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Dossier : IMM-702-19

Référence : 2020 CF 605

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 mai 2020

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

LI YING CHEN

(ALIAS XUEQING TANG)

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR) rendue le 8 janvier 2019, dans laquelle la SPR a conclu que la demanderesse n’avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger [la décision].

[2]  Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II.  Contexte factuel

[3]  La demanderesse, Li Ying Chen, est citoyenne de la Chine. La demanderesse est également connue sous le nom de Xueqing Tang.

[4]  La demanderesse affirme qu’elle est recherchée par le Bureau de la sécurité publique (le BSP) et les agents de régulation des naissances de son village en Chine parce qu’elle a aidé une femme enceinte à éviter un avortement.

[5]  La demanderesse allègue qu’elle faisait du bénévolat dans son temple local le 5 avril 2012 lorsqu’une femme enceinte lui a demandé un endroit où se cacher des agents de régulation des naissances du village qui voulaient qu’elle se fasse avorter. La demanderesse a permis à la femme de se cacher dans le temple pendant la nuit.

[6]  Le BSP et les agents de régulation des naissances se sont rendus au temple à la recherche de la demanderesse et ont dit au maître du temple que cette dernière avait commis un crime en abritant la femme enceinte dans le temple. La demanderesse est alors allée se cacher chez son cousin.

[7]  Le BSP s’est rendu à la résidence de la demanderesse de même que chez la filleule de la demanderesse à deux reprises, à sa recherche. Le BSP a laissé une citation à comparaître à la filleule de la demanderesse.

[8]  À la mi-avril 2012, la demanderesse a embauché un passeur pour l’aider à quitter la Chine. Ce dernier l’a aidée à obtenir un visa de visiteur aux États-Unis et à corrompre un agent frontalier en Chine.

[9]  Le 28 mai 2012, la demanderesse a quitté la Chine munie d’un faux passeport hongkongais. Le même jour, la demanderesse est entrée aux États-Unis sous son vrai nom, en utilisant un passeport authentique. Le 1er juin 2012, la demanderesse est entrée au Canada sous un faux nom, suivant l’avis du passeur.

[10]  Le 16 juillet 2012, la demanderesse a déposé une demande d’asile sous le nom de Li Ying Chen. Le passeur s’est rendu au bureau d’immigration avec la demanderesse.

[11]  Le 3 octobre 2012, la CISR a reçu des renseignements du Département d’État des États‑Unis selon lesquels les empreintes digitales de la demanderesse correspondaient à celles de « Xueqing Tang ». Xueqing Tang avait présenté une demande de visa américain en avril 2012 et était entrée aux États-Unis en mai 2012. La CISR a également appris que la demanderesse avait présenté deux demandes de visas de résident temporaire canadiens qui ont été rejetées.

[12]  Le 7 août 2018, soit 12 jours avant la date prévue de l’audience devant la SPR, la demanderesse a présenté une version modifiée de son Formulaire de renseignements personnels [FRP]. Dans le FRP modifié, la demanderesse a changé son nom, sa date de naissance, son âge, les membres de sa famille, son état matrimonial, les renseignements sur son passeport, ses titres de voyage et les détails de son voyage au Canada. La demanderesse a modifié son nom dans l’exposé circonstancié, mais n’a pas autrement changé cet exposé.

[13]  Le 20 août 2018, la demanderesse n’a pas assisté à l’audience relative à la demande d’asile et s’est présentée à l’hôpital pour se plaindre d’essoufflements. Elle n’avait déposé aucun document avant l’audience.

[14]  Le 12 septembre 2018, la demanderesse a déposé des documents à l’appui de sa demande d’asile.

[15]  Le 29 octobre 2018, la demanderesse a assisté à l’audience devant la SPR, qui avait été reportée.

III.  La décision faisant l’objet du contrôle

[16]  La SPR a conclu que les questions déterminantes dans la demande d’asile de la demanderesse étaient l’identité et la crédibilité.

A.  Identité

[17]  La SPR a fait remarquer que la demanderesse avait déposé sa demande d’asile sous un faux nom et une fausse date de naissance, et qu’elle avait permis que ces faux renseignements demeurent au dossier pendant six ans. La SPR a fait remarquer que dans sa demande d’asile modifiée, la demanderesse a changé son nom, son âge, son état matrimonial, les membres de sa famille, les renseignements de son passeport, des documents et la manière dont elle est s’est rendue au Canada.

[18]  La SPR a examiné l’explication donnée par la demanderesse quant à la raison pour laquelle elle a utilisé un faux nom. La demanderesse a déclaré que le passeur lui a dit que si elle utilisait son vrai nom, les agents d’immigration seraient au courant du rejet de ses demandes de visa et elle serait renvoyée en Chine.

[19]  La SPR a reconnu que les demandeurs d’asile peuvent devoir utiliser une fausse identité pour échapper à la persécution et venir au Canada. Toutefois, la SPR a conclu qu’il n’y avait aucune raison valable de continuer à utiliser une fausse identité pendant six ans une fois qu’elle s’est trouvée en sécurité au Canada. La SPR a fait remarquer que la demanderesse a également utilisé un faux nom et une fausse une date de naissance dans ses demandes d’aide sociale et de soins de santé.

[20]  La SPR n’a pas accepté l’explication de la demanderesse parce que cette dernière avait eu recours à un avocat chevronné spécialisé en immigration lorsqu’elle a présenté son FRP contenant un faux nom et de faux renseignements. La SPR a également conclu que la demanderesse connaissait ou aurait dû connaître le processus de demande d’asile étant donné que ses quatre enfants sont au Canada et que trois d’entre eux ont présenté une demande d’asile qui a été accueillie.

[21]  La SPR a conclu que la demanderesse a révélé sa véritable identité seulement parce qu’elle a appris que la CISR avait obtenu des données biométriques à son sujet. La SPR a également conclu que la demanderesse ne lui a présenté aucun document avant la première audience prévue relative au statut de réfugié parce qu’elle avait besoin de suffisamment de temps pour obtenir de nouveaux documents sous son vrai nom.

[22]  La SPR a fait remarquer que la demanderesse a fourni des renseignements incohérents au sujet de son identité et qu’elle pourrait être une personne qui n’est ni Li Ying Chen ni Xueqing Tang. Toutefois, compte tenu des renseignements concernant les demandes de visa canadien faites par la demanderesse et la copie d’une carte d’identité de résident et d’un hukou au nom de Xueqing Tang, la SPR a reconnu, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse avait établi son identité en tant que Xueqing Tang.

B.  Crédibilité

[23]  La SPR a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse n’a pas établi qu’elle était poursuivie par le BSP pour avoir aidé une femme enceinte à éviter un avortement.

[24]  La SPR a conclu que la demanderesse manquait de crédibilité de façon générale. La SPR a tiré une conclusion défavorable du fait que la demanderesse a inscrit sa filleule comme étant sa fille dans son FRP original et son exposé circonstancié, puis a retiré sa filleule de la section « Famille » de son FRP modifié.

[25]  La SPR a également conclu que les documents de la demanderesse étaient suspects parce qu’il est facile de se procurer des documents frauduleux en Chine et parce que la demanderesse a utilisé des documents frauduleux pour tromper les autorités canadiennes. La SPR a conclu que la citation à comparaître délivrée par le BSP n’était pas fiable, étant donné que la demanderesse a rendu un témoignage incohérent sur la question de savoir si sa fille ou sa petite-fille l’avait obtenu pour elle, et parce que la fille de la demanderesse ne vivait pas en Chine à l’époque. La SPR a également évalué la carte du temple de la demanderesse, la lettre de la femme enceinte de même que les photographies présentées par la demanderesse, et a conclu que ces documents ne corroboraient pas la demande d’asile de la demanderesse. La SPR a noté que la citation à comparaître n’avait pas été présentée à temps pour la première audience prévue.

[26]  La SPR a fait remarquer que la demanderesse n’a fourni aucune preuve documentaire démontrant qu’il était illégal d’aider une personne qui fuit les agents de régulation des naissances. La SPR a conclu qu’il n’y avait aucune preuve objective selon laquelle le fait d’héberger une femme enceinte pendant une journée entraînerait une peine pire qu’une réprimande.

[27]  La SPR a conclu que la demanderesse n’était ni une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger et a rejeté la demande d’asile.

IV.  Questions en litige

[28]  La demanderesse soulève trois questions dans le cadre du présent contrôle judiciaire : 1) la SPR a commis une erreur en n’évaluant pas de façon indépendante la citation à comparaître; 2) la SPR a commis une erreur dans son évaluation de la demande d’asile de la demanderesse tout en reconnaissant l’identité de cette dernière en tant que ressortissante chinoise; 3) la SPR a commis une erreur dans son évaluation de la crédibilité et de l’identité de la demanderesse, du fait qu’elle a tiré, en manquement à son obligation d’équité procédurale, une conclusion défavorable de la décision de la demanderesse de modifier son FRP.

V.  La norme de contrôle

[29]  Il existe maintenant une présomption selon laquelle la norme de contrôle applicable à une décision administrative est celle de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], par. 10. La présomption peut être réfutée lorsque le législateur indique qu’il a l’intention d’appliquer une norme différente ou que la primauté du droit exige un contrôle selon la norme de la décision correcte. Ni l’une ni l’autre de ces situations ne se présente en l’espèce.

[30]  La présente demande a été présentée avant que la Cour suprême du Canada ne rende l’arrêt Vavilov, dans lequel elle a réitéré la façon dont une cour de révision doit procéder à un contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

[31]  Bien que les principes énoncés dans l’arrêt Vavilov s’appliquent désormais à la présente demande, je conclus qu’il n’est pas nécessaire de recevoir d’autres observations des parties. Le résultat serait le même selon le cadre d’analyse antérieur à Vavilov établi dans Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir].

[32]  Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, par. 47 [Dunsmuir], Vavilov, par. 15.

[33]  En ce qui concerne les questions d’équité procédurale, la norme de contrôle de la décision raisonnable ne s’applique pas. Le juge Rennie a précisé que la question de savoir si l’obligation d’équité procédurale a été respectée n’exige pas de se livrer à une analyse relative à la norme de contrôle. La question fondamentale à laquelle la Cour doit répondre est de savoir si la demanderesse connaissait la preuve à réfuter et si elle a eu la possibilité complète et équitable d’y répondre : Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, par. 56.

VI.  Analyse

[34]  Pour que la décision soit annulée, la demanderesse doit composer avec des principes fondamentaux.

[35]  Premièrement, il est admis que les décisions relatives à la crédibilité constituent « l’essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits », comme la SPR. Elles doivent recevoir une déférence considérable à l’occasion d’un contrôle judiciaire et elles ne sauraient être infirmées à moins qu’elles ne soient abusives, arbitraires ou rendues sans tenir compte des éléments de preuve : Siad c Canada (Secrétaire d’État), [1997] 1 CF 608, par. 24 (CAF).

[36]  Deuxièmement, il incombe à la demanderesse de démontrer que la décision est déraisonnable. Avant qu’une décision puisse être infirmée au motif qu’elle est déraisonnable, la cour de révision doit être convaincue qu’elle souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence. Le tribunal doit être convaincu que la lacune ou la déficience invoquée par la partie contestant la décision est suffisamment capitale ou grave pour rendre cette décision déraisonnable (Vavilov, par. 100).

A.  La citation à comparaître

[37]  La demanderesse soutient que la SPR s’est fondée sur des préoccupations antérieures en matière de crédibilité afin d’écarter la citation à comparaître, et qu’elle n’a pas procédé à une évaluation indépendante de celle-ci. Or, selon elle, la citation à comparaître est le document le plus probant pour corroborer son allégation selon laquelle elle risque d’être persécutée par le BSP.

[38]  La demanderesse fait remarquer que les documents étrangers sont présumés authentiques et crédibles, et ne devraient pas être rejetés sans motif valable : Ramalingam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 10 (1re inst). Elle a également soutenu que la citation à comparaître contenait des éléments de sécurité que la SPR n’a pas évalués.

[39]  En plus de conclure que la demanderesse manquait de crédibilité de façon générale, la SPR a conclu que la citation à comparaître présentée n’était pas fiable parce que la demanderesse a affirmé qu’elle avait été remise à sa fille, au domicile de cette dernière. Or, avant l’incident à l’origine de la citation à comparaître, la demande d’asile de sa fille avait été acceptée au Canada. La SPR a également fait remarquer que les demandes de visas de visiteur présentées par la demanderesse avaient été refusées parce que tous ses enfants étaient au Canada. C’était environ cinq ans avant l’incident avec la femme enceinte.

[40]  La validité des documents étrangers délivrés par un gouvernement constitue une présomption réfutable. Sur la base de ce qui précède, la présomption d’authenticité et de crédibilité a été réfutée. La SPR avait de multiples motifs valables et raisonnablement étayés par la preuve sur lesquels elle s’est appuyée pour rejeter la citation à comparaître.

B.  Aucune erreur dans l’évaluation de la demande d’asile de la demanderesse

[41]  La demanderesse se demande comment la SPR a pu reconnaître son identité en tant que ressortissante chinoise, mais en n’évaluant pas sa demande d’asile en tant que personne persécutée par le BSP.

[42]  La réponse courte à cette question est que l’acceptation de l’identité de la demanderesse était pour le moins mitigée. La SPR a conclu que la demanderesse « est la personne dont les données biométriques correspondent aux empreintes digitales fournies par les États-Unis » et que ces données « correspondent également à la personne qui a présenté des demandes de visa de visiteur au Canada en 2005 et en 2007 ».

[43]  La SPR a poursuivi en disant que la demandeure d’asile « peut très bien être la personne qu’elle dit être maintenant, mais j’estime que je ne peux croire ce qu’elle dit en l’absence d’autres éléments de preuve corroborants fiables, probants et dignes de foi. [...] La demandeure d’asile peut également être une autre personne qui n’est ni Li Ying Chen ni Xueqing Tang ».

[44]  La SPR a examiné les documents corroborants présentés par la demanderesse. Elle a conclu, compte tenu des diverses incohérences et lacunes dans les documents, qu’ils n’avaient pas dissipé les préoccupations relatives à la crédibilité. D’après la preuve, il était raisonnablement loisible à la SPR de tirer une telle conclusion.

C.  Évaluation de l’identité de la demanderesse

[45]  La demanderesse soutient que la SPR a commis une erreur dans l’évaluation de sa crédibilité et de son identité en tirant des conclusions de vraisemblance sans évaluer adéquatement ses arguments. Plus précisément, elle affirme que la SPR a soulevé une préoccupation quant à son utilisation d’un faux passeport hongkongais pour entrer au Canada et n’a pas jugé raisonnable son explication quant à la raison pour laquelle elle a donné une fausse identité. La demanderesse affirme qu’elle a toujours eu l’intention de mettre à jour son identité, mais qu’elle attendait de rencontrer son avocat avant la date prévue de l’audience. Le fait que plusieurs années se sont écoulées avant la date de l’audience était en partie attribuable au retard de la SPR à fixer une date d’audience.

[46]  La demanderesse affirme également que le passeur lui a dit de ne pas donner son vrai nom, de sorte que ses actes ont été influencés par un tiers qu’elle a payé pour l’aider à fuir et se mettre en sécurité. La demanderesse soutient qu’il était tout à fait plausible qu’elle s’en soit remise au passeur.

[47]  Le défendeur souligne que la SPR a expressément admis que la demanderesse a pu devoir utiliser de faux documents d’identité pour échapper à la persécution et entrer au Canada. Toutefois, la SPR a conclu qu’il n’y avait aucune raison valable de continuer cette tromperie pendant six ans une fois qu’elle s’est trouvée en sécurité au Canada. La SPR a également fait remarquer que la demanderesse avait utilisé sa fausse identité au cours de cette période de six ans pour tromper les autorités afin de recevoir des prestations d’aide sociale et des soins de santé.

[48]  En ce qui concerne l’allégation de la demanderesse selon laquelle elle a toujours eu l’intention de mettre à jour son identité, la SPR a conclu que cette prétention était contredite par le fait qu’elle n’a admis sa véritable identité qu’après que la correspondance biométrique avec les États-Unis eut révélé son identité.

[49]  Il était raisonnablement loisible à la SPR de tirer ces conclusions, lesquelles étaient étayées par le dossier sous-jacent. La demanderesse ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer que la SPR a commis une erreur dans l’analyse de son identité.

[50]  La demanderesse allègue que la SPR a tiré une conclusion défavorable de sa décision de modifier son FRP, ce qu’elle avait le droit de faire. S’appuyant sur Angulo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1131 [Angulo], la demanderesse affirme que son droit à l’équité procédurale a par conséquent été violé.

[51]  Il ressort de l’examen de la décision Angulo que le juge Zinn a conclu que les droits à l’équité procédurale de l’intéressé n’avaient pas été respectés parce que la SPR n’a pas attendu que les FRP d’autres membres de la famille soient communiqués, malgré l’ordonnance antérieure d’un autre commissaire de la SPR à cet effet. Étant donné que le tribunal a procédé à l’instruction sans que les documents soient communiqués, le juge Zinn a conclu que ce dernier avait manqué à son devoir d’équité procédurale. Les faits de l’espèce ne concordent aucunement avec ceux de l’affaire Angulo.

[52]  Je suis convaincue qu’il n’y a aucune preuve que le droit de la demanderesse à l’équité procédurale a été violé en l’espèce.

D.  Évaluation de la crédibilité de la demanderesse

[53]  La SPR a examiné les arguments et les déclarations de la demanderesse, mais a conclu qu’elle manquait de crédibilité de manière générale. La demanderesse n’a pas démontré que la conclusion était abusive, arbitraire ou tirée sans tenir compte de la preuve.

[54]  La SPR a conclu, après avoir évalué de façon indépendante les documents présentés par la demanderesse, que ceux-ci n’étaient pas fiables, en plus de constater un certain nombre de lacunes dans les documents.

[55]  Par exemple, la SPR a conclu que la lettre de la femme enceinte manquait de détails et qu’il n’y avait aucune preuve quant au moment où la demanderesse l’a reçue. Même si elle était datée du 23 décembre 2017, elle n’a pas été déposée à temps pour la première audience qui a été annulée lorsque la demanderesse a été hospitalisée.

[56]  La lettre indiquait également que deux ans après son départ de la Chine, la maison et les biens de la demanderesse avaient été mis sous scellés par le gouvernement et que sa maison était maintenant utilisée comme clinique. La SPR a fait remarquer que la fille ou la filleule de la demanderesse l’aurait probablement informée de ces événements. Le dossier ne comportait aucun document des autorités concernant la confiscation de la résidence.

[57]  Un examen de la lettre révèle, bien qu’il y soit indiqué [traduction] « l’année où vous m’avez hébergée, ce qui vous a amenée à fuir la Chine », qu’on ne mentionne nulle part ailleurs le temple comme étant le lieu de la cachette, ni la perspective d’un avortement forcé comme étant la raison l’ayant poussée à demander de l’aide.

[58]  La SPR a conclu que la carte du temple n’était pas authentique puisqu’elle n’était pas datée et qu’elle indiquait que le détenteur de la carte n’était pas un bénévole officiel avant d’avoir terminé un encadrement de deux ans. En l’absence d’une date sur la carte, il n’est pas possible de calculer la période de deux ans.

[59]  La SPR a conclu que le problème le plus important avec la carte du temple était que la photographie sur la carte ne semblait pas être celle de la demanderesse. La SPR a rejeté l’explication de la demanderesse selon laquelle elle datait de six ou sept ans et qu’elle avait perdu beaucoup de poids depuis. La carte a également été reçue en retard, tout comme les photographies présentées par la demanderesse.

[60]  La SPR était manifestement et raisonnablement préoccupée par la crédibilité de la demanderesse, compte tenu de la grande variété et du nombre important de fausses déclarations qu’elle a faites, lesquelles étaient étayées par de faux documents. La SPR n’a pas rejeté la preuve documentaire de la demanderesse uniquement en raison de son manque de crédibilité. Elle a évalué chaque document et a tiré des conclusions distinctes quant à la crédibilité en se fondant sur le contenu des documents et sur le fait qu’ils n’ont pas été présentés à temps pour la première audience.

[61]  Lorsque ces facteurs sont jumelés au témoignage incohérent de la demanderesse au sujet de la source des documents, il est clair que les conclusions de la SPR n’étaient ni abusives ni arbitraires. En l’espèce, la SPR a tiré ses conclusions en tenant compte de la preuve.

[62]  L’absence de crédibilité générale de la demanderesse a légitimement joué un rôle dans les conclusions de la SPR. Une conclusion générale d’absence de crédibilité peut avoir une incidence sur tous les éléments de preuve pertinents présentés par la demanderesse, y compris la preuve documentaire, et peut, en fin de compte, entraîner le rejet de la demande d’asile : Rahman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 71, par. 28, Yasik c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 760, par. 55.

VII.  Conclusion

[63]  La demanderesse a contesté pratiquement toutes les conclusions de la SPR. J’ai examiné la plupart de ces contestations. Toute autre contestation que je n’ai pas mentionnée n’aurait pas modifié le résultat de la présente demande.

[64]  La demanderesse ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer que la décision est déraisonnable en établissant « qu’elle souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » : Vavilov, par. 100.

[65]  La demanderesse ne m’a pas convaincue que les conclusions de la SPR étaient abusives, arbitraires ou tirées sans que la preuve ait été prise en compte.

[66]  Lorsqu’elle procède à un contrôle judiciaire, la Cour doit s’abstenir de trancher de nouveau la question. Je ne suis plutôt appelée qu’à décider du caractère raisonnable de la décision, ce qui inclut le raisonnement suivi et le résultat obtenu : Vavilov, par. 83. Je suis d’avis que le résultat appartient aux issues possibles et acceptables au vu des faits et du droit. Je conclus également que le raisonnement suivi par la SPR était raisonnable.

[67]  Pour tous ces motifs, la demande est rejetée.

[68]  Les faits de l’espèce ne soulèvent aucune question grave de portée générale à certifier.

[69]  Aucuns dépens ne sont adjugés.




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