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     Date : 19981009

     Dossier : IMM-3811-98

Entre

     XU JIAN HUA

     MINH DA ZHEN

     STEPHANIE ZHEN

     OSCAR ZHEN,

     demandeurs,

     - et -

     LE MINISTRE,

     défendeur

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le protonotaire RICHARD MORNEAU

[1]      Il y a en l'espèce requête instruite sur pièces sous le régime de la règle 369 des Règles de la Cour fédérale (1998). Cette requête, introduite en application de la règle 21(2) des Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration, 1993 (les Règles), tend à la prorogation des délais de façon à permettre aux demandeurs de parfaire le dossier de leur recours en contrôle judiciaire (le recours) conformément à la règle 10.

[2]      L'avocate représentant les demandeurs demande aussi l'autorisation de s'appuyer sur son propre affidavit aux fins de cette requête, puisque le retard est imputable à elle-même.

[3]      Dans ces conditions, je suis disposé à l'autoriser à s'appuyer sur son propre affidavit.

Les faits

[4]      Voici, à mon avis, les faits à l'origine de cette requête.

[5]      Le 29 juillet 1998, les demandeurs déposent leur recours en contrôle judiciaire contre la décision qu'un agent d'immigration avait rendue le 9 juillet 1998 et dont eux-mêmes avaient reçu notification le 15 juillet 1998. Par cette décision, les demandeurs se sont vu refuser la possibilité d'invoquer les raisons d'ordre humanitaire pour faire leur demande de résidence permanente pendant qu'ils se trouvaient au Canada.

[6]      Par application des Règles, le dossier de la demande et la demande d'autorisation devaient être déposés le 28 août 1998 au plus tard.

[7]      Selon le paragraphe 11 de l'exposé des faits et du droit des demandeurs, leur avocate savait, au moment où elle déposait le recours, qu'elle ne serait pas en mesure de respecter les délais prévus à la règle 10, puisque son emploi du temps pour août et septembre 1998 était pleinement pris par ses engagements professionnels et personnels.

[8]      Le paragraphe 3 de l'exposé des faits et du droit des demandeurs donne les détails de l'emploi du temps de leur avocate pour l'été 1998, comme suit :

     [TRADUCTION]

     3.      Considérant qu'une décision sur demande fondée sur les raisons d'ordre humanitaire en application du paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration devait normalement prendre plus de temps, que du 31 juillet au 17 août, l'avocate des demandeurs était en vacances, que du 15 juillet au 31 juillet, son emploi du temps était déjà rempli puisqu'elle devait s'assurer que rien d'imprévu ne se produirait pendant ses vacances dans les affaires civiles dont elle était chargée, que du 17 août au 4 septembre, son emploi du temps était aussi rempli puisqu'elle devait répondre aux lettres et actes de procédure reçus pendant ses vacances, et préparer des assignations et la procédure de la règle 18 pour un procès de quatre jours prévu pour les 22, 23, 24 et 25 septembre 1998 (dossiers 500-05-021401-961, 500-05-021402-969), qu'il lui restait juste la semaine du 1er septembre pour parfaire le dossier de la demande et qu'elle est la seule avocate du cabinet à être au courant des dossiers de ce genre, que le dossier des demandeurs est prêt, les demandeurs concluent qu'ils ont fait raisonnablement diligence et qu'il y a lieu de faire droit à leur requête.         

[9]      Sachant que son emploi du temps serait chargé pour les mois à venir, l'avocate des demandeurs a indiqué dans la demande, dès les débuts, qu'une prorogation des délais serait nécessaire pour la signification et le dépôt du dossier des demandeurs en application de la règle 10.

[10]      Voici ce qu'on peut lire dans la demande :

     [TRADUCTION]

     L'avocate des demandeurs sera en vacances du 31 juillet 1998 au 17 août 1998, c'est pourquoi ils auront besoin d'une prorogation des délais jusqu'au 4 septembre 1998 pour parfaire leur demande d'autorisation, produire leurs affidavits, mémoire et dossier. L'avocate des demandeurs, Me Élaine Doyon, est la seule avocate du cabinet à s'occuper du contentieux en Cour fédérale.         

[11]      En outre, l'avocate des demandeurs note qu'elle a reçu le 21 août 1998 " c'est-à-dire dans le délai prévu à la règle 10 " un document qu'elle considère comme nécessaire pour parfaire le dossier des demandeurs.

Les règles de droit applicables

[12]      Dans Beilin et al. c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1994), 88 F.T.R. 132, en page 134, le juge Strayer de la Cour d'appel, siégeant à titre de juge de droit de la Section de première instance pour réexaminer une ordonnance antérieure, a fait remarquer que pour obtenir une prorogation des délais :

     " un requérant doit notamment établir qu'il existe une justification pour le retard pendant toute la période du retard et qu'il existe une cause défendable (voir par exemple Grewal c. M.E.I. , [1985] 2 C.F. 263, 63 N.R. 106 (C.A.F.)).         

[13]      Dans Chin c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 22 Imm. L.R. (2d) 136, Mme le juge Reed a fait l'observation suivante en pages 138 et 139 :

         Je pense que je devrais expliquer ma façon de traiter les requêtes visant à obtenir une prolongation de délai. Je prends tout d'abord pour hypothèse que les délais prescrits dans les règles doivent en principe être respectés. S'ils sont trop courts, il faudrait demander que les règles soient modifiées afin d'allonger ceux-ci. Je ne fais pas droit à une demande de prolongation de délai pour le simple motif qu'il s'agit de la première fois que l'avocat présente une telle demande ou que sa charge de travail est trop lourde. J'estime que ce genre de décision est injuste pour les avocats qui, pour respecter les délais prescrits, refusent des clients parce que leur charge de travail est trop lourde ou qui remuent ciel et terre pour respecter les délais et ce, à leur propre détriment. Comme je l'ai indiqué, j'estime que les délais prescrits dans les règles doivent en principe être respectés et sont censés s'appliquer à chacun, de la même manière. Si une prolongation devait être accordée automatiquement simplement parce qu'un avocat en fait la demande, les règles devraient le prévoir pour chaque personne qui le demande.         
         Quels sont donc les motifs pour lesquels j'accorde une prolongation de délai. J'ai déjà indiqué que, en règle générale, je ne rends pas une décision favorable lorsque les demandes reposent uniquement sur la charge de travail de l'avocat. Lorsque je suis saisie d'une demande de prolongation de délai, je cherche un motif qui échappe au contrôle de l'avocat ou du requérant, par exemple, la maladie ou un autre événement inattendu ou imprévu.         
         En l'espèce, le retard ne découle pas d'un tel événement imprévu. Au moment du dépôt de la demande d'autorisation, l'avocate savait que le délai pour présenter celle-ci était de trente jours, que son client habitait à Campbell River et qu'elle assisterait au congrès du Barreau vers la fin du mois d'août. Elle était libre d'organiser son horaire en conséquence. Compte tenu des circonstances, il m'était donc difficile de justifier l'octroi d'une prolongation de délai.         

[14]      Je constate qu'en l'espèce, l'avocate des demandeurs s'est mise dans la même situation que celle de l'avocat représentant le requérant dans la cause Chin. Au moment du dépôt du recours, elle savait qu'elle avait 30 jours pour en déposer le dossier. Elle savait aussi que son emploi du temps pour les semaines et les mois à venir, conjugué avec ses prévisions de vacances, l'empêcherait certainement de respecter les délais prévus dans les Règles. De fait, elle a reconnu elle-même qu'elle avait eu un agenda rempli depuis le 15 juillet 1998, c'est-à-dire deux semaines avant le dépôt du recours. N'empêche que le 29 juillet 1998, elle a décidé de se mettre dans une situation intenable en déposant le recours à titre d'avocate inscrite au dossier. Il m'est donc impossible de conclure qu'au 29 juillet 1998 ou à quelque moment que ce fût durant le délai prévu à la règle 10, elle a été surprise par un événement imprévu.

[15]      Dans la cause Narinder Singh c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (décision non rapportée en date du 6 mars 1996, dossier no IMM-3512-95), qui s'apparente à l'affaire en instance, j'ai tiré la conclusion suivante en page 3 :

     Quant à l'explication fournie pour n'avoir pu déposer et signifier le dossier à temps, soit la préparation d'un autre dossier à la même période, elle m'apparaît manquer de poids pour justifier l'insuffisance de tout le délai. Qui plus est, cette trop grande charge de travail se dessine forcément dans le temps et elle est donc somme toute un événement prévisible, donc contrôlable.         

[16]      Dans sa réplique aux conclusions du défendeur, l'avocate des demandeurs propose l'argument suivant :

     [TRADUCTION]

     9.      Il faut distinguer l'affaire en instance des cas où l'avocat prend une affaire tout en sachant qu'en raison de son agenda chargé, il n'a pas le temps de s'en occuper. En l'espèce, l'avocate des demandeurs s'est occupée depuis les premiers mois de 1998 de leur dossier de libération conditionnelle, de leur dossier d'immigration, de leur dossier d'accès à l'information et de leur dossier de demande fondée sur les raisons d'ordre humanitaire. Tous ces dossiers sont liés, ce qui fait qu'elle ne pouvait logiquement confier ce recours à un autre avocat du même cabinet ou de l'extérieur, parce qu'elle a été la seule à s'occuper des dossiers de ce genre au sein du cabinet (comme indiqué dans l'affidavit en date du 4 septembre 1998 de Me Élaine Doyon);         

[17]      Le fait que l'avocate des demandeurs s'occupait activement par le passé de leurs affaires n'est pas, à mon avis, une raison suffisante pour décider d'exercer le recours alors qu'elle savait qu'elle ne pouvait respecter les délais. Qu'elle n'ait pu confier le dossier à un confrère au sein du même cabinet, est une chose. Je pense cependant que l'approche correcte de sa part, à la fois à l'égard de ses clients et à l'égard des prescriptions des Règles, aurait été de trouver un avocat de l'extérieur pour s'occuper du recours dès le 15 juillet 1998, le jour où elle reçut notification de la décision contestée. Elle ne dit pas si elle a cherché à confier le dossier des demandeurs à un avocat de l'extérieur, lequel eût été en mesure de le parfaire dans les délais. L'eût-elle fait, il aurait été plus que probable, à mon avis, qu'elle eût trouvé quelqu'un.

[18]      Enfin et contrairement à ce qu'elle semble soutenir dans son mémoire soumis en réplique, je ne pense pas que le fait d'obliger les demandeurs et leur avocate à respecter les délais prévus par les Règles revienne à dénier aux premiers l'accès à la justice ou le droit de retenir les services de l'avocat de leur choix. Tout demandeur et tout avocat dont il retient les services pour le représenter sont soumis aux Règles, dont ils sont obligés de respecter les prescriptions.

[19]      Puisque les demandeurs ne satisfont pas au premier élément du critère défini par le juge Strayer dans Beilin, op. cit., paragraphe 12, il n'est pas nécessaire que j'examine la requête au regard du second élément, savoir s'ils ont prouvé qu'ils ont une cause défendable.

[20]      Bien entendu, cette conclusion met les demandeurs dans une situation malencontreuse, mais dans Chin, op. cit., la Cour a conclu en ces termes dans les mêmes circonstances :

     Je sais que les tribunaux hésitent souvent à désavantager les individus parce que leurs avocats n'ont pas agi dans les délais. Par ailleurs, dans les affaires de ce genre, l'avocat agit au nom de son client. L'avocat et le client ne font qu'un. Il est trop facile pour l'avocat de justifier son inobservation des règles en alléguant que son client n'est nullement responsable du retard et que si une prolongation de délai n'est pas accordée, il subira un préjudice.         

[21]      Par ces motifs, la requête en prorogation des délais sera rejetée.

     Signé : Richard Morneau

     ________________________________

     Protonotaire

Montréal (Québec),

le 9 octobre 1998

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Dossier : IMM-3811-98

Entre

     XU JIAN HUA

     MINH DA ZHEN

     STEPHANIE ZHEN

     OSCAR ZHEN,

     demandeurs,

     - et -

     LE MINISTRE,

     défendeur

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER No :              IMM-3811-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Xu Jian Hua, Minh Da Zhen, Stephanie Zhen, Oscar Zhen

                         c.

                         Le ministre

REQUÊTE INSTRUITE SUR PIÈCES, SANS LA COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE PROTONOTAIRE RICHARD MORNEAU

LE :                          9 octobre 1998

MÉMOIRES SOUMIS PAR :

Me Élaine Doyon                  pour les demandeurs

Me Marie Nicole Moreau              pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Élaine Doyon                  pour les demandeurs

Mongeau Harvey

Montréal (Québec)

Me Morris Rosenberg              pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada


     Date : 19981009

     Dossier : IMM-3811-98

MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 9 OCTOBRE 1998

EN PRÉSENCE DU PROTONOTAIRE RICHARD MORNEAU

Entre

     XU JIAN HUA

     MINH DA ZHEN

     STEPHANIE ZHEN

     OSCAR ZHEN,

     demandeurs,

     - et -

     LE MINISTRE,

     défendeur

     ORDONNANCE

     La Cour rejette la requête en prorogation des délais.

     Signé : Richard Morneau

     ________________________________

     Protonotaire

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL.L.

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