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Date : 20041221

Dossier : T-2121-03

Référence : 2004 CF 1762

Ottawa (Ontario), ce 21ième jour de décembre 2004

Présent :          L'HONORABLE JUGE SIMON NOËL

ENTRE :

                                                         ISABELLE D'AUTEUIL

                                                                                                                                   Demanderesse

                                                                             et

                                         PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

MARIE-CLAUDE MARQUIS

                                                                             

                                                                                                                                         Défendeurs

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision rendue le 14 octobre 2004 par le Comité d'appel de la Fonction publique du Canada (le « Comité d'appel » ), rejetant l'appel de la demanderesse, interjeté en vertu de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (la « Loi » ), opposant la nomination de Marie-Claude Marquis ( « Mme Marquis » ) sans concours pour une période indéterminée dans un poste de technicienne en administration des données des sciences halieutiques. Mme Isabelle D'Auteuil ("Mme


D'Auteuil" ou la "demanderesse") réclame une ordonnance annulant la décision du Comité d'appel et renvoyant l'affaire au Comité de sélection de la Commission de la fonction publique pour réexamen et détermination conformément aux dispositions de la Loi, ainsi que ses frais juridiques et tous autres remèdes que la Cour estime appropriés.

QUESTION EN LITIGE

[2]                Est-ce que le Comité d'appel a commis une erreur de droit ou de fait, ou a autrement agi de façon abusive, arbitraire ou en violation des principes de justice naturelle ou d'équité procédurale, en concluant que la nomination de Mme Marquis a été effectuée de façon régulière et conformément aux exigences du principe du mérite?

CONCLUSION

[3]                Pour les motifs exposés ci-dessous, je réponds à cette question par la négative.

LES FAITS


[4]                En octobre 2001, le Ministère des Pêches et Océans (le « Ministère » ) a ouvert un concours interne pour établir une liste d'admissibilité en vue de combler, à titre indéterminé, des postes de technicien(ne) en administration des données des sciences halieutiques (SI-02). La demanderesse et Mme Marquis ont participé à ce concours. Le 20 mars 2002, une liste d'admissibilité a été établie, valide jusqu'au 19 mars 2004, comptant six noms. Sur cette liste d'admissibilité, Mme d'Autueil s'est classée troisième et Mme Marquis, cinquième.

[5]                En date du 5 mai 2003, le premier candidat sur la liste d'admissibilité avait obtenu un emploi dans le cadre d'un concours et le deuxième candidat avait obtenu une nomination à un niveau de rémunération supérieur à son ancien emploi; cependant, leurs noms restaient toujours sur la liste. Mme d'Auteuil détenait une nomination pour une période déterminée finissant le 30 juin 2003, et le quatrième candidat détenait une nomination pour une période déterminée finissant le 30 septembre 2003. Mme Marquis était sans emploi depuis le 31 mars 2003.

[6]                Le 9 mai 2003, le Ministère a offert à Mme Marquis la nomination pour une période déterminée à un poste de technicienne en administration des données (SI-02) (le « poste déterminé » ) de 33 jours, du 5 mai 2003 au 6 juin 2003 inclusivement. Mme Marquis a accepté cette position.

[7]                Le 1er juin 2003, la Politique sur l'emploi pour une période déterminée (la « politique sur l'emploi » ) est entrée en vigueur, obligeant le Ministère à nommer dans un poste de durée indéterminée et d'un niveau égal à celui de son poste d'attache, toute personne ayant travaillé dans le même Ministère en tant qu'employé nommé pour une période déterminée pendant une période cumulative de trois années sans interruption de service de plus de soixante jours consécutifs.


[8]                Le 25 juin 2003, dans le cadre de la nouvelle politique sur l'emploi, le Ministère a offert à Mme Marquis, qui détenait à ce moment plus de trois années d'emploi consécutives au sein du Ministère, une nomination sans concours pour une période indéterminée sur une base saisonnière dans un poste de technicienne en administration des données des sciences halieutiques (SI-02). Cette nomination est entrée en vigueur le 1er juin 2003 (le « poste de technicienne SI-02 » ), et a été acceptée par Mme Marquis. Un avis de cette nomination et du droit d'appel correspondant a été donné le 23 juin 2003 et l'appelante a interjeté appel le 3 juillet suivant.

LA DÉCISION CONTESTÉE


[9]                Le Comité d'appel a rejeté l'appel de la demanderesse puisqu'il a conclu que celle-ci n'a pas démontré que la nomination de Mme Marquis, en date du 1er juin 2003, a été effectuée de façon irrégulière ou en contravention des exigences du principe du mérite. L'appelante ne pouvait pas, à ce stage-ci, se plaindre qu'elle aurait dû être nommée au poste déterminé qui a été offert à Mme Marquis, puisque ce n'était pas cette nomination qui a été portée en appel mais plutôt la nomination subséquente pour le poste à durée indéterminée.

[10]            Malgré cette décision, le Comité d'appel a quand même examiné la deuxième nomination au poste de technicienne SI-02 ainsi que la première nomination au poste déterminé, mais a conclu que le principe du mérite a été respecté. Selon le Comité d'appel, seule Mme Marquis était dans la position d'accepter le poste déterminé parce que les deux autres candidats avaient alors des postes de plus longue durée. De plus, la nomination au poste de technicienne SI-02 a été accordée à Mme Marquis en raison de l'obligation reposant sur le Ministère qui découle de la politique sur l'emploi.

LE CADRE LÉGISLATIF

Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-33 :



10.(1) Les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d'une sélection fondée sur le mérite, selon ce que détermine la Commission, et à la demande de l'administrateur général intéressé, soit par concours, soit par tout autre mode de sélection du personnel fondé sur le mérite des candidats que la Commission estime le mieux adapté aux intérêts de la fonction publique.

(2) Pour l'application du paragraphe (1), la sélection au mérite peut, dans les circonstances déterminées par règlement de la Commission, être fondée sur des normes de compétence fixées par celle-ci plutôt que sur un examen comparatif des candidats.

[...]

18.(1) Les nominations à des postes pourvus par voie de concours sont effectuées d'après la liste d'admissibilité conformément aux règlements de la Commission.

10.(1) Appointments to or from within the Public Service shall be based on selection according to merit, as determined by the Commission, and shall be made by the Commission, at the request of the deputy head concerned, by competition or by such other process of personnel selection designed to establish the merit of candidates as the Commission considers is in the best interests of the Public Service.

(2) For the purposes of subsection (1), selection according to merit may, in the circumstances prescribed by the regulations of the Commission, be based on the competence of a person being considered for appointment as measured by such standard of competence as the Commission may establish, rather than as measured against the competence of other persons.

[...]

18.(1) An appointment under this Act made to a position by competition shall be made from an eligibility list in accordance with the regulations of the Commission.


Règlement sur l'emploi dans la fonction publique (2000), DORS/2000-80 (le « Règlement » ):



1.            Les définitions qui suivent s'appliquent au présent règlement.

[...]

« niveau de titularisation » À l'égard d'un fonctionnaire, le groupe et le niveau professionnels en fonction desquels, selon le cas :

a) il touche son traitement;

b) il touchait son traitement au moment d'être nommé par intérim à un poste.

[...]

5.(2)         La sélection au mérite visée au paragraphe 10(2) de la Loi peut se faire dans l'une ou l'autre des circonstances suivantes :

[...]

c) la nomination pour une période indéterminée, à un poste au même niveau de titularisation ou à un groupe et niveau professionnels équivalents au sein d'une organisation, d'un fonctionnaire nommé pour une période déterminée qui compte au moins trois années de service au sein de l'organisation sans interruption de plus de soixante jours consécutifs selon les critères énoncés dans la Politique sur l'emploi pour une période déterminée du Conseil du Trésor en date du 12 décembre 2002, si cette politique s'applique à l'organisation;

[...]

15.(1)       Si une liste d'admissibilité a été établie pour un poste, toute nomination à ce poste doit être faite d'après cette liste à moins que celle-ci soit épuisée ou expirée, avant qu'une nomination soit faite selon un autre mode de sélection.

(2) Si une nomination ou une nomination intérimaire est faite d'après une liste d'admissibilité, le candidat nommé est celui qui occupe le rang le plus élevé sur la liste, qui remplit les conditions d'emploi visées au paragraphe 17(1.1) de la Loi et qui souhaite accepter la nomination et est en mesure de le faire.

[...]

17.(3)       En cas de nomination intérimaire ou pour une période déterminée faite d'après une liste d'admissibilité établie en vue de nominations pour une période indéterminée, le nom du candidat nommé est conservé sur la liste et celui-ci demeure admissible aux nominations pour une période indéterminée qui seront faites d'après la liste.

1. The definitions in this subsection apply in these Regulations.

[...]

"substantive level", in respect of an employee, means the occupational group and level

(a) at which the employee is being paid; or

(b) where the employee has received an acting appointment, at which the employee was being paid immediately before receiving the appointment.

[...]

5.(2)         A selection referred to in subsection 10(2) of the Act may be made in any of the following circumstances:

[...]

(c) the appointment for an indeterminate period, to a position at the same substantive level or to an equivalent occupational group and level in an organization, of an employee who is appointed for a specified period and who has accumulated in the organization at least three years of service without a break in service of more than 60 consecutive days under the criteria set out in the Term Employment Policy established by the Treasury Board and dated December 12, 2002, if the policy applies to the organization;

[...]

15.(1)       If an eligibility list has been established for a position, an appointment to the position must be made according to the list, unless it has been exhausted or has expired, before an appointment shall be made as a result of any other process of personnel selection.

(2) If an appointment is to be made from an eligibility list, including an acting appointment, the candidate ranking highest on the list who meets the conditions of employment referred to in subsection 17(1.1) of the Act and who is willing and available to accept the appointment shall be appointed to the position.

[...]

17. (3)If an acting appointment or an appointment for a specified period is made from an eligibility list established to make indeterminate appointments, the name of the appointed candidate shall remain on the eligibility list and the candidate shall remain eligible for future indeterminate appointments made from that list.


Politique sur l'emploi pour une période déterminée (12 décembre 2000), Conseil du Trésor :


7. Exigences de la politique

1. En vertu du paragraphe 7.2, lorsqu'une personne travaille dans le même ministère ou organisme en tant qu'employé nommé pour une période déterminée pendant une période cumulative de trois (3) années sans interruption de service de plus de soixante (60) jours civils consécutifs, le ministère ou organisme doit nommer cet employé dans un poste de durée indéterminée d'un niveau égal à celui de son poste d'attache. Cette nomination doit être effectuée selon le principe du mérite comme prévu dans le Règlement sur l'emploi dans la fonction publique, établi par la Commission de la fonction publique.

7. Policy Requirements

1. Subject to section 7.2, where a person who has been employed in the same department/agency as a term employee for a cumulative working period of three (3) years without a break in service longer than sixty (60) consecutive calendar days, the department/agency must appoint the employee indeterminately at the level of his/her substantive position. This appointment must be made in accordance with merit as provided for in the Public Service Employment Regulations established by the Public Service Commission.


PRÉTENTIONS DES PARTIES

La demanderesse


[11]            La demanderesse soumet que le Comité d'appel a erré dans son analyse de l'application du principe du mérite en l'espèce. Selon la demanderesse, pour comprendre comment le Ministère a complètement ignoré ce principe, il faut examiner non seulement la nomination de Mme Marquis effectuée le 1er juin 2003 au poste de technicienne SI-02 mais aussi la première nomination de Mme Marquis effectuée le 9 mai 2003 au poste déterminé. La sélection selon le principe du mérite constitue l'objectif principal de la Loi et le critère essentiel d'appréciation de l'exercice des pouvoirs conférés par la Loi : voir Buttar c. Canada (Procureur général) (2000), 186 D.L.R. (4th) 101 au par. 3 (C.A.F.), Bambrough c. Public Service Commission, [1976] 2 F.C. 109 au par. 10 (C.A.F.).

[12]            La demanderesse cite la décision de la Cour d'appel fédérale dans Greaves c. Trade General of Canada, [1982] 1 F.C. 806 au par. 5 (C.A.F.), pour argumenter que le principe du mérite ne requiert pas qu'une personne qualifiée pour le poste soit choisie mais plutôt que la personne la mieux qualifiée pour le poste soit choisie. Selon la demanderesse, elle était mieux qualifiée pour le poste de technicienne SI-02 que Mme Marquis.

[13]            La demanderesse fait valoir que l'utilisation de la politique sur l'emploi n'est qu'un moyen de cacher le fait que la première nomination de Mme Marquis au poste déterminé violait le principe du mérite. Si ce n'était du fait qu'elle a été nommée de façon irrégulière au poste déterminé (parce que les autres candidats n'ont pas été contactés), elle n'aurait pas accumulé trois ans de service consécutifs de façon à se qualifier pour le poste de technicienne SI-02 en vertu de la politique sur l'emploi.


[14]            Finalement, la demanderesse prétend que le Comité d'appel n'aurait pas dû accepter l'explication du Ministère quant à la question de savoir pourquoi le Ministère n'avait pas contacté les autres candidats figurant sur la liste d'admissibilité avant Mme Marquis. Le Ministère n'a soumis aucune preuve que les quatre premières personnes sur la liste d'admissibilité ont été contactées et a même admis que ces personnes n'ont pas été contactées de tout. De plus, le Ministère n'a soumis aucune preuve à l'effet que, si ces quatre personnes avaient été contactées, elles auraient refusé la nomination; la raison cité par le Ministère pour expliquer pourquoi il ne les a pas contactées.

Les défendeurs

[15]            Le défendeur, le Procureur général du Canada, est d'avis que le Comité d'appel avait raison de conclure que la première nomination de Mme Marquis au poste déterminé ne violait pas le principe du mérite. Subsidiairement, le défendeur argumente que seule Mme Marquis pouvait être nommée au poste de technicienne SI-02, parce que cette nomination fût faite conformément à la politique sur l'emploi, ayant travaillé pour le même Ministère pour une période déterminée de plus de trois ans. Par conséquent, le défendeur réclame le rejet de la demande de contrôle judiciaire.


[16]            Le défendeur prétend que la conclusion du Comité d'appel, soit que les candidats qui occupaient un poste de durée plus longue que le poste à combler n'auraient pas d'intérêt à se voir offrir un poste d'une durée inférieure, reflète la réalité du milieu de la dotation dans la fonction publique. De plus, le défendeur soumet que cette conclusion est conforme au texte de la Loi puisque, si le législateur avait voulu que tout candidat soit contacté sans égard à sa situation, il n'aurait pas ajouté les mots « et est en mesure de le faire » au texte du paragraphe 15(2) du Règlement.

[17]            Finalement, le défendeur prétend que l'argument de la demanderesse, à l'effet que les jours travaillés par Mme Marquis en vertu de sa nomination au poste déterminé ne lui confèrent aucun droit à l'égard de la politique sur l'emploi, est contraire à la décision de la Cour d'appel fédérale dans Murray c. Canada (Public Service Commission), [1987] F.C.J. no. 473 au par. 3 (C.A.F.). Dans cette décision, le juge Mahoney a statué qu'une nomination qui ne respectait pas le principe du mérite n'était pas entachée de nullité absolue. En conséquence, le défendeur argumente que Mme Marquis peut bénéficier des quinze jours de travail manquant (pour avoir une durée totale de plus de trois ans de travail continu comme le prescrit la politique sur l'emploi), et qu'il serait injuste de lui refuser l'avantage de ces quinze jours tenant compte de l'objectif de la politique sur l'emploi.

[18]            Le défendeur demande que cette demande de contrôle judiciaire soit rejetée avec dépens.

[19]            Mme Marquis n'a pas déposé de mémoire.


ANALYSE

La norme de contrôle

[20]            La demanderesse est d'avis que la norme de contrôle judiciaire appropriée est celle de la décision correcte puisque l'appel soulève une question de droit quant à l'application du principe du mérite : Boucher c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no. 86 au par. 7 (C.A.F.), Fournier c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no. 1394 au par. 23 (1ère inst.), et Buttar précité, au par 17.

[21]            Pour sa part, le défendeur indique que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision manifestement déraisonnable, puisque la question à déterminer est celle de savoir si le Comité d'appel a bien interprété l'article 15(2) du Règlement, reproduit ci-haut, qui stipule que les nominations faites à partir d'une liste d'admissibilité doivent être faites en faveur du candidat « qui occupe le rang le plus élevé sur la liste, qui remplit les conditions d'emploi visées au paragraphe 17(1.1) de la Loi et qui souhaite accepter la nomination et est en mesure de le faire. » Le défendeur est d'avis que déterminer si un candidat « est en mesure » d'accepter une nomination est une question de fait relevant du domaine d'expertise du Comité d'appel, soit la dotation. La Cour doit donc faire preuve du degré le plus élevé de déférence : Boucher c. Canada, [1998] A.C.F. no. 1557 au par. 7 (confirmé par la Cour d'appel fédérale, précité).

[22]            Il me semble que cette question est plutôt une question mixte de droit et de fait. La question à savoir si c'était raisonnable de ne pas contacter les autres candidats nécessite un examen des circonstances pour chaque candidat est donc une question de fait, tandis que la détermination quant à savoir si cette méthode de procéder a violé le principe du mérite ou non est plutôt une application de droit. Généralement, la norme de contrôle sur une question de droit et de fait est celle de la décision raisonnable simpliciter : voir Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, aux pages 256 et suivants.


[23]            De plus, suivant l'approche pragmatique et fonctionnelle énoncée par la Cour suprême du Canada dans Dr. Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, une application de la norme de contrôle de la décision raisonnable simpliciter semble être la plus appropriée. Premièrement, il n'y a pas de clause privative dans la Loi. Deuxièmement, le Comité d'appel est expert en ce qui a trait aux questions concernant le processus de nomination, incluant la question à savoir si un candidat « souhaite accepter la nomination et est en mesure de le faire. » Ceci n'est pas une question de droit mais une question de fait, portant sur les particularités des candidats sur une liste d'admissibilité. Troisièmement, la Loi est polycentrique en ce qu'elle vise à résoudre des questions concernant l'emploi dans la fonction publique. Finalement, la question exige un examen des circonstances dans lesquelles la nomination a été accordée à Mme Marquis et non pas à un des autres candidats. Cette dernière analyse concerne l'application d'une norme juridique à un ensemble de faits : est-ce que, dans les circonstances, il était raisonnable et conforme au principe du mérite, que Mme Marquis fût nominée au poste déterminé et non pas un des autres candidats? Ceci est une question mixte de fait et de droit. Pour trancher cette question, la Cour doit examiner les motifs du tribunal pour vérifier s'ils contiennent un mode d'analyse pouvant raisonnablement amener le tribunal à parvenir à la conclusion qu'il a tirée compte tenu de la preuve dont il disposait : Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247.

L'analyse de la décision du Comité d'appel


[24]            Le Comité d'appel a conclu qu'il n'était pas erroné, irrégulier ou illégal de la part du Ministère de nommer Mme Marquis dans un poste à durée indéterminée au niveau SI-02, puisqu'au 1er juin 2003 elle détenait un poste de ce niveau. De plus, le Comité d'appel a conclu que même si le poste déterminé avait été offert à Mme d'Auteuil, elle n'aurait pas automatiquement obtenu le poste de technicienne SI-02 qui a été offert à Mme Marquis puisque cette offre résulte de l'application de la politique sur l'emploi. Il n'y a pas de raison d'intervenir dans ces conclusions du Comité d'appel. L'offre d'un tel poste indéterminé n'aurait pas été faite automatiquement à Mme d'Auteuil puisqu'elle ne détenait pas trois ans de service continu pour le Ministère. Il est possible qu'un tel poste indéterminé aurait pu être offert à Mme d'Auteuil sans l'application de la politique sur l'emploi, mais aucun preuve ne suggère que tel était le cas. Cette question est théorique.

[25]            Il semble raisonnable que le Comité d'appel ait accepté l'explication du Ministère quant à savoir pourquoi les autres candidats sur la liste d'admissibilité n'ont pas été contactés le 9 mai 2003 au sujet du poste déterminé. Il est fort probable qu'ils n'auraient pas accepté un emploi d'une durée inférieure à celui qu'ils occupaient déjà. Seule Mme Marquis était sans emploi à ce moment. Ceci ne viole pas le principe du mérite. De plus, comme c'était un poste déterminé et non pas indéterminé, il est possible d'argumenter que le Ministère n'avait pas l'obligation d'offrir le poste déterminé à un des candidats sur la liste d'admissibilité, dont Mme Marquis. La liste d'admissibilité a été établie dans le but de combler à titre indéterminé des postes de technicien(ne) en administration des données des sciences halieutiques (SI-02) et non pas des postes à titre déterminé. Dans son ensemble, la décision du Ministère est raisonnable dans les circonstances et pour les motifs ci-haut, il n'y a pas matière à intervention dans la décision prise par le Comité d'appel à l'effet que le principe du mérite a été respecté dans le cadre du processus de la nomination de Mme Marquis.

AUTRES COMMENTAIRES


[26]            Il est très important que, dans le cadre de tout concours ou nomination, le principe du mérite soit respecté. Ce principe est fondamental au système de dotation dans la fonction publique. Lors des compétitions et des processus de nominations, il faut faire les démarches nécessaires pour assurer son respect.

[27]            Dans le présent dossier, la preuve est à l'effet que les autres candidats n'auraient pas d'intérêt à accepter le poste déterminé de 33 jours, parce qu'il était d'une durée inférieure à celui qu'ils occupaient déjà. Aussi, il n'y a pas de preuve qu'un de ces candidats auraient accepté le poste de technicienne SI-02 si l'offre avait été faite. Le Comité d'appel a décidé qu'il était raisonnable, dans les circonstances, que le Ministère ait seulement contacté Mme Marquis. Il ne faut cependant pas que le Ministère procède de cette façon régulièrement. Le processus des nominations a été mis en place pour assurer une chance équitable de réussite à tout candidat ou candidate eu égard à leurs qualifications. Le Ministère a l'obligation d'assurer que le principe du mérite, le principe le plus important dans ce processus, soit respecté. En l'espèce, Mme Marquis était qualifiée pour le poste de technicienne SI-02 et il était excusable dans les circonstances pour le Ministère de ne pas avoir contacté les autres candidats.

[28]            Subsidiairement et en terminant, je note qu'au moment où Mme Marquis a accepté le poste de technicienne SI-02, Mme D'Auteuil n'avait pas les trois ans requis pour aspirer à ce poste. De plus, il y a aucune preuve pouvant appuyer la thèse que Mme Marquis a été nommée au poste à durée déterminée dans le but de pouvoir la nommer au poste de technicienne.

[29]            Étant donné les conclusions de la présente, les frais iront au défendeur.


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE :

-            Cette demande de contrôle judiciaire soit rejetée avec dépens en faveur du défendeur, le procureur général du Canada.

                       "Simon Noël"                                                                                                                                 Juge


                                                               COUR FÉDÉRALE

                     NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DE LA COUR :                       T-2121-03

INTITULÉ :                                   ISABELLE D'AUTEUIL c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANDADA ET MARIE-CLAUDE MARQUIS

LIEU DE L'AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :            16 décembre 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE L'HONORABLE

JUGE SIMON NOËL

EN DATE DU :                             21 décembre 2004

COMPARUTIONS :

Me Michelle Flaherty                                                     POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Alexandre Kaufman                                                 POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Engelmann Gottheil

Ottawa (Ontario)                                                           POUR LA PARTIE DEMANDERESSE


M. Morris Rosenberg                                                    POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

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