement sur les notes au dossier qui se rapportent aux ordonnances que j=ai rendues en l=espèce.

a)          Radiation de la défense à l=égard de Formosa et de Mme Chen et jugement par défaut

[38]            Le paragraphe 221(1) des Règles de la Cour fédérale (1998)[3] (les Règles) est rédigé comme suit :

221. (1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d'un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas :

a) qu'il ne révèle aucune cause d'action ou de défense valable;

b) qu'il n'est pas pertinent ou qu'il est redondant;

c) qu'il est scandaleux, frivole ou vexatoire;

d) qu'il risque de nuire à l'instruction équitable de l'action ou de la retarder;

e) qu'il diverge d'un acte de procédure antérieur;

f) qu'il constitue autrement un abus de procédure.

Elle peut aussi ordonner que l'action soit rejetée ou qu'un jugement soit enregistré en conséquence.

221. (1) On motion, the Court may, at any time, order that a pleading, or anything contained therein, be struck out, with or without leave to amend, on the ground that it

(a) discloses no reasonable cause of action or defence, as the case may be,

(b) is immaterial or redundant,

(c) is scandalous, frivolous or vexatious,

(d) may prejudice or delay the fair trial of the action,

(e) constitutes a departure from a previous pleading, or

(f) is otherwise an abuse of the process of the Court,

and may order the action be dismissed or judgment entered accordingly.

[39]            L=arrêt Hunt c. Carey Canada Inc.[4], selon une jurisprudence constante, appuie la proposition voulant que le critère de radiation d=un acte de procédure, au Canada, dans des circonstances comme celles prévues au paragraphe 221(1) des Règles, consiste en la conclusion qu=il est évident et manifeste que l=acte de procédure ne révèle aucune cause d=action ou de défense. Malgré le délai écoulé depuis le dépôt de la défense en l=espèce, cet acte de procédure ne s=est pas rendu à une étape permettant de conclure avec quelque degré de certitude que la défense des défendeurs ne révèle aucune cause de défense valable. Par conséquent, la Cour ne peut faire droit à la demande des demanderesses de radier la défense pour ce qui est de Formosa et de Mme Chen en se fondant sur la règle 221.

[40]            Cependant, la question ne s=arrête pas là. L=introduction de l=article 97 des Règles et l=alinéa d) de cette règle sont rédigés comme suit :



97. Si une personne ne se présente pas à un interrogatoire oral ou si elle refuse de prêter serment, de répondre à une question légitime, de produire un document ou un élément matériel demandés ou de se conformer à une ordonnance rendue en application de la règle 96, la Cour peut :

                                                                                               

97. Where a person fails to attend an oral examination or refuses to take an oath, answer a proper question, produce a document or other material required to be produced or comply with an order made under rule 96, the Court may



.....

d) ordonner que l'instance soit rejetée ou rendre jugement par défaut, selon le cas;

...

                                                 [non souligné dans l=original]

.....

(d) dismiss the proceeding or give judgment by default, as the case may be;

...

                                                                    [emphasis added]


Le renvoi à l=article 96 des Règles, dans l=introduction l=article 97, ne s=applique pas aux faits en l=espèce.


[41]            Comme il a déjà été mentionné dans les présents motifs, la Cour a ordonné que Chen se soumette à nouveau à un interrogatoire préalable en son nom personnel et au nom de Formosa, à Toronto, aux frais des défenderesses, à une date qui a été prorogée par ordonnance jusqu=au 31 mai 2004. Les efforts en vue de convenir d=une date et d=une heure dans le délai prescrit pour la tenue de cet interrogatoire ont été vains. Aussi l=avocat des demanderesses a-t-il pris rendez-vous et signifié une convocation pour le 31 mai 2004, au bureau de l=auditeur officiel. Mme Chen affirme qu=elle se trouvait à Taiwan à cette date. Par conséquent, il a été convenu, sans que la Cour ait été consultée, de prolonger le délai du 31 mai 2004 de façon à ce que l=interrogatoire préalable puisse reprendre à Toronto le 11 juin 2004. L=avocat des demanderesses s=est présenté à l=heure et au lieu convenus, mais ni Mme Chen ni son avocat ne se sont présentés. L=avocat des demanderesses a été informé plus tard que l=absence de Mme Chen était due à son état de santé.

[42]            Que ce soit par son défaut d=accepter une date pour la poursuite de l=interrogatoire avant la fin du mois de mai 2004, par son défaut sans préavis de se présenter comme convenu le 11 juin 2004 ou par l=un et l=autre, je suis convaincu que Mme Chen, en son nom personnel et au nom de Formosa, a enfreint un ordre de la Cour au sens l=article 97 des Règles.

[43]            Par lettre en date du 16 juin 2004, dont copie a été transmise à l=avocat des demanderesses, l=avocat des défendeurs a informé la Cour et les demanderesses de ce qui suit :


[traduction]

Monsieur John Mao, l=avocat de langue mandarine de Mme Chen, m=informe que celle-ci, pour des raisons d=ordre médical et suivant les conseils de son médecin, ne pourra malheureusement pas se présenter à la conférence de règlement des litiges prévue pour demain. Il semble que Mme Chen doive prendre des médicaments et qu=elle ne pourra participer à la conférence ni en personne, ni par téléconférence. Vendredi dernier, 11 juin 2004, Mme Chen devait se présenter pour la poursuite de son interrogatoire préalable à Toronto, et j=ai appris le matin même que son état de santé ne lui avait pas permis de s=y rendre. M. Mao m=a remis ce matin une note du médecin, dont vous trouverez copie ci-joint, qui a été rédigée relativement au 11 juin 2004; M. Mao a aussi été informé cet avant-midi que le médecin de Mme Chen lui remettra aujourd=hui un autre rapport attestant son état de santé et son incapacité de se rendre à la conférence demain, rapport que je transmettrai à la Cour dès que je l=aurai reçu. Malheureusement, aucun autre dirigeant ou gestionnaire ne peut représenter Formosa Video (Canada) Ltd. à la conférence prévue pour demain.

La note du médecin dont il est question dans le passage précédent est la suivante :

[traduction]

À qui de droit :

Des raisons de santé ont empêché Mme Chen de se rendre à Toronto le 11 juin 2004.

Le texte d=une note semblable, en date du 16 juin 2004, se limite à ce qui suit :

[traduction]

Pour des raisons d=ordre médical, elle [Mme Chen] ne pourra prendre part à la procédure médicale [sic] demain, le 17 juin 2004.


[44]            L=avocat des demanderesses fait valoir avec insistance que les notes ou certificats médicaux présentés sont tout à fait insuffisants. Dans une lettre en date du 24 juin 2004, il demande la production de rapports plus détaillés. Aucune réponse n=a fait suite à cette lettre. Il semble que l=avocat des demanderesses ait été avisé, au cours d=une conversation téléphonique avec l=avocat des défendeurs, que des informations plus détaillées seraient transmises sous peu. Dans un document versé au dossier de la Cour, un dirigeant de L. S. Entertainment atteste qu=aucun rapport plus détaillé n=a été reçu.

[45]            Je partage l=opinion de l=avocat des demanderesses à ce sujet; j=estime aussi que les notes médicales qui ont été transmises sont tout à fait insuffisantes. En outre, aucune des deux notes n=a été reçue à temps pour empêcher que des inconvénients et des dépenses soient occasionnés.

[46]            S=il est vrai que l=ordonnance de la Cour fixant la date, l=heure et le lieu de la conférence de règlement des litiges n=est pas directement visée par la règle 97, je suis néanmoins convaincu que cette ordonnance a eu pour effet de créer une situation directement analogue à la première situation énoncée à l=article 97 des Règles; en conséquence, comme l=a demandé l=avocat des demanderesses, je suis disposé à me prévaloir de l=article 4 des Règles et à considérer le non-respect de l=ordonnance relative à la conférence de règlement des litiges comme le non-respect d=une ordonnance enjoignant de se présenter à un interrogatoire oral.


[47]            Comme je l=ai aussi déjà mentionné dans les présents motifs, j=ai ordonné, à la conférence de règlement des litiges avortée, que les défendeurs paient sans délai aux demanderesses les dépens de la journée, que j=ai fixés à sept cent cinquante dollars (750,00 $). Les demanderesses soutiennent que les défendeurs leur ont ensuite fait parvenir deux (2) chèques pour acquitter ces dépens; or, les deux chèques ont fait l=objet d=un refus de paiement. Les défendeurs soutiennent pour leur part avoir remis trois (3) chèques l=un après l=autre et plaident que les demanderesses auraient dû faire preuve de plus de diligence pour encaisser à tout le moins le dernier des chèques.

[48]            Je n=accepte pas la position des défendeurs et j=estime que le comportement des défendeurs en réponse à l=ordonnance relative aux dépens dénote le mépris d=une ordonnance de la Cour. Cela dit, l=ordonnance relative aux dépens n=est pas visée par l=article 97 des Règles.


[49]            Dans la décision Kuzmich c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l=Immigration)[5], la juge McGillis a souligné le caractère discrétionnaire du pouvoir conféré à l=alinéa 97d) des Règles de rejeter une instance ou de rendre un jugement par défaut. En se fondant sur les faits dont elle était saisie, elle a exercé ce pouvoir discrétionnaire pour rejeter une demande de contrôle judiciaire. J=estime approprié d=exercer mon pouvoir discrétionnaire de manière semblable en l=espèce et j=ordonnerai la radiation de la défense pour ce qui est des défenderesses Formosa et Chen, en raison du défaut de Mme Chen de se conformer à une ordonnance lui enjoignant de se présenter à nouveau, en son nom personnel et au nom de Formosa, à la poursuite de l=interrogatoire au préalable. Ce faisant, je tiens compte également du défaut de Mme Chen de se présenter à la conférence de règlement des litiges prévue pour le 17 juin 2004, ce sans excuse valable ni avis préalable, au mépris de l=ordonnance de la Cour; ce défaut, à mon avis, crée une situation analogue à celles directement visées par l=article 97 des Règles. Pour arriver à cette conclusion, j=ai aussi tenu compte du défaut des défendeurs de se conformer à l=ordonnance relative aux dépens mentionnée ci-dessus et de l=attitude générale adoptée par Mme Chen en son nom personnel et au nom de Formosa, attitude que j=ai observée durant la période où j=ai agi comme juge responsable de la gestion de l=instance en l=espèce et qu=attestent les éléments matériels au dossier de la présente requête. Je prends également en compte l=affidavit que Mme Chen a souscrit dans le cadre de cette requête et dans lequel elle se décrit comme la gestionnaire de Formosa, et le passage de la lettre adressée à la Cour par l=avocat des défendeurs le 16 juin 2004, qui précise qu=aucun autre dirigeant ou gestionnaire de Formosa ne pouvait remplacer Mme Chen à la conférence de règlement des litiges. Je déduis de cette déclaration et du comportement de Mme Chen durant toute la durée de l=instance qu=elle seule a le pouvoir de parler au nom de Formosa en l=espèce et qu=elle a toujours agi et parlé au nom de Formosa, ou fait défaut d=agir et de parler au nom de Formosa tout autant qu=en son nom personnel, sans avis suffisant et sans preuve de motif valable.

[50]            L=article 210 des Règles est libellé comme suit :



210. (1) Lorsqu'un défendeur ne signifie ni ne dépose sa défense dans le délai prévu à la règle 204 ou dans tout autre délai fixé par ordonnance de la Cour, le demandeur peut, par voie de requête, demander un jugement contre le défendeur à l'égard de sa déclaration.

(2) Sous réserve de l'article 25 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, la requête visée au paragraphe (1) peut être présentée ex parte et selon la règle 369.

(3) La preuve fournie à l'appui de la requête visée au paragraphe (1) est établie par affidavit.

(4) Sur réception de la requête visée au paragraphe (1), la Cour peut :

a) accorder le jugement demandé;b) rejeter l'action;

c) ordonner que l'action soit instruite et que le demandeur présente sa preuve comme elle l'indique.                                                           

210. (1) Where a defendant fails to serve and file a statement of defence within the time set out in rule 204 or any other time fixed by an order of the Court, the plaintiff may bring a motion for judgment against the defendant on the statement of claim.

(2) Subject to section 25 of the Crown Liability and Proceedings Act, a motion under subsection (1) may be brought ex parte and in accordance with rule 369.

(3) A motion under subsection (1) shall be supported by affidavit evidence.

(4) On a motion under subsection (1), the Court may

(a) grant judgment;

(b) dismiss the action; or(c) order that the action proceed to trial and that the plaintiff prove its case in such a manner as the Court may direct.

En l=espèce, une défense a été déposée, mais elle sera radiée à l=égard de Formosa et de Chen. Je suis convaincu que, dans ces circonstances, la Cour peut rendre jugement par défaut contre Formosa et Mme Chen en se fondant soit sur l=alinéa 97d), soit sur l=article 210 des Règles, puisque la radiation de la défense à l=égard des défenderesses a le même effet que si aucune défense n=avait été déposée pour leur compte.

[51]            La décision Allied Colloids Ltd. c. Alkaril Chemicals Ltd.[6] semble étayer la proposition selon laquelle un jugement par défaut ne devrait pas être rendu dans les cas où il est possible de faire valoir des questions de droit sérieuses ou lorsque les faits ne sont pas clairs et non contestés. Dans le cas présent, les défendeurs mettent en cause, dans leur défense, l=existence d=un droit d=auteur sur les films en question, la titularité du droit d=auteur sur les films en question et les droits de L. S. Entertainment au Canada en ce qui concerne les films en question. Cela dit, la défense ne soulève ces questions, qui sont manifestement des questions sérieuses, que dans les termes les plus généraux, et les défendeurs n=ont présenté aucun autre élément substantiel concernant ces questions depuis le dépôt de leur défense.

[52]            En revanche, une preuve fort abondante a été déposée à la Cour au soutien de la requête pour obtenir une ordonnance Anton Piller; ces éléments de preuve portent sur l=existence d=un droit d=auteur, la titularité du droit d=auteur et les droits au Canada de L. S. Entertainment en ce qui concerne les films en question. Un certificat d=enregistrement du droit d=auteur a été déposé à la Cour pour chacun des films en question, et chacun des certificats désigne L. S. Entertainment comme titulaire du droit d=auteur à tous égards au Canada. Le paragraphe 53(2) de la Loi sur le droit d=auteur prévoit :

53.(2) Le certificat d=enregistrement du droit d=auteur constitue la preuve de l=existence du droit d=auteur et du fait que la personne figurant à l=enregistrement en est le titulaire.                                                      

53.(2) A certificate of registration of copyright is evidence that the copyright subsists and that the person registered is the owner of the copyright.

[53]            Après examen de la requête sollicitant une ordonnance Anton Piller, un juge de la Cour a estimé que la preuve de l=existence et de la titularité d=un droit d=auteur et des droits s=y rattachant au Canada était suffisante, du moins à première vue et dans le contexte d=une requête ex parte, pour justifier de délivrer une ordonnance Anton Piller.

[54]            Compte tenu de ce qui précède, en particulier du caractère général des allégations de la défense, de la preuve abondante présentée par les demanderesses à l=appui de la requête pour obtenir une ordonnance Anton Piller, y compris les certificats d=enregistrement, et du fait qu=un juge de la Cour a estimé qu=une ordonnance Anton Piller était justifiée, je suis convaincu que les défendeurs n=ont pas satisfait au critère préliminaire énoncé dans la décision Allied Colloids Ltd., précitée, en établissant que l=affaire soulève une question de droit sérieuse ou met en cause des faits confus et en grande partie contestés.


[55]            Il n=est pas rare que la Cour accorde un jugement par défaut, une déclaration, une injonction et des dommages-intérêts dans des cas où une déclaration a été déposée et une ordonnance Anton Piller décernée et exécutée, et que le défendeur ou l=un des défendeurs fait défaut de comparaître pour l=audition d=une requête en révision de l=exécution de l=ordonnance Anton Piller et omet de déposer une défense dans le délai imparti. Pour autant que cette pratique soit justifiée, et je présume qu=elle l=est, il n=est pas dans l=intérêt de la justice, en principe, de permettre que des personnes contre lesquelles une ordonnance Anton Piller a été exécutée entravent et ignorent délibérément la procédure de la Cour pour leur avantage personnel; or, je suis convaincu que tel est le cas en l=espèce. En conséquence, je suis disposé non seulement à rendre un jugement contre Formosa et Mme Chen, mais aussi à accorder une réparation importante.

b)          Décision sur la requête en ce qui concerne Shun Po Chan


[56]            Les éléments matériels au dossier, en ce qui concerne la présente requête, ne mentionnent pas Shun Po Chan (M. Chan). Les demanderesses ne demandent aucune réparation contre lui dans le contexte de la présente requête. L=examen de l=ensemble des éléments d=information au dossier indique qu=il n=a pas participé activement à l=instance et que les demanderesses n=ont pas poursuivi l=instance contre lui. Compte tenu de ma décision de radier la défense et de prononcer un jugement par défaut contre Formosa et Mme Chen, et compte tenu des brèves remarques que je viens de faire au sujet de M. Chan et de mon expérience à titre de juge responsable de la gestion de l=instance en l=espèce, je vais rejeter l=instance à l=égard de M. Chan. Si l=avocat des demanderesses est d=avis que cette décision au sujet de M. Chan n=est pas appropriée suivant ce que prévoit l=article 397 des Règles, je serai disposé à réexaminer cet aspect de ma déclaration, de mon ordonnance et du jugement, étant donné que j=en prends moi-même l=initiative sans avoir sollicité les observations des parties.

c)          Réparations accordées à l=encontre de Formosa et de Mme Chen

i)           Une déclaration et une injonction permanente

[57]            La position des demanderesses, évoquée plus tôt, selon laquelle elles renoncent à leur demande en vue d=obtenir une déclaration, semble à la Cour incohérente, dans une certaine mesure, avec l=indication que les demanderesses maintiennent leur demande pour une injonction permanente contre Formosa et Mme Chen. De l=avis de la Cour, une conclusion portant qu=il existe sur les films en question un droit d=auteur dévolu aux demanderesses qui lie les demanderesses et Formosa et Mme Chen est une condition préalable à la délivrance d=une injonction permanente, à l=octroi de dommages-intérêts préétablis et à une ordonnance de remise. Par conséquent, la Cour considérera la proposition des demanderesses portant qu=elles renoncent à obtenir une déclaration comme une renonciation à l=égard seulement d=une déclaration in rem.


[58]            Je considère qu=il est essentiel de reconnaître la validité et la titularité du droit d=auteur entre les demanderesses, d=une part, et Formosa et Mme Chen, d=autre part, avant de pouvoir décerner une injonction permanente contre Formosa et Mme Chen. De plus, comme je l=ai déjà mentionné, je suis convaincu qu=une telle déclaration est justifiée au regard de la preuve en l=espèce. En outre, l=injonction interlocutoire existante a été prononcée il y a près de quatre ans. Vu ce qui précède, une déclaration valant entre les demanderesses et Formosa et Mme Chen sera prononcée, et une injonction permanente sera décernée contre Formosa et Mme Chen pour ce qui est des films en questions, suivant, en grande partie, la forme suggérée par les demanderesses.

ii)          Les dommages-intérêts préétablis

[59]            L=article 38.1 de la Loi sur le droit d=auteur est rédigé comme suit :



38. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le titulaire du droit d'auteur peut, comme s'il en était le propriétaire, recouvrer la possession de tous les exemplaires contrefaits d'oeuvres ou de tout autre objet de ce droit d'auteur et de toutes les planches qui ont servi ou sont destinées à servir à la confection de ces exemplaires, ou engager à leur égard des procédures de saisie avant jugement si une loi fédérale ou une loi de la province où sont engagées les procédures le lui permet.

(2) Un tribunal peut, sur demande de la personne qui avait la possession des exemplaires et planches visés au paragraphe (1), de la personne contre qui des procédures de saisie avant jugement ont été engagées en vertu du paragraphe (1) ou de toute autre personne ayant un intérêt dans ceux-ci, ordonner la destruction de ces exemplaires ou planches ou rendre toute autre ordonnance qu'il estime indiquée.

(3) Le tribunal doit, avant de rendre l'ordonnance visée au paragraphe (2), en faire donner préavis aux personnes ayant un intérêt dans les exemplaires ou les planches, sauf s'il estime que l'intérêt de la justice ne l'exige pas.

(4) Le tribunal doit, lorsqu'il rend une ordonnance visée au paragraphe (2), tenir compte notamment des facteurs suivants_:

a) la proportion que représente l'exemplaire contrefait ou la planche par rapport au support dans lequel ils sont incorporés, de même que leur valeur et leur importance par rapport à ce support;

b) la mesure dans laquelle cet exemplaire ou cette planche peut être extrait de ce support ou en constitue une partie distincte.

(5) La présente loi n'a pas pour effet de permettre au titulaire du droit d'auteur de recouvrer des dommages-intérêts en ce qui touche la possession des exemplaires ou des planches visés au paragraphe (1) ou l'usurpation du droit de propriété sur ceux-ci.

                                                                                               

38.1 (1) Subject to this section, a copyright owner may elect, at any time before final judgment is rendered, to recover, instead of damages and profits referred to in subsection 35(1), an award of statutory damages for all infringements involved in the proceedings, with respect to any one work or other subject-matter, for which any one infringer is liable individually, or for which any two or more infringers are liable jointly and severally, in a sum of not less than$500 or more than$20,000 as the court considers just.

(2) Where a copyright owner has made an election under subsection (1) and the defendant satisfies the court that the defendant was not aware and had no reasonable grounds to believe that the defendant had infringed copyright, the court may reduce the amount of the award to less than$500, but not less than$200.

(3) Where

(a) there is more than one work or other subject-matter in a single medium, and

(b) the awarding of even the minimum amount referred to in subsection (1) or (2) would result in a total award that, in the court's opinion, is grossly out of proportion to the infringement,

the court may award, with respect to each work or other subject-matter, such lower amount than$500 or$200, as the case may be, as the court considers just.

(4) Where the defendant has not paid applicable royalties, a collective society referred to in section 67 may only make an election under this section to recover, in lieu of any other remedy of a monetary nature provided by this Act, an award of statutory damages in a sum of not less than three and not more than ten times the amount of the applicable royalties, as the court considers just.

(5) In exercising its discretion under subsections (1) to (4), the court shall consider all relevant factors, including

(a) the good faith or bad faith of the defendant;

(b) the conduct of the parties before and during the proceedings; and


[60]            L=article 38.1, promulgué dans L.C. 1997, ch. 24, est entré en vigueur le 1er octobre 1999; il s=applique aux instances engagées après cette date et à l=égard des violations alléguées survenues après cette date. Il s=applique donc indubitablement aux faits de l=espèce. On trouve peu de jurisprudence commentant cet article[7]. Néanmoins, il ne fait aucun doute que l=article 38.1 s=inspire largement d=une disposition équivalente en droit américain qui a fait l=objet d=une jurisprudence abondante citée par les demanderesses.

[61]            En ce qui a trait au paragraphe 38.1(1), le choix des demanderesses a manifestement été fait avant le jugement qui met fin au litige. Les demanderesses sollicitent des dommages-intérêts préétablis de 1 000 $ pour chacun des quatorze (14) films saisis, un montant qui se rapproche du minimum prévu au paragraphe 38.1(1).


[62]            L=avocat des demanderesses fait valoir que le paragraphe 38.1(2) ne s=applique pas aux faits de l=instance. À l=appui de sa position, il cite l=affidavit souscrit par Michael Leung le 28 septembre 2001 au soutien de la demande pour une ordonnance Anton Piller. L=avocat des demanderesses renvoie plus précisément aux paragraphes 27 à 39 de cet affidavit, dans lesquels M. Leung explique de manière détaillée la façon dont les droits d=auteur auxquels prétendent les demanderesses dans les films en question ont été portés à la connaissance des défendeurs. Pour l=essentiel, cette preuve n=est pas contredite par la preuve au dossier. J=accepte les observations de l=avocat des demanderesses à cet égard.

[63]            Le paragraphe 38.1(3) traite des circonstances dans lesquelles le montant minimal de dommages-intérêts préétablis peut être réduit. L=avocat des demanderesses prie la Cour de ne pas exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère cette disposition. J=accepte l=argumentation de l=avocat sur ce point également.

[64]            Manifestement, le paragraphe 38.1(4) ne s=applique pas aux circonstances de l=espèce.


[65]            J=examinerai maintenant les facteurs dont doit tenir compte le tribunal dans l=exercice de son pouvoir discrétionnaire concernant l=attribution de dommages-intérêts préétablis. Tout en indiquant que le tribunal doit tenir compte de tous les facteurs pertinents, le paragraphe 38.1(5) en énumère trois : la bonne ou la mauvaise foi des défendeurs, le comportement des parties avant l=instance et au cours de celle-ci et la nécessité de créer un effet dissuasif à l=égard de violations éventuelles des droits d=auteur en question. J=ai déjà accepté que les défendeurs avaient été informés des prétentions des demanderesses quant à leur droit d=auteur sur les films en question. Les défendeurs ont néanmoins continué à diffuser et à louer des copies des films en question, et il semble qu=ils en aient également tiré des copies sans l=autorisation des demanderesses. Je suis convaincu qu=avant le début de la présente instance, les défendeurs ont fait preuve de mauvaise foi. Je suis aussi convaincu, comme je l=ai déjà mentionné, que la défenderesse Chen, tant pour son propre compte que pour celui de Formosa, a eu un comportement répréhensible au cours de l=instance. Enfin, compte tenu de la nature du commerce des défendeurs et de la nature des films en question et d=autres films et produits semblables à l=égard desquels les demanderesses revendiquent un droit d=auteur, j=estime que l=effet dissuasif constitue un facteur important.

[66]            Dans la décision Wing c. Van Velthuizen[8], le juge Nadon, maintenant juge à la Cour d=appel fédérale, a statué au paragraphe 74 de ses motifs :

Je suis d=avis d=accorder des dommages-intérêts préétablis. La violation du droit d=auteur est ici flagrante; l=intimée a reproduit le Journal dans son intégralité. Bien que l=intimée n=ai [sic] pas publié le Journal de mauvaise foi au départ, elle a été avertie à plusieurs reprises que son comportement violait le droit d=auteur des requérantes. Elle a refusé de manière répétée de mettre fin à sa violation du droit d=auteur et a tenté de vendre * son + droit d=auteur aux requérantes pour la somme de 125 000 $US. À mes yeux, à compter du moment où la violation du droit d=auteur lui a été notifiée, son comportement était répréhensible. En outre, en ce qui concerne le troisième facteur, compte tenu du comportement de l=intimée, il est absolument nécessaire de la dissuader de poursuivre sa violation du droit d=auteur en question. [...]

Si ce n=est le fait que la défenderesse ou intimée dans le cas cité revendiquait elle-même un droit d=auteur et tentait de vendre * son + droit d=auteur, je suis convaincu que tout le passage qui précède s=applique à la présente instance. Dans la décision Wing, le juge Nadon a réduit de moitié le montant de dommages-intérêts préétablis réclamé et a accordé 10 000 $ pour la violation d=une seule oeuvre protégée par le droit d=auteur. J=estime que le montant réclamé en l=espèce, soit 1 000 $ pour chacun des quatorze (14) films en question dont de multiples copies ont été saisies pour la plupart, sinon tous, est tout à fait raisonnable. J=accorderai donc aux demanderesses, contre les défenderesses Formosa et Chen conjointement et solidairement, des dommages-intérêts préétablis d=un montant global de 14 000 $.


iii)         La remise

[67]       Le paragraphe 34(1) de la Loi sur le droit d=auteur prévoit expressément la remise parmi les recours que peut exercer le titulaire d=un droit d=auteur. Cette disposition est ainsi libellée :


34. (1) En cas de violation d'un droit d'auteur, le titulaire du droit est admis, sous réserve des autres dispositions de la présente loi, à exercer tous les recours C en vue notamment d'une injonction, de dommages-intérêts, d'une reddition de compte ou d'une remise C que la loi accorde ou peut accorder pour la violation d'un droit.

                                          [non souligné dans l=original]


34. (1) Where copyright has been infringed, the owner of the copyright is, subject to this Act, entitled to all remedies by way of injunction, damages, accounts, delivery up and otherwise that are or may be conferred by law for the infringement of a right.

                                                                 [emphasis added]


[68]            Comme il a été mentionné, certains films et certains dossiers de sauvegarde informatiques ont été saisis pour le compte des demanderesses et remis en leur possession ou contrôle, ou en celui de leur avocat, au cours de l=exécution de l=ordonnance Anton Piller en l=espèce dans les locaux de Formosa au 4819 Kingsway, à Burnaby (Colombie-Britannique). J=ordonnerai que ces films et ces dossiers de sauvegarde informatiques soient confisqués au profit des demanderesses, qui pourront en disposer à leur gré.

[69]            Dans la décision Wing c. Van Velthuizen, précitée, le juge Nadon a également écrit aux paragraphes 75 et 76 de ses motifs :

Suivant le paragraphe 34(1) de la Loi, les requérantes ont droit à la remise. Je reprendrai l=extrait de la décision R. c. James Lorimer and Co., précitée, à la page 1073, sur la question de la remise :

[...] Il s=ensuit également que, une fois établi que l=oeuvre contrefaite comprend une partie importante de l=oeuvre protégée, le titulaire du droit d=auteur est réputé avoir la propriété de tous les exemplaires de l=oeuvre contrefaite ainsi que de toutes les planches qui ont servi à sa confection et a, prima facie, droit à l=aide de la Cour pour en prendre possession. Il incombe au contrefacteur d=établir des motifs qui justifieraient la Cour, dans l=exercice de son pouvoir discrétionnaire, de refuser un tel recours [...] Ces motifs doivent se fonder sur la conduite du titulaire du droit d=auteur et non sur la conduite ou les mobiles du contrefacteur.


Je suis d=avis d=accorder la remise de tous les exemplaires de contrefaçon. L=intimée n=a établi aucun motif qui justifierait de refuser cette réparation. Elle pourrait ne pas mettre fin à la vente ou à la distribution des exemplaires en sa possession.

[70]            Encore une fois, j=estime qu=on pourrait en dire autant en l=espèce. La Cour ordonnera la remise de toutes les copies des films en question qui sont en la possession ou sous le contrôle soit de Formosa, soit de Mme Chen.

iv)         L=intérêt

[71]            Suivant les articles 36 et 37 de la Loi sur les Cours fédérales[9], dans une instance dont le fait générateur est survenu dans une province, les règles de droit en matière d=intérêt avant jugement et celles en matière d=intérêt après jugement qui, dans cette province, régissent les rapports entre particuliers s=appliquent à une instance comme l=espèce. Je suis convaincu que le fait générateur de la présente instance est entièrement survenu dans la province de la Colombie-Britannique.

[72]            L=avocat des demanderesses n=a formulé aucune observation sur la question de l=intérêt, laissant apparemment le soin à la Cour de statuer sur les règles de droit applicables et d=établir en conséquence l=intérêt avant jugement et l=intérêt après jugement. La Cour ne saurait assumer cette responsabilité. Aucun intérêt avant jugement ni intérêt après jugement ne sera octroyé.


v)          Les dépens et la taxe sur les produits et services

[73]            Silencieux sur la question de la détermination de l=intérêt, l=avocat des demanderesses a, en revanche, formulé de nombreuses observations élaborées en matière de dépens; il précise que les honoraires engagés en l=instance pour le compte des demanderesses s=élèvent à 51 500 $ et que les débours et la taxe sur les biens et services totalisent 3 467,98 $. Il poursuit en demandant à la Cour d=attribuer un montant équivalant approximativement au tiers des honoraires engagés, soit 17 500 $, ainsi que les débours et la taxe sur les produits et services relative aux débours.

[74]            Le paragraphe 34(3) de la Loi sur le droit d=auteur dispose que les frais de toutes les parties à des procédures relatives à la violation d=un droit prévu par cette loi sont à la discrétion du tribunal. Ce principe est conforme à la règle générale relative aux dépens édictée dans les règles de la Cour.

[75]            Je suis convaincu qu=il est justifié en l=espèce d=allouer des dépens supérieurs à ceux attribués ordinairement, étant donné le comportement des défenderesses Formosa et Chen. J=estime également qu=il est approprié d=allouer un montant global afin d=éviter les difficultés susceptibles de découler d=une évaluation formelle des dépens. Par conséquent, des dépens au montant de 17 500 $ seront adjugés en faveur des demanderesses contre les défenderesses Formosa et Chen conjointement et solidairement, pour les honoraires, un montant que la Cour juge tout à fait raisonnable; des dépens au montant arrondi de 3 450 $ leur seront aussi alloués pour les débours et pour la taxe sur les produits et services relative aux débours.


QUESTIONS INCIDENTES

a)          La confidentialité

[76]            Le dossier de la Cour en l=espèce a été ouvert sous l=intitulé * Confidential c. J. Outtrim + dans le but, vraisemblablement, de préserver la confidentialité de la demande pour l=obtention d=une ordonnance Anton Piller, puis de maintenir la confidentialité en attendant l=exécution de cette ordonnance. Ces objectifs semblent avoir été atteints. La Cour ne voit vraiment pas pourquoi quelque élément de confidentialité concernant le dossier de la Cour devrait être maintenu au stade actuel de l=instance; en fait, l=ordonnance Anton Piller elle-même marque la levée du caractère confidentiel. Cet état de choses n=est pas consigné au dossier. En vue de favoriser l=accès à l=information, le jugement et l=ordonnance de la Cour en l=espèce annuleront tout caractère confidentiel relatif au présent dossier de la Cour.

b)          Le statut de l=avocat des défendeurs

[77]            Ainsi que l=a mentionné la Cour au début de ces motifs, l=avocat des défendeurs a transmis une lettre en date du 11 mars 2005 dans laquelle il informe la Cour que * nous +, c=est-à-dire le cabinet d=avocats qui représente les défendeurs, [traduction] * [...] cessons d=occuper pour les défendeurs dans le cadre de la présente action +. La lettre indique ensuite qu=il est entendu que les défendeurs agiront dorénavant seuls et qu=ils déposeront incessamment un avis d=intention d=agir pour leur propre compte. Rien n=indique que la Cour ait jamais reçu un avis à cet effet de quelque manière que ce soit.


[78]            Les articles 124 et 125 des Règles prévoient qu=une partie peut changer d=avocat au dossier, agir dorénavant seule ou se faire représenter par avocat en signifiant et en déposant un avis selon la formule prescrite, et qu=un avocat inscrit au dossier peut, pour sa part, présenter à la Cour une requête pour ordonnance de cessation d=occuper. Ni l=une ni l=autre de ces méthodes n=a été suivie pour que les avocats inscrits au dossier des défendeurs cessent d=occuper. Une simple lettre d=un avocat informant la Cour qu=il cesse d=occuper pour une partie est insuffisante. Dans les circonstances, le cabinet Oyen Wiggs Green & Mutala demeure inscrit au dossier des défendeurs dans la présente instance.

RÉSUMÉ

[79]            L=action sera rejetée en ce qui concerne le défendeur Chan.


[80]            La défense en l=espèce sera radiée pour ce qui est des défenderesses Formosa et Chen, et un jugement par défaut sera rendu en faveur des demanderesses contre Formosa et Mme Chen. Le jugement portera que le droit d=auteur dans les films en question, entre les demanderesses et Formosa et Mme Chen, subsiste en faveur des demanderesses et est opposable au Canada par la demanderesse L.S. Entertainment; une injonction permanente sera décernée interdisant aux défenderesses Formosa et Chen de violer le droit d=auteur des demanderesses dans les films en question, des dommages-intérêts préétablis au montant de 14 000 $ seront accordés aux demanderesses contre les défenderesses Formosa et Chen conjointement et solidairement, seront ordonnées la confiscation, au profit des demanderesses, des films et dossiers de sauvegarde informatiques saisis ainsi que la remise aux demanderesses, par les défenderesses Formosa et Chen, de toutes les copies des films en question en leur possession ou sous leur contrôle, et des dépens seront adjugés en faveur des demanderesses et contre les défenderesses Formosa et Chen conjointement et solidairement, au montant global de 20 950 $ comprenant les honoraires, les débours et la taxe sur les biens et services.

[81]            Tout caractère de confidentialité entourant le dossier de la Cour en l=espèce sera levé. Le cabinet d=avocats Oyen Wiggs Green & Mutala demeure inscrit au dossier des défendeurs jusqu=à la date du jugement.

         * Frederick E. Gibson +          

Juge

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 30 septembre 2005

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


COUR FÉDÉRALE

                            Avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                             T-1795-01

INTITULÉ :                            L. S. ENTERTAINMENT GROUP INC.

CHINA STAR PICTURES LIMITED

FILM CITY (HONG KONG) LIMITED

FLEA MARKET PRODUCTION LIMITED

FOREIGN EXCHANGE FILMS LIMITED

IMPERIAL INTERNATIONAL LIMITED

LONG SHONG PICTURES (H.K.) LTD.

ONE HUNDRED YEARS OF FILMS COMPANY LIMITED

et WIN=S ENTERTAINMENT LTD.

demanderesses

- et -

FORMOSA VIDEO (CANADA) LTD.

SHUN PO CHAN et MANDY HUI MEI CHEN

défendeurs

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER            

MOTIFS DE LA DÉCLARATION,

DE L=ORDONNANCE ET DU JUGEMENT :                  LE JUGE GIBSON

DATE DES MOTIFS :                                                           Le 30 septembre 2005

COMPARUTIONS :

Gary J. McCallum                                                                                 Pour les demanderesses

Bruce M. Green                                                                                    Pour les défendeurs

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      

Weisdorf McCallum & Tatsiou                                                  Pour les demanderesses

Toronto (Ontario)

Oyen Wiggs Green & Mutala Associates                                               Pour les défendeurs

Vancouver (Colombie-Britannique)



[1]               DORS/98-106.

[2]               L.R. 1985, ch. C-42.

[3]            DORS/98-106.

[4]               [1990] 2 R.C.S. 959.

[5]               [1998] A.C.F. no 1656 (C.F.1re inst.).

[6]            (1990), 34 C.P.R. (2d) 426 (C.F. 1re inst.).

[7]            Voir :Canadian Copyright Act Annotated, Carswell, 2002, édition à feuilles mobiles, jusqu=à la distribution no 3, publiée sous la direction de Richard, Carrière, Léger, Robic, Nahabedian et Grenier; etHughes on Copyright & Industrial Design, 2e édition, Butterworths.

[8]            (2001), 9 C.P.R. (4th) 449 (C.F. 1re inst.).

[9]            L.R.C. 1985, ch. F-7.

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