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Date : 20010817

Dossier : IMM-4322-00

Référence neutre : 2001 CFPI 907

Ottawa (Ontario), le vendredi 17 août 2001

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

ENTRE :

                                       LYDIA MAGOOLA

                                                                                              demanderesse

                                                    - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                    défendeur

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON

[1]Lydia Magoola est une citoyenne de l'Ouganda âgée de 26 ans. Elle sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 17 août 2000 dans laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SSR) a conclu qu'elle n'était pas une réfugiée au sens de la Convention.


LES FAITS

[2]                 Mme Magoola appuie sa revendication du statut de réfugié sur ses opinions politiques présumées.

[3]             Mme Magoola a affirmé qu'en 1998 elle a commencé à enseigner les beaux-arts dans une école secondaire à Kampala (Ouganda) dirigée par l'Ahmadiyya Muslim Mission (l'AMM). Mme Magoola a dit que des hommes en uniforme de l'armée l'ont arrêtée avec son mari le 31 mai 1999. Ses ravisseurs lui auraient dit avoir appris que les enseignants de l'école dirigeaient les étudiants vers les dirigeants de l'AMM, qui pour leur part les dirigeaient vers le Front démocratique allié (le FDA), une organisation terroriste en Ouganda. Mme Magoola a déclaré qu'après son arrestation, elle a été détenue, battue et agressée sexuellement. Elle a été libérée après une semaine et, à la fin du mois de juin, elle est retournée travailler à l'école. Mme Magoola a témoigné que son mari, qui était un agent financier à l'école, a été détenu pendant deux semaines et a également été maltraité pendant sa détention.

[4]                 Mme Magoola a reçu un passeport ougandais le 15 juin 1999. En août 1999, elle s'est rendue aux États-Unis dans le cadre d'une mission culturelle organisée par sa tribu. Pendant qu'elle était aux États-Unis, Mme Magoola a reçu d'autres communications d'un ami et d'un membre de sa famille en Ouganda selon lesquelles elle était recherchée par les autorités, que son mari avait encore été arrêté, que personne ne savait où il se trouvait et qu'il était dangereux pour elle de retourner en Ouganda.


[5]                 Mme Magoola est alors entrée au Canada pour y demander l'asile; elle est arrivée au Canada le 1er octobre 1999 et a revendiqué le statut de réfugié le même jour.

[6]                 Selon la SSR, la revendication de Mme Magoola était peu plausible à cinq égards. Les réserves de la SSR quant à la vraisemblance de la revendication ont eu comme effet cumulatif sa conclusion selon laquelle la revendication de Mme Magoola n'était pas crédible.

[7]                 Dans la présente demande de contrôle judiciaire, Mme Magoola a contesté chacune des réserves de la SSR sur la vraisemblance.

[8]                 La SSR a exprimé ces réserves comme suit :

1.          Il est peu vraisemblable que Mme Magoola, une nouvelle enseignante n'ayant aucun lien avec le FDA, soit arrêtée et interrogée par les forces de sécurité sur les liens entre l'AMM et le FDA alors qu'aucun des autres 130 employés de l'école, y compris le directeur, n'a été arrêté;

2.          Il est peu vraisemblable que Mme Magoola n'ait pas su que le directeur de l'AMM avait été arrêté le 28 mai 2000, trois jours avant son arrestation, puisque cet incident a été largement diffusé dans les journaux à Kampala;

3.          Il est peu vraisemblable que des agents de l'État aient délivré un passeport à Mme Magoola pour qu'elle puisse se rendre aux États-Unis et lui aient permis de faire ce voyage s'ils la soupçonnaient réellement de faire partie d'une organisation terroriste;


4.          Bien qu'elle ait été écrite cinq mois après la fin de l'emploi de Mme Magoola, la lettre de l'employeur, qui a été déposée comme preuve de l'emploi de Mme Magoola, indiquait que celle-ci était toujours employée. On affirme également qu'il est peu vraisemblable que la lettre ait été élogieuse vu que Mme Magoola n'est pas retournée au travail après son congé de deux mois; et

5.     Il est peu vraisemblable que Mme Magoola soit tout simplement retournée travailler sans prendre de précautions pour assurer sa propre sécurité après avoir été arbitrairement arrêtée et traitée durement.

L'ANALYSE

[9]                 Il est bien établi en droit que la SSR a entière compétence pour statuer sur la vraisemblance des témoignages, et que la Cour ne modifiera pas les conclusions sur la vraisemblance tirées par la SSR à moins qu'elle ne soit convaincue que ces conclusions sont fondées sur des considérations non pertinentes ou ne tiennent aucun compte d'éléments de preuve importants.

[10]            Malgré la retenue judiciaire dont il faut faire preuve à l'égard des décisions de la SSR, je suis convaincue que la SSR a tiré la première conclusion d'invraisemblance énoncée plus haut sans dûment tenir compte de la preuve dont elle était saisie.


[11]            En expliquant pourquoi elle avait été arrêtée, Mme Magoola a témoigné que les ravisseurs lui avaient dit que [TRADUCTION] « [...] certains des étudiants à qui vous avez enseigné ont dit que vous les aviez dirigés » vers l'AMM. En outre, dans la documentation relative à la situation dans le pays, il était noté qu'à l'époque pertinente les forces de sécurité harcelaient les musulmans, les arrestations arbitraires constituaient un problème et il y avait des plaintes quant aux arrestations visant de jeunes musulmans parce qu'on les soupçonnait d'appuyer des groupes de rebelles.

[12]            Cette preuve pouvait éventuellement réfuter la conclusion d'invraisemblance de la SSR, et la SSR a commis une erreur en omettant de mentionner à tout le moins cette preuve (voir : Leung c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 81 F.T.R. 303 (1re inst.), à la page 307).

[13]            Cependant, après avoir examiné soigneusement la transcription de l'instance devant la SSR et les documents sur la situation dans le pays, je suis convaincu que la preuve permettait à la SSR de tirer ses autres conclusions d'invraisemblance. J'aurais pu tirer des conclusions différentes, mais, ayant entendu le témoignage de Mme Magoola, la SSR était la mieux placée pour tirer ces conclusions.

[14]            Compte tenu de l'ensemble des circonstances et malgré l'erreur mentionnée précédemment, la conclusion de la SSR n'est pas déraisonnable au point de justifier l'intervention de la Cour. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[15]            Ni un ni l'autre avocat n'a soulevé de question grave à certifier et aucune question n'est certifiée.


ORDONNANCE

[16]            EN CONSÉQUENCE, LA COUR ORDONNE :

Pour les motifs exposés précédemment, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

   

« Eleanor R. Dawson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

NO DU GREFFE :                                IMM-4322-00

INTITULÉ :                                           LYDIA MAGOOLA c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                  OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 8 AOÛT 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :                       LE 17 AOÛT 2001

  

COMPARUTIONS :

M. MICHAEL BOSSIN                                                  POUR LA DEMANDERESSE

M. JOHN UNRAU                                                           POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. MICHAEL BOSSIN                                                  POUR LA DEMANDERESSE

OTTAWA (ONTARIO)

M. MORRIS ROSENBERG                                            POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

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