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Date : 20060418

Dossier : T-241-05

Référence : 2006 CF 494

Ottawa (Ontario), le 18 avril 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

ENTRE :

EDWARD PALONEK

demandeur

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                Edward Palonek n'a pas produit ses déclarations canadiennes de revenus et de taxe sur les produits et services pour les années d'imposition 1993 à 2001. Au mois de juin 2002, l'avocat de M. Palonek a communiqué avec ce qui était alors l'Agence des douanes et du revenu du Canada en vue de tenter d'effectuer une divulgation volontaire conformément au Programme des divulgations volontaires de l'Agence.

[2]                L'Agence était prête à reconnaître que la divulgation de M. Palonek était volontaire, en ce sens que M. Palonek ne faisait pas l'objet d'une enquête de la part de l'Agence au moment où la divulgation avait été effectuée, mais une représentante du ministre a en fin de compte refusé d'exercer son pouvoir discrétionnaire en faveur de M. Palonek parce que la divulgation était incomplète.

[3]                M. Palonek sollicite maintenant le contrôle judiciaire de cette décision, en alléguant que l'Agence a commis de nombreuses erreurs dans le traitement de son cas. Entre autres, il soutient que la représentante du ministre s'est livrée à des manoeuvres frauduleuses, qu'elle était de mauvaise foi, qu'elle a tiré des conclusions de fait erronées sans tenir compte des éléments dont elle disposait et qu'elle n'a pas observé les principes de justice naturelle et d'équité procédurale dans cette affaire.

[4]                M. Palonek affirme en outre que les droits qui lui sont reconnus en vertu de différentes dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés ont été violés par suite de la conduite de l'Agence dans cette affaire. Il a également signifié un avis de question constitutionnelle, en contestant la validité, sur le plan constitutionnel, du Programme des divulgations volontaires.

[5]                Pour les motifs ci-après énoncés, je suis convaincue que les arguments de M. Palonek sont dénués de fondement et que la demande de contrôle judiciaire doit donc être rejetée.

Le Programme des divulgations volontaires

[6]                Avant d'examiner les faits de l'affaire, il est utile de bien comprendre le Programme des divulgations volontaires (le PDV) administré par l'Agence des douanes et du revenu du Canada et par son successeur, l'Agence du revenu du Canada, que, dans les deux cas, j'appellerai l'Agence dans cette décision.

[7]                Le paragraphe 220(3.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la LIR) confère au ministre du Revenu national le pouvoir discrétionnaire d'accorder une réparation contre l'application de certaines dispositions de la LIR. Plus précisément, la disposition autorise le ministre à renoncer à tout ou partie de quelque pénalité ou intérêt payable par ailleurs en application des dispositions de la LIR ou de l'annuler en tout ou en partie.

[8]                De même, l'article 281.1 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, ch. E-15 renferme une disposition similaire aux fins de la renonciation aux pénalités et intérêts concernant la taxe sur les produits et services.

[9]                Ce pouvoir discrétionnaire est en partie exercé au moyen du PDV. Les conditions du PDV sont énoncées dans une circulaire d'information. Le document qui était en vigueur au moment pertinent est le document daté du 12 juin 2000, intitulé « Circulaire d'information 00-1 » .

[10]            Selon la circulaire d'information 00-1, le but du PDV est « de promouvoir l'observation volontaire de la déclaration et du paiement des droits et taxes prévus » en vertu de la législation pertinente. La politique « encourage les clients à prendre l'initiative de corriger toute anomalie afin de respecter leurs obligations légales » .

[11]            Comme le juge Strayer l'a fait remarquer dans la décision Karia c. Canada (Ministre du Revenu national), [2005] A.C.F. no 774, 2005 CF 639, paragraphe 2 : « L'incitation, lorsqu'il s'agit de divulguer volontairement des omissions passées dans le cadre de ce programme est que, si une pleine divulgation est faite à la satisfaction de [l'Agence], le ministre peut exercer son pouvoir discrétionnaire en vue de renoncer à tout ou partie des pénalités qui pourraient par ailleurs être imposées. »

[12]            Selon les dispositions du paragraphe 6 du PDV, quatre conditions doivent être réunies pour qu'une divulgation volontaire soit valide. Premièrement, la divulgation doit être vraiment volontaire, en ce sens que le contribuable ne doit pas se présenter parce qu'il est au courant d'une vérification, d'une enquête ou d'une autre mesure d'exécution de l'Agence.

[13]            Deuxièmement, la divulgation doit être complète. Étant donné que c'est le présumé caractère incomplet de la divulgation de M. Palonek qui est ici en litige, il est utile de reproduire les passages pertinents de l'alinéa 6b) de la circulaire d'information, qui prévoit ce qui suit :

On s'attend à ce que le client qui fait la divulgation fasse un compte rendu complet et exact de tous les renseignements auparavant inexacts, incomplets ou manquants. Même si les renseignements fournis dans une divulgation doivent être essentiellement complets, une divulgation ne sera pas disqualifiée simplement parce qu'elle contient des erreurs ou des omissions mineures. Toutefois, si l'on constate qu'une divulgation contient des erreurs ou des omissions importantes, elle ne sera pas admissible à titre de divulgation volontaire; les renseignements divulgués seraient alors pris en considération et des intérêts et pénalités pourraient s'appliquer au montant intégral.

[14]            La troisième condition pour qu'une divulgation soit valide est que la divulgation doit comprendre une pénalité. Quatrièmement, la divulgation doit contenir des renseignements dont la production est en retard d'au moins un an.

[15]            Les parties s'entendent pour dire que M. Palonek a satisfait aux première, troisième et quatrième conditions de la politique. Comme il en a ci-dessus été fait mention, il s'agit ici de savoir si la divulgation que M. Palonek a effectuée satisfait à l'exigence relative au caractère complet de la divulgation prévue à l'alinéa 6b).

[16]            Cela dit, j'examinerai maintenant les faits qui ont donné lieu à la demande.

Historique

[17]            M. Palonek est un Canadien qui, à l'heure actuelle, réside au Panama. Comme il en a été fait mention au début de ces motifs, il n'a pas produit de déclaration de revenus ou de TPS pour les années d'imposition 1993 à 2001. Au mois de juin 2002, l'avocat de M. Palonek a téléphoné à l'Agence afin de faire une divulgation volontaire, conformément au Programme des divulgations volontaires de l'Agence. Il a parlé à un certain Kevin Matthews, au bureau de l'Agence situé à Hamilton (Ontario). Il a ensuite assuré le suivi en envoyant une lettre à M. Matthews le 20 juin 2002, laquelle confirme qu'une divulgation volontaire avait été faite pour le compte de M. Palonek, conformément aux dispositions de la circulaire d'information 00-1.

[18]            L'avocat confirme ensuite que son client et lui seraient en mesure de fournir les déclarations tardives pour les années d'imposition 1993 à 2001 dans un délai de 60 à 90 jours et il demande à M. Matthews de confirmer [traduction] « [...] que l'ADRC n'avait pas eu de contact antérieur avec M. Palonek, contact qui aurait pour effet de rendre invalide la divulgation antérieure » .

[19]            M. Palonek déclare qu'on a dit à son avocat qu'il devait attendre quelques jours afin que l'on puisse déterminer si M. Palonek satisfaisait aux critères applicables dans le cadre du PDV. Il déclare en outre qu'un employé de l'Agence qui s'appelait James McDermott a communiqué avec son avocat quelques jours plus tard pour lui faire savoir qu'[traduction] « il n'y avait pas de problème » et que M. Palonek devait commencer à préparer sa documentation afin de la soumettre.

[20]            Le 12 août 2002, M. Palonek a rencontré M. McDermott et lui a remis des déclarations de revenus T-1 et de TPS pour les années d'imposition 1993 à 2001. M. Palonek a indiqué à M. McDermott qu'il voulait que les avis de cotisation soient délivrés au cours de la semaine suivante, étant donné qu'il était partie à un litige matrimonial et qu'il voulait être en mesure de démontrer à la Cour qu'il devait plus de 400 000 $ au titre de l'arriéré, à valoir sur son actif net.

[21]            M. McDermott a signalé à M. Palonek que, selon les déclarations, son revenu d'entreprise brut et son revenu d'entreprise net étaient les mêmes; il a demandé à M. Palonek quelle était la nature de son entreprise. M. Palonek a répondu qu'il s'agissait de [traduction] « conseils en informatique » et il a renvoyé M. McDermott à son comptable si celui-ci désirait des renseignements au sujet de ses dépenses d'entreprise.

[22]            Le 14 août, M. McDermott a communiqué avec le comptable de M. Palonek et lui a demandé, entre autres choses, des détails au sujet de l'entreprise de consultation de M. Palonek et des modalités de détermination de son revenu brut.

[23]            Le 4 septembre 2002, M. McDermott a reçu un appel d'un employé qui travaillait au sein de l'unité des enquêtes spéciales de l'Agence, à Toronto, lequel a fait savoir qu'il venait de recevoir un [traduction] « appel à froid » du comptable de M. Palonek et de son avocat. Ces personnes voulaient de toute évidence signaler que la femme de M. Palonek s'était soustraite à l'impôt, pour un montant de plus de 250 000 $, parce qu'elle avait censément omis de déclarer un revenu qu'elle avait reçu sous la forme d'une pension alimentaire versée par diverses sociétés et fiducies familiales, notamment Rothwell Properties Inc., Rothwell Corporation, Found Money Inc. et la fiducie familiale Rothwell.

[24]            Le comptable de M. Palonek et son avocat reconnaissaient de toute évidence d'une façon passablement sincère que, par ce rapport, on cherchait à exercer des pressions sur Mme Palonek à l'égard du litige matrimonial.

[25]            Par une lettre datée du 30 octobre 2002, l'avocat de M. Palonek a demandé un délai additionnel de 45 jours en vue de présenter des observations supplémentaires pour le compte de son client. M. McDermott a accepté de tenir le dossier en suspens jusqu'au 16 décembre 2002, en faisant remarquer que si aucun renseignement additionnel n'était alors reçu, l'Agence compléterait son examen de la divulgation en se fondant sur les documents versés au dossier.

[26]            Le 16 décembre 2002, l'avocat de M. Palonek a envoyé à M. McDermott une télécopie pour l'informer qu'il n'avait pas pu obtenir d'instructions de M. Palonek et qu'il n'était donc pas en mesure de présenter des observations supplémentaires au sujet de l'affaire.

[27]            Le lendemain, M. McDermott a reçu du comptable de M. Palonek une lettre l'informant que son client avait décidé de ne pas présenter d'observations supplémentaires. Le comptable faisait savoir que même si M. Palonek était en mesure de justifier certaines dépenses et déductions, il avait décidé de ne pas les demander, parce que le litige familial le préoccupait.

[28]            Pour [traduction] « montrer sa bonne foi » , M. Palonek versait un montant de 50 000 $ à valoir sur sa dette fiscale non réglée.

[29]            M. Palonek et M. McDermott ont eu plusieurs conversations téléphoniques, à la suite desquelles M. Palonek a demandé à M. McDermott de communiquer dorénavant avec son comptable.

[30]            Au début du mois de février 2003, le service de la vérification de l'Agence a informé M. McDermott que M. Palonek semblait être en cause dans deux ou trois sociétés, ainsi que dans une [traduction] « fiducie T3 » . Entre autres choses, le service de la vérification de l'Agence avait trouvé un site Web pour M. Palonek, indiquant que celui-ci avait connu énormément de succès avec une entreprise commerciale connue sous le nom de « FoundMoney » . Found Money Inc. et Found Money International étaient désignées à titre de sociétés associées.

[31]            Le 14 février 2003, M. Palonek a communiqué avec M. McDermott et l'a informé qu'il avait réussi à empêcher la réouverture de son accord de séparation dans le litige matrimonial, mais qu'il devait effectuer des paiements additionnels en faveur de son ancienne épouse. M. Palonek convenait de fournir à M. McDermott une copie à jour de son accord de séparation.

[32]            M. McDermott a alors informé M. Palonek qu'il avait obtenu des renseignements donnant à entendre que ce dernier était peut-être en cause dans diverses sociétés, disant que l'Agence devait obtenir une confirmation que toutes les conséquences fiscales avaient été indiquées dans les déclarations de revenus de M. Palonek.

[33]            M. Palonek a informé M. McDermott qu'il ne possédait plus d'actions dans Found Money Inc., ayant vendu toutes ses actions à un tiers environ cinq ou six ans auparavant. Il a reconnu qu'il recevait encore des commissions de la société, indiquant qu'on ne savait pas trop s'il était un employé de Found Money Inc. ou s'il était travailleur autonome.

[34]            Found Money Inc. effectuait de toute évidence une divulgation volontaire de son propre chef, et M. Palonek a demandé à M. McDermott de communiquer avec le comptable pour obtenir de plus amples renseignements.

[35]            En ce qui concerne Found Money International, M. Palonek a admis avoir reçu à titre de conseiller un revenu de cette personne morale, mais il hésitait à divulguer des renseignements au sujet de sa participation dans la société. Toutefois, il a reconnu qu'il était un employé de la société dès 2000, et peut-être même auparavant.

[36]            M. McDermott a fait savoir à M. Palonek que, pour que sa divulgation soit considérée comme complète, et par conséquent pour être admissible au PDV, M. Palonek devait fournir des détails au sujet de toutes ses sources de revenus. À cet égard, M. McDermott a noté que M. Palonek avait reconnu avoir disposé des actions qu'il détenait dans Found Money Inc. cinq ou six ans plus tôt et qu'une disposition au titre du capital aurait donc dû être déclarée dans ses déclarations de revenus de 1997 ou de 1998. En fait, aucun gain en capital et aucune perte en capital n'ont été déclarés dans l'une quelconque des déclarations de revenus de M. Palonek entre 1993 et 2001.

[37]            Conformément aux instructions de M. Palonek, M. McDermott a ensuite communiqué avec le comptable de M. Palonek et l'a informé qu'il était prêt à attendre jusqu'au 4 mars 2003 pour mener à bonne fin l'examen du dossier, de façon à donner à M. Palonek la possibilité de présenter des observations supplémentaires.

[38]            Le 25 février 2003, le comptable de M. Palonek a demandé une autre prorogation de délai jusqu'au 4 mai 2003, à cause des obligations qui incombaient à M. Palonek à l'extérieur du Canada. Le 2 avril 2003, M. Palonek a envoyé à M. McDermott une télécopie pour lui demander un délai additionnel de 90 jours à compter du 4 mai 2003, faisant remarquer qu'en l'absence d'une réponse écrite, il supposerait que la prorogation était accordée.

[39]            À peu près à ce moment-là, M. Palonek a de toute évidence déposé une demande en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels afin d'obtenir des renseignements au sujet des tentatives que l'Agence faisait pour vérifier sa divulgation. Insatisfait de la réponse donnée par l'Agence, M. Palonek a déposé une plainte devant le Commissaire à la protection de la vie privée.

[40]            Le 12 septembre 2003, M. Palonek a informé M. McDermott qu'il était en train de préparer une demande à l'intention du Commissaire à la protection de la vie privée afin d'obtenir une divulgation complète de l'Agence.

L'examen au premier palier

[41]            Les observations supplémentaires de M. Palonek à l'appui de sa demande en vue d'effectuer une divulgation volontaire devaient être soumises au plus tard le 4 août 2003, mais l'Agence ne les a jamais reçues, et aucune autre prorogation n'avait été demandée. L'Agence a donc fondé sa décision sur les renseignements qui figuraient alors dans le dossier de M. Palonek.

[42]            Par une lettre en date du 21 octobre 2003, M. Palonek a été informé que la divulgation qu'il faisait dans le cadre du PDV n'était pas acceptée, car on la considérait comme incomplète parce qu'il n'avait pas divulgué toutes les questions fiscales importantes susceptibles d'influer sur ses obligations en matière d'impôt sur le revenu et de TPS.

[43]            L'Agence a fait remarquer que même si M. Palonek avait obtenu de nombreuses prorogations de délai afin de fournir des renseignements additionnels à l'appui de sa demande, aucun renseignement n'avait été fourni.

[44]            Le 20 février 2004, M. Palonek a écrit à M. McDermott pour indiquer que [traduction] « le fait que [M. McDermott] envisage[ait] de tenter de révoquer [son] acceptation déjà approuvée au Programme des divulgations volontaires l'avait fortement irrité » . Afin d'éviter d'avoir à [traduction] « soumettre l'affaire aux supérieurs [de M. McDermott] » , M. Palonek demandait des explications au sujet du raisonnement sous-tendant la décision.

[45]            Dans une lettre en date du 23 mars 2004, l'Agence disait que M. Palonek n'avait pas fait une divulgation complète de toutes les questions fiscales importantes susceptibles d'influer sur son obligation en matière d'impôt sur le revenu et de TPS. Ainsi, l'Agence a fait remarquer que la participation de M. Palonek à Found Money Inc. n'avait pas été clairement expliquée et que la disposition des actions que M. Palonek détenait dans cette société n'avait pas été indiquée dans ses déclarations de 1993 à 2001.

[46]            De même, l'Agence a fait remarquer que M. Palonek avait été [traduction] « hésitant et fort vague » en divulguant la relation qu'il entretenait avec Found Money International.

[47]            Par suite de l'omission de M. Palonek de fournir les renseignements demandés, malgré les nombreuses prorogations de délai qui lui avaient été accordées pour le faire, il a été décidé de rejeter la demande de M. Palonek.

[48]            Dans une lettre envoyée à M. McDermott le 8 juillet 2004, M. Palonek demandait un examen impartial au deuxième palier.

L'examen au deuxième palier

[49]            M. Palonek ayant demandé un examen au deuxième palier, son dossier a été envoyé au bureau de l'Agence, à Kitchener-Waterloo, pour examen, de façon à assurer l'impartialité de la procédure. Un rapport énonçant l'historique de l'affaire a été préparé le 8 juillet 2004.

[50]            En particulier, l'auteur du rapport faisait remarquer que M. Palonek avait reconnu avoir reçu un revenu de Found Money International et qu'il avait admis avoir disposé des actions qu'il détenait dans Found Money Inc. vers 1997 ou 1998. Malgré les nombreuses prorogations de délai qui lui avaient été accordées afin de lui permettre de fournir des renseignements au sujet de sa participation dans ces sociétés, M. Palonek n'avait jamais donné de renseignements.

[51]            L'auteur du rapport faisait expressément remarquer que M. Palonek et son comptable n'avaient jamais affirmé que les sommes que M. Palonek avait reçues de Found Money Inc. ou de Found Money International avaient déjà été incluses dans le revenu de consultation indiqué dans les déclarations de revenus produites par M. Palonek au mois d'août 2002.

[52]            Quant aux déclarations de M. Palonek relatives à la TPS, l'auteur du rapport faisait remarquer que même si le montant total de la TPS censément perçu avait été déclaré, aucun chiffre de vente et aucune recette n'avaient été donnés, de sorte qu'il était impossible de savoir si le plein montant de la TPS payable avait de fait été déclaré.

[53]            L'auteur du rapport faisait remarquer que l'accord de séparation fourni par M. Palonek indiquait qu'il devait verser à sa conjointe et à ses enfants une pension alimentaire annuelle de 10 000 $ pour l'année 1993 et de 30 000 $ pour chaque année ultérieure. Dans les déclarations de revenus qu'il avait produites au mois d'août 2002, M. Palonek avait effectué des déductions pour la pension alimentaire versée au cours des années d'imposition 1993 à 2001, dont le montant variait de 18 670 $ pour l'année 1993 à 126 053 $ pour l'année 1997. Il n'avait fourni aucune documentation pour établir que ces paiements avaient de fait été effectués.

[54]            Enfin, l'auteur du rapport faisait remarquer que, dans l'accord de séparation de M. Palonek, il était fait mention du transfert en faveur de Mme Palonek de 30 000 actions de Rothwell Corporation, en tant que partie intégrante du paiement compensateur. Il faisait également observer que cette partie de l'accord avait été radiée, ce qui donnait à entendre que M. Palonek avait maintenu sa participation dans cette société. En outre, la dernière déclaration de société produite pour Rothwell Corporation en 1995 désignait M. Palonek à titre de personne-ressource, ce qui donnait encore à entendre qu'il continuait à avoir une participation dans la société au cours de certaines années d'imposition en cause du moins.

[55]            Toutefois, M. Palonek n'avait pas divulgué sa participation dans cette société et il n'avait pas fourni de renseignements au sujet des dividendes qu'il pouvait avoir reçus de la société; il n'avait pas non plus déclaré les produits qu'il avait reçus par suite de la disposition de ses actions.

[56]            L'auteur du rapport recommandait donc que la conclusion de M. McDermott selon laquelle M. Palonek n'avait pas effectué une divulgation complète soit confirmée.

[57]            Compte tenu de ce rapport, il a été décidé, le 19 août 2004, de confirmer la décision rendue au premier palier; il était encore une fois conclu que la divulgation effectuée par M. Palonek ne satisfaisait pas à la condition d'admissibilité relative à la « divulgation complète » . Selon la décision, M. Palonek n'a jamais expliqué la nature de son entreprise et il n'a jamais fourni de répartition de son revenu brut.

[58]            De plus, dans la décision, on fait observer que, malgré les nombreuses prorogations de délai accordées, M. Palonek n'a jamais fourni à l'Agence de preuve des paiements censément effectués au titre de la pension alimentaire, une explication complète du revenu indiqué dans les déclarations ou des renseignements au sujet de sa participation dans Found Money Inc. et Found Money International Ltd.

[59]            M. Palonek affirme n'avoir jamais reçu cette décision. Le dossier indique qu'il a été avisé de la décision rendue au deuxième palier au moyen d'une lettre envoyée par courrier recommandé à son adresse au Panama. M. Palonek avait déjà demandé à l'Agence d'envoyer tout le courrier à son nouvel avocat, à Toronto, avec une copie à son adresse postale au Panama, mais il semble qu'il n'ait pas donné à l'Agence la demande signée nécessaire pour permettre à celle-ci de communiquer avec un tiers pour son compte à ce moment-là. Par conséquent, la décision n'a pas été envoyée à l'avocat de M. Palonek, à Toronto.

L'examen au troisième palier

[60]            M. Palonek a écrit à l'Agence le 26 août 2004 pour se plaindre de la conduite [traduction] « arbitraire » de l'Agence qui avait [traduction] « retiré [sa] divulgation volontaire » . En outre, il a fait remarquer que le PDV ne lui avait jamais été expliqué avant qu'il fournisse [traduction] « des renseignements complets » à l'Agence. Il a également affirmé qu'on ne lui avait jamais demandé de signer un « Formulaire d'acceptation du client » même si l'utilisation d'un tel formulaire est mentionnée dans le manuel interne de l'Agence concernant l'administration du PDV.

[61]            M. Palonek ajoute que [traduction] « la seule conclusion évidente qu'il est possible de tirer est que l'Agence continue à mal administrer ce programme en commettant des fautes lourdes, en se livrant à de la fraude ou en se fondant sur quelque autre motif inavoué » . Dans sa lettre, M. Palonek formule de nombreuses autres plaintes au sujet de la façon dont l'Agence traite cette affaire et il allègue notamment que l'Agence et ses employés ont commis un parjure ainsi qu'une [traduction] « infraction fédérale » non précisée, et que l'Agence était de mauvaise foi.

[62]            Dans une seconde lettre qu'il a envoyée quelques semaines plus tard, M. Palonek demande un rapport sur l'état de l'examen au deuxième palier.

[63]            Par suite de ces lettres, l'Agence s'est rendu compte que M. Palonek n'avait pas reçu la décision rendue au deuxième palier. Cela étant, et compte tenu des observations supplémentaires reçues de M. Palonek, l'Agence a entrepris un examen administratif au troisième palier. Habituellement, l'examen au troisième palier est effectué uniquement lorsque le contribuable a fourni de nouveaux renseignements pertinents. Même si M. Palonek n'avait pas fourni de nouveaux renseignements au sujet de sa situation financière, il a été décidé de procéder à un troisième examen de l'affaire, de façon à assurer l'exercice d'un bon jugement dans cette affaire.

[64]            Dans une décision datée du 15 novembre 2004, Janice Charlton, directrice du Bureau des services fiscaux de Hamilton (Ontario), a confirmé les décisions rendues aux premier et deuxième paliers, se fondant encore une fois sur la conclusion selon laquelle M. Palonek n'avait pas fait une divulgation complète et entière de toutes les questions importantes susceptibles d'influer sur son obligation en matière d'impôt sur le revenu et de TPS.

[65]            Dans sa décision, Mme Charlton fait remarquer que M. Palonek avait reconnu avoir eu une participation dans diverses sociétés pendant les années d'imposition en question, mais qu'il n'avait fourni aucune preuve permettant d'établir le type de revenu qu'il avait reçu de ces personnes morales ni fait une ventilation détaillée permettant de confirmer que toutes les sources de revenus avaient été incluses dans sa divulgation.

[66]            Mme Charlton a également confirmé qu'aucun renseignement n'avait été reçu de M. Palonek à l'appui de la déduction de la pension alimentaire.

[67]            Enfin, la décision signale les 30 000 actions de Rothwell Corporation apparemment détenues par M. Palonek, indiquant que, dans le cadre du PDV, M. Palonek n'avait jamais mentionné sa participation dans cette société.

Les événements postérieurs à la décision

[68]            Au moyen d'[traduction] « Avis de modification » datés du 7 février 2005, M. Palonek a apporté des modifications majeures à ses déclarations de revenus et de TPS. Il a notamment réduit le montant de son revenu d'entreprise, augmenté le montant de son revenu d'emploi (tiré de Found Money Inc.) et déclaré des gains en capital réalisés lors de la disposition d'actions (y compris des actions d'une fiducie qui était propriétaire de Found Money Inc. et des actions de Rothwell Corporation).        

Les points litigieux

[69]            Dans son mémoire des faits et du droit, M. Palonek mentionne une trentaine de points litigieux différents, alors que son avis de question constitutionnelle soulève 17 points additionnels. M. Palonek n'a pas traité de tous ces points dans ses observations orales, et un grand nombre des questions qu'il a mentionnées ne sont pas fondées sur la preuve ou n'ont pas du tout été exposées en détail.

[70]            Dans le cadre de ses observations orales, M. Palonek a mentionné de nombreux points additionnels, dont un bon nombre n'étaient pas soulevés dans le mémoire des faits et du droit et n'étaient pas non plus étayés par quelque élément de preuve.

[71]            J'ai minutieusement examiné tous les points et tous les arguments avancés par M. Palonek, mais il suffit d'examiner certains d'entre eux seulement dans cette décision.

La norme de contrôle

[72]            L'affaire se rapporte à une décision discrétionnaire rendue dans le cadre du Programme des divulgations volontaires mis en oeuvre par l'Agence du revenu du Canada conformément aux dispositions d' « équité » de la Loi de l'impôt sur le revenu et de la Loi sur la taxe d'accise.

[73]            Conformément à la décision que la Cour d'appel fédérale vient de rendre dans l'affaire Lanno c. Agence des douanes et du revenu du Canada, [2005] A.C.F. no 714, 2005 CAF 153, la norme de contrôle applicable à de telles décisions est celle de la décision raisonnable. Il s'agit de savoir si la décision peut résister à un examen assez poussé : Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, 2003 CSC 20.

[74]            Toutefois, dans la mesure où M. Palonek affirme que l'Agence l'a traité d'une façon inéquitable à l'égard de sa divulgation volontaire, il s'agit pour la Cour de savoir si l'Agence a satisfait aux exigences relatives à l'équité procédurale dans ses rapports avec M. Palonek.

[75]            Enfin, M. Palonek affirme que l'Agence a enfreint certains des droits qui lui sont reconnus par les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés. La plupart de ces questions n'ont pas été soulevées par M. Palonek dans le cadre des divers examens effectués par l'Agence. La question de la norme de contrôle ne se pose donc pas. La tâche de la Cour consiste plutôt à décider si les actions de l'Agence violaient l'un quelconque des droits garantis à M. Palonek par la Charte.

Analyse

[76]            Comme il en a été fait mention ci-dessus, les documents et les longues observations orales que M. Palonek a présentés soulevaient littéralement des douzaines de questions. Les questions que la Cour doit examiner seront examinées chacune à tour de rôle, à commencer par la demande que M. Palonek a faite pour que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie en raison de l'omission de l'Agence d'inclure dans le dossier du tribunal les déclarations de revenus qu'il avait produites au mois d'août 2002.

i)           Les déclarations de revenus manquantes

[77]            M. Palonek fait valoir que la demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie de façon sommaire parce que l'Agence a omis de produire des copies des déclarations de revenus T-1 qu'il a remises à M. McDermott le 12 août 2002. Selon M. Palonek, cette omission signifie qu'il n'est pas en mesure de démontrer qu'il avait de fait divulgué à l'Agence tous les renseignements importants.

[78]            Il importe de noter qu'aucune question relative à l'omission de l'Agence de produire les déclarations T-1 n'a été soulevée par M. Palonek au début de l'audience. M. Palonek n'en a parlé que plusieurs heures après avoir commencé à soumettre ses longues observations, et uniquement après que la Cour eut demandé où étaient les déclarations.

[79]            Je ne puis accepter la prétention de M. Palonek selon laquelle l'affaire devrait être rejetée de façon sommaire, et ce, pour plusieurs raisons.

[80]            Premièrement, le contrôle judiciaire est habituellement effectué sur la base du dossier dont disposait le décideur au moment où la décision visée par l'examen a été rendue. Il est certain que les déclarations de revenus T-1 étaient en la possession de l'Agence, mais je ne dispose d'aucune preuve qu'elles étaient devant Mme Charlton au moment où celle-ci a rendu la décision visée par l'examen. Dans son affidavit, Mme Charlton énumère les documents auxquels elle a porté une attention particulière en procédant à l'examen au troisième palier. Or, les déclarations de revenus de M. Palonek n'en faisaient pas partie. De fait, après que la chose fut devenue un point litigieux, l'avocat du défendeur a confirmé que les documents en question ne faisaient pas partie des éléments dont Mme Charlton avait tenu compte en rendant sa décision au troisième palier.

[81]            En outre, si M. Palonek était d'avis que les documents n'avaient pas été versés au dossier, il lui aurait été loisible de présenter une requête pour remédier à la situation avant l'audience. Or, il ne l'a pas fait.

[82]            Il faut également rappeler que les documents en question sont ceux de M. Palonek lui-même. M. Palonek a déposé un affidavit à l'appui de sa demande, notamment de nombreux documents concernant les rapports qu'il a eus avec l'Agence, mais il a décidé de ne pas inclure de copies des déclarations dans son affidavit.

[83]            Il importe également de noter que l'argument de M. Palonek selon lequel le revenu en question avait déjà été indiqué dans les déclarations T-1 du 12 août 2002 ne figure aucunement dans son mémoire des faits et du droit. Il n'en est pas non plus fait mention dans son affidavit. Cet argument n'est donc pas fondé sur la preuve.

[84]            En outre, la preuve qui a été soumise sur ce point contredit directement la position prise par M. Palonek, c'est-à-dire que, dans le rapport préparé à l'égard de l'examen au deuxième palier, il est expressément mentionné que ni M. Palonek ni son comptable n'ont allégué que les sommes que M. Palonek avait reçues de Found Money Inc. ou de Found Money International avaient déjà été incluses dans le revenu de consultation indiqué dans les déclarations de revenus produites par M. Palonek au mois d'août 2002.

[85]            Enfin, il faut également noter que la position de M. Palonek au sujet de ce qui était dans les déclarations de revenus a changé au fur et à mesure qu'il présentait ses observations. M. Palonek a affirmé avec passablement d'insistance que le revenu en question avait certainement été divulgué dans ses déclarations de revenus du mois d'août 2002, mais ailleurs dans ses observations, dans un contexte différent, il a également affirmé avec insistance qu'il n'avait ni préparé ni signé les déclarations de revenus, et qu'il n'avait donc pas la moindre idée de ce que ces déclarations renfermaient.

[86]            Je ne suis donc pas prête à accueillir sommairement la demande de contrôle judiciaire présentée par M. Palonek.

[87]            Les questions suivantes se rapportent aux allégations de M. Palonek selon lesquelles l'Agence ne l'a pas traité d'une façon équitable dans cette affaire. J'examinerai d'abord l'allégation selon laquelle M. McDermott a menti au sujet de son rôle au sein de l'Agence en vue de tenter de prendre M. Palonek au piège.

ii)          Poste occupé par M. McDermott au sein de l'Agence

[88]            M. Palonek affirme que l'Agence l'a traité de façon inéquitable parce que M. McDermott a décrit inexactement le rôle qu'il avait dans le processus associé au PDV en se faisant passer pour un agent des appels, alors qu'il était en fait vérificateur de l'impôt au sein de la Section de la validation et de l'exécution de l'Agence. M. Palonek affirme que cette description inexacte constituait une tentative de la part de l'Agence pour obtenir illicitement des renseignements, de manière à prendre des gens comme M. Palonek au piège, ce qui a pour effet de déconsidérer l'administration de la justice.

[89]            À l'appui de la prétention selon laquelle M. McDermott a décrit ses fonctions inexactement, M. Palonek signale un document qu'il a de toute évidence obtenu de l'Agence en vertu des dispositions de la Loi sur l'accès à l'information, énumérant les postes occupés par M. McDermott. Étant donné que l'argument de M. Palonek se rapporte à l'équité de la procédure, je suis prête à tenir compte de ce document, même si Mme Charlton ne l'avait pas à sa disposition lorsqu'elle a rendu la décision visée par l'examen.

[90]            Le document sur lequel se fonde M. Palonek est daté du 25 juillet 2003, c'est-à-dire bien après que M. Palonek ait eu affaire à M. McDermott. Le document indique qu'au 25 juillet 2003, M. McDermott travaillait de fait comme vérificateur de l'impôt au sein de la Section de la validation et de l'exécution de l'Agence. Le document indique également qu'auparavant, M. McDermott occupait le poste d'agent des appels.

[91]            Le document indique que M. McDermott occupait son poste d'attache depuis 1987, mais cela ne veut pas dire pour autant qu'il n'aurait pas pu agir comme agent des appels en 2002, ou qu'il n'aurait pas pu être détaché à ce poste. En outre, dans son affidavit, Mme Charlton désigne M. McDermott comme étant agent des appels au bureau de l'Agence, à Hamilton, au moment pertinent.

[92]            Je ne suis donc pas convaincue que M. McDermott ait décrit ses fonctions de façon inexacte.

[93]            Il s'agit ensuite de savoir quelle importance il convient d'accorder à la déclaration que M. McDermott a faite à l'avocat de M. Palonek au milieu de l'année 2002, à savoir qu'[traduction] « il n'y avait pas de problème » .

iii)         Déclaration de M. McDermott selon laquelle [traduction] « il n'y avait pas de problème »

[94]            M. Palonek affirme que lorsque M. McDermott a communiqué avec son premier avocat à la fin du mois de juin 2002 en disant qu'[traduction] « il n'y avait pas de problème » , cela voulait dire que M. Palonek avait été admis au PDV. M. Palonek affirme qu'à compter de ce moment-là, il était à l'abri des poursuites et qu'il n'était plus loisible à l'Agence de changer d'idée unilatéralement, d'une façon inéquitable et arbitraire, et de lui refuser la protection fournie par le programme.

[95]            L'examen du moment où les événements se sont produits et de la suite des événements montre clairement que cet argument est dénué de fondement. Au moment où M. McDermott a fait cette remarque, il s'agissait de savoir si M. Palonek faisait l'objet d'une enquête de la part de l'Agence au moment où il avait présenté sa divulgation volontaire, de sorte qu'il n'était pas admissible à un examen dans le cadre du PDV.

[96]            De fait, il n'est pas soutenu que M. Palonek avait alors fourni des renseignements financiers à l'Agence, et encore moins qu'il avait fait une divulgation financière complète. M. McDermott n'aurait donc pas pu affirmer que M. Palonek satisfaisait pleinement aux conditions de la politique et qu'il avait donc droit à ce que l'Agence exerce son pouvoir discrétionnaire en sa faveur.

[97]            Il importe en outre de noter qu'ailleurs dans ses observations, M. Palonek lui-même a reconnu que la remarque de M. McDermott confirmait simplement que l'Agence n'enquêtait pas à son sujet à ce moment-là.

iv)         L'omission de l'Agence de faire signer un Formulaire d'acceptation du client

[98]            M. Palonek affirme également avoir été traité de façon inéquitable en ce sens que les représentants de l'Agence ne lui ont jamais expliqué le PDV. Il fait également remarquer que, selon le manuel interne de l'Agence, il est important pour les contribuables d'être informés des incidences d'une divulgation volontaire. Pour faciliter ce processus, le manuel recommande de faire signer un « Formulaire d'acceptation du client » avant que le contribuable divulgue des renseignements incriminants. Toutefois, M. Palonek affirme qu'on ne lui a jamais demandé de signer un tel formulaire.

[99]            À mon avis, il aurait été préférable que l'Agence fasse signer le Formulaire d'acceptation du client par M. Palonek, mais eu égard à toutes les circonstances de l'affaire, je ne suis pas convaincue que cette omission permet de conclure que M. Palonek a été traité de façon inéquitable dans ce processus, au point qu'il faut annuler la décision rendue au troisième palier.

[100]        Premièrement, selon le manuel dont fait mention M. Palonek, le Formulaire d'acceptation du client peut être utilisé, et non doit être utilisé.

[101]        Deuxièmement, il faut se rappeler que M. Palonek n'a pas communiqué avec l'Agence directement - il l'a fait par l'entremise de son avocat. Dans ces conditions, il était tout à fait raisonnable pour l'Agence de présumer que M. Palonek bénéficierait de conseils juridiques au sujet des paramètres du programme, et ce, compte tenu en particulier du fait que, dans ce cas-ci, l'avocat a expressément fait mention de la circulaire d'information décrivant le PDV et qu'il a également demandé que l'on confirme que M. Palonek ne faisait pas l'objet d'une enquête au moment où il s'est présenté, ce qui indiquait dans les deux cas que l'avocat connaissait le processus du PDV.

[102]        Enfin, M. Palonek déclare dans son affidavit que l'Agence ne lui a pas fait part des incidences d'une divulgation volontaire, mais il n'y a rien dans son affidavit qui donne à entendre qu'il n'était pas parfaitement au courant des incidences d'une telle divulgation au moment où son avocat a communiqué avec l'Agence pour son compte.

v)          Événements survenus après la décision rendue au troisième palier

[103]        Les deux parties ont mentionné les déclarations de revenus modifiées que M. Palonek avait produites au mois de février 2005, bien après que la décision eut été rendue au troisième palier, et l'avocat du défendeur affirme que ces déclarations indiquent des centaines de milliers de dollars non antérieurement déclarés à titre de revenus, ainsi que des centaines de milliers de dollars non antérieurement déclarés à titre de gains en capital découlant de la vente des actions de Found Money Inc. et de Rothwell Corporation. Selon l'avocat, en incluant ces documents dans son affidavit, M. Palonek a admis que ses déclarations de revenus du mois d'août 2002 étaient incomplètes sur des points importants.

[104]        M. Palonek a également fait mention de ces déclarations dans ses observations.

[105]        La tâche de la Cour consiste à examiner la décision elle-même rendue au troisième palier, afin de décider si elle a été rendue de façon équitable et si elle était raisonnable compte tenu des renseignements mis à la disposition de Mme Charlton. Dans certaines circonstances restreintes, le tribunal de révision peut tenir compte d'autres renseignements dans ses délibérations, mais de telles circonstances ne sont pas présentes en l'espèce. Je ne suis donc pas prête à tenir compte des changements que M. Palonek a pu apporter à ses déclarations de revenus après que la décision visée par l'examen eut été rendue.

vi)         Les présumées violations de la Charte

[106]        M. Palonek affirme que l'Agence a violé un certain nombre de droits qui lui sont reconnus par la Charte dans son traitement de la divulgation volontaire.

[107]        Un grand nombre des arguments invoqués par M. Palonek ne sont pas fondés sur la preuve, comme la prétention selon laquelle l'Agence a porté atteinte aux droits à la liberté de circulation prévus au paragraphe 6(1) du fait qu'elle a communiqué avec les autorités frontalières américaines. Il en va de même pour la prétention selon laquelle les droits à l'égalité garantis à l'article 15 ont été enfreints du fait que l'Agence a pourchassé M. Palonek et qu'elle a omis de donner suite à la question de la présumée fraude fiscale commise par l'ancienne épouse de M. Palonek.

[108]        Comme la Cour suprême du Canada l'a fait observer à maintes reprises, on ne saurait se prononcer sur des allégations de violation de la Charte en l'absence d'une preuve suffisante : voir par exemple Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130, paragraphe 80, et MacKay c. Manitoba, [1989] 2 R.C.S. 357, paragraphes 8 et suivants.

[109]        Aucune explication n'est donnée au sujet d'autres présumées violations des droits reconnus à M. Palonek par la Charte si ce n'est qu'il est simplement affirmé que ces droits ont été violés. Par exemple, M. Palonek allègue qu'il y a eu violation du droit qui lui est reconnu à l'article 8 de la Charte à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives. M. Palonek n'a pas indiqué les mesures de l'Agence qui constituaient une fouille, une perquisition ou une saisie, et il est donc impossible et inutile d'examiner cette allégation.

[110]        Le seul point qui revient partout dans les observations de M. Palonek et qu'il faut examiner se rapporte à l'assertion selon laquelle l'Agence était tenue d'avertir M. Palonek, avant la divulgation, que s'il était en fin de compte conclu qu'il ne satisfaisait pas aux exigences du Programme des divulgations volontaires, les renseignements divulgués pouvaient par la suite être utilisés à son encontre dans des poursuites fondées sur une fraude fiscale.

[111]        Même s'il n'a pas été formulé dans ces termes précis, l'argument invoqué par M. Palonek est, si je comprends bien, que l'omission de l'Agence de l'avertir expressément de son droit de ne rien dire et des risques possibles liés à une divulgation volontaire allait à l'encontre du droit de ne pas s'incriminer qui lui est reconnu à l'alinéa 11c) et à l'article 13 de la Charte.

[112]        Il est possible de répondre rapidement à cet argument en disant qu'il est prématuré. L'alinéa 11c) s'applique à un inculpé. Si M. Palonek est accusé de fraude fiscale dans l'avenir, il voudra peut-être avancer ses arguments à ce moment-là. À l'heure actuelle, il ne fait pas face à de telles accusations. L'application de l'alinéa 11c) de la Charte n'est donc pas déclenchée.

[113]        L'article 13 de la Charte restreint l'utilisation qui peut être faite d'un témoignage présenté dans une instance. Or, M. Palonek n'a pas témoigné dans une instance, et cette disposition ne s'applique donc pas non plus en l'espèce.

vii)        La question constitutionnelle

[114]        M. Palonek a signifié un avis de question constitutionnelle dans lequel il déclare avoir l'intention de contester [traduction] « la validité, sur le plan constitutionnel, du Programme des divulgations volontaires » .

[115]        Conformément à l'article 57 de la Loi sur les Cours fédérales, un avis de question constitutionnelle doit être signifié lorsqu'une personne a l'intention de contester la validité, l'applicabilité ou l'effet, sur le plan constitutionnel, d'une loi fédérale ou provinciale ou de son texte d'application. Le PDV découle d'une politique adoptée par l'Agence et, cela étant, il ne peut pas faire l'objet d'un avis de question constitutionnelle.

[116]        Toutefois, à l'audience, M. Palonek a informé la Cour qu'en fait, il voulait contester les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu qui permettent à l'Agence de poursuivre des particuliers compte tenu des renseignements que ceux-ci ont fournis à l'Agence dans le cadre du PDV. Or, aucun avis de question constitutionnelle n'a été signifié à l'égard de la contestation par M. Palonek des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu relatives à l'introduction de poursuites.

[117]        Ailleurs dans ses observations, M. Palonek affirme que la question constitutionnelle se rapporte aux modalités d'application de la politique relative au PDV en l'espèce.

[118]        Si je comprends bien ses prétentions, c'est avant tout la façon dont l'Agence a traité son cas qui inquiétait M. Palonek. Son argument est centré sur sa conviction que le PDV peut inciter un particulier à se présenter et à fournir à l'Agence des renseignements incriminants qui pourront en fin de compte être utilisés contre lui dans des poursuites ultérieures fondées sur une fraude fiscale.

[119]        Dans la mesure où telle est la préoccupation de M. Palonek, j'ai déjà examiné cette question dans la section de la présente décision portant sur les présumées violations des droits garantis par la Charte.

[120]        Il reste la question de savoir si la décision de Mme Charlton était raisonnable, compte tenu de la preuve mise à sa disposition. Cette question sera maintenant examinée.

viii)       Le caractère raisonnable de la décision visée par l'examen

[121]        L'avocat de l'Agence a honnêtement reconnu que Mme Charlton avait commis une erreur en faisant remarquer, dans sa décision, que M. Palonek avait admis avoir une participation dans Found Money Inc. et dans Found Money International. M. Palonek avait admis avoir une participation dans Found Money Inc. et avoir été en cause dans Found Money International. La nature de ses activités dans cette seconde société n'a jamais été clairement expliquée, mais il est clair que M. Palonek n'a jamais admis avoir une participation dans Found Money International.

[122]        Je ne suis pas convaincue que cette erreur en tant que telle soit suffisamment importante pour justifier l'annulation de la décision de Mme Charlton, qui est par ailleurs tout à fait raisonnable.

[123]        M. Palonek a avancé de nombreux arguments au sujet de la raison pour laquelle la décision que Mme Charlton a rendue au troisième palier est, selon lui, déraisonnable. La plupart de ces prétentions ne sont pas fondées sur la preuve. J'ai tenu compte des observations de M. Palonek, tant orales qu'écrites, mais il suffit de mentionner certaines d'entre elles seulement.

[124]        Tout en reconnaissant qu'il a disposé des actions de Rothwell Corporation pendant la période en question, M. Palonek affirme que la valeur minime de ces actions était telle que son omission de divulguer le produit peut difficilement être considérée comme importante puisque sa dette fiscale s'élevait en tout à près de 1,7 million de dollars. La Cour ne dispose d'aucun élément de preuve admissible au sujet du prix auquel M. Palonek a vendu ses actions ou du gain en capital ou de la perte en capital auxquels la disposition peut, le cas échéant, avoir donné lieu. La Cour ne dispose pas non plus de preuve claire au sujet du montant global que M. Palonek doit à l'Agence.

[125]        Je ne suis donc pas convaincue que l'omission avouée de M. Palonek de divulguer qu'il avait reçu de l'argent lors de la disposition des actions de Rothwell Corporation n'était pas un renseignement important; par conséquent, sa divulgation volontaire à l'Agence était de fait incomplète.

[126]        De même, il n'existe aucun élément de preuve à l'appui de l'allégation de M. Palonek selon laquelle Found Money Inc. était une société inactive. En outre, cette allégation va à l'encontre de l'aveu de M. Palonek selon lequel il avait reçu un revenu de cette société pendant la période en question.

[127]        Pendant l'audience, M. Palonek a affirmé avec insistance que toutes ses sources de revenus avaient été pleinement divulguées à l'Agence dans les déclarations de revenus qu'il avait produites au mois d'août 2002. Selon M. Palonek, le litige porte uniquement sur la question de savoir s'il doit déclarer son revenu à titre d'employé ou à titre d'entrepreneur indépendant.

[128]        Premièrement, la preuve dont dispose la Cour n'étaye pas les prétentions de M. Palonek sur ce point. De plus, il est difficile de comprendre comment M. Palonek peut affirmer que tout le revenu a été divulgué de la façon appropriée à l'Agence au mois d'août 2002, étant donné qu'il a affirmé avec autant d'insistance qu'il n'avait pas préparé les déclarations de revenus en question, qu'il ne les avait pas signées et qu'il n'était pas au courant de leur contenu.

[129]        Enfin, contrairement aux prétentions de M. Palonek, la preuve dont est saisie la Cour ne permet pas de conclure que M. McDermott a menti, ou qu'il a fait des déclarations inexactes au sujet des renseignements fournis par M. Palonek. La preuve n'établit pas non plus que l'Agence s'est livrée à de l'extorsion, à du chantage, à des manoeuvres frauduleuses, à une vendetta personnelle ou à de la fraude dans le traitement du cas qui nous occupe.

[130]        J'ai soumis la décision de Mme Charlton à un examen poussé et je suis convaincue que, à l'exception de la conclusion relative à la participation de M. Palonek dans Found Money International, il était raisonnablement loisible à Mme Charlton de rendre la décision à laquelle elle est arrivée et que, compte tenu du dossier mis à sa disposition, elle a de fait rendu une décision correcte.

Conclusion

[131]        Dans ses observations orales, M. Palonek a affirmé spontanément que son avocat lui avait recommandé, au mois de décembre 2002, de fournir à l'Agence les renseignements demandés, sous peine d'en subir les conséquences. M. Palonek a rejeté ce conseil pour le motif qu'il visait [traduction] « à lui faire peur » . Il semble que M. Palonek ait reçu de bons conseils. Il est malheureux qu'il ait décidé de ne pas les suivre.

[132]        Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

Les dépens

[133]        Les parties ont eu la possibilité de traiter de la question des dépens à la fin de l'audience. Compte tenu de leurs observations, je ne suis pas convaincue qu'il y ait lieu de priver la partie ayant gain de cause de ses frais en l'espèce.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

            La demande de contrôle judiciaire est rejetée, les dépens étant adjugés au défendeur.

           

« Anne Mactavish »

Juge

Traduction certifiée conforme

Michèle Ali


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-241-05

INTITULÉ :                                        EDWARD PALONEK

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LES 28 et 29 MARS 2006

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS :                       LE 18 AVRIL 2006

COMPARUTIONS:

Edward Palonek

POUR LE DEMANDEUR

Kevin Dias

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Edward Palonek

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

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