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Date: 19971205


Dossier: T-2472-97

     ACTION IN REM AGAINST THE BUNKERS AND

     FREIGHT OF THE SHIP "ALAM VERACRUZ"

     AND IN PERSONAM AGAINST PACNAV S.A.

Entre :

     SCANDIA SHIPPING AGENCIES INC.

     Demanderesse

     ET

     THE OWNERS AND ALL OTHERS INTERESTED

     IN THE BUNKERS AND FREIGHT

     OF THE SHIP "ALAM VERACRUZ"

     and

     PACNAV S.A.

     Défendeurs

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE


[1]      Il s'agit en l'espèce d'une requête en radiation de la défenderesse Pacnav S.A. (Pacnav) en vertu de l'alinéa 419(1)a) des Règles de la Cour fédérale (les règles) aux motifs que la déclaration d'action in personam et in rem (la déclaration) de la demanderesse Scandia Shipping Agencies Inc. (Scandia) ne révèle aucune cause raisonnable d'action relevant de la juridiction rationae materiae de cette Cour prévue au paragraphe 22(1) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R. (1985) ch. F-7 (la Loi). Alternativement, la défenderesse soutient que la déclaration ne révèle aucune cause raisonnable d'action in rem au sens du paragraphe 43(2) de la Loi.


Contexte


[2]      Les faits essentiels à retenir pour les fins de cette requête sont relativement simples.


[3]      Pacnav est impliquée dans le transport de marchandises par voie maritime. Au cours des ans, Scandia considère qu'elle a bénéficié auprès de Pacnav d'une relation contractuelle en vertu de laquelle elle se chargeait de procurer à Pacnav diverses cargaisons pour qu'elles soient transportées par cette dernière. Cette entente contractuelle (l'entente), établie sur une base verbale, tomberait dans le domaine du courtage maritime, donc du mandat.


[4]      L'action en dommages sous attaque fut entreprise aux motifs que Pacnav aurait mis fin de façon injustifiée à l'entente et aurait également, alors même que les parties étaient toujours liées par l'entente, fait affaire avec des tiers agissant dans le même domaine que Scandia, le tout contrairement à l'entente.


[5]      Les 14 et 17 novembre 1997, Scandia procédait, en plus d'instituer son action, à l'arrestation des soutes à bord du navire ALAM VERACRUZ et du fret dû à Pacnav par un tiers.


[6]      Il est acquis que l'action de Scandia n'est pas fondée sur quelque réclamation de Scandia à l'égard des soutes ou à l'égard de la commission sur le fret qu'elle devait recevoir de Pacnav dans le cadre d'un voyage maritime particulier. L'action de Scandia résulte uniquement des atteintes à l'entente précédemment mentionnées.


Analyse


[7]      En tenant pour avérés, tel qu'on se doit de le faire dans le cadre d'une requête telle celle en l'espèce, les allégués de la déclaration, il ressort que l'on doit conclure que l'entente positionnait Scandia à titre de mandataire ou de courtier à l'égard d'activités de nature maritime. L'entente est donc de nature maritime. La situation en l'espèce est donc différente de celle prévalant dans l'affaire Pakistan National Shipping Corp. v. Canada et al. (1991), 50 F.T.R. 24 où la Cour a conclu que le contrat à l'étude était simplement un contrat de vente de biens sans ramification maritime et ce, à la différence de la situation soumise à la Cour suprême dans l'arrêt Monk Corp. c. Island Fertilizers Ltd., [1991] 1 R.C.S. 779.


[8]      On retient également qu'il appert acquis que le mandat maritime est couvert par l'expression "droit maritime canadien" (voir l'arrêt Q.N.S. Paper Co. c. Chartwell Shipping Ltd. , [1989] 2 R.C.S. 683, à la page 696.


[9]      Quant à la réclamation de Scandia, elle est en dommages pour non respect de l'entente et bris définitif de celle-ci. La réclamation de Scandia se base donc forcément sur l'entente qui elle relève de la juridiction de cette Cour en vertu du paragraphe 22(1) de la Loi qui se lit:

                 22.(1) La Section de première instance a compétence concurrente, en première instance, dans les cas - opposant notamment des administrés - où une demande de réparation ou un recours est présenté en vertu du droit maritime canadien ou d'une loi fédérale concernant la navigation ou la marine marchande, sauf attribution expresse contraire de cette compétence.                 

[10]      À ce niveau, le cas présent se distingue des conclusions de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Transports Insurance Co. Inc. v. Ship "Ondine" (The) (1982), 138 D.L.R. (3d) 745 ou de la dynamique prévalant à l'égard du courtier en assurance Reed, Shaw, Stenhouse, Ltd. dans l'arrêt Intermunicipal Realty & Development Corp. c. Gore Mutual Insurance Co. et al, [1978] 2 C.F. 691. Dans ces deux dernières affaires, les réclamations se fondaient sur des contrats n'ayant aucun lien avec le droit maritime. Les déclarations d'action ou parties d'icelles contenant ces réclamations furent donc radiées.

[11]      Partant, il n'y a pas lieu ici de procéder à la radiation de la déclaration au motif qu'elle ne relèverait pas de la juridiction rationae materiae de cette Cour au sens du paragraphe 22(1) de la Loi.

[12]      Toutefois, là ne s'arrête pas notre étude et il y a lieu maintenant de considérer l'autre proposition soumise par la défenderesse, à savoir que la déclaration ne révèle aucune cause raisonnable d'action in rem.

[13]      C'est le paragraphe 43(2) de la Loi qui prévoit l'exercice in rem de la juridiction de base de cette Cour en matière d'amirauté. Ce paragraphe se lit comme suit:

                 43.(2) Sous réserve du paragraphe (3), la Cour peut, aux termes de l'article 22, avoir compétence en matière réelle dans toute action portant sur un navire, un aéronef ou d'autres biens, ou sur le produit de leur vente consigné au tribunal.                 

[14]      Il m'appert que les paragraphes 22(1) et 43(2) de la Loi doivent se lire en corrélation l'un avec l'autre et que conséquemment, aux fins du paragraphe 43(2), une action réelle ne peut être dirigée contre tout bien d'un défendeur mais doit se limiter à tel bien sur lequel se fonde l'action. Ce sont, incidemment, les seuls articles de la Loi qu'il importe, selon moi, de considérer pour répondre à l'attaque de la défenderesse.

[15]      Pour conclure qu'une action se fonde sur un bien, il doit apparaître dans les faits une connexité certaine entre le bien saisi et la cause d'action (voir, entre autres, sur ce point les arrêts Industrie Chimique Italia Centrale S.P.A. v. Ship "Choko Star" et al. (1987), 10 F.T.R. 258 et Joint Stock Society Oceangeotechnology v. Ship 1201 et al. (1994), 72 F.T.R. 211).

[16]      Dans le cas qui nous occupe, le procureur de Scandia admet lui-même que les biens saisis, soit les soutes du navire ALAM VERACRUZ et le fret dû à Pacnav, n'ont aucun lien avec la cause d'action de Scandia.

[17]      Selon lui, on doit considérer que l'action de sa cliente se fonde néanmoins sur ces biens puisque ces derniers ont été saisis dans le cadre de cette action. Cet argument m'appert présenter le raisonnement à suivre à rebours. Pour pouvoir saisir un bien en vertu du paragraphe 43(2) de la Loi, on doit premièrement établir que l'action se fonde sur ce bien. Si tel est le cas, alors là la saisie sera permise. Si l'on suit le procureur de Pacnav dans son raisonnement, tout bien d'un défendeur pourrait fonder une action in rem devant cette Cour en autant que l'on arrive à le saisir. Cette approche ne peut être suivie.

[18]      Partant, il y a lieu d'ordonner que la déclaration quant à sa partie in rem soit radiée au motif que dans cette mesure, elle ne révèle aucune cause raisonnable d'action. Il va de soi que l'accessoire doit suivre le principal et qu'il y a lieu de casser l'arrêt des soutes à bord du ALAM VERACRUZ ainsi que le fret pour le même navire.

[19]      En fin de plaidoirie, le procureur de Scandia a requis verbalement qu'en cas de radiation en tout ou en partie de la déclaration, la Cour accorde en vertu de la règle 341A une suspension de l'effet du présent jugement jusqu'à l'issue d'un appel possible.

[20]      Malheureusement, ledit procureur n'a pas soumis en preuve aucun affidavit qui justifierait dans les faits une telle mesure extraordinaire. Il ne m'a pas été établi, entre autres, que la situation de Pacnav est telle qu'advenant que Scandia ait gain de cause sur un appel possible de ma décision, elle subirait un dommage irréparable du fait que les biens saisis auront été relâchés. Pour en arriver à cette dernière conclusion je me suis inspiré (puisqu'elle porte sur la règle 1909) de la décision du juge Teitelbaum de cette Cour en date du 25 août 1997 dans l'affaire Amican Navigation Inc. v. Densan Shipping Co. Inc. et al., décision non rapportée, dossier T-1357-97.)

[21]      Les frais de cette requête suivront le sort de cette cause.

Richard Morneau

     protonotaire

MONTRÉAL (QUÉBEC)

le 5 décembre 1997

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU DOSSIER DE LA COUR:

INTITULÉ DE LA CAUSE:

T-2472-97

ACTION IN REM AGAINST THE BUNKERS AND FREIGHT OF THE SHIP "ALAM VERACRUZ" AND IN PERSONAM AGAINST PACNAV S.A.

Entre :

SCANDIA SHIPPING AGENCIES INC.

     Demanderesse

ET

THE OWNERS AND ALL OTHERS INTERESTED IN THE BUNKERS AND FREIGHT OF THE SHIP "ALAM VERACRUZ" and PACNAV S.A.

     Défendeurs

LIEU DE L'AUDIENCE:Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE:le 26 novembre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

DATE DES MOTIFS DE L'ORDONNANCE:le 5 décembre 1997

COMPARUTIONS:

Me Edouard Baudry/Me François Touchette pour la demanderesse

Me George J. Pollack/Me Caroline Jacques pour les défendeurs

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Edouard Baudry/Me François Touchette pour la demanderesse

Lavery, De Billy

Montréal (Québec)

Me George J. Pollack/Me Caroline Jacques pour les défendeurs

Sproule, Castonguay, Pollack

Montréal (Québec)


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