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Date : 20010509

Dossier : IMM-1333-00

OTTAWA (Ontario), le 9 mai 2001

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge Rouleau

ENTRE :

                                              HASSAN MARE

                                                                                                   demandeur

-et-

           LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                     défendeur

                                              ORDONNANCE

[1]    La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                          « P. Rouleau »          

     J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


Date : 20010509

Dossier : IMM-1333-00

Référence neutre : 2001 CFPI 450

                                          

ENTRE :

                               HASSAN MARE

                                                                       demandeur

-et-

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                        défendeur

                     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1] Les présents motifs découlent d'une demande de contrôle judiciaire à l'égard d'une décision de la Section du statut de réfugié, de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (ci-après la Commission), dans laquelle cette dernière a jugé que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.


[2]    Le demandeur est un citoyen du Burkina Faso. Il a fait valoir qu'il craignait avec raison d'être persécuté du fait de son appartenance à un groupe social, les séropositifs pour le VIH.

[3]    Il a d'abord fui au Canada, craignant pour sa sécurité car les habitants de son village pensaient qu'il allait tenter de prendre la succession de son père comme chef; son père, l'ancien chef de tribu d'un village principalement musulman, s'était converti au christianisme.

[4]    Depuis son arrivée au Canada, le demandeur a été diagnostiqué comme séropositif pour le VIH. Pour cette raison, il ressent un rejet de la part de sa famille et de son groupe au Burkina Faso; il revendique le statut de réfugié au sens de la Convention, alléguant le fait qu'il ne disposerait pas de fonds suffisants dans son pays pour se faire soigner pour sa maladie et que, même s'il pouvait recevoir des soins, ceux-ci ne seraient pas d'aussi bonne qualité que ceux qui sont fournis en Ontario à cet égard.



[5]                La Commission a estimé que le demandeur manquait de crédibilité quant à sa crainte de persécution pour les motifs habituels. Elle a ensuite analysé sa situation médicale et conclu que, même s'il est séropositif pour le VIH, il ne serait pas systématiquement privé de soins de santé au point de vivre une situation assimilable à la persécution. En se fondant sur les éléments de preuve documentaire disponibles, la Commission a conclu que la médication anti-virus est disponible au Burkina Faso depuis avril 1999 et que le ministère de la Santé en assure la disponibilité. Elle a toutefois acquis la certitude que ces soins étaient coûteux qu'ils n'étaient pas subventionnés. En outre, elle a jugé que le manque d'argent du demandeur était non pertinent puisque celui-ci pouvait retourner à son ancien emploi, l'élevage des bovins pour la reproduction, et qu'il pouvait recevoir de l'aide de sa famille, et elle a conclu que l'inexistence, dans son pays, de médicaments haut de gamme et coûteux n'était pas assimilable à de la persécution.     

[6]                L'unique argument soumis à la réflexion de la Cour se résume en ces termes : l'absence de traitement haut de gamme constitue-t-elle une situation de persécution? Par ailleurs, l'avocat du demandeur estime que la Commission s'est trompée en ne faisant pas d'analyse adéquate pour vérifier si le demandeur, dans sa situation, pourrait raisonnablement avoir accès à des soins de santé.             

.

[7]                Le défendeur, de son côté, reconnaît que la non-administration de soins de santé ou un refus à cet égard sont assimilables à de la persécution si ces gestes sont faits pour une raison discriminatoire ou s'ils visent un groupe particulier; or le demandeur ne se trouve pas dans une telle situation. De plus, il fait valoir que l'aboutissement logique de l'argument présenté par le demandeur serait de reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention à toute personne se trouvant à l'extérieur du Canada qui n'aurait pas accès, dans son pays, à des soins de santé semblables à ceux qui sont offerts en Ontario.


[8]                Dans la présente affaire, le demandeur allègue que les demandeurs séropositifs pour le VIH revendiquant le statut de réfugié et qui ne seraient pas soignés adéquatement dans leur pays d'origine devraient être considérés par la Commission ou la Cour comme faisant partie d'un groupe spécial subissant la persécution.

[9]                Pour appuyer son allégation selon laquelle un manque de soins médicaux peut être assimilé à de la discrimination, l'avocat du demandeur me cite l'arrêt Cheung c. Canada, [1993] 2 C.F. 314, dans lequel la Cour d'appel fédérale mentionne au paragraphe 19 :

La Commission a également eu tort dans le traitement qu'elle a réservé à l'appelante mineure. En tant qu'enfant mineure à la charge de Mme Cheung,, Karen Lee peut également prétendre à un tel statut compte tenu du principe de l'unité familiale. De plus, si on renvoyait Karen Lee en Chine, elle ferait l'objet, personnellement, d'une discrimination si concertée et si grave, dont la privation de soins médicaux, d'instruction et de chances d'emploi et même de nourriture, qu'elle s'assimilerait à la persécution. On l'a décrite de façon poignante comme une [TRADUCTION] « personne du marché noir » qui se voit refuser les droits ordinaires dont bénéficient les enfants chinois. En tant que telle, elle est membre d'un groupe social, c'est-à-dire le groupe des seconds enfants. Karen Lee a déjà connu certaines privations, et elle pourrait être persécutée de nouveau si on la renvoyait en Chine.

(Non souligné dans l'original.)

[10]            Je suis en désaccord avec l'interprétation de l'arrêt Cheung, précité, que fait l'avocat du demandeur. Une lecture attentive du sommaire me fournit la preuve que la Cour d'appel ne considère pas le manque de traitement médical comme étant assimilable à de la persécution. Le sommaire précise en effet :


La Commission a mal interprété le droit en se concentrant sur le but général visépar la politique de l'enfant unique, plutôt que d'examiner les méthodes utilisées pour appliquer cette politique. La décision de la Commission n'a pas tenu compte de la mesure dans laquelle la stérilisation porte atteinte à l'intégrité mentale et physique d'une personne, et elle a eu tort d'exiger l'existence d'une « intention de persécution » , alors qu'un effet de persécution suffit.

Les femmes en Chine qui ont un enfant et qui font face à la stérilisation forcée satisfont suffisamment aux critères dégagés dans l'affaire Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Mayers pour constituer un groupe social. Elles partagent le même statut social et ont un intérêt similaire que ne partage pas leur gouvernement. Elles ont en commun une fin si essentielle à leur dignité humaine qu'elles ne devraient pas être obligées de la modifier pour le motif que l'ingérence dans la liberté de procréation d'une femme est un droit fondamental « qui se situe en haut de notre échelle de valeurs » .

(Non souligné dans l'original.)


[11]            L'avocat me renvoie ensuite aux conventions internationales dans lesquelles il est indiqué que les États contractants ont l'obligation d'entreprendre toutes les démarches qu'ils peuvent, compte tenu de leurs ressources, pour atteindre un certain niveau de soins médicaux. Je suis convaincu que le Burkino Faso, compte tenu de sa situation économique, offre toutes les ressources médicales possibles pour un pays désavantagé. Cet État adhère aux conventions internationales et aux normes de santé physique et mentale les plus élevées qu'il peut se permettre économiquement d'avoir. Les résolutions des N.U. peuvent, dans certains cas, être appliquées de manière persécutoire, mais ce n'est pas le cas en ce qui concerne le demandeur. Admettre que les demandeurs du statut de réfugié qui reçoivent des soins inadéquats dans des pays désavantagés se trouvent de ce fait à vivre la persécution créerait une situation ingérable. Il ne revient pas aux commissions du statut de réfugié de définir de façon indépendante quelle norme devrait être appliquée partout dans le monde ou dans chaque pays d'origine, et elles ne disposent pas de l'expertise nécessaire pour le faire. Comment pourrait-on s'attendre à ce qu'elles établissent que les soins médicaux offerts conviennent ou non?

[12]            Comme l'écrit Madame le juge Reed, dans Qing Bing Li c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, IMM-5095-98 (C.F. 1re ­­ inst.) (décision non publiée) :

La SSR a rejeté la revendication, en reconnaissant qu'en Chine de nombreuses personnes vivent dans la misère et qu'aucun soin adéquat n'est dispensé aux invalides. La SSR a fait remarquer que cela n'est pas attribuable au fait que le gouvernement ne veut pas fournir de soins médicaux aux invalides, mais au fait que compte tenu des coûts, il n'est pas en mesure de le faire. La SSR a conclu que les épreuves que le demandeur et les membres invalides de sa famille avaient subies ne constituaient pas de la persécution et que cela ne constituait certes pas de la persécution au sens de la Convention - il n'existait aucun lien entre les épreuves subies et un motif reconnu par la Convention (c'est-à-dire la race, la religion, l'appartenance à un groupe social ou des opinions politiques).

...

       

Malgré l'absence d'analyse détaillée, la décision de la SSR selon laquelle les épreuves                      que le demandeur et sa famille avaient subies ne constituaient pas de la persécution                          et que ces épreuves n'étaient pas attribuables au fait qu'ils appartenaient à un groupe                     social au sens de l'arrêt Canada (PG) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, est pleinement                       étayée par le dossier. Je ne suis pas convaincue qu'une analyse plus détaillée eût abouti à                 un résultat différent.

(Non souligné dans l'original.)

[13]            Je suis convaincu que la Commission a analysé adéquatement la disponibilité et l'accessibilité des services médicaux généralement offerts aux citoyens du Burkina Faso.


[14]            Comme l'écrit le juge Reed, il n'existe aucun lien entre les épreuves subies et un motif reconnu par la Convention, c'est-à-dire une discrimination fondée sur la race, la religion, l'appartenance à un groupe social ou des opinions politiques.

[15]            L'avocat du demandeur a ensuite donné à entendre que l'affaire soulève une question grave de portée générale que la Cour devrait envisager de certifier dans son jugement. Même si la question est exposée par l'avocat du demandeur en quatre paragraphes distincts, c'est l'avocat du défendeur qui la résume le mieux lorsqu'il propose que l'énoncé ci-dessous puisse faire l'objet d'une certification en vertu de l'article 83 de la Loi sur l'immigration :

Si, dans le pays dont elle possède la citoyenneté, une personne n'est pas en mesure d'accéder à des soins de santé d'un niveau raisonnable, cette personne est-elle de ce fait confrontée à un risque grave de persécution ?


[16]            Le défendeur est convaincu qu'il peut s'agir d'une question grave de portée générale, mais y répond par la négative, sauf si la preuve peut être faite que les soins médicaux ne sont pas offerts pour des raisons de persécution; et même lorsque la pauvreté empêche de fournir des soins de santé de haut de gamme, cela n'est pas pour autant assimilable à de la persécution. Il poursuit en donnant à entendre que si on accordait l'asile politique à tout étranger qui n'a pas accès à des soins de santé semblables à ceux qui sont offerts en Ontario, cela créerait une situation difficile et cela pourrait avoir des retombées très importantes sur les demandes du statut de réfugié présentées.

[17]            Je ne suis pas d'avis que cette question devrait être certifiée selon la possibilité offerte par l'article 83. Ni les preuves fournies ni les arguments présentés ne m'incitent à croire que l'on puisse faire un lien entre, d'une part, la pauvreté et l'absence de soins médicaux avancés et, d'autre part, les motifs de persécution reconnus.

[18]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                          « P. Rouleau »          

     J.C.F.C.

OTTAWA (Ontario)

9 mai 2001

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No du greffe :                                               IMM-1333-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                Hassan Mare c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                               Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                            17 avril 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :    Le juge Rouleau     

DATE :                                                            9 mai 2001

ONT COMPARU :

M. Ronald Shacter                                                             POUR LE DEMANDEUR

M. David Tyndale                                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Schelew Schacter

Toronto (Ontario)                                                   POUR LE DEMANDEUR           

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                POUR LE DÉFENDEUR

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