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Date : 20041210

Dossier : T-1805-98

Référence : 2004 CF 1729

ENTRE :

                                   LE RÉVÉREND FRÈRE WALTER A. TUCKER et

                                LE RÉVÉREND FRÈRE MICHAEL J. BALDASARO

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                      défenderesse

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA JUGE HENEGHAN

INTRODUCTION

[1]                Les présents motifs font suite à l'ordonnance qu'a prononcée la Cour en audience publique à Hamilton (Ontario) le mardi 30 novembre 2004. L'ordonnance officielle rejetant l'action a été déposée à Toronto (Ontario) le même jour, à savoir le 30 novembre 2004, et énonce ce qui suit :

[traduction] La requête présentée par la défenderesse en vue de faire rejeter l'action est accordée; les motifs suivront et la question des dépens est mise en délibéré.


APERÇU GÉNÉRAL DU CONTEXTE PROCÉDURAL

[2]                Dans sa déclaration du 16 septembre 1995, le révérend frère Walter A. Tucker et le révérend frère Michael J. Baldasaro (les demandeurs) attaquent la constitutionnalité des dispositions de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, ch. 19, et ses modifications (la Loi) qui interdisent la possession et le trafic de la marihuana, pour le motif que ces interdictions portent atteinte à la liberté de religion garantie par la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, qui constitue l'annexe B de la Canada Act, 1982 (R.-U.), ch. 11 (la Charte). Les demandeurs sollicitent les réparations suivantes :

a.              un jugement déclarant l'inconstitutionnalité de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et que le Parlement n'avait pas les pouvoirs de l'adopter puisqu'elle concerne l'arbre de vie, cannabis, Cannabis Sativa, marihuana, chanvre, et tous ses dérivés parce que cette loi viole et porte atteinte aux principes de la justice fondamentale et aux dispositions des articles 1, alinéas 2.a)b)c)d), articles 7, 8, 9, alinéa 11d), article 12, paragraphes 15(1), 24(1), articles 26., 27, 31, paragraphe 52(1), articles 91, 91.27 et 92.9 et 13 de la Charte canadienne des droits et libertés, 1867 à 1998;

b.              une ordonnance annulant les dispositions de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances concernant l'utilisation, la culture et la distribution de l'arbre de vie, cannabis, Cannabis Sativa, marihuana, Chanvre, pour toutes ses utilisations spirituelles, médicinales, thérapeutiques et autres;

c.              un bref de prohibition interdisant au gouvernement fédéral et à ses mandataires de mettre en application ladite loi à l'égard des membres et du clergé de l'Assembly of the Church of the Universe en attendant que cette question soit entendue et tranchée de façon définitive; ainsi que toute autre réparation qui pourrait être sollicitée et accordée.

[3]                Le 20 octobre 1998, Sa Majesté la Reine (la défenderesse) a déposé un avis de requête, dans laquelle elle demandait une ordonnance portant radiation de l'action des demandeurs. Le protonotaire principal adjoint Giles a rendu le 4 décembre 1998 une ordonnance qui faisait droit en partie à la requête et les demandeurs ont été autorisés à déposer une déclaration modifiée.

[4]                Les demandeurs ont par la suite signifié et déposé une déclaration modifiée le 10 janvier 1999. La contestation constitutionnelle a été précisée mais est demeurée identique pour l'essentiel. La réparation demandée est demeurée inchangée.

[5]                Le 7 septembre 1999, la défenderesse a déposé un autre avis de requête, dans lequel elle demandait une nouvelle fois la radiation de la déclaration modifiée des demandeurs. Le juge Sharlow a rejeté la requête dans une ordonnance déposée le 13 décembre 1999.

[6]                Le 1er septembre 2000, la défenderesse a déposé une défense modifiée et a nié que la Loi porte atteinte aux droits constitutionnels des demandeurs garantis par la Charte. La défenderesse nie toutes les allégations de fait présentées par les demandeurs dans leur déclaration modifiée. La défenderesse soutient à titre subsidiaire que, si les dispositions réprimant la possession et le trafic de marihuana sont jugés contraires à la liberté de religion garantie par la Charte aux demandeurs, cette violation est cependant justifiée par l'article 1 de la Charte.

[7]                Le 23 février 2001, la défenderesse a déposé une requête dans laquelle elle sollicitait la suspension de cette décision en attendant l'issue des poursuites pénales intentées contre les demandeurs en vertu de cette Loi à Hamilton. Cette requête a été débattue le 26 février 2001 et rejetée aux termes d'une ordonnance prononcée le 7 mars 2001.

[8]                En 2003, la défenderesse a présenté une requête en jugement sommaire, conformément aux Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106 (les Règles). La requête a été débattue à Hamilton le 23 juin 2003. Le juge Gibson a accordé un jugement sommaire partiel dans l'ordonnance qu'il a prononcée le 29 août 2003. Il a décidé que l'argument des demandeurs concernant l'inconstitutionnalité de l'interdiction du trafic ne soulevait pas une question grave susceptible de faire l'objet d'un procès et a rejeté cette partie de la demande. Il a cependant décidé que la constitutionnalité de l'interdiction de la possession pouvait être entendue et a précisé les questions en litige dans cette affaire.

[9]                Une conférence préparatoire a eu lieu le 18 novembre 2003 à Toronto. Le protonotaire Milczynski a formulé de la façon suivante les questions en litige :

_               Les dispositions de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances qui interdisent la possession et la culture de la marihuana portent-elles atteinte aux droits qu'accorde l'alinéa 2a) de la Charte aux demandeurs?

_               Si les dispositions attaquées de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances portent atteinte aux droits que la Charte accorde aux demandeurs, ce qui n'est pas admis mais nié, constituent-elles une limite raisonnable pouvant se justifier dans une société libre et démocratique?

[10]            Conformément à une ordonnance du juge en chef datée du 28 juillet 2004, l'affaire a été inscrite au rôle à Toronto pour une période de sept jours, débutant le 29 novembre 2003.

[11]            Les demandeurs se sont opposés à la tenue du procès à Toronto. Dans une lettre datée du 29 juillet 2004, ils demandaient l'ajournement du procès. Conformément à une autre ordonnance du juge en chef datée du 8 septembre 2004, l'affaire a été inscrite au rôle à Hamilton, et devait être instruite à partir du 29 novembre 2004.

[12]            Conformément aux Règles, une conférence de gestion de l'instruction a été tenue à Toronto le 7 octobre 2004. Le dossier de la conférence de gestion de l'instruction expose les sujets qui ont été abordés, à savoir le nombre des témoins, la durée des témoignages, les questions en litige au procès, les documents utilisés au procès, la durée des audiences et d'autres aspects, notamment la requête informelle présentée par les demandeurs en vue d'obtenir la prorogation du délai accordé pour le dépôt d'un avis d'appel du jugement du juge Gibson.

[13]            D'après le dossier de la conférence de gestion de l'instruction, les demandeurs ont affirmé qu'ils seraient seuls à témoigner, dans les termes suivants :

[traduction] Les demandeurs ont fait savoir qu'ils seraient les seuls témoins à témoigner pour leur propre compte. Ils n'ont pas l'intention de convoquer de témoins à titre d'experts.


[14]            Cette affirmation est conforme aux notes qu'a préparées l'avocat de la défenderesse après la conférence préparatoire, à la demande du protonotaire Milczynski. Ces notes ont été communiquées à la Cour, avec le consentement des demandeurs, au cours de la conférence de gestion de l'instruction prévue le 7 octobre 2004. Ces notes énoncent ce qui suit :

[traduction]

(c)             Les demandeurs ont déclaré qu'ils feraient entendre deux témoins experts au sujet de la question de la nature de leur religion. [Par la suite, les demandeurs ont toutefois avisé la défenderesse le 11 décembre 2003 qu'ils n'avaient plus l'intention de convoquer des témoins. Le 7 janvier 2004, les demandeurs ont informé la défenderesse qu'ils avaient l'intention de témoigner au procès.]

[15]            Le 18 octobre 2004, le frère Tucker, un des demandeurs, a écrit à la Cour pour demander que soit prononcée une ordonnance concernant la conduite de la conférence de gestion de l'instruction. Le demandeur a également transmis un projet d'avis d'appel contre l'ordonnance sollicitée. Le 27 octobre 2004, le protonotaire Milczynski a émis des directives verbales qui sont enregistrées dans l'index des éléments consignés au dossier, de la façon suivante :

[traduction] En réponse à la lettre du demandeur datée du 19 octobre 2004, dans laquelle il demandait des directives de la Cour, ... La Cour (juge Heneghan), selon le dossier de la conférence de gestion de l'instruction daté du 16 octobre 2004 et modifié le 8 octobre 2004, a déclaré que « la seule question en litige au procès était celle qu'avait formulée le juge Gibson dans l'ordonnance qu'il a prononcée le 29 août 2003, à la suite de la requête de jugement sommaire présentée par la défenderesse... » La Cour (protonotaire Milczynski) précise qu'il s'agit là d'une directive qui n'est pas susceptible d'appel. Versé au dossier le 27 octobre 2004 - Confirmé par écrit aux parties


[16]            Le 4 novembre 2004, le frère Tucker, demandeur, a présenté un avis de requête, par écrit, dans lequel il demandait l'ajournement de la date du procès. La requête en ajournement était fondée sur une requête qui avait été présentée à la Cour d'appel fédérale au sujet de la demande de prorogation du délai d'appel à l'égard de l'ordonnance du juge Gibson. À la demande de la défenderesse, la requête a été communiquée au juge du procès et après un débat tenu le 12 novembre, la Cour a prononcé une ordonnance le 15 novembre 2004, dans laquelle elle rejetait la requête en ajournement.

[17]            Le 1er novembre 2004, les demandeurs ont présenté un avis de requête, qui devait être examiné sur dossier, à la Cour d'appel fédérale, dans lequel ils demandaient la prorogation du délai de dépôt de l'avis d'appel de l'ordonnance du juge Gibson. Le 19 novembre 2004, la Cour d'appel fédérale a rejeté la requête présentée en vue d'obtenir la prorogation du délai d'appel.

[18]            Le 18 novembre 2004, les demandeurs ont présenté un deuxième avis de requête, à être examiné sur pièces, dans lequel ils demandaient une décision préliminaire sur une question de droit. Selon la directive donnée le 19 novembre 2004, la requête a été inscrite pour audition par conférence téléphonique le 23 novembre 2004. La requête a été rejetée par l'ordonnance datée du 25 novembre 2004.

L'AUDIENCE DU 29 NOVEMBRE 2004

[19]            L'instruction a commencé à Hamilton (Ontario), le lundi 29 novembre 2004 à 9 h 30. Les demandeurs étaient présents, ainsi que l'avocat de la défenderesse. Les demandeurs n'ont toutefois pas fait de déclaration liminaire, ni convoqué de témoins; ils ont commencé par présenter une série d'objections.

[20]            Tout d'abord, le frère Baldasaro, demandeur, a affirmé que le fait que la Couronne lui ait adressé des documents sous le nom de « Michael Baldasaro » et non sous celui de « Révérend Baldasaro » , a porté atteinte à sa dignité. Il a déclaré :

[traduction] Si je témoigne, ce ne sera pas en tant que Michael Baldasaro, ce sera en tant que révérend Baldasaro et si la Couronne continue à me désigner autrement que par mon titre, je ne peux pas le faire. Je ne peux pas témoigner de cette façon.

Transcription, page 4, lignes 14 à 18

[21]            Le frère Baldasaro, demandeur, s'est ensuite plaint du fait que la correspondance émanant de l'avocat de la défenderesse ne soit pas adressée aux demandeurs sous leur titre de « révérend frère » . Il a déclaré que le fait de leur adresser cette correspondance sous les noms de « M. Tucker » et de « M. Baldasaro » indiquait que les documents n'avaient pas été régulièrement signifiés aux demandeurs, et que cela avait compromis leur capacité de préparer le procès. Il a déclaré qu'il avait le droit d'être appelé « révérend » et a cité les motifs déposés dans la cause n ° T-152-85 par le protonotaire principal adjoint Giles, qui portaient sur ce point. Il a également déclaré que les tribunaux de l'Ontario avaient reconnu qu'il s'appelait le « révérend Baldasaro » .

[22]            La défenderesse a accepté, dans le but de faciliter le déroulement du procès, que l'avocat utilise le titre « révérend » à l'endroit des demandeurs, sous réserve de la position adoptée dans la défense modifiée.

[23]            Le frère Baldasaro, demandeur, a ensuite demandé un ajournement. Il a déclaré qu'il serait « équitable » pour les demandeurs que le procès soit ajourné jusqu'en mars 2005; voir la page 20 de la transcription.

[24]            La défenderesse s'est opposée à cette requête, pour le motif que les demandeurs avaient déjà soulevé la plupart de ces questions et qu'ils n'avaient pas obtenu gain de cause avec une requête en ajournement proposée antérieurement. En outre, la défenderesse soutenait que les demandeurs savaient très bien que l'affaire avait été inscrite au rôle du 29 novembre et que la défenderesse s'était préparée pour le procès, en convoquant des témoins, notamment un témoin expert.

[25]            Le frère Tucker, demandeur, a déclaré qu'il était prêt à procéder mais a indiqué qu'il n'avait pas de preuve à présenter, si ce n'est à l'égard de l'argument de leur déclaration portant sur la notion de trafic. Il a déclaré qu'il estimait que la demande de « protection » qu'avaient faite les demandeurs à l'égard de l'interdiction du trafic imposée par la Loi avait été « vidée de sa substance » et a déclaré ce qui suit :

[traduction] ... peu importe ce que vous faites ici, peu importe la décision que vous pourrez prendre, ils vont continuer parce qu'ils savent que vous avez vidé de toute substance notre demande de protection de la Cour à l'égard du partage du sacrement entre les membres de notre église.

Transcription, page 41, lignes 8 à 12

... j'aimerais savoir que vous êtes prêts à modifier ceci, que vous avez le pouvoir de prendre une décision concernant notre capacité de distribuer cette chose entre nous et entre les membres de l'église, si vous le souhaitez.

Transcription, page 43, lignes 1 à 5


[26]            Il a ajouté ce qui suit :

[traduction] J'estime néanmoins que si vous êtes prête à écouter ce que j'ai à dire sur cet aspect, alors je n'aurais pas d'objection à témoigner, à parler sincèrement et probablement à vous en convaincre également, Votre Honneur.

Mais si ce qui va se passer c'est que je vais me rendre à la barre des témoins pour témoigner et dire exactement ce que je dis depuis 30 ans, et que personne ne tiendra aucun compte de ce que je vais dire, et que je vais être attaqué de tous les côtés, encore une fois, et que les attaques qui ont déjà été lancées ne seront pas annulées parce qu'elles constituent une violation des droits que m'accorde la Charte, et si vous n'allez même pas écouter ce que j'ai à dire ni rendre une décision à ce sujet, alors je vous ferais perdre votre temps.

Transcription, page 42, lignes 9 à 24

Et si Votre Honneur peut m'assurer, que d'une façon ou d'une autre, si je réussis à vous convaincre que ce qui se produit en ce moment est un simulacre de justice, une violation des droits qui m'appartiennent en tant qu'être humain, une violation de la Charte des droits et libertés, si je peux vous convaincre de tout cela, alors nous pourrons mettre un terme aux poursuites pénales intentées devant les tribunaux inférieurs.

Transcription, page 43, lignes 5 à 13

[27]            Le frère Baldasaro, demandeur, a ensuite soutenu que la Cour n'avait pas le pouvoir d'accorder la réparation sollicitée par les demandeurs, à savoir, un jugement déclarant inconstitutionnelle l'interdiction du trafic de drogues par la Loi. Il a déclaré que la décision du juge Gibson n'était pas contraignante, en les termes suivants :

[traduction]

FRÈRE BALDASARO: Je n'ai que sept jours à passer ici et vous supprimez la protection accordée par la Charte que nous venions invoquer. Je ne sais pas.

Je ne pense pas que le juge Gibson ait le droit de vous dire quoi faire. Vous êtes son égal. Vous n'êtes pas obligé d'accepter ce qu'il dit. Cela peut faire l'objet d'un appel devant la Cour suprême du Canada sans avoir à demander d'autorisation.


Je pense que la Cour est trop proche de la Couronne. J'en suis vraiment convaincu. La façon dont nous avons été traités jette le discrédit sur l'administration de la justice.

Transcription, page 60, lignes 1 à 12

[28]            De plus, il a déclaré qu'il continuerait à demander l'autorisation de contester cette décision, en disant ce qui suit :

[traduction]

FRÈRE BALDASARO: Et bien, comme je l'ai dit, nous en sommes arrivés à un point où la Cour ne peut m'accorder la réparation sollicitée ni la protection que m'accorde la Charte et le droit, la Cour m'a abandonné.

Transcription, page 66, ligne 25

Et je pense que c'est une violation des droits que m'accorde la Charte des droits et un moyen d'appel. Et le fait que le juge Gibson -- j'obtiendrai peut-être l'infirmation de cet appel. C'est pourquoi il y a des cours d'appel. Je n'accepterai pas que la Cour suprême refuse de se prononcer.

Transcription, page 67, lignes 1 à 9

[29]            Le frère Baldasaro, demandeur, a demandé un procès avec jury devant la Cour. Après avoir été informé du fait que la Cour fédérale ne siégeait pas avec jury, comme le prévoit l'article 49 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, et ses modifications, il a déclaré que cela constituait une autre violation de ses droits constitutionnels. Il a affirmé qu'il n'était pas traité de façon équitable, comme l'indique ce qui suit :

[traduction]

... Je ne suis pas avocat mais il me semble, et je crois encore que tous les avis juridiques que j'ai reçus montrent qu'il n'est pas nécessaire de faire ce que demande le juge Gibson.

C'est votre tribunal et si vous dites que vous ne pouvez accéder à nos demandes pour cette raison, c'est la même question qui bloque le présent procès que celle qui avait été soumise à la Cour fédérale.


LA JUGE HENEGHAN: Cela n'empêche pas la tenue de ce procès. Vous n'aimez pas cela, mais cela ne veut pas dire que cela empêche la tenue du procès.

FRÈRE BALDASARO: J'ai le droit d'être traité de façon équitable. Et je ne suis pas traité de façon équitable. Ce n'est pas vous la Cour, la Couronne nous retire, comme je l'ai dit, tous les motifs pour lesquels nous sommes venus ici.

Transcription, page 71, lignes 8 à 22

[30]            Le frère Baldasaro, demandeur, soutient également que son témoignage [traduction] « est entièrement fondé sur mon affidavit qui se trouve dans le dossier présenté au juge Gibson » , c'est l'affidavit déposé en réponse à la requête de la défenderesse en vue d'obtenir un jugement sommaire. Il demande que l'affidavit soit accepté à titre de preuve par la Cour. Il affirme que l'ordonnance dans laquelle le juge Gibson accordait un jugement sommaire partiel à la défenderesse était fondée sur un manque de preuve de la part des demandeurs et il soutient que le juge Gibson a commis une erreur parce qu'il n'a pas tenu compte des affidavits présentés par les demandeurs. Le demandeur frère Baldasaro soutient que si aucune preuve de trafic de drogue n'avait été présentée au juge Gibson, alors il devrait pouvoir présenter à la Cour des preuves sur ce point.

[31]            Le frère Baldasaro, demandeur, a alors soulevé la possibilité que la Cour « ait quelque chose à cacher » (Transcription, page 75). Il a alors répété ses arguments concernant l'ajournement du procès, tel que l'indique ce qui suit :

[traduction]

FRÈRE BALDASARO: Je dis simplement que je ne devrais pas avoir à subir tout ceci. Je n'aurais pas dû perdre le droit d'être qui je suis au départ, quelle que soit l'étape de l'instance.


Tout cela me prend beaucoup de temps et m'amène à présenter des arguments que je ne devrais même pas -- nous devrions être ici en mars puisque la Cour disposera à cette époque de trois semaines. Ils seraient heureux de nous accorder deux semaines. Je serais même prêt à admettre certaines choses. Mais je veux témoigner.

LA JUGE HENEGHAN: Mais c'est à vous de décider comment présenter votre défense dans la poursuite pénale.

Il s'agit ici d'une action en civile, vous êtes le demandeur, et j'attends que vous présentiez les arguments du demandeur.

Transcription, page 77, lignes 14 à 25

Transcription, page 78, lignes 1 à 5

[32]            Le demandeur frère Baldasaro a alors soutenu que l'avocat de la défenderesse dans la présente action civile avait envers lui la même obligation que celle qui incombe au procureur de la Couronne dans une poursuite pénale, comme cela est expliqué dans l'arrêt Lemay v. The King. [1952] 1 R.C.S. 232 et il a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Et la cour aussi, c'est son travail, il a utilisé des stratagèmes et a essayé des choses pour en trouver, comme si j'étais un avocat et comme si je connaissais le droit.

Les ministres de la Couronne ont non seulement le devoir de me protéger mais également celui de protéger la société. En me maltraitant et en prétendant comme il a fait que je n'étais pas un révérend et tout ce que nous avons subi pour en arriver à prétendre que cette juridiction pénale en Ontario et la Cour supérieure de l'Ontario, qu'il va suspendre toutes les accusations portées contre moi alors qu'il a pris ensuite un moyen détourné en s'adressant ainsi à un juge de la Cour fédérale pour vider notre déclaration de toute substance, tout cela jette le discrédit sur l'administration de la justice, neutralise complètement les avantages que nous pourrions retirer de cette instance, vise à compliquer les choses et à m'entraîner dans des dépenses, de toutes sortes de façon, en particulier avec les dépens que vous serez amenés à adjuger.

Parce qu'il ne servirait à rien que je témoigne parce que mon témoignage va constituer à dire que je suis obligé de le partager. Cela a toujours été le cas. C'est un principe fondamental de notre religion. La Cour le saurait si elle avait examiné nos affidavits. Vous ne pouvez pas vous contenter de dire que la Cour ne s'est pas encore prononcée sur la validité de nos affidavits, quel que soit le nombre des documents que nous avons présentés à la Cour.


Transcription, page 82, lignes 7 à 25 et page 83, lignes 1 à 7

[33]            La Cour s'est ensuite informée des intentions des demandeurs, dans les termes suivants :

[traduction]

LA JUGE HENEGHAN: Entre-temps, je vous invite à réfléchir à ceci si vous me dites que vous n'allez pas témoigner, ou est-ce que cela, qu'allez-vous faire? Êtes-vous en train de dire que vous allez tout simplement abandonner cette action?

Transcription, page 84, lignes 9 à 13

[34]            L'avocat de la défenderesse a formulé de la façon suivante sa position à l'égard de la décision du juge Gibson :

[traduction]

M. LEAFLOOR: Oui. Permettez-moi de préciser quelque chose au sujet de la décision du juge Gibson.

Il ne nous appartient pas aujourd'hui d'essayer d'interpréter ou de contourner la décision du juge Gibson. Elle a été prononcée. Cette question est réglée. Nous sommes ici pour aborder les autres aspects de la demande.

Il est néanmoins important de signaler que, contrairement à ce qu'ont déclaré les demandeurs, la décision du juge Gibson est en fait fondée sur des preuves. Il disposait de transcriptions.

Transcription, page 87, lignes 2 à 11

[35]            Il a ensuite informé les demandeurs que, s'ils décidaient de s'abstenir de fournir des preuves, la défenderesse présenterait une requête pour faire rejeter leur demande :

[traduction]

Ils ont dit qu'ils voulaient avoir la possibilité de présenter leurs preuves. Comme vous l'avez indiqué, ils ont la possibilité de le faire cette semaine. Ils peuvent prendre place à la barre des témoins et témoigner aujourd'hui et le restant de la semaine, c'est la façon correcte de procéder.


Pour être équitable envers les demandeurs, je devrais dire aussi, étant donné que je crois les avoir entendu dire qu'ils n'avaient peut-être pas l'intention de témoigner à leur procès, et que si c'était le cas, nous serions prêts à soutenir que la Cour ne dispose d'aucune preuve permettant de fonder leur action et j'inviterais la Cour à rejeter immédiatement leur demande.

Transcription, page 88, lignes 19 à 23

Transcription, page 89, lignes 1 à 7

[36]            La réponse initiale des demandeurs à cette affirmation a consisté à demander, encore une fois, l'ajournement du procès, comme cela ressort de l'échange qui suit :

JUGE HENEGHAN: Et bien, je ne sais pas. Je veux dire que normalement lorsqu'une action est introduite au moyen d'une déclaration, la partie qui institue l'action est le demandeur et la partie qui y répond le défendeur.

La façon ordinaire et habituelle de procéder consiste à inviter le demandeur à présenter des preuves. Si le demandeur ne présente pas de preuve, et bien on peut se demander ce que va devenir cette action.

FRÈRE TUCKER: Nous pensons qu'il faudrait ajourner jusqu'en mars.

LA JUGE HENEGHAN: Il n'y aura pas d'ajournement, frère Tucker.

FRÈRE TUCKER: C'est la seule suggestion que je puisse faire qui me paraisse raisonnable, Votre Honneur.

LA JUGE HENEGHAN: Non, cela ne paraît pas du tout raisonnable, compte tenu du fait que les parties sont ici et que les témoins sont prêts à témoigner.

FRÈRE TUCKER: Mais la Cour n'est même pas saisie de cette affaire, Votre Honneur.

LA JUGE HENEGHAN: Quelle affaire?

FRÈRE TUCKER: L'accusation de trafic.

LA JUGE HENEGHAN: Non, la Cour en est dessaisie.

FRÈRE TUCKER: C'est ce que je dis, Votre Honneur. Il ne sert à rien de perdre votre temps si la réparation que vous m'accordez ne peut être celle que je demande.

LA JUGE HENEGHAN: Mais la question du trafic et je voudrais revenir et...


FRÈRE TUCKER: Elle a été vidée de sa substance.

LA JUGE HENEGHAN: Non, ce n'est pas le cas. Cette question a été débattue et jugée. Vous avez été condamné.

FRÈRE TUCKER: En ce qui me concerne, cette affaire n'a pas encore été entendue.

Transcription, page 92, lignes 11 à 25

Transcription, page 93, lignes 1 à 24

[37]            Le demandeur frère Baldasaro a ensuite cité l'arrêt Mills c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 863 pour soutenir qu'une contestation constitutionnelle devait être fondée sur des faits pour qu'elle puisse être tranchée. Il a soutenu que le juge Gibson ne disposait d'aucune preuve pour appuyer sa décision, dans les termes suivants :

[traduction]

FRÈRE BALDASARO: Et le juge Gibson n'en avait aucune pour rendre sa décision. Les questions constitutionnelles et relatives à la Charte doivent être débattues et jugées, et non pas vidées de toute substance, en ne se basant sur aucune preuve. Il n'avait aucune preuve qui lui permettait de supprimer cela et c'est pourquoi je dis, que si la question est examinée ici, elle devrait être écartée parce que cette une ordonnance qui n'est pas valide.

Transcription, page 96, lignes 21 à 25 et page 97, lignes 1 et 2

[38]            Le demandeur frère Baldasaro a ensuite affirmé que la décision du juge Gibson n'était pas pertinente :

[traduction]

Toutes ces choses s'accumulent pour m'empêcher de lutter contre tout cela et même, comme je l'ai dit, nous ne pensons pas que l'ordonnance du juge Gibson veuille dire quoi que ce soit. Elle n'a absolument aucun rapport avec la cause.

C'est une ordonnance. Ce n'est pas parce qu'elle existe que cela veut dire quoi que ce soit. Il a commis une erreur de droit et cela devra être tranché. Je n'accepterai aucun refus sur ce point, même si cela vient de la Cour suprême du Canada.


Transcription, page 103, lignes 15 à 23

[39]            Il a poursuivi et il a affirmé qu'il n'avait pas eu droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, dans les termes suivants :

[traduction]

... Et si ce n'est pas le cas, cela veut dire qu'on a violé mon droit à la même protection et au même bénéfice de la loi qui veut que, selon la pratique actuelle, tous les actes de procédure de cette Cour sont acceptées par nos affidavits, jusque devant la Cour suprême du Canada. Il n'y a pas de problème.

Transcription, page 118, lignes 21 à 25 et page 119, ligne 1

[40]            Le frère Tucker, demandeur, a alors déclaré que son codéfendeur avait affirmé que, dans cette affaire, la défenderesse cherchait un juge favorable à sa cause, comme l'indique ce qui suit :

[traduction]

J'allais également vous dire que la Couronne, le révérend Baldasaro affirme que la Couronne recherche un juge qui soit favorable à sa cause. La seule chose que je puisse dire...

Transcription, page 134, lignes 21 à 24

[41]            Le frère Tucker, demandeur, a alors poursuivi en disant que la Cour ne le laissait pas prendre place à la barre des témoins, comme l'indique ce qui suit :

[traduction]

... Et je ne peux pas le faire parce que vous avez dit que quoi que je dise, et même si vous me croyez comme si Dieu vous parlait directement, même si vous, d'après ce que vous m'avez dit, si même vous croyez cela, même si vous croyez absolument ce que je vous disais, vous ne pourriez quand même pas m'accorder la protection de la Charte pour que je puisse distribuer le sacrement et le partager avec les autres êtres humains et moi-même.

Si vous ne pouvez pas faire cela, alors même si je désire vraiment témoigner, même si je désire beaucoup le faire, ce qui est exact, je ne peux pas. Et je m'excuse auprès de Votre Honneur si vous estimez que j'entrave le déroulement de l'audience, ce n'est pas mon...


LA JUGE HENEGHAN: Non, non, nous n'en sommes pas encore là. Mais nous en sommes à l'étape où je dois savoir ce que les demandeurs ont l'intention de faire.

FRÈRE TUCKER: Je ne peux pas vous le dire, Votre Honneur, à moins que vous me disiez que lorsque j'aurais terminé, et que vous aurez reçu suffisamment de preuves pour démontrer que la distribution, le partage de ma vie ou de mon sacrement qui est d'après moi un don que Dieu m'a fait, si je ne peux pas partager cela avec les autres êtres humains, d'après vous, lorsque vous aurez entendu toutes les preuves, alors je vous fais perdre votre temps et je perds mon temps et je perds celui de toutes ces personnes de qualité et cela je ne veux pas le faire. Ce n'est pas comme cela que j'agis.

Transcription, page 139, lignes 20 à 25 et page 140, lignes 1 à 24

LA JUGE HENEGHAN: Dites-vous que vous n'allez pas témoigner?

FRÈRE TUCKER: Je ne peux pas.

LA JUGE HENEGHAN: Vous n'allez donc pas témoigner?

FRÈRE TUCKER: C'est exact, Votre Honneur, je ne le peux pas.

LA JUGE HENEGHAN: Vous dites donc que vous ne pouvez témoigner.

FRÈRE TUCKER: Je ne peux pas témoigner parce que vous ne pouvez pas m'accorder la réparation dont j'ai besoin, par conséquent, vous n'êtes pas un tribunal compétent devant lequel je puisse témoigner. C'est tout ce que je peux dire, Votre Honneur, et c'est avec un coeur très lourd et beaucoup de regret que je vous le dis.

Transcription, page 141, lignes 6 à 20

[42]            L'avocat de la défenderesse a répondu de la façon suivante à la remarque au sujet de la recherche « d'un juge favorable à sa cause » :

[traduction]

M. LEAFLOOR: Permettez-moi de faire un bref commentaire au sujet de l'observation du demandeur au sujet de la recherche d'un juge favorable.

Ce genre de commentaires me paraît troublant et insultant.

FRÈRE TUCKER: À moi aussi.


M. LEAFLOOR: Cela montre peut-être que vous ne comprenez pas très bien, vous savez, la façon dont le tribunal fonctionne et le processus que le tribunal applique. Évidemment, ces commentaires sont absolument dénués de fondement et nous les contestons. Je suis surpris que l'on puisse faire ce genre de commentaires.

Transcription, page 141, lignes 22 à 25 et page 142, lignes 1 à 8

[43]            En réponse, le frère Baldasaro, demandeur, a soutenu que la défenderesse l'avait empêché de présenter correctement ses arguments. Il appuie cette affirmation sur les objections qu'a opposées la défenderesse à la préparation de son affidavit de documents et soutient qu'on lui a refusé la possibilité de parler du contenu de son affidavit de documents avec l'avocat de la Couronne, dans les termes suivants :

[traduction]

... Et comme je l'ai dit, je n'ai même pas pu aborder cette question parce que je n'ai pu savoir si avec mon affidavit je pouvais, avec la lettre de M. Gorham, je pouvais faire quoi que ce soit, et présenter d'autres documents.

...

J'affirme que cela m'a complètement privé de la possibilité de présenter correctement mes arguments dans un délai raisonnable.

... C'est pourquoi nous n'avons pas -- nous n'avons aucune preuve à présenter. Notre demande a été complètement vidée de toute substance.

Transcription, page 153, lignes 24 à 25 et page 156, lignes 1 à 3 et lignes 10 à 12

[44]            Le frère Tucker, demandeur, s'est ensuite opposé à la présence de certains documents dans le recueil de documents de la défenderesse. Il a affirmé que ce recueil contenait des documents « volés » . Il a affirmé que, s'il s'opposait à ce que ces preuves soient admises, la Cour pouvait rejeter son objection, dans les termes suivants :


[traduction]

FRÈRE TUCKER: Et vous pouvez écarter mon objection et ces documents seraient acceptés comme c'est ce qui est arrivé ici. Je me suis opposé à ce qui m'arrivait. Vous avez écarté mon objection. Nous allons procéder de toute façon.

Et je vous ai déjà dit à plusieurs reprises qu'il ne sert à rien que je présente des arguments sur une question, qui sera de toute façon tranchée en ma défaveur.

Transcription, page 159, lignes 1 à 9

[45]            Le frère Baldasaro, demandeur, a alors affirmé qu'on lui avait refusé la possibilité de présenter des preuves, dans les termes suivants :

[traduction]

FRÈRE BALDASARO: Mes affidavits ont été communiqués à la Cour et ne sont pas considérés comme des affidavits. La Cour refuse donc d'accepter mes preuves.

Transcription, page 162, lignes 12 à 15

[46]            Peu après, le frère Baldasaro, demandeur, a déclaré qu'il souhaitait présenter à titre de pièce son affidavit de documents. Il a affirmé qu'il avait le droit de parler de l'affidavit de documents avec l'avocat de la Couronne et qu'on lui avait refusé la possibilité de le faire :

[traduction]

J'ai maintenant la moitié d'une affaire. Je ne peux pas m'attendre à être maltraité plus tard parce qu'ils m'ont permis de les traiter de cette façon. S'il avait signé « révérend » sur tous les documents sur lesquels il aurait pu le faire, cette question aurait été réglée il y a longtemps, et c'est ce qui aurait dû être fait. Personne ne devrait être obligé de demander à un tribunal de régler le genre de questions qui sont en jeu ici.

Transcription, page 168, lignes 18 à 25


[47]            L'avocat de la défenderesse a déclaré que les demandeurs ne faisaient que reprendre des arguments antérieurs et a invité le tribunal à procéder, en tenant pour acquis que les demandeurs n'allaient pas témoigner. Le demandeur frère Baldasaro a contesté cette affirmation, dans les termes suivants :

[traduction]

FRÈRE BALDASARO: Ce n'est pas ce que je dis. Je dis que les obstacles procéduraux ont entraîné la nullité de l'affaire. Ils sont inconstitutionnels.

Transcription, page 169, lignes 16 à 18

...

FRÈRE BALDASARO: Le juge Gibson l'a fait. Et vous dites que nous ne pouvons pas aller plus loin. Vous dites que nos affidavits ne veulent rien dire. Vous dites qu'une question de droit devrait être tranchée avant que l'on me maltraite davantage. Et j'ai été maltraité jusqu'ici, bousculé, poussé dans ce procès qui aurait pu facilement aller jusqu'en 2005, facilement. Et je pense que c'est ce que nous avons dit au protonotaire.

En fait, dans les notes qu'elle a prises au cours de la conférence préparatoire, on peut lire fin 2004 ou début 2005. Pourquoi se précipiter? Pourquoi? Pourquoi? Vous savez, en particulier étant donné qu'ils savent qu'ils contestent nos titres et qu'ils contestent nos affidavits. Cela va beaucoup trop loin.

C'est un abus de procédure devant l'honorable Cour.

Transcription, page 170, lignes 14 à 25 et page 171, lignes 1 à 5

[48]            Le frère Baldasaro, demandeur, après avoir été informé du fait que la Loi sur les Cours fédérales, précitée, et les Règles régissaient la pratique et les instances de la Cour, a soutenu que l'article 46 de cette Loi était inconstitutionnel. Voir la transcription, à la page 173.

[49]            Lorsque le frère Baldasaro, demandeur, a été interrogé directement, une autre fois, au sujet de son intention de témoigner, il a répondu dans les termes suivants :

[traduction]

LA JUGE HENEGHAN: Vous allez donc témoigner?

FRÈRE BALDASARO: Je ne peux pas le faire.


LA JUGE HENEGHAN: Pourquoi pas?

FRÈRE BALDASARO: Si je ne dis pas qu'on me viole pendant qu'on me vide, je ne pourrai pas dire que je suis en train d'être violé par la suite.

Transcription, page 174, lignes 15 à 21

[50]            Là encore, le frère Baldasaro, demandeur, est revenu sur la question de l'ordonnance du juge Gibson. Il a affirmé que cette ordonnance n'était pas contraignante, comme l'indique ce qui suit :

[traduction]

FRÈRE BALDASARO: Oui, nous l'avons fait. Mais c'est parce que nous ne croyons pas en la validité de cette ordonnance. Son ordonnance est -- personne n'est obligé d'appliquer une loi ou une ordonnance qui est inconstitutionnelle. Il n'avait pas le droit de la prononcer et vous pouvez la modifier.

Transcription, page 177, lignes 11 à 15

[51]            Peu après, le frère Baldasaro, demandeur, a fourni des renseignements sur sa décision de ne pas témoigner :

[traduction]

... Je ne peux pas témoigner. La Cour a violé -- la Cour a violé mes droits constitutionnels.

LA JUGE HENEGHAN: Dites-vous que vous avez décidé de ne pas témoigner?

FRÈRE BALDASARO: Non, je ne peux pas. Vous avez violé les droits que m'accorde la Charte lorsque vous avez pris votre décision au sujet de l'affidavit.

Transcription, page 179, lignes 2 à 9

[52]            La défenderesse a ensuite soutenu que, puisque les demandeurs avaient clairement affirmé qu'ils n'allaient pas témoigner, elle n'avait pas d'argument à réfuter; elle a donc présenté une requête en rejet de l'action. Sur ce point, la défenderesse s'est appuyée sur la décision prononcée récemment par le juge von Finckenstein dans 351694 Ontario Ltd. c. Paccar of Canada Ltd., [2004] A.C.F. n ° 1919.

[53]            La Cour a demandé précisément aux demandeurs s'ils avaient terminé de présenter des arguments :

[traduction]

LA JUGE HENEGHAN: Ils n'ont pas vraiment terminé de présenter leurs arguments. Ils ont déclaré avoir dit qu'ils ne pouvaient témoigner. Je ne peux pas leur demander s'ils ont terminé de présenter des arguments.

FRÈRE BALDASARO: On ne m'a pas permis de commencer à le faire, Votre Honneur.

LA JUGE HENEGHAN: Vous avez été autorisé à le faire, frère Baldasaro. On vous a invité à plusieurs reprises à présenter vos arguments et vous avez décidé de ne pas le faire.

Transcription, page 191, lignes 23 à 25 et page 192, lignes 1 à 7

[54]            Le frère Baldasaro, demandeur, a alors contesté l'impartialité de la Cour, comme l'indique ce qui suit :

[traduction]

FRÈRE BALDASARO: Et quelle que soit la façon dont vous décidez de le faire. Et vous dites que je peux vous dire non et oui à tout ce qu'ils souhaitent. Et cela me fait très peur parce qu'ils sont là à côté et qu'ils font ce qu'ils veulent.

J'ajouterais que je me sentirais beaucoup mieux si vous les obligiez à faire ce qu'ils doivent faire et à nous traiter comme tous les autres.

Si le tribunal, comme je l'ai dit, c'est là le point essentiel : la Cour a violé mes droits constitutionnels. J'estime qu'elle n'est pas impartiale.


Transcription, page 194, lignes 9 à 20

[55]            La Cour a encore une fois demandé à chacun des demandeurs s'il avait l'intention de témoigner :

[traduction]

LA JUGE HENEGHAN: Allez-vous témoigner au procès?

FRÈRE BALDASARO: Je ne peux pas le faire. Je voudrais mais je ne peux pas. Ce serait comme si je me violais et que je disais que cela est acceptable. Je me soumettrais à des journées de témoignages et de transcriptions dans le simple but de contester quelques points de droit que nous avons déjà précisé ici, et c'est à peu près tout ce que je peux faire. Je vais donc m'asseoir, m'arrêter de parler et espérer que Votre Honneur reconnaisse que l'affaire va simplement être rejetée et qu'elle nous laissera interjeter appel pour voir si nous n'avons pas été violés.

Transcription, page 195, lignes 18 à 25 et page 196, lignes 1 à 4

LA JUGE HENEGHAN: Frère Tucker, allez-vous témoigner?

FRÈRE TUCKER: Votre Honneur, je regrette de vous dire que je ne vais pas le faire. J'estime que j'en suis empêché à cause des décisions qu'a prises la Cour qui m'empêchent d'exercer les droits que m'accorde la Charte. Et tant que cet aspect n'aura pas été redressé, je ne pourrai pas aller plus loin.

Transcription, page 196, lignes 24 à 25 et page 197, lignes 1 à 5

[56]            La Cour a ajourné l'audience pour examiner la requête de la défenderesse et après la reprise des débats le 30 novembre 2004, elle a accordé la requête et rejeté l'action.

ANALYSE

[57]            L'affaire a été entendue à Hamilton (Ontario), le lundi 29 novembre 2004. Les règles 274 à 278 régissent l'instruction. La règle 274(1) énonce ce qui suit :



274. (1) Sous réserve du paragraphe (2), à l'instruction d'une action, sauf directives contraires de la Cour :

a) le demandeur fait un bref exposé préliminaire, puis présente sa preuve;

b) une fois que le demandeur a présenté sa preuve, le défendeur fait un bref exposé préliminaire, puis présente sa preuve;

c) après que le défendeur a présenté sa preuve, le demandeur peut présenter une contre-preuve.

274. (1) Subject to subsection (2), at the trial of an action, unless the Court directs otherwise,

(a) the plaintiff shall make an opening address and then adduce evidence;

(b) when the plaintiff's evidence is concluded, the defendant shall make an opening address and then adduce evidence; and

(c) when the defendant's evidence is concluded, the plaintiff may adduce reply evidence.


[58]            Les demandeurs n'ont pas suivi cette procédure mais ont présenté toute une série d'objections et ont constamment demandé l'ajournement du procès. La Cour les a interrogés à de nombreuses reprises au sujet de leur intention de témoigner. Ils ont finalement décidé de ne pas le faire.

[59]            L'essentiel de l'objection des demandeurs portait sur la décision qu'avait rendue le juge Gibson au sujet de la requête en vue d'obtenir un jugement sommaire présenté en 2003 par la défenderesse. Le principal argument à ce sujet était que la décision qui accordait un jugement sommaire partiel à la défenderesse n'était basée sur aucune preuve. Cet argument reposait sur le fait que le juge Gibson avait rejeté les affidavits des demandeurs.

[60]            Un deuxième argument portait sur la capacité des demandeurs de recevoir des affidavits. La défenderesse avait soutenu que les demandeurs n'avaient pas établi qu'ils étaient habilités, par commission, à recevoir des affidavits, conformément au paragraphe 54(1) de la Loi sur les Cours fédérales, précitée, et par conséquent, que les affidavits des demandeurs étaient irréguliers sur le plan de la forme.


[61]            Les demandeurs ont répondu que leurs affidavits, qu'ils avaient reçu l'un de l'autre, avaient été reconnus, à une reprise au moins, par la Cour supérieure de l'Ontario. Les demandeurs ont fait référence à une instance en habeas corpus présentée devant le juge Borkovich de la Cour supérieure de justice de l'Ontario siégeant à Hamilton (Ontario), le 15 septembre 2000.

[62]            La question de l'admissibilité des affidavits des demandeurs devant les tribunaux de l'Ontario n'a rien à voir avec la présente instance. La règle du comblement des lacunes ne s'applique pas étant donné que la Cour est régie par ses propres règles de pratique qui ont été adoptées conformément à l'article 46 de la Loi sur les Cours fédérales, précitée. Le sous-alinéa 46(1)a)(v) énonce à ce sujet :



46. (1) Sous réserve de l'approbation du gouverneur en conseil et, en outre, du paragraphe (4), le comité peut, par règles ou ordonnances générales :

a) réglementer la pratique et la procédure à la Cour d'appel fédérale et à la Cour fédérale, et notamment :

...

(v) régir les dépositions faites devant un juge ou toute autre personne qualifiée - au Canada ou à l'étranger, avant ou pendant l'instruction et, sur commission ou autrement, avant ou après le début de l'instance devant la Cour d'appel fédérale ou la Cour fédérale -, à l'appui d'une demande effective ou éventuelle, [je souligne]

...

46. (1) Subject to the approval of the Governor in Council and subject also to subsection (4), the rules committee may make general rules and orders

(a) for regulating the practice and procedure in the Federal Court of Appeal and in the Federal Court, including, without restricting the generality of the

foregoing,

...

(v) rules governing the taking of evidence before a judge or any other qualified person, in or outside Canada, before or during trial and on commission or otherwise, of any person at a time either before or after the commencement of proceedings in the Federal Court of Appeal or the Federal Court to enforce the claim or possible claim in respect of which the evidence is required,

[Emphasis added]

...


[63]            La règle 282 régit la façon dont la Cour reçoit les témoignages au cours de l'instruction et énonce ce qui suit :


282. (1) Sauf ordonnance contraire de la Cour, les témoins à l'instruction sont interrogés oralement, en séance publique.

(2) Les témoins déposent sous serment.

282. (1) Unless the Court orders otherwise, witnesses at trial shall be examined orally and in open court.

(2) All witnesses shall testify under oath.


[64]            Les arguments et les plaintes qu'ont formés les demandeurs au sujet de leurs affidavits, dans le cadre du processus préalable au procès, y compris la préparation de l'affidavit de documents, et dans la requête qui a été examinée par le juge Gibson, n'ont rien à voir avec la conduite de l'instruction qui devait avoir lieu le 29 novembre 2004.

[65]            J'estime que les arguments des demandeurs sur ce point, en particulier ceux du frère Baldasaro, demandeur, avaient pour seul but d'entraver le déroulement de l'instruction et en outre, d'inviter la Cour à examiner l'ordonnance du juge Gibson. Ces tentatives sont tout à fait irrégulières, non autorisées et constituent pratiquement un abus de procédure.


[66]            Les demandeurs ne sont pas des novices en matière d'instance devant la Cour et devant d'autres juridictions. Ils ont décidé de se représenter eux-mêmes, comme l'autorise la règle 119. Ils savaient parfaitement que l'instruction devait débuter le 29 novembre 2004. Conformément au dossier de la conférence de gestion de l'instruction préparé le 8 octobre 2004 et aux motifs de l'ordonnance prononcés le 25 novembre 2004, ils savaient que les preuves prendraient la forme de témoignages.

[67]            Les demandeurs savaient, ou auraient dû savoir, que le juge Gibson s'était prononcé dans l'ordonnance du 29 août 2003 sur l'attaque constitutionnelle lancée contre la disposition de la Loi concernant le trafic. Ils n'ont pas essayé d'interjeter appel de cette ordonnance avant le 1er novembre 2004.

[68]            La question en litige dont je suis saisie découle donc de leur décision de ne pas témoigner.

[69]            Il s'agit d'une action civile. Il incombe aux demandeurs d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que les dispositions attaquées de la Loi portent atteinte à leurs droits constitutionnels en matière de liberté de religion. Dans le cas où cette violation serait établie, il incombait alors à la défenderesse d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que la violation était justifiée par l'article 1 de la Charte.


[70]            Les demandeurs n'ont présenté aucune preuve. La défenderesse a présenté une requête en vue de faire rejeter l'action. Comme la Cour d'appel fédérale l'a noté dans Gerald's Machine Shop Ltd. c. Ship Melina and Keith II, (1999), 243 N.R. 189 (C.A.F.), à la page 192, « Notre Cour a peu statué sur la question du non-lieu. » La Cour a néanmoins fourni quelques directives à ce sujet :

Suivant ces textes, le juge de première instance aurait dû observer les règles suivantes : (1) il n'aurait pas dû, de sa propre initiative, prescrire un non-lieu, (2) la requête en non-lieu visant la demande reconventionnelle n'aurait pas dû être présentée avant la clôture de la preuve des défendeurs. L'équité procédurale exige que le juge laisse au demandeur le soin de décider s'il demandera une ordonnance de non-lieu au sujet de la demande reconventionnelle et qu'une telle requête ne soit entendue qu'après la clôture de la preuve du défendeur...

[71]            En l'espèce, le dossier indique clairement que la Cour a demandé à plusieurs reprises aux demandeurs quand ils souhaitaient présenter leurs arguments et par la suite, s'ils allaient témoigner. La Cour leur a demandé s'ils allaient se désister de cette action. La défenderesse les a ensuite informés qu'elle demanderait le rejet de l'action si les demandeurs ne s'acquittaient pas de leur fardeau de la preuve.

[72]            Les demandeurs ont attendu au matin du 29 novembre 2004 pour faire savoir qu'ils ne procédaient pas et pour demander un ajournement. J'estime que cette demande avait pour objet d'empêcher que les autres aspects de la demande fassent l'objet d'une décision en attendant que les poursuites pénales intentées aux termes de la Loi donnent lieu à une décision, à la suite du procès qui était prévu devant les juridictions ontariennes au mois de mars 2005.


[73]            Les demandeurs n'ont pas démontré pourquoi il était nécessaire de leur accorder un tel ajournement pour cette fin. En fait, le dossier indique qu'en 2001, les demandeurs se sont opposés à une requête de la défenderesse visant à suspendre la présente instance en attendant l'issue des poursuites pénales intentées à Hamilton. J'estime que les demandeurs ont décidé d'adopter la position contraire, dans leur seul intérêt.

[74]            Dans la décision récente citée par la défenderesse, à savoir 351694 Ontario Ltd., précitée, la Cour était saisie d'une requête concernant l'applicabilité d'un délai de prescription. La requête avait été débattue après que la demanderesse ait présenté des preuves mais avant que le défendeur en ait présentées. Voici ce qu'a déclaré la Cour au paragraphe 9 :

9. En l'espèce, les demanderesses ont présenté des preuves, mais les défenderesses doivent le faire plus tard. Il serait tout à fait inéquitable pour les demanderesses d'apprécier les preuves à ce moment-ci, étant donné que cela donnerait aux défenderesses un avantage indu qui leur permettrait de contester les preuves des demanderesses dans le cas où la requête serait rejetée. La présente requête vise un résultat très proche de ce que vise une requête en non-lieu; il est même tout à fait possible de considérer que cette requête est une requête en non-lieu puisque les demanderesses n'ont pas établi les éléments temporels sur lesquels repose leur poursuite. Pour ce qui est de la requête en non-lieu, la Cour d'appel de Terre-Neuve a déclaré dans Hodder v. Waddleton (1990), 87 Nfld & P.E.I.R. 52 :

[traduction] Les observations du juge de première instance cité ci-dessus appellent un certain nombre de commentaires mais le principal est que ce dernier a mélangé les deux rôles distincts qui appartiennent au juge et au jury (ou lorsqu'il n'y a pas de jury, au rôle du juge en sa capacité de juge des faits) dans une affaire de responsabilité civile. Le traité intitulé « The Law of Evidence in Civil Cases » (Sopinka et Lederman), à la page 521 expose de façon claire, succincte et exacte ces deux rôles distincts ainsi que les règles de droit applicables :


Un aspect important de la répartition des rôles entre le juge et le jury est l'évaluation du caractère suffisant des preuves présentées par une partie pour démontrer le bien-fondé de sa demande. Lorsqu'un demandeur ne présente pas suffisamment de preuves, les défendeurs peuvent présenter après la clôture de la preuve une requête en non-lieu. Lorsqu'une telle requête est présentée, il appartient au juge de déterminer si le demandeur a établi des faits qui permettent de déduire l'existence d'une responsabilité, si cette question est en litige. Il appartient au jury de décider s'il y a lieu de conclure à la responsabilité du défendeur à partir des faits qui lui sont présentés. Lorsqu'il s'acquitte de cette fonction, le juge n'a pas à décider s'il croit réellement aux preuves présentées. Il doit décider s'il existe suffisamment de preuves qui, si elles n'étaient pas contestées, convaincraient un homme raisonnable. Il doit conclure qu'un jury raisonnable donnerait gain de cause au demandeur s'il acceptait les preuves fournies au procès à un moment donné. Le juge ne décide pas si le jury admettra les preuves présentées mais plutôt s'il est possible de déduire des preuves présentées la conclusion recherchée par le demandeur, dans le cas où le jury déciderait d'admettre ces preuves. La décision du juge sur le caractère suffisant des preuves est une question de droit; il ne se prononce pas sur la force probante ni sur la fiabilité des preuves, aspect qui constitue une question de fait. Étant donné qu'il s'agit d'une question de droit, l'évaluation par le juge du caractère suffisamment probant des preuves du demandeur, ou des preuves du défendeur présentées dans le cas d'une demande reconventionnelle, peut faire l'objet d'un examen par la Cour d'appel.

Lorsque le demandeur n'a pas établi le bien-fondé de sa demande avec la preuve principale présentée et que la requête en non-lieu des défendeurs a été acceptée, l'action du demandeur est alors rejetée. (Non souligné dans l'original)

[75]            Au paragraphe 10, la Cour a décrit de la façon suivante la question qui lui était soumise :

10. En l'espèce, la situation est suffisamment semblable à celle d'une requête en non-lieu pour que la Cour n'ait pas à apprécier les preuves mais à décider « s'il est possible de tirer des preuves présentées la déduction recherchée par les demanderesses » .

[76]            Je souscris aux arguments de la défenderesse selon lesquels en l'espèce, les motifs permettant de rejeter la demande sont plus probants que ceux qui existaient dans l'affaire 351994 Canada Ltd., précitée. Dans cette affaire, certaines preuves avaient été présentées à la Cour au sujet des questions reliées à la prescription. La Cour devait décider si ces preuves étaient suffisantes pour écarter le moyen de défense fondé sur la prescription que soulevait la défenderesse. Elle a décidé que ce n'était pas le cas et a fait droit en partie à la requête en rejet de la demande à l'égard de la partie de celle-ci qui était visée par la prescription.

[77]            En l'espèce, les demandeurs n'ont présenté aucune preuve. Ils ne se sont pas acquittés de leur fardeau de preuve qui les obligeait à démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que leur droit constitutionnel en matière de liberté de religion avait été violé.

[78]            En l'absence de preuve, il est fait droit à la requête de la défenderesse et l'action est rejetée.

[79]            Comme cela a été noté ci-dessus, les demandeurs ne sont pas tout à fait des novices pour ce qui est des instances judiciaires. Même s'ils affirment être désavantagés par leur manque de ressources et de capacité de recherche, ils ont montré une certaine aptitude à participer à un litige. Ils semblent toutefois plutôt chercher à retarder le processus plutôt qu'à en faciliter le règlement. La décision de la Cour d'appel de l'Ontario dans R. v. Tucker et al. (1992), 56 O.A.C. 36, indique que cette tendance n'est pas nouvelle, comme cela ressort de la page 42 :

[traduction] Les appelants ne sont pas des étrangers pour les tribunaux. Ils prennent ombrage dès qu'un juge n'est pas d'accord avec eux. Cependant, d'après ce que je sais, aucune poursuite n'a été instituée contre le juge Tarnopolsky ou moi-même. Il a été découvert après une recherche approfondie que les appelants Walter Tucker et Baldasaro ainsi que l'Assembly of the Church of the Universe avaient déposé une demande devant la Cour fédérale du Canada contre de nombreux défendeurs comprenant « la Cour suprême de l'Ontario (division d'appel) » . L'action semble viser tous les tribunaux et tous les fonctionnaires du gouvernement qui ont le moindre lien avec le litige qui opposait les demandeurs à Steetley Industries Limited. Ma conduite et celle de plusieurs de mes collègues sont visées par la plainte même si je ne suis pas partie à la demande. Cette demande a été rejetée par le juge Rouleau de la Cour fédérale du Canada le 27 avril 1992...

[80]            En l'espèce, les demandeurs, en particulier le frère Baldasaro ont fait des remarques injustifiées et dénuées de fondement au sujet de la défenderesse et de son avocat. Ces remarques sont inappropriées et injustifiées et ce fait doit être mentionné.

[81]            La défenderesse, comme toute partie à un litige devant la Cour, a droit à ce que la partie adverse la traite avec respect. Son avocat a droit au même respect.

[82]            De la même façon, les demandeurs, là encore en particulier le frère Baldasaro, ont fait des commentaires au sujet de l'impartialité de la Cour, à la suite du refus de celle-ci de donner suite à leur demande d'ajournement et de rétablissement de la partie de l'ordonnance qui avait été rejetée par le juge Gibson.

[83]            La question des dépens a été mise en délibéré. Si les parties n'arrivent pas à s'entendre, elles pourront présenter des observations à ce sujet; la défenderesse devra signifier et déposer ses observations dans les sept (7) jours de la date des présents motifs; les demandeurs devront signifier et déposer leur réponse dans les cinq (5) jours de la réception des observations de la défenderesse, qui pourra présenter une brève réponse, si elle le souhaite, avant le 7 janvier 2005.

                                                                                   _ E. Heneghan _                 

                                                                                                     Juge                           

OTTAWA (ONTARIO)

LE 10 DÉCEMBRE 2004

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                T-1805-98

INTITULÉ :               RÉVÉREND FRÈRE TUCKER

RÉVÉREND FRÈRE BALDASARO

c.

SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                                   HAMILTON (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                  LE 29 NOVEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                          LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :                                         LE 10 DÉCEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

RÉVÉREND FRÈRE WALTER A.TUCKER

RÉVÉREND FRÈRE MICHAEL J. BALDASARO      POUR LES DEMANDEURS

JAMES GORHAM

CHRISTOPHER LEAFLOOR

ANDREA HORTON                                             POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

RÉVÉREND FRÈRE WALTER A.TUCKER

RÉVÉREND FRÈRE MICHAEL J. BALDASARO

HAMILTON (ONTARIO)                                           POUR LES DEMANDEURS

MORRIS ROSENBERG

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

TORONTO (ONTARIO)                                             POUR LA DÉFENDERESSE


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