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     Date: 20000517

     Dossier: T-1391-99


Entre:

     DANIEL AUDET

     Demandeur

     ET

     SA MAJESTÉ LA REINE CHEF DU CANADA

     Défenderesse



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:


[1]      Il s'agit en l'espèce d'une requête de la défenderesse visant à obtenir en vertu des règles 221(1)a), c) et f) des Règles de la Cour fédérale (1998) une ordonnance rejetant l'action du demandeur au motif qu'elle ne révèle aucune cause d'action, est frivole et constitue un abus de procédure.

Les faits

[2]      Tel qu'allégué aux paragraphes 8 et 9 de la déclaration réamendée déposée le 14 décembre 1999, le demandeur déposait en cette Cour une réclamation en dommages intérêt (T-1794-95) ainsi qu'une réclamation pour salaire impayé (T-1793-95).

[3]      À la suite du dépôt de ces actions, les procureurs des parties reprirent les négociations afin de régler le différend qui les opposait.

[4]      Après négociations et de nombreux échanges entre les parties représentées par procureurs, une entente à l'amiable est intervenue le 17 octobre 1995.

[5]      Tel qu'allégué au paragraphe 12 de la déclaration réamendée, le demandeur acceptait la somme de 105 000 $ en règlement complet et définitif du litige qui l'opposait à la défenderesse au regard de sa relation avec la Gendarmerie royale du Canada ou ses membres depuis 1991.

[6]      Plus particulièrement, cette entente signée le 17 octobre 1995 par le demandeur et son procureur prévoit notamment:

     "      à son paragraphe 4 que le demandeur "s'engage de ne pas poursuivre la GRC / ses membres actuels ou anciens par rapport à sa relation avec la Gendarmerie royale du Canada / ses membres depuis 1991";
     "      à son paragraphe 9 que la "Gendarmerie royale du Canada s'engage à verser à Audet la somme de 105 000 $ en quittance complète et totale de toute réclamation passée, présente ou future qui découle de ses relations quelconques avec la Gendarmerie royale du Canada depuis 1991 jusqu'à la date de la signature de la présente, et notamment des réclamations exposées dans T-1793-95 et T-1794-95";
     "      à son paragraphe 10 que le demandeur autorise son procureur à signer un désistement des procédures dans T-1793-95 et T-1794-95;
     "      à son paragraphe 11 que "la présente constitue une transaction au sens du Code civil du Québec".

[7]      Partant, le 17 octobre 1995, le demandeur ainsi que les procureurs respectifs des parties signaient un désistement dans les dossiers T-1793-95 et T-1794-95.

[8]      Toutefois, le 4 août 1999, le demandeur signifiait une nouvelle réclamation en dommages contre la défenderesse dans le présent dossier de la Cour qui vise, en vertu de son paragraphe 42, les mêmes dommages, somme toute, que ceux allégués dans le dossier T-1794-95, soit le dossier pour dommages.

[9]      Il ressort des paragraphes-clés de la déclaration réamendée en litige, soit les paragraphes 17, 26, 33, 34 et 42, que le demandeur a entrepris la présente action au motif que peu de temps après la signature de l'entente du 17 octobre 1995, il aurait appris que la défenderesse avait en main, à son insu, la preuve qui lui aurait permis de prouver les allégués de sa déclaration dans le dossier pour dommages. La défenderesse ne lui ayant pas révélé le tout à l'époque de la signature de l'entente du 17 octobre 1995, elle lui aurait menti et le demandeur serait maintenant justifié de considérer que l'entente ne portait que sur la réclamation pour salaire impayé (dossier T-1793-95) et il pourrait donc raviver sa déclaration d'action dans le dossier pour dommages.

[10]      Il existe à mon avis trois difficultés majeures relativement à la position du demandeur, chacune en soi étant suffisante pour emporter la présente déclaration d'action.

[11]      Premièrement, en tout temps au cours de l'existence de l'action dans le dossier T-1794-95, on doit présumer que le demandeur - qui était représenté par procureur à l'époque - était en mesure d'établir la preuve des allégués de cette action. Sinon, elle constituait un abus de procédure au moment de son institution. Partant, au moment de la signature de l'entente le 17 octobre 1995, on doit présumer que le demandeur était à même d'évaluer la valeur réelle de son action et que c'est fort de cette dynamique qu'il a entériné ladite entente. Il ne peut certes revenir à la charge maintenant et soutenir qu'il sait aujourd'hui où se trouve la preuve dont il avait besoin dès le départ. Je ne crois pas non plus que la défenderesse devait au 17 octobre 1995 supposer que le demandeur ne disposait pas de la preuve requise et lui indiquer alors qu'elle avait en tout ou en partie cette preuve. En ce sens on ne saurait soutenir que la défenderesse a alors menti ou fraudé le demandeur d'aucune manière.

[12]      Deuxièmement, le texte de l'entente est clair. Les paragraphes 9 et 10 de l'entente établissent clairement que c'est en vue, entre autres, du règlement complet des dossiers T-1793-95 et T-1794-95 que l'entente intervient. On ne saurait soutenir que cette entente écrite qui est intervenue entre des parties dûment représentées ne visait que le règlement du dossier T-1793-95 même si cela a pu être discuté lors des pourparlers qui ont précédé la signature de l'entente.

[13]      Troisièmement, et en fonction du premier motif retenu ci-avant, on doit soutenir que le demandeur a déjà été dédommagé pour le préjudice qu'il allègue avoir subi dans la présente action grâce à l'indemnité payée par le gouvernement du Canada sur le Trésor.

[14]      L'article 9 de la Loi sur la responsabilité de l'état et le contentieux administratif, L.R.C. (1985) ch. C-50, énonce:

Ni l'État ni ses préposés ne sont susceptibles de poursuites pour toute perte - notamment décès, blessures ou dommage - ouvrant droit au paiement d'une pension ou indemnité sur le Trésor ou sur des fonds gérés par un organisme mandataire de l'État.

No proceedings lie against the Crown or a servant of the Crown in respect of a claim if a pension or compensation has been paid or is payable out of the Consolidated Revenue Fund or out of any funds administered by any agency of the Crown in respect of the death, injury, damage or loss in respect of which the claim is made.


[15]      Dans l'arrêt Sarvanis c. Canada, [2000] A.C.F. No 12 (Q.L.), la Cour d'appel fédérale a rappelé que cet article 9 devait être interprété libéralement. Sur cette base, il est indéniable que l'indemnité versée le 17 octobre 1995 et l'action présente - qui renvoie au dossier T-1794-95 - se rattachent aux mêmes incidents et dommages.

[16]      Pour ces motifs, je suis d'avis d'accueillir la requête de la défenderesse et de procéder à la radiation de la déclaration du demandeur et au rejet de l'action de ce dernier, le tout sans frais vu que la défenderesse aurait pu faire valoir beaucoup plus tôt dans le processus la présente requête.

[17]      Vu ma conclusion ci-haut, il n'y a pas lieu de se prononcer sur l'autre moyen soulevé par la défenderesse dans sa requête, à savoir que le demandeur, par l'application du principe qu'une transaction intervenue entre des parties forme un tout qui ne peut être dissocié, ne pourrait poursuivre son action sans d'abord remettre la somme de 105 000 $ qu'il a reçue aux termes de cette transaction.


Richard Morneau

     protonotaire

MONTRÉAL (QUÉBEC)

le 17 mai 2000

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU DOSSIER DE LA COUR:

INTITULÉ DE LA CAUSE:

T-1391-99

DANIEL AUDET

     Demandeur

ET

SA MAJESTÉ LA REINE CHEF DU CANADA

     Défenderesse




LIEU DE L'AUDIENCE:Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE:le 15 mai 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

DATE DES MOTIFS DE L'ORDONNANCE:le 17 mai 2000


COMPARUTIONS:


M. Daniel Audet

pour le demandeur

Me Raymond Piché

pour la défenderesse

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:


Me Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

pour la défenderesse


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