Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Date : 19990604

Dossier : T-1538-98

ENTRE :


WIC PREMIUM TELEVISION LTD.,

demanderesse,

     -et-


GENERAL INSTRUMENT CORPORATION, NEXT LEVEL SYSTEMS, INC., NEXT LEVEL SYSTEMS OF DELAWARE INC., NEXT LEVEL SYSTEMS (CANADA) INC., SHOWTIME NETWORKS, INC., SHOWTIME SATELLITE NETWORKS INC., SHOWTIME SATELLITE NETWORKS RETAIL SALES AND MARKETING, INC., ACCESS CONTROL CENTRE, INC., DBS SERVICES, INC., HOME BOX OFFICE, INC., WARNER COMMUNICATIONS, INC., M. UN TEL, ECHOSTAR COMMUNICATIONS CORPORATION DISH LTD., ECHOSPHERE CORPORATION, UNITED STATES SATELLITE BROADCASTING COMPANY, INC., CORMAN PARK SATELLITE LTD., WARREN SUPPLY COMPANY, PROGRAMMERS CLEARING HOUSE, INC., RALPH WARREN, RONALD WARREN, RALPH WARREN ET RONALD WARREN exploitant une entreprise sous le nom de "PROGRAMMERS CLEARING HOUSE", et de "WARREN ACTIVATIONS", et de "WARREN RADIO & TELEVISION", et de "ENTERTAINMENT DIRECT", WARREN ELECTRONICS SUPPLY COMPANY exploitant son entreprise sous le nom de "BUILDERS EXPRESS", 4-12 ELECTRONICS CORPORATION, FREEDOM SATELLITE CORPORATION, CHRISTOPHER NELSON à titre personnel et exploitant une entreprise sous le nom de "SKYLIGHT HOME SATELLITE THEATER", CHRISTIAN NELSON, SHELDON NELSON et VIACOM ENTERPRISES CANADA LIMITED,


défendeurs.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

[1]      Les présents motifs font suite à une demande présentée peu de temps à l"avance au nom de la demanderesse pour obtenir la suspension de l"instance. La requête de la demanderesse a été entendue le lundi 31 mai 1999 à Toronto, date qui avait été réservée pour l"audition de trois autres requêtes portant sur la même affaire et présentées au nom de UNITED STATES SATELLITE BROADCASTING COMPANY (USSB) et de deux groupes de défenderesses communément appelées les "défenderesses ECHOSTAR" et les "défenderesses WARREN". Les requêtes d"USSB, des défenderesses ECHOSTAR et des défenderesses WARREN, produites à la fin d"octobre et au début de novembre 1998, contestaient la compétence de la Cour pour connaître de la présente action intentée contre ces défenderesses.

[2]      Une action portant sur les mêmes faits que ceux qui sont allégués dans la présente action a été engagée par la demanderesse devant la Cour du Banc de la Reine de l"Alberta contre nombre des mêmes défendeurs, notamment USSB, les défenderesses ECHOSTAR et les défenderesses WARREN. Dans les procédures qui se sont déroulées devant la Cour de l"Alberta le 19 février 1999, il y a eu les échanges suivants entre le juge Clarke, apparemment le juge responsable de la gestion de l"instance introduite devant la Cour de l"Alberta, et l"avocat de la demanderesse:

         [TRADUCTION]

         LA COUR :          Mais la différence entre les deux [l"action engagée devant la Cour de l"Alberta et l"action engagée devant la Cour fédérale] n"est-elle pas le redressement que vous pouvez obtenir?             
         M. McKENZIE :          Oui, la différence entre les deux est --             
         LA COUR :          Les faits sont les mêmes. C"est le redressement --             
         M. McKENZIE:          Les faits sont les mêmes, j"en conviens, --             
         LA COUR :          D"accord.             
         M. McKENZIE:          -- mais le redressement recherché devant la Cour peut consister en dommages-intérêts, --             
         LA COUR :          C"est bien.             
         M. McKENZIE:          -- ce peut être un compte rendu comptable qui, comme vous le savez, forme une réclamation très importante --             
         LA COUR :          Exact.             

     M. McKENZIE:      -- à la lecture de ce document.

     LA COUR :      Oui.

     M. McKENZIE:          Il y a donc un ensemble très large de causes d"action qui ne peuvent être portées devant la Cour fédérale.

     ...

     M. McKENZIE:      ... Il est également possible que le juge Gibson décide que d"autres défendeurs ne devraient pas s"adresser à la Cour fédérale, vu la compétence restreinte de la Cour fédérale selon la Loi sur la radiocommunication et la Loi sur le droit d"auteur, les deux seules lois à propos desquelles il est compétent pour statuer sur des actions civiles entre particuliers. Encore une fois, la compétence du présent tribunal est plus étendue. Le délit de complot est rattaché " et c"est un délit intentionnel " il est rattaché non seulement aux défendeurs à qui le juge Gibson pourrait refuser un recours devant la Cour fédérale, mais il est également rattaché au dol contractuel et fautif dont le tribunal est saisi relativement à H.B.O, qui a déjà reconnu la compétence du tribunal.
     ...
    
     J"espère donc que les réponses " je veux dire la question que vous m"avez posée, que les aspects sont identiques. Ils ne le sont pas, en raison du ratissage plus large, des causes d"action plus étendues ici, il serait logique que nous commencions ici.

[3]      Le juge Clarke a entendu les 3 et 4 mai 1999 les requêtes déposées au nom de USSB, des défenderesses ECHOSTAR et des défenderesses WARREN, afin d"obtenir l"annulation de l"assignation ex juris et la radiation de ces défenderesses, requêtes semblables à celles qui devaient être instruites devant moi le 31 mai 1999. Le 17 mai 1999, le juge Clarke a rendu ses motifs1 dans lesquels il indiquait qu"il rejetterait les requêtes dont il était saisi, sauf en ce qui concerne deux défendeurs en particulier. Dans ces motifs, il s"exprimait ainsi :

     [TRADUCTION]
     Action devant la Cour fédérale
     [29]      En juillet 1998, la demanderesse a introduit une action complémentaire contre les défenderesses dans la présente action, y compris les défenderesses requérantes. L"action a été introduite dans la Cour fédérale afin d"obtenir des injonctions qui seraient applicables dans toutes les parties du territoire de la demanderesse, et pas seulement en Alberta. La revendication [déposée devant la Cour fédérale] se limite à une injonction, encore que nombre des causes d"action plaidées dans la présente instance soient plaidées devant la Cour fédérale. La demanderesse affirme que l"action engagée en Alberta est plus générale pour ce qui est du redressement demandé parce que la compétence du tribunal de l"Alberta n"est pas restreinte par une loi organique. En particulier, des dommages importants, notamment des dommages punitifs, majorés et exemplaires, sont demandés dans la présente action, mais ne peuvent pas l"être dans l"action engagée devant la Cour fédérale. La demanderesse a informé le tribunal qu"elle avait l"intention d"aller de l"avant avec l"action en Alberta et de porter l"affaire devant les tribunaux de l"Alberta. La demanderesse demanderait à la Cour fédérale de suspendre l"action engagée devant elle jusqu"à ce que le tribunal de l"Alberta décide si une injonction serait ou non accordée dans les circonstances de la présente affaire; elle solliciterait ensuite un redressement semblable devant la Cour fédérale.
    
     [30]      Des demandes concurrentes ont été présentées par les défenderesses requérantes ainsi que d"autres défenderesses devant la Cour fédérale afin d"obtenir l"annulation de l"assignation devant la Cour fédérale. Étant donné l"intention déclarée de la demanderesse pour ce qui est du tribunal auquel elle s"adresserait et eu égard aux antécédents des deux actions mentionnées ci-dessus, il est à mon avis indiqué que la Cour se déclare compétente dans la présente action, de telle sorte que tous les points en litige et tous les redressements éventuels soient examinés dans une seule action et par un seul tribunal.

[4]      Les conditions étaient donc réunies pour la demande de la demanderesse qui a donné lieu aux présents motifs.

[5]      La compétence de la Cour fédérale pour suspendre des procédures engagées devant elle dans des circonstances comme celles qui me sont présentées est prévue au paragraphe 50(1) de la Loi sur la Cour fédérale2 qui est rédigé ainsi :


50. (1) The Court may, in its discretion, stay proceedings in any cause or matter,

(a) on the ground that the claim is being proceeded with in another court or jurisdiction; or

(b) where for any other reason it is in the interest of justice that the proceedings be stayed.

50. (1) La Cour a le pouvoir discrétionnaire de suspendre les procédures dans toute affaire:

a) au motif que la demande est en instance devant un autre tribunal;

b) lorsque, pour quelque autre raison, l'intérêt de la justice l'exige.

[6]      L"avocat des défenderesses ECHOSTAR et des défenderesses WARREN n"a pris essentiellement aucune position sur la demande de suspension présentée par la demanderesse, exprimant des inquiétudes à propos d"une reconnaissance de la compétence de la Cour fédérale.

[7]      L"avocat de USSB, tout en prenant grand soin de préserver la position de sa cliente contre une reconnaissance de la compétence de la Cour, a fait valoir que, même s"il pourrait être tout à fait indiqué de suspendre la présente action jusqu"à l"issue de l"action engagée en Alberta, l"exception déclinatoire déposée au nom de sa cliente de nombreux mois auparavant devrait d"abord être tranchée afin d"atténuer l"injustice découlant pour USSB de la manière dont la présente affaire et l"action engagée en Alberta se sont déroulées jusqu"à présent, et d"atténuer le préjudice découlant du fait que USSB, une société ouverte, serait tenue de faire état publiquement du litige engagé contre elle devant la Cour fédérale quand sa position énoncée dans son exception déclinatoire pourrait finalement disposer de l"affaire, et découlant du fait qu"il a dû assumer, au nom de sa cliente, les frais de préparation de l"exception déclinatoire et n"a été informé que très tard dans la journée que la demanderesse chercherait à obtenir une suspension avant qu"une décision ne soit rendue sur l"exception déclinatoire.

[8]      Je n"exprime aucune opinion sur la question de la prétendue injustice. Il est manifeste que l"avocat de USSB et l"avocat de la demanderesse ont des vues très différentes sur la question de l""équité" dans la manière dont les deux actions se sont déroulées.

[9]      Je suis persuadé que le préjudice que pourrait subir USSB par suite d"une suspension de l"action engagée devant la Cour fédérale est négligeable, étant donné que l"action engagée en Alberta continuera contre USSB, action dont les éventuelles conséquences sur le plan du redressement seront beaucoup plus étendues que les conséquences de l"action engagée devant la Cour fédérale, abstraction faite de la portée géographique plus vaste de l"injonction qui pourrait éventuellement être délivrée par la Cour fédérale.

[10]      Je suis persuadé que les frais qui ont indubitablement été engagés en raison de l"avis tardif de la requête en suspension peuvent compenser par les dépens.

[11]      Dans Eli Lilly & Co. v. Novopharm Ltd.3, le juge Forget de la Cour de l"Ontario, Division générale, a écrit à la page 432 :

             [TRADUCTION]             
             Il m"apparaît très nettement que la Cour de l"Ontario est invitée à statuer sur les mêmes faits, la même question fondamentale que la Cour fédérale, savoir si la licence obligatoire a ou non pris fin. Il convient de noter que, au surplus, si jugement est rendu contre Eli Lilly, la Cour fédérale examinera alors si un avis de conformité devrait ou non être délivré à Novopharm. Même s"il y a compétence concurrente pour accorder ce redressement, il n"a pas été demandé dans l"action engagée devant la Cour de l"Ontario. Par conséquent, le tribunal qui peut statuer le plus complètement sur tous les aspects de l"action serait la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada.             

Le juge Forget a ajouté, à la page 433:

             Je suis donc d"avis que la Cour fédérale du Canada a compétence, au même titre que la Cour de l"Ontario, pour rendre un jugement déclaratoire portant qu"il a été mis fin à une licence obligatoire.
             Cela étant, la Cour doit maintenant décider dans quel ressort l"action devrait être jugée. Il est bien établi en droit qu"une multiplicité de procédures doit être évitée chaque fois que cela est possible. Dans l"affaire Shell Canada Ltd. v. St-Lawrence Seaway Authority , ... 58 O.R. (2d) 437 (H.C.J.), la Cour a statué que, lorsque des demandeurs s"adressaient à la fois à la Cour fédérale et à la Cour suprême de l"Ontario, la Cour suprême de l"Ontario suspendait les procédures engagées devant elle, estimant que cela permettrait d"éviter des conclusions contradictoires, des frais excessifs et une répétition des procédures. [omission d"une citation]

[12]      Les critères mentionnés au paragraphe 50(1) de la Loi sur la Cour fédérale sont l"introduction d"une instance devant un autre tribunal et l"intérêt de la justice, mais je suis persuadé que ces critères englobent le risque de conclusions contradictoires, les frais excessifs et la répétition des procédures4. Outre le fait que c"est l"action engagée en Alberta qui a une portée plus large que la présente action, et non l"inverse, je suis persuadé que les propos du juge Forget sont tout à fait applicables à la présente demande.

[13]      En conséquence, à l"issue de l"audition de la demande de suspension, j"ai indiqué que l"action engagée dans la Cour fédérale serait suspendue jusqu"à nouvelle ordonnance de la Cour fédérale, et une ordonnance en ce sens a été rendue. Sauf circonstances telles que la délivrance d"une injonction interlocutoire dans les procédures engagées en Alberta, je présume que la Cour fédérale ne rendra pas d"autre ordonnance tant que l"instance introduite devant le tribunal de l"Alberta n"aura pas été menée à terme.

[14] Eu égard aux points évoqués plus haut dans les présents motifs, j"ai ordonné que les dépens de la demande de suspension soient payables par la demanderesse à USSB, immédiatement et quelle que soit l"issue de la cause. Aucune autre ordonnance relative aux dépens n"a été rendue.

                                 Frederick E. Gibson

                                         Juge

Ottawa (Ontario)

Le 4 juin 1999

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL. B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE:      T-1538-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      WIC PREMIUM TELEVISION LTD. c. GENERAL INSTRUMENT ET AL.
LIEU DE L"AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L"AUDIENCE :          LE 31 MAI 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DU JUGE GIBSON EN DATE DU 2 JUIN 1999

ONT COMPARU :

K. WILLIAM McKENZIE          POUR LA DEMANDERESSE
CHRISTOPHER BREDT          POUR LA DÉFENDERESSE USSB

PETER RUBY

BRIAN MORGAN          POUR LA DÉFENDERESSE HBO
KATRYN CHALMERS          POUR LA DÉFENDERESSE GENERAL INSTRUMENT/SHOWTIME
J.L. McDOUGALL          POUR LES DÉFENDERESSES WARREN ET ECHOSTAR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

CRAWFORD, McKENZIE,          POUR LA DEMANDERESSE
McLEAN & WILFORD         

ORILLIA (ONTARIO)

BORDEN & ELLIOT,          POUR LA DÉFENDERESSE USSB

TORONTO (ONTARIO)

OSLER, HOSKIN & HARCOURT      POUR LA DÉFENDERESSE HBO

TORONTO (ONTARIO)

STIKEMAN, ELLIOTT          POUR LES DÉFENDERESSES GENERAL
TORONTO (ONTARIO)          INSTRUMENT/SHOWTIME
FRASER MILNER          POUR LES DÉFENDERESSES WARREN ET ECHOSTAR
__________________

     1 Action No 9703-16746, 17 mai 1999 (Cour du Banc de la Reine de l"Alberta) (motifs non publiés).

         2      L.R.C. (1985), ch.F-7 (et ses modifications).

3      (1994), 53 C.P.R . (3d) 428.

     4      Voir COMPULIFE SOFTWARE INC. c. COMPUOFFICE SOFTWARE INC. (1997), 77 C.P.R. (3d) 451 (C.F., 1re inst.).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.