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     Date: 19980114

     Dossier: IMM-828-97

Entre :

     Lorena Cecilia LUTTRA NIEVAS

     Johana Leslie BASUALTO

     Partie requérante

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     Partie intimée

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]      La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 3 février 1997 par la Section du statut de réfugié statuant que les requérantes, Lorena Cecilia Luttra Nievas (la requérante principale) et sa fille, Johana Leslie Basualto, s'étaient désistées de leur demande de revendication.

[2]      La Section du statut a conclu que les requérantes n"avaient pas donné de raison valable pouvant permettre de ne pas conclure au désistement de leur revendication.

[3]      Le 27 décembre 1996, les requérantes avaient été avisées par la Section du statut qu"une audience aurait lieu le 21 janvier 1997. Les requérantes ont présenté une demande de remise le 20 janvier, laquelle n"a pas été accordée. Les requérantes ne se sont pas présentées à l"audience prévue pour le 21 janvier 1997 et, le 27 janvier 1997, les requérantes ont été avisées qu"une audience aurait lieu le 3 février 1997 pour leur permettre d"exposer les raisons pour lesquelles la Section du statut ne devrait pas conclure à leur désistement.

[4]      La requérante principale a expliqué que le 20 janvier 1997, soit la veille de son audition, elle souffrait de nausées et se sentait nerveuse et anxieuse à cause de ses réminiscences. Elle a dit qu"elle avait déjà consulté le Dr Figueroa en septembre 1996 pour des problèmes gastriques. Elle a soutenu que ces problèmes de santé s"étaient manifestés parce qu"elle commençait à se souvenir d"un viol collectif dont elle avait été victime juste avant son départ du Chili. Elle a donc consulté le Dr Edward Cherito, lequel lui a fourni un certificat médical à l"effet qu"elle était sous ses soins, attestant de son incapacité jusqu"au 27 janvier 1997 au motif qu"elle souffrait de gastrite, insomnie et anxiété. La requérante principale a ensuite expédié une demande de remise à la Commission par l"entremise de son procureur le 20 janvier 1997, mais sa demande n"a pas été accordée.

[5]      La psychologue, Madame Célia Lillo, a rencontré la requérante principale le 2 février 1997 et a fourni un rapport où sont décrits les symptômes suivants: hypervigilence, tension musculaire, maux de tête permanents, anxiété, insomnie ou cauchemars, et problèmes cognitifs. Elle explique que la réaction de la requérante principale concorde avec des réactions de victimes de viol qui ont de la difficulté à "briser le silence".

[6]      La requérante principale insiste qu"elle était incapable de témoigner le 21 janvier 1997 en raison de ses graves nausées. Madame Lillo a témoigné lors de l"audition du 3 février 1997 que la requérante principale aurait été incapable de donner un témoignage lors de son examen de la veille (le 2 février 1997).

[7]      Il s"agit ici d"un cas où je crois devoir intervenir. En effet, malgré les explications fournies par la requérante principale quant à son anxiété et les problèmes reliés à cette anxiété, le rapport psychologique de Madame Lillo et le témoignage de cette dernière à l"effet que la requérante principale souffrait de nombreux symptômes d"anxiété, le tribunal a tout de même conclu au désistement de la revendication. À mon avis, le tribunal a eu tort d"écarter le témoignage de la requérante principale à l"effet qu"elle n"était pas en état de témoigner à l"audience du 21 janvier 1997, parce qu"il n"a pas donné l"importance requise au témoignage et au rapport de la psychologue, Madame Lillo. Ce n"est qu"à la fin de l"audience du 3 février 1997 que le tribunal a fait référence à la preuve offerte par la psychologue, tel qu"il appert du commentaire suivant du maître-audiencier:

         Et la deuxième chose, je constate simplement qu"il y a eu encore un délai de dix (10) jours entre le moment où nous avons entamé les procédures de désistement et le moment où la psychologue a été consultée, c"est-à-dire, hier seulement.                 

[8]      Il m"apparaît donc que le tribunal a effectivement ignoré la preuve non contestée résultant du témoignage et du rapport de la psychologue Madame Lillo, preuve à mon avis suffisante pour corroborer l"affirmation de la requérante principale voulant qu"elle aurait été incapable de témoigner le 21 janvier 1997.

[9]      Dans l"affaire Sanghera c. Canada (M.E.I.) (1994), 73 F.T.R. 155, mon collègue Monsieur le juge Gibson a conclu, aux pages 157 et 158, qu"un tribunal n"avait pas apporté suffisamment de poids à un rapport psychiatrique:

         . . . The Tribunal expresses concern about the ". . . somewhat evasive and confusing" nature of the applicant"s testimony. It acknowledges the submissions of applicant"s counsel in this regard relating to the passage of time and the applicant"s "minimal educational standards". The Tribunal appears to completely ignore evidence before it in the form of a written psychiatric report that indicates the applicant suffers from Post-Traumatic Stress Disorder and Depression with the result that ". . . he gets very forgetful, loses his train of thoughts, concentration and becomes very afraid, especially when the past is discussed". The applicant is entitled to an assurance that such evidence was taken into account in the credibility finding against him that apparently was based on the evasiveness and confusion in his testimony.                 

[10]      Dans le même sens, Monsieur le juge Mahoney, dans l"affaire Reyes c. Canada (M.E.I.) (23 mars 1993), A-59-91, a écrit ce qui suit au nom de la Cour d"appel fédérale aux pages 1 et 2:

             The first level tribunal found that there was no credible basis to the Applicant"s claim to be a Convention refugee because of the inconsistencies and contradictions in his viva voce testimony and his behaviour while testifying. The documentary evidence disclosed that the torture the Applicant said he had experienced could well have happened in Chile at the time. The clear inference to be drawn from the evidence is that, whatever the trauma he had undoubtedly experienced, it had occurred in Chile.                 
             There was considerable expert evidence as to post traumatic stress syndrome and as to the Applicant"s present condition. The problems which the tribunal identified with the Applicant"s testimony and behaviour were by no means inconsistent with the manifestations of the syndrome described in that evidence.                 
             We are all of the view that, having regard to the totality of the evidence, in finding the Applicant"s evidence not to be credible for the reasons it gave, the tribunal entered on an inquiry reserved to the Refugee Division. This s.28 application will be allowed, the decision of the credible basis tribunal dated October 30, 1990, set aside and the matter remitted for a new hearing as now provided by the law.                 
                             (C"est moi qui souligne.)                 

[11]      Finalement, contrairement à la situation dans l"affaire Fetni c. Canada (M.C.I.) (27 mars 1997), IMM-1230-96, la requérante principale, ici, n"a pas fait preuve de manque d"intérêt ou de négligence, puisqu"elle avait rencontré son procureur à quelque cinq reprises pour la préparation de l"audition de sa cause et qu"elle n"a demandé, finalement, qu"un seul ajournement.

[12]      Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l"affaire, renvoyée devant la Section du statut différemment constituée pour nouvelle


audition, ce tribunal devant prendre pour acquit que les requérantes ne se sont pas désistées de leur demande de renvendication.

                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 14 janvier 1998


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