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Date : 19990415


Dossier : T-573-99

ENTRE :

     MELVIN ISNANA,

     demandeur,

         - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

     REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES

     ET DU NORD CANADIEN, et MARJORIE TAWIYAKA,

     défenderesses.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SHARLOW


[1]      Il s'agit d'une demande présentée par le demandeur visant l'octroi d'une ordonnance provisoire enjoignant au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien d'annuler toutes les mesures qu'ils a prises et les avis qu'il a donnés quant à la révocation du demandeur en tant que chef de la nation de Standing Buffalo Dakota.


[2]      La nation de Standing Buffalo Dakota est exemptée de l'application de l'article 74 de la Loi sur les indiens et, en conséquence, elle est en droit de procéder à des élections en vertu de sa propre loi, ci-après appelée la " loi électorale ".


[3]      La loi électorale comporte des dispositions détaillées sur l'appel d'une élection interjeté devant le conseil sénatorial, qui a compétence exclusive pour statuer sur ces appels. Le conseil sénatorial est un tribunal formé de sept membres et de deux suppléants. Ils sont nommés par les membres de la nation de Standing Buffalo Dakota qui sont âgés de 60 ans et plus, et choisis parmi ces mêmes membres.


[4]      Le 16 novembre 1998, la nation de Standing Buffalo Dakota a procédé à l'élection d'un chef et de six conseillers conformément à la loi électorale. Le demandeur a été élu au poste de chef. Le candidat défait à ce poste était M. Wayne Goodwill. Peu après le dévoilement des résultats de l'élection, M. Goodwill a voulu porter cette décision en appel. Certains éléments de preuve indiquent que le conseil sénatorial s'est réuni le 15 décembre 1998 et a examiné l'appel, et a finalement décidé de procéder à la nouvelle élection d'un chef. Il y a également certains éléments de preuve qui montrent que, le 16 décembre 1998, le conseil sénatorial a annulé sa décision du 15 décembre 1998.


[5]      Le demandeur soutient que les dispositions de la loi électorale n'ont pas été observées lors de l'introduction de l'appel ou dans la manière dont le conseil sénatorial a traité l'appel le 15 décembre 1998, et que, en tout état de cause, la décision qui a été prise le 16 décembre 1998 était valable et confirmait l'élection.


[6]      Bien que les affidavits présentés à l'appui de sa demande comportent des éléments de preuve qui visent à appuyer les arguments du demandeur, je ne peux pas, à cette étape-ci, statuer sur le bien-fondé de l'appel, ou sur le bien-fondé ou l'effet juridique des décisions du conseil sénatorial. Les affidavits soumis pour le compte du demandeur laissent des questions importantes sans réponse et il n'y a pas eu de contre-interrogatoire à leur sujet. En outre, les défenderesses n'ont présenté aucun élément de preuve pertinent quant à ces questions. Cela n'est pas attribuable à un manque de diligence de leur part. C'est tout simplement fonction de la vitesse à laquelle le demandeur a insisté sur sa demande. (Je ne critique aucunement le demandeur à cet égard). En tout état de cause, si je comprends bien la demande, il n'est pas nécessaire à cette étape-ci de me prononcer sur le bien-fondé de l'appel de M. Goodwill ou sur le bien-fondé ou l'effet juridique des décisions du conseil sénatorial du 15 et du 16 décembre 1998. La seule demande qui m'est soumise vise à ce que je décerne une ordonnance contre le ministre, ordonnance qui porte sur des événements ultérieurs.


[7]      Il appert que, le 21 décembre 1998, la défenderesse Mme Tawiyaka, prétendument en sa qualité de présidente du conseil sénatorial, a écrit une lettre au représentant du ministre pour lui donner sa version des faits quant à la procédure devant le conseil sénatorial. Dans sa lettre, elle a indiqué que le 15 décembre 1998, le conseil sénatorial avait décidé de procéder à la nouvelle élection d'un chef et que, quoi qu'il soit arrivé le 16 décembre 1998, il n'avait pas annulé ni privé d'effet cette décision. Elle demande également de l'aide en ce qui concerne [TRADUCTION] " le processus de mise à exécution de notre décision du 15 décembre 1998 "1.


[8]      La présente demande découle de la réponse du ministre à cette lettre; cette réponse figure dans une lettre en date du 17 mars 1999 qu'un fonctionnaire du ministère a envoyé au Conseil de la nation de Standing Buffalo Dakota. La lettre du 17 mars comporte une analyse des événements qu'a décrits Mme Tawiyaka et de certaines dispositions de la loi électorale. Je suis d'accord avec l'avocat du demandeur lorsqu'il affirme que cette lettre se lit comme si le ministre avait été saisi d'une demande de contrôle judiciaire et qu'il avait exercé ce contrôle, mais sans procédure équitable.


[9]      Le demandeur prétend que la lettre du 17 mars constituait une décision qui a eu pour effet de révoquer le demandeur en tant que chef ou, subsidiairement, qu'elle a été interprétée ainsi, et, en tout état de cause, qu'elle a entraîné la prise de mesures en vue de la tenue de la nouvelle élection d'un chef.


[10]      Le ministre prétend que sa lettre du 17 mars ne se veut et ne se voulait aucunement une décision et qu'elle avait encore moins pour effet de déterminer si le demandeur était le chef. Le ministre affirme que, dans cette lettre, il se contente d'accuser réception des renseignements que lui a soumis Mme Tawiyaka, en sa qualité de présidente du conseil sénatorial, renseignements selon lesquels l'appel de l'élection du demandeur en tant que chef avait été accueilli et la nouvelle élection d'un chef avait été ordonnée.


[11]      Toutes les parties conviennent, et cela ne fait aucun doute, que le ministre n'est aucunement autorisé à décider si le demandeur a le droit d'occuper le poste de chef. Le ministre ne peut non plus se prononcer sur le bien-fondé ou sur l'effet juridique des décisions du conseil sénatorial. Cela amène la Cour à tirer deux conclusions.


[12]      Premièrement, ni la lettre du 17 mars ni aucun autre geste accompli par le ministre n'avait pour effet de constater le droit du demandeur d'occuper le poste de chef. La lettre du 17 mars peut seulement constituer un accusé de réception des renseignements soumis par Mme Tawiyaka. L'exactitude de ces renseignements est contestée, mais ce n'est pas au ministre de statuer sur cette question.


[13]      Deuxièmement, une ordonnance enjoignant au ministre d'annuler toutes les mesures qu'il a prises et tous les avis qu'il a donnés relativement à la révocation du demandeur en tant que chef n'aurait, dans le même ordre d'idées, aucun effet juridique. Que la Cour décerne ou non une telle ordonnance contre le ministre, le droit du demandeur d'occuper le poste de chef dépend, premièrement, du résultat de l'élection du 16 novembre 1998 et, deuxièmement, de la validité et de l'effet juridique des décisions du conseil sénatorial. Selon toute apparence, la déclaration au moyen de laquelle la présente instance a été introduite veut que la Cour tranche ces questions.2


[14]      Par conséquent, la demande d'ordonnance provisoire présentée par le demandeur doit être rejetée.


[15]      Le demandeur demande à la Cour de lui adjuger les dépens de la présente demande. Selon moi, même si la présente demande n'a pas été accueillie, le fait que la lettre du 17 mars a été rédigée de façon telle qu'elle a fait croire aux membres de la nation de Standing Buffalo Dakota que le ministre avait compétence ou avait exercé sa compétence relativement à l'élection du chef constitue le coeur du débat en l'espèce. Cette conception erronée peut fort bien avoir occasionné des difficultés dans la gestion de la nation de Standing Buffalo Dakota, difficultés qui auraient pu être évitées. Pour ce motif, j'estime qu'il est approprié d'ordonner que le ministre assume les dépens de la présente demande.

     " Karen Sharlow "

     JUGE

Le 15 avril 1999

Calgary (Alberta)

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  T-573-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :          MELVIN ISNANA c. SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN, et MARJORIE TAWIYAKA
LIEU DE L'AUDIENCE :              CALGARY (Alberta)
DATE DE L'AUDIENCE :          Le 15 avril 1999

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE SHARLOW

DATE DES MOTIFS :              Le 15 avril 1999

ONT COMPARU :

M. Anthony Merchant      pour le demandeur

M. Dale Kohlenberg      pour la défenderesse

     (Sa Majesté la Reine

     du chef du Canada)

M. Terry Jordon      pour la défenderesse

     (Marjorie Tawiyaka)

    

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Merchant Law Group

Regina (Saskatchewan)      pour le demandeur

G. W. Thomson

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)      pour la défenderesse

     (Sa Majesté la Reine

     du chef du Canada)

    

Willows, Tulloch, Howe

Regina (Saskatchewan)      pour la défenderesse

     (Marjorie Tawiyaka)

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


Date : 19990415


Dossier : T-573-99

ENTRE :

     MELVIN ISNANA,

         demandeur,

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF

     DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE

     MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU

NORD CANADIEN, ET MARJORIE TAWIYAKA,

     défenderesses.

    

    

     MOTIFS DU JUGEMENT

    


__________________

     1      Le demandeur soutient que Mme Tawiyaka n'avait pas compétence pour écrire cette lettre. La présente demande ne m'oblige pas à statuer sur la question de savoir si tel est le cas, et ce, même si je disposais de suffisamment d'éléments de preuve pour le faire.

     2      Dans les plaidoiries, il a été allégué que le demandeur a eu tort d'introduire la présente instance au moyen d'une déclaration et qu'il aurait dû présenter une demande de contrôle judiciaire. Je ne suis pas saisie de cette question.

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