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Date : 19980923


Dossier : 98-T-37

Entre :

     SRATÉGIES ST-LAURENT

     SOCIÉTÉ POUR VAINCRE LA POLLUTION SVP

     GREAT LAKES UNITED

     LA SOCIÉTÉ D'AMÉNAGEMENT DE LA BAIE LAVALLIÈRE INC.

     COMITÉ ZONE D'INTERVENTION PRIORITAIRE (ZIP)

     DU LAC ST-PIERRE

     Demanderesses

Et:

     L'HONORABLE CHRISTINE STEWART, ès qualité de Ministre

     de l'Environnement

     SOCIÉTÉ DU PORT DE MONTRÉAL

     PÊCHES ET OCÉANS CANADA

     Défenderesses

     MOTIFS D'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]      Il s'agit en l'espèce d'une requête des parties demanderesses afin d'obtenir la prorogation du délai en vertu duquel elles peuvent présenter une demande de contrôle judiciaire visant à forcer la défenderesse l'honorable Christine Stewart, ès qualité de Ministre de l'Environnement, à faire procéder à un examen par une Commission d'évaluation environnementale et de fixer le mandat d'icelle eu égard au projet de dragage sélectif des hauts fonds de la voie maritime du fleuve St-Laurent entre Montréal et Cap à la Roche.

[2]      Dans son ordonnance en date du 17 août 1998 le juge Teitelbaum de cette Cour, en rejetant une demande de contrôle judiciaire, avait déterminé qu'une lettre en date du 6 mai 1998 était le point de départ du calcul du délai à compter duquel les demanderesses pouvaient produire une demande de contrôle judiciaire. Dans ses motifs d'ordonnance il avait également déterminé que les demanderesses étaient hors délai, sans préjudice à leur droit de tenter d'obtenir une prorogation de délai pour déposer une demande de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision de la Ministre de l'Environnement. Suite à cette décision, le 9 septembre 1998, les demanderesses ont déposé la présente requête.

[3]      Lors de l'audition à Montréal le 14 septembre 1998, le procureur des demanderesses a soulevé qu'en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, la LCEE, la Ministre peut, à tout moment, faire procéder à l'examen d'un projet par une Commission d'évaluation environnementale et que depuis le 7 juin 1990 Stratégies St-Laurent demandait à la Ministre que des audiences publiques soient tenues pour procéder à l'étude du projet de la défenderesse La Société du Port de Montréal. Il soulève que des négociations se sont poursuivies jusqu'au 16 juillet 1990 et qu'il n'a jamais été question d'extinction de recours.

[4]      Il soumet que le projet de dragage du fleuve St-Laurent entre Montréal et Cap à la Roche déplacerait environ 200,000 mètres cubes de sédiments contaminés; que plusieurs municipalités et même le Ministre québécois de l'Environnement et de la Faune ont demandé des audiences publiques pour procéder à l'étude des impacts environnementaux.

[5]      De plus, il soumet qu'il serait dans l'intérêt de la justice que la Cour accorde la prorogation du délai; que plusieurs des demanderesses n'auraient pas été avisées formellement de la décision de la Ministre fédérale de l'Environnement; qu'il serait opportun de permettre au public de participer à des audiences et que la Ministre, en vertu de l'article 28 de la Loi, devrait soumettre ce projet à une Commission d'évaluation environnementale.

[6]      Dans les affidavits à l'appui de la réponse des défenderesses, il est mentionné que le Ministre des Pêches et Océans aurait déposé des études environnementales en 1996 et que depuis cette date les demanderesses ont réclamé à plusieurs reprises que le projet fasse l'objet d'un examen par une Commission d'évaluation environnementale; que les autorisations requises par le projet de dragage après autorisation du Ministre des Pêches et Océans ont été émises en mars 1998; que les travaux ont débuté le 28 août 1998 et que tout délai ne peut qu'avoir des conséquences défavorables.

[7]      Les défenderesses soutiennent qu'en vertu de la Loi sur la Cour fédérale les demanderesses sont dans l'obligation de présenter une demande de contrôle judiciaire dans les 30 jours du moment où elles ont pris connaissance de la décision attaquée. Le procureur soumet que même si le juge Teitelbaum dans son ordonnance du 17 août 1998 semblait déterminer que la date de la décision attaquée était du 6 mai 1998, il n'est pas contesté que les autorisations du projet de dragage ont été émises le 19 mars 1998. Dans un communiqué de presse également émis en mars 1998, la Ministre indiquait que le projet ne serait pas soumis à un examen public. Le procureur des défenderesses soumet que dès ce moment les demanderesses auraient pu déposer une demande de contrôle judiciaire. En fait, le 6 mai 1998 la Ministre fédérale de l'Environnement écrivait à une des demanderesses pour réitérer que le projet ne ferait pas l'objet d'un examen public par une Commission d'évaluation environnementale. Or, ce n'est que le 20 juillet 1998 que les demanderesses ont présenté une demande de contrôle judiciaire.

[8]      Le procureur des défenderesses soumet que le fardeau repose sur les demanderesses d'obtenir une prorogation du délai en expliquant d'une façon satisfaisante les raisons du retard, en démontrant que le recours est sérieux et que la prorogation ne causerait aucun préjudice aux parties.

[9]      Les défenderesses soulèvent de plus qu'aucune explication favorable pour accorder le délai n'a été avancée. Dès mars 1998 les demanderesses auraient dû réaliser qu'aucun examen public du projet n'aurait lieu. À tout le moins, dès le 6 mai 1998, les demanderesses auraient dû réaliser qu'il n'y aurait pas d'examen public et auraient dû contester la décision immédiatement plutôt que de se contenter d'entreprendre des discussions avec les défenderesses.

[10]      Le procureur des défenderesses soumet que le processus prévu par la LCEE a été suivi et que ce processus n'a fait l'objet d'aucune attaque dans la preuve soumise par les demanderesses.

[11]      Il soulève de plus que l'allégation des demanderesses à l'effet que les examens préalables seraient suspects est non fondée.

[12]      Il soumet que les demanderesse ne soulèvent aucune contravention à la Loi et qu'elles prétendent tout simplement que la Ministre est dans l'obligation d'ordonner la tenue d'un examen par une Commission en vertu de l'article 28 de la LCEE. Les défenderesses soumettent que l'article crée un pouvoir purement discrétionnaire que la Ministre peut exercer sans restrainte et qu'on ne peut avoir recours à un bref de mandamus pour forcer l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire.

[13]      La jurisprudence soutient clairement qu'une demande de prorogation de délai ne peut être accordée que dans des circonstances où toute la durée du délai peut être justifiée et que la partie défenderesse ne subirait aucun préjudice.

[14]      La seule raison offerte par les demanderesses pour justifier le délai est qu'elles étaient en pourparlers ou négociations avec les autorités de la Société du Port de Montréal.

[15]      Je n'ai pas été convaincu en l'espèce que la Ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire en l'absence de motifs légitimes. Je ne crois pas non plus qu'il lui incombait manifestement en vertu de la LCEE d'assujettir le projet de dragage à un examen par une Commission d'évaluation environnementale. Le mandamus ne sera accordé que si la personne visée a manqué à ses obligations.

[16]      La Cour d'appel fédérale, dans Canada Parks and Wilderness Society v. Banff National Park, (1994) 84 F.T.R. 273, a maintenu la proposition que lorsque les permis sont autorisés ou émis, la Cour ne peut intervenir.

[17]      En l'espèce, le projet de dragage se poursuit depuis déjà plus d'un mois et les permis ont été autorisés en mars 1998. Il est donc évident que la balance des inconvénients ainsi que le préjudice irréparable favorisent les défenderesses.

[18]      Il est vrai que seulement deux des parties demanderesses ont été directement informées par lettre mais il est à noter qu'un communiqué de presse a été émis en mars 1998 informant toutes les personnes intéressées ou concernées que le projet procéderait sans qu'aucune évaluation environnementale supplémentaire n'ait lieu. La Ministre n'est nullement dans l'obligation de notifier toutes les parties et la législation ne prévoit pas que la Ministre doive connaître à l'avance tous les groupes qui pourraient être intéressés. En l'espèce, un communiqué de presse a été émis et je suis satisfait qu'il s'agit là d'un avis suffisant.

[19]      La requête est rejetée avec dépens en faveur des défenderesses.

     JUGE

OTTAWA, Ontario

Le 23 septembre 1998

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