Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision




Date : 20001013


Dossier : IMM-5213-00


ENTRE :



ARKADIY BYKOV



demandeur



et



LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


     défendeur


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE MacKAY

[1]      Voici de brefs motifs expliquant pourquoi j'ai rejeté une demande de sursis à l'exécution de la mesure de renvoi dont le demandeur était frappé; l'audience a eu lieu le mercredi, 4 octobre 2000, deux ou trois heures seulement avant l'heure à laquelle le demandeur devait partir selon la mesure de renvoi.

[2]      Lorsqu'une demande d'autorisation en vue d'un contrôle judiciaire avait été présentée plus tôt ce jour-là en même temps qu'une demande visant à l'obtention d'une ordonnance sursoyant à l'exécution de la mesure de renvoi, la demande d'autorisation dont la Cour était saisie se rapportait à la décision qu'un agent d'immigration avait prise en vue de renvoyer le demandeur du Canada même si le défendeur ne s'était pas prononcé sur une demande fondée sur le paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration, par laquelle on demandait, pour des raisons d'ordre humanitaire, que le demandeur obtienne le droit d'établissement depuis le Canada s'il était par ailleurs admissible, compte tenu du danger auquel il serait exposé s'il retournait en Russie.

[3]      Lors de l'audience, le demandeur avait déjà eu une entrevue au sujet de la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire et un agent d'immigration l'avait informé, après l'entrevue, que la demande fondée sur le paragraphe 114(2) était refusée.

[4]      L'avocate a alors présenté une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire à la suite de la décision qui avait été prise au sujet de la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire, une demande dont j'avais été saisi au moyen d'une télécopie lorsque la demande de sursis a été entendue par téléphone.

[5]      L'affaire a été entendue à bref délai de sorte que le défendeur n'a pas eu la possibilité de répondre au moyen d'observations écrites, mais l'avocat était disponible, et avait reçu des instructions, et il s'est opposé à la demande de sursis à l'exécution de la mesure de renvoi.

[6]      J'ai entendu les avocats des deux parties, j'ai tenu compte de l'allégation du demandeur selon laquelle il craignait d'être en danger s'il retournait en Russie, où il devait être renvoyé, et j'ai également tenu compte de l'argument préliminaire du défendeur selon lequel la demande ne devait pas être examinée puisqu'elle avait été présentée si tardivement et sans qu'il ait une juste possibilité d'y répondre; j'ai conclu que la demande devait être rejetée au fond compte tenu de la preuve mise à ma disposition.

[7]      Le demandeur, qui servait dans l'armée russe, allègue avoir déserté et craindre les conséquences d'un retour en Russie où, selon le compte rendu du traitement infligé à d'autres individus qui sont dans la même situation que lui, il prévoit être détenu dans des conditions inhumaines ou être renvoyé dans l'armée et être encore une fois traité d'une façon inhumaine comme il l'était lorsqu'il s'est enfui il y a une dizaine d'années. Le demandeur a attribué ce traitement au fait qu'il était membre d'une minorité ethnique et religieuse dans ce qui était alors l'Union soviétique, à savoir un chrétien venant de ce qui est maintenant la république de Tchouvachie. Cette préoccupation avait servi de fondement à la crainte qu'il avait d'être persécuté par suite de sa revendication du statut de réfugié, qui a été examinée, mais rejetée par la SSR au mois de juillet 1998. La demande d'autorisation a été accueillie et la demande de contrôle judiciaire de cette décision a été entendue, mais elle a été rejetée le 22 septembre 1999.

[8]      Le demandeur allègue avoir été mis au courant de cette décision au mois d'août 2000 seulement, lorsqu'on lui a demandé de se présenter au Centre d'immigration, à Montréal, plus tard ce mois-là.

[9]      Les agents d'immigration qui cherchaient à organiser le renvoi ont arrêté le demandeur le 22 septembre 2000 et, par la suite, ils l'ont détenu. Le 27 septembre 2000, l'avocate du demandeur a mis en état et soumis pour le compte de celui-ci la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire conformément au paragraphe 114(2). Le 29 septembre, le demandeur a été informé qu'il serait renvoyé du Canada le 4 octobre. À la fin de l'après-midi, le 3 octobre, le demandeur a été informé qu'il aurait une entrevue avec un agent d'immigration le lendemain matin au sujet de la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. Cette entrevue devait avoir lieu en présence d'un interprète même si, apparemment, le demandeur comprend le russe et peut le parler dans une proportion d'environ 70 pour cent dans le cadre d'une conversation régulière. Avant que j'entende l'affaire, cette entrevue a eu lieu et il a par la suite été décidé de refuser la demande fondée sur le paragraphe 114(2).

[10]      Compte tenu des circonstances énoncées par l'avocate, j'étais prêt à reconnaître que la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire présentée le 4 octobre à la suite de la décision relative aux raisons d'ordre humanitaire soulevait une question sérieuse. Toutefois, je n'étais pas convaincu qu'eu égard aux circonstances, il était établi que le demandeur subirait un préjudice irréparable entre la présente date et la date à laquelle une décision serait rendue au sujet de la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire. Le fondement de l'allégation de préjudice irréparable est énoncé comme suit dans l'affidavit que le demandeur a déposé à l'appui de la demande de sursis:

[TRADUCTION]
48. Si je retournais en Russie, je ferais face à de longues périodes d'emprisonnement dans une prison russe, où règnent la brutalité et la torture, ou encore on m'enverrait finir mon service et je serais alors assujetti au même traitement que celui qui m'a amené à m'enfuir. Je crains également d'être envoyé au front en Tchétchénie et de faire face au même traitement que celui qui m'était infligé lorsque j'étais dans l'armée ou d'être traité encore plus brutalement.

[11]      Je remarque que la preuve présentée par le demandeur n'a pas été jugée crédible par la formation de la SSR qui a examiné la demande que celui-ci avait présentée en vue d'obtenir le statut de réfugié. Je remarque également que les mêmes motifs ont été avancés comme fondement du présumé risque invoqué dans le cadre de la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire et que, même si je n'avais pas cette décision à ma disposition, l'agent n'était probablement pas convaincu que le demandeur eût établi l'existence de raisons d'ordre humanitaire à l'égard du risque qu'il craignait de courir, justifiant l'octroi du droit d'établissement depuis le Canada. Je remarque que la demande dont la Cour est saisie ne remet pas en question la validité de la mesure d'expulsion sur laquelle les agents du défendeur se fondaient.

[12]      Dans ces conditions, j'ai conclu que le demandeur n'avait pas établi l'existence d'un préjudice irréparable, que ce soit au sens habituel du terme ou au sens préconisé par l'avocate, à savoir que la réparation accordée, le cas échéant, par la Cour à la suite du contrôle judiciaire n'aurait plus qu'un intérêt théorique parce qu'elle n'aurait aucun effet. À mon avis, il s'agissait d'une conclusion conjecturale fondée sur l'hypothèse selon laquelle les craintes du demandeur se réaliseraient. Or, selon la preuve mise à ma disposition, la question de savoir si cela se produirait n'était qu'une conjecture à ce stade.

[13]      Cela étant, je n'étais pas prêt à accueillir la demande de sursis à l'exécution de la mesure de renvoi dont le demandeur était frappé et la requête visant à l'obtention d'un sursis a été rejetée.





                             W. Andrew MacKay

                                     Juge


OTTAWA (ONTARIO)

Le 13 octobre 2000


Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE LA PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU DOSSIER :                  IMM-5213-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :          ARKADIY BYKOV c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE (PAR TÉLÉCONFÉRENCE) :      OTTAWA (ONTARIO)
                                     MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :              LE 4 OCTOBRE 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE MacKAY EN DATE DU 13 OCTOBRE 2000.


ONT COMPARU :

Pia Zambelli                      POUR LE DEMANDEUR
Michel Pépin                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pia Zambelli                      POUR LE DEMANDEUR
Morris Rosenberg                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.