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Date : 20051121

Dossier : IMM-653-05

Référence : 2005 CF 1573

Toronto (Ontario), le 21 novembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

ENTRE :

CHARLES KEHINDE AGBON

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                À deux reprises, un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que M. Agbon ne pouvait pas être considéré comme une personne à protéger. La première décision a été annulée parce qu'il n'y avait aucune transcription de l'audience disponible permettant de vérifier si la Commission avait commis des erreurs susceptibles de contrôle (voir Agbon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2004 CF 356). Selon M. Agbon, la deuxième décision doit être annulée parce que le commissaire a commis de graves erreurs factuelles dans ses motifs. Je conclus que ces erreurs n'ont eu aucune incidence sur les conclusions essentielles de la Commission et que la présente demande doit être rejetée. Voici mes motifs.

[2]                Le demandeur, qui est citoyen du Nigeria, a prétendu avoir été victime de persécution politique et avoir été arrêté et détenu par un groupe de justiciers agissant au nom des autorités de l'État. Il a allégué que les autorités l'ont confondu avec son beau-frère Onefe, un étudiant, qui avait participé à une manifestation. Celui-ci aurait emprunté la voiture du demandeur qui a été trouvée à proximité de la manifestation. Le demandeur a déclaré dans son Formulaire de renseignements personnels et au cours de sa déposition verbale qu'il avait été enlevé et détenu à deux reprises. À une reprise, sa famille a versé un pot-de-vin pour le faire libérer. À la suite de sa deuxième détention, il est resté caché jusqu'à ce que des arrangements eurent été pris pour lui faire fuir le Nigeria. Le demandeur a quitté le Nigeria en janvier 2002 et il a fait une demande d'asile dès son arrivée au Canada.

[3]                En l'espèce, la question en litige est la suivante : la Commission a-t-elle mal interprété la preuve dont elle était saisie et donc été amenée à tirer des conclusions défavorables quant à la crédibilité sur lesquelles elle a fondé sa décision?

[4]                Les décisions de la Commission qui sont fondées sur des conclusions de crédibilité doivent faire l'objet d'un degré élevé de retenue puisqu'elle a l'avantage d'entendre la déposition des témoins. Les conclusions relatives à la crédibilité constituent « l'essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits » et elles ne peuvent être annulées que si elles sont abusives ou arbitraires ou fondées sur des conclusions de fait erronées (Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1993] A.C.F. no 732 (C.A.F.) (QL); Siad c. Canada (Secretary of State), [1997] 1 C.F. 608 (C.A.F.); Oyebade c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), 2001 CFPI 773 (C.F. 1re inst.); Sivanathan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), 200 CFPI 500 (C.F. 1re inst.)).

[5]                Il semble que la Commission ait peut-être confondu, au moins en partie et au tout début, les faits relatifs à deux demandes d'asile distinctes lorsqu'elle a préparé les motifs de sa décision. Le premier paragraphe de la décision de la Commission sous la rubrique « Allégations » est totalement incorrect à la lecture même du dossier. Plus précisément, il est dit dans la décision que [TRADUCTION] « le demandeur d'asile affirme craindre avec raison d'être persécuté en raison de ses présumées opinions politiques, c'est-à-dire de son appartenance au Mouvement pour l'actualisation de l'État souverain du Biafra (MAÉSOB) » et que le demandeur a allégué qu'il avait été détenu en octobre 2003 et qu'il est venu au Canada en novembre 2003. Vu le témoignage du demandeur et son récit dans son PIF, cela est totalement incorrect. Nulle part dans sa demande le demandeur n'allègue qu'il a été perçu comme un membre du MAÉSOB et, en fait, le demandeur est arrivé au Canada en janvier 2002, pas en novembre 2003 comme le dit la Commission dans ses motifs.

[6]                Le demandeur soutient que cette erreur concernant son appartenance au MAÉSOB, qui apparaît aussi ailleurs dans la décision, est importante car elle a « infecté » toutes les conclusions défavorables concernant la crédibilité sur lesquelles reposait la décision du commissaire.

[7]                La Commissiona tiré quatre conclusions clefs en ce qui a trait à la crédibilité :

1. Le demandeur n'avait aucun élément d'information sur la manifestation à laquelle son beau-frère aurait participé; par exemple, il ne savait même pas quand elle aurait eu lieu. Aux yeux de la Commission, il n'était pas crédible que le demandeur n'ait fait aucun effort afin d'obtenir des détails précis au sujet de l'incident qui l'aurait amené à fuir le pays de sa nationalité;

2. Aucune preuve crédible ou fiable ne montrait que le demandeur avait vraiment un beau-frère se nommant Onefe. La Commission a conclu que le demandeur aurait certainement pu obtenir une déclaration assermentée allant en ce sens de la part de son conjoint de fait ou d'un autre membre de sa famille;

3. Aucune preuve crédible ou fiable n'établissait l'état matrimonial du demandeur ou l'existence de son conjoint de fait. La Commission a signalé que l'existence de ce lien était essentielle puisqu'il prétendait que tous les problèmes qu'il aurait subis lui étaient dus;

4. Il y avait des contradictions dans les preuves produites par le demandeur, et la Commission a conclu que ses explications ne servaient qu'à étayer des prétentions fausses.

[8]                Aucune de ces conclusions n'est touchée par le fait que, dans sa décision, la Commission a parlé à tort de l'appartenance du demandeur au MAÉSOB. Cela a entièrement été porté à l'attention du demandeur au cours de l'audience. Après avoir entendu ses explications, la Commission était compétente pour tirer des inférences défavorables quant à la crédibilité du demandeur. La décision défavorable concernant la crédibilité a été formulée en « termes clairs et explicites » comme l'exige l'arrêt Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 130 N.R. 236 (C.A.F.).

[9]                Ayant examiné de près la transcription et le reste du dossier, je conclus que les conclusions essentielles relatives à la crédibilité sont fondées sur la preuve qui a été produite devant la Commission et qu'elles ne sont pas manifestement déraisonnables.

[10]            Comme l'enseigne la décision Akhter c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2004 CF 409, au paragraphe 9, lorsque la conclusion globale relative à la crédibilité tirée par la Commission est suffisamment étayée par des motifs qui résistent au contrôle judiciaire selon la norme de la décision manifestement déraisonnable, elle n'est pas écartée par d'autres conclusions qui ne satisfont pas à cette norme. Voir aussi Stelco Inc. c. British Steel Can. Inc., [2000] 3 C.F. 282 (C.A.F.).

[11]            Par conséquent, la présente demande est rejetée. Aucune question d'importance générale n'a été proposée et aucune ne sera certifiée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE la présente demande soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.

« Richard G. Mosley »

Juge

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-653-05

INTITULÉ :                                        CHARLES KEHINDE AGBON

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 9 NOVEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :                       LE 21 NOVEMBRE 2005

COMPARUTIONS :

Kingsley I. Jesuorobo

POUR LE DEMANDEUR

Allison Phillips

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Kingsley I. Jesuorobo

Avocat

North York (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

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