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Date : 20010223

Dossier : T-1552-98

Référence neutre : 2001 CFPI 112

ENTRE :

          LE SCHWARZ HOSPITALITY GROUP LIMITED,

                                                                                   demanderesse,

                                                  - et -

             LE MINISTRE DU PATRIMOINE CANADIEN

          et LE DIRECTEUR DU PARC NATIONAL BANFF,

                                                                                         défendeurs.

                                                                              Dossier : T-34-00

         THE SCHWARZ HOSPITALITY GROUP LIMITED,

                                                                                   demanderesse,

                                                  - et -

                LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

                                                                                          défendeur.

                          MOTIFS DES ORDONNANCES

LE JUGE GIBSON


INTRODUCTION

[1]    Les présents motifs font suite à l'audience à Calgary, Alberta, les 23 et 24 janvier 2001, relativement à deux demandes de contrôle judiciaire dans lesquelles la demanderesse, le Schwarz Hospitality Group Limited (la titulaire de domaine à bail), cherche à obtenir les réparations suivantes :

          

s'agissant de la demande de contrôle judiciaire afférente au dossier T-1552-98 (la première demande), une déclaration portant que le moratoire d'un an imposé sur tout aménagement de logements commerciaux périphériques dans le parc national Banff, annoncé par le ministre du Patrimoine canadien le 26 juin 1998, est invalide ou illicite et sans effet à l'égard du projet de réaménagement du Storm Mountain Lodge présenté par la demanderesse (le projet de réaménagement) et une ordonnance enjoignant au directeur du parc national Banff (le directeur) de procéder à l'examen et à l'approbation du projet de réaménagement conformément au processus d'approbation des aménagements et aux lignes directrices pour les aménagements qui sont en vigueur;

s'agissant de la demande de contrôle judiciaire afférente au dossier T-34-00 (la deuxième demande);


           -           une déclaration portant que les conditions prescrites par la Commission consultative sur les aménagements du parc national Banff (la Commission consultative sur les aménagements) pour le projet de réaménagement ont été remplies;

           -           une déclaration portant que l'évaluation environnementale relative au projet de réaménagement présentée par la titulaire de domaine à bail au directeur, le 18 novembre 1999 (l'évaluation environnementale) satisfait aux prescriptions de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale[1];

           -           une déclaration portant que le directeur n'a aucun motif raisonnable de refuser, s'abstenir ou négliger d'établir le rapport d'examen préalable prévu à l'alinéa 18(1)b) de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale;

           -           une ordonnance de mandamus enjoignant au directeur d'établir le rapport d'examen préalable;

          -           une déclaration portant que le directeur n'a aucun motif raisonnable de refuser de décider, au titre de l'article 20 de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, et en particulier de l'alinéa 20(1)a), que le projet de réaménagement n'est pas susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants, et une ordonnance de mandamus enjoignant au directeur de prendre cette décision;


           -           une déclaration portant que le directeur n'a aucun motif raisonnable de refuser de prendre la mesure prévue à l'alinéa 20(1)a) de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, et une ordonnance de mandamus enjoignant au directeur de prendre cette mesure;

           -           une déclaration portant que le directeur est habilité par la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et par la Loi sur les parcs nationaux[2] ainsi que par les règlements d'application à procéder à l'examen du projet de réaménagement et à délivrer tous les permis nécessaires, et que le ministre du Patrimoine canadien (le ministre) n'est investi d'aucun pouvoir résiduel ou discrétionnaire l'habilitant à intervenir dans le processus d'examen, d'approbation et de délivrance des permis.

[2]                Conformément à l'ordonnance du juge en chef adjoint, en date du 12 septembre 2000, les deux demandes de contrôle judiciaire ont été instruites ensemble. Au terme de l'audience, j'ai informé les avocats que je réservais ma décision et que les motifs et ordonnances correspondantes suivraient.

CONTEXTE


[3]                Selon l'affidavit de George Schwarz, président de la titulaire de domaine à bail et associé dans le projet de réaménagement du domaine du Storm Mountain Lodge, déposé au sujet de la première demande, le Storm Mountain Lodge a été aménagé dans les années 20 comme un camp de bungalows du Canadien Pacifique pour accueillir les voyageurs de la nouvelle route Banff-Windermere, actuellement la route 93, dans le col Vermillion entre les parcs nationaux Banff et Kootenay. Le Storm Mountain Lodge est situé du côté nord de la route 93, à environ 23 kilomètres des agglomérations de Banff et de Lake Louise dans le parc national Banff.

[4]                M. Schwarz atteste que la titulaire de domaine à bail est propriétaire et exploitant du Storm Mountain Lodge depuis 1986, date où elle a acquis le domaine à bail et ses aménagements. Les installations actuelles comprennent un pavillon principal, comportant un restaurant, une salle commune pour les clients, des bureaux et des salles de toilette, douze (12) chalets de location, quatre (4) chalets pour le personnel et divers bâtiments pour les équipements techniques. Le pavillon principal, les chalets et les bâtiments pour les équipements techniques, qui totalisent une superficie au sol de 325 mètres carrés, sont répartis sur un terrain cédé à bail de 2,3 hectares (23 000 mètres carrés). Le pavillon principal est classé comme bâtiment à valeur historique du parc national Banff.


[5]                M. Schwarz atteste également que le Storm Mountain Lodge n'a pas subi de rénovations importantes depuis les années 20, sauf l'installation de l'électricité et des améliorations à la plomberie. Les installations actuelles sont adéquates en été seulement et ont été exploitées sur une base saisonnière. Les visiteurs qui se déplacent entre Banff et la vallée Windermere utilisent généralement le restaurant pendant la journée alors que les visiteurs qui effectuent un séjour dans le parc national Banff occupent les installations comme base pour visiter le col Vermillion et les environs.

[6]                En 1996, après des consultations initiales avec des représentants de Parcs Canada, la titulaire de domaine à bail a décidé de réaménager le Storm Mountain Lodge en ayant en tête trois objectifs :

[TRADUCTION] Premièrement, d'améliorer l'expérience du visiteur par la mise en valeur du tourisme patrimonial et la modernisation des installations; deuxièmement, de rendre le Storm Mountain Lodge habitable à l'année; troisièmement, d'éliminer les impacts environnementaux négatifs des installations existantes et des installations rénovées.

En août 1996, la titulaire de domaine à bail a présenté à Parcs Canada un projet de réaménagement. Ce projet a par la suite été retiré.

[7]                En 1997, le Plan directeur du parc national Banff[3] a été déposé devant le Parlement. Dans l'avant-propos du Plan, le ministre écrivait :

On a créé le Groupe de travail sur la vallée de la Bow à Banff parce qu'il fallait changer notre façon d'agir dans le parc. Nous devions trouver un nouveau terrain d'entente qui permettrait aux Canadiens et aux Canadiennes de bâtir un nouvel avenir pour le parc.

Après plus de deux années de recherches, de consultations et de discussions poussées, l'Étude sur la vallée de la Bow à Banff a été publiée. Nous avons intégré un grand nombre de ses recommandations dans le nouveau plan directeur. L'étude a apporté une contribution toute particulière en nous aidant à mieux comprendre le rôle des sciences dans la prise des décisions. Elle a suscité un grand intérêt puisqu'elle a mobilisé la population autour d'une table ronde qui a porté sur Banff et la vallée de la Bow et qui lui a permis de définir l'avenir de Banff. Nous poursuivrons notre action sur ces fondements.


Le texte suivant figure dans l'introduction du plan :

[TRADUCTION] La Loi sur les parcs nationaux prévoit que chaque parc national ait un plan directeur. Ces plans reflètent les politiques et les mesures législatives du ministère et sont établis en consultation avec les Canadiens et les Canadiennes. Ils sont révisés aux cinq ans. Le présent plan directeur guidera l'orientation d'ensemble du parc national Banff pour les dix ou quinze années à venir et servira de cadre de planification pour l'ensemble du parc.                          [non souligné dans l'original]

[8]                À la page 66 du plan, sous l'intitulé [TRADUCTION] « Processus d'examen des aménagements » , on peut lire :

[TRADUCTION] Le parc national Banff adoptera un processus d'examen des aménagements révisé pour tous les projets à l'extérieur de la ville de Banff. Ce processus révisé :

               1)             Utilise le modèle élaboré pour le processus d'examen des aménagements municipaux.

               2)             Comporte deux étapes – l'examen du permis d'aménagement et l'examen du permis de construire.

               3)             Introduit la participation du public par la voie de la Commission consultative sur la mise en valeur (CCMV).Cette commission procède à l'examen public de toutes les demandes pour s'assurer qu'elles sont appropriées et qu'elles respectent les prescriptions de la Loi sur les parcs nationaux, des règlements et des documents de planification. La CCMV présente ses recommandations au directeur du parc.

                               ...

               6)             Intègre les dispositions de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (LCEE) et établit des normes d'évaluation environnementale élevées. Les évaluations qui ne satisfont pas aux normes sont retournées au promoteur et ne sont pas affichées en public.


[9]                M. Schwarz atteste plus loin dans l'affidavit mentionné précédemment que les services offerts aux visiteurs dans le parc national Banff sont limités à certaines régions à l'intérieur desquels les logements commerciaux sont autorisés. Les deux régions principales ouvertes aux visiteurs sont les agglomérations de Banff et de Lake Louise. Toutefois, il existe aussi de l'hébergement commercial dans 29 logements commerciaux périphériques (LCP). Le Storm Mountain Lodge est l'un d'eux.

[10]            Dans le cadre du Plan directeur du parc national Banff, le réaménagement des LCP continuait d'être régi par les Lignes directrices pour le réaménagement des logements commerciaux périphériques des quatre parc des Rocheuses[4] (les Lignes directrices LCP) qui ont été adoptées en novembre 1988. L'avant-propos des Lignes directrices LCP contient notamment ce qui suit :

[TRADUCTION] Les présentes lignes directrices s'appliquent aux logements commerciaux périphériques (LCP) ou aux camps de bungalows des quatre parcs nationaux des Rocheuses, Banff, Jasper, Kootenay et Yoho. Il s'agit d'installations d'hébergement privées, accessibles par la route, à l'intention des visiteurs qui veulent un hébergement pour la nuit dans le parc. Les lignes directrices s'inspirent de l'orientation exposée dans « En gage pour l'avenir » (1986). Ce cadre de planification, annoncé par le ministre de l'Environnement en février 1986, donne l'orientation de réaménagement qui devrait régir les LCP.

Ces Lignes directrices pour le réaménagement ont été élaborées à deux fins. La première est d'établir clairement pour les propriétaires de LCP que le réaménagement est autorisé dans le cadre de paramètres bien définis. Seconde fin, les lignes directrices doivent servir de cadre au personnel d'Environnement Canada et de Parcs Canada pour procéder à l'examen, aux observations et à l'approbation des projets de réaménagement.

...

Les 29 logements commerciaux périphériques actuels fournissent environ 1 100 unités de logement commerciales accessibles par la route en périphérie des agglomérations et des centres de services aux visiteurs. Ils sont d'exploitation privée, mais constituent des terrains cédés à bail par Environnement Canada et Parcs Canada et forment partie intégrante du réseau des parcs. De ce fait, ils doivent prendre en compte toutes les préoccupations de nature environnementale ou patrimoniale qui touchent le réseau des parcs en général[5].                                                                                                                                    [non souligné dans l'original]


[11]            Le projet de réaménagement de 1996 de la titulaire de domaine à bail, y compris l'évaluation environnementale correspondante, a fait l'objet de consultations poussées. Au terme de ces consultations, un projet de réaménagement révisé a été présenté à Parcs Canada. C'est ce projet de réaménagement qui est au coeur des présentes demandes de contrôle judiciaire. La titulaire de domaine à bail a été avisée par le directeur que le projet révisé et l'évaluation environnementale correspondante seraient examinés selon un nouveau processus d'examen des aménagements et, en particulier, seraient examinés par la Commission consultative sur la mise en valeur nouvellement créée. Au cours de l'été de 1997, le projet de réaménagement révisé et l'évaluation environnementale correspondante ont fait l'objet d'un examen approfondi tant de la part de Parcs Canada que d'autres intervenants. Une séance d'examen et d'audience publique de la Commission consultative sur la mise en valeur s'est tenue le 28 juillet 1997. Le procès-verbal de la réunion de la Commission consultative sur la mise en valeur[6] indique qu'une résolution a été adoptée visant à recommander au directeur d'accepter le projet de réaménagement sous réserve de certaines conditions et modifications.

[12]            Par une lettre datée du 1er août 1997[7], le directeur intérimaire a informé la titulaire de domaine à bail notamment des élément suivants :

[TRADUCTION] Donnant suite à [votre] demande de permis d'aménagement, ...Je vous informe que la Commission consultative sur la mise en valeur de Parcs Canada, dans le cadre d'une audience publique tenue le 28 juillet 1997, a présenté une recommandation au bureau du directeur proposant d'accepter la demande sous réserve de certaines conditions.

Après avoir étudié les renseignements et les conditions joints à la recommandation de la CCMV, je vous avise que j'accepte les recommandations y compris les conditions proposées. Je vous informe que vous pouvez prendre les mesures nécessaires pour répondre à toutes les exigences et conditions prescrites. La décision finale et la délivrance du permis d'aménagement sont reportées au moment où l'ensemble des conditions et exigences d'aménagement auront trouvé une solution qui soit satisfaisante pour Parcs Canada. ...

...

Les conditions et exigences étant remplies de manière satisfaisante, le projet sera soumis à une période d'examen public (sur des points du processus ou de la procédure seulement) de quatorze jours. En l'absence d'appels, le permis d'aménagement pourra être délivré à l'expiration du délai d'examen public.

Nota bene : la présente ne constitue pas un permis d'aménagement.Avant la délivrance et la remise du permis d'aménagement, toutes les conditions et exigences des recommandations de la CCMV présentées au directeur et acceptées par lui doivent avoir été remplies, y compris les obligations prévues par la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (LCEE).                                                                                                           [souligné dans l'original]


[13]            Il s'en est suivi des discussions nombreuses concernant des révisions et des ajouts au projet d'aménagement en vue de répondre aux conditions et exigences de la recommandation de la Commission consultative sur la mise en valeur. Vers la mi-juin 1998, la titulaire de domaine à bail avait le sentiment que l'approbation définitive de son projet d'aménagement était imminente. La rencontre que M. Schwarz désigne dans son affidavit comme la « réunion finale » avec Parcs Canada était prévue pour le 10 juillet 1998.

[14]            Le 26 juin 1998, la titulaire de domaine à bail est avisée par le bureau du directeur des faits suivants :

[TRADUCTION] Le ministre du Patrimoine canadien et le Secrétaire d'État (Parcs) ont annoncé aujourd'hui de nouvelles mesures de protection de l'intégrité écologique des parcs nationaux du Canada. À la suite de cette annonce, un comité d'examen sera constitué pour revoir les lignes directrices pour le réaménagement dans l'avenir des logements commerciaux périphériques (les LCP) et des auberges.

Jusqu'à l'examen et à l'approbation par le ministre des recommandations du comité, un moratoire est institué sur tout aménagement qui correspondrait à une augmentation de superficie en pieds carrés des logements commerciaux périphériques et des auberges[8]. [non souligné dans l'original]

Le projet de réaménagement de la titulaire de domaine à bail prévoyait une importante « augmentation de superficie en pieds carrés » pour le Storm Mountain Lodge.


[15]            Le communiqué publié par le ministre et le Secrétaire d'État (Parcs) le 26 juin 1998 comportait un seul paragraphe qui touchait le projet de réaménagement de la titulaire de domaine à bail. Ce paragraphe déclare :

La Ministre et le Secrétaire d'État ont aussi insisté sur l'adoption de mesures qui permettront de gérer le développement commercial dans les régions périphériques à l'intérieur des parcs nationaux. Afin d'assurer l'intégrité écologique à long terme des parcs nationaux, le gouvernement annonce un moratoire d'un an sur tout développement d'établissements commerciaux d'hébergement à l'extérieur des communautés des parcs. Un comité sera mis sur pied afin d'élaborer, d'ici un an, des principes relatifs à la nature, à l'échelle et au taux de développement futur[9].                                                                                  [non souligné dans l'original]

Je note ici la divergence entre l'avis du directeur dans sa lettre du 26 juin, qui semble parler d'un moratoire indéterminé, et le communiqué, qui parle d'un moratoire d'un an sur tout aménagement. En l'absence de toute preuve me permettant de concilier ces deux positions de manière satisfaisante, je décide que le moratoire à délai déterminé du communiqué prévaut.

[16]            Après avoir reçu confirmation que le moratoire sur l'aménagement était interprété comme s'appliquant au projet de réaménagement de la titulaire de domaine à bail, celle-ci a présenté une première demande de contrôle judiciaire.


[17]            Le comité chargé d'examiner le réaménagement des régions périphériques aux agglomérations dans les parcs nationaux des Rocheuses (la commission LCP) annoncé dans le communiqué du 26 juin 1998 a été créé le 21 octobre 1998. La commission LCP a sollicité des observations de la part du public et tenu des audiences publiques. La titulaire de domaine à bail a participé aux processus de la commission LCP. La Commission LCP a présenté son rapport à l'été de 1999. Le rapport, qui a été publié par la suite, contenait une recommandation favorable au projet de réaménagement de la titulaire de domaine à bail[10].

[18]            Dans l'intervalle, les discussions entre les fonctionnaires de Parcs Canada et la titulaire de domaine à bail et ses conseillers au sujet du projet de réaménagement s'étaient poursuivies. Le 18 novembre 1999, un rapport final d'évaluation environnementale, révisé et intégré, a été fourni à Parcs Canada[11]. M. Schwarz, dans l'affidavit qu'il a déposé au sujet de la deuxième demande de contrôle judiciaire, a attesté qu'au début de décembre 1999, il s'attendait à ce qu'une décision favorable imminente, prise au titre de l'article 20 de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, soit suivie par la délivrance d'un permis d'aménagement par le directeur. Ses attentes ayant été déçues, il a déposé une deuxième demande de contrôle judiciaire le 11 janvier 2000. À cette date, la titulaire de domaine à bail n'avait été formellement avisée d'aucune lacune dans le rapport final d'évaluation environnementale présenté à Parcs Canada le 18 novembre 1999.


[19]            Il reste un dernier épisode à évoquer au sujet du contexte des demandes de contrôle judiciaire. Au cours de l'audience relative aux demandes de contrôle judiciaire, j'ai été informé par l'avocat qu'après les heures normales d'ouverture des bureaux, le 22 janvier 2001, soit le soir précédant le début de l'audience, la titulaire de domaine à bail avait reçu à son établissement, par télécopie, la communication suivante du directeur général de Parcs Canada :

[TRADUCTION] Le rapport de la Commission sur les logements commerciaux périphériques (LCP), Les logements commerciaux périphériques et les auberges des parcs nationaux des Rocheuses, a été rendu public par l'Honorable Sheila Copps, ministre du Patrimoine canadien, en avril 2000. Les fonctionnaires de Parcs Canada ont ensuite eu l'occasion d'étudier et de discuter ses recommandations avec vous.

Le rapport de la Commission LCP, qui a également été revu à la lumière des recommandations du rapport de la Commission sur l'intégrité écologique des Parcs nationaux du Canada publié le printemps dernier, constituera le fondement des lignes directrices applicables aux LCP et aux auberges. Cependant, Parcs Canada n'accepte pas la recommandation de la Commission au sujet du Storm Mountain Lodge. Parcs Canada est disposée à prendre en considération une superficie brute totale d'un maximum de 2 750 m2 pour le réaménagement du Lodge. Dans l'élaboration du nouveau concept, vous devrez réduire la masse des bâtiments prévue actuellement dans votre projet.

M. Bill Fisher, directeur d'unité de gestion du parc national Banff du Canada, vous communiquera dans les prochains mois un exemplaire des parties générales des lignes directrices et répondra à vos questions. Entre-temps, les fonctionnaires de Parcs Canada collaboreront avec vous pour arrêter de manière définitive les lignes directrices spécifiques du Storm Mountain Lodge, en fonction des lignes directrices générales. Tout réaménagement futur du site sera examiné en fonction des prescriptions de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, de la nouvelle Loi concernant les parcs nationaux du Canada et des règlements d'application ainsi que du processus d'examen des aménagements applicable.

Les LCP et les auberges sont une partie importante de la gamme des types d'hébergement disponibles dans les parcs nationaux des Rocheuses et je vous sais gré du temps que vous avez consacré au processus d'examen des aménagements. [non souligné dans l'original]


[20]            Après entente avec les avocats, j'ai reçu la communication précédente comme élément de preuve relatif aux deux demandes de contrôle judiciaire, nonobstant le fait que la communication n'était pas accompagnée d'un affidavit et qu'elle était largement postérieure au dépôt de chacune des demandes de contrôle judiciaire.

[21]            Selon les renseignements que m'a donnés l'avocat du demandeur, la communication du 22 janvier 2001 indiquait que la superficie brute maximale que Parcs Canada était disposée à envisager pour le réaménagement du Storm Mountain Lodge était de l'ordre de 50 % de celle du projet de réaménagement de la titulaire de domaine à bail présenté à Parcs Canada depuis juin 1997. On peut à tout le moins soutenir que la titulaire de domaine à bail, si elle avait gain de cause dans la deuxième demande de contrôle judiciaire, remporterait une « victoire à la Pyrrhus » . La communication cherche en outre à écarter toute possibilité de succès de la demanderesse dans la première demande de contrôle judiciaire, car elle indique que l'ensemble du processus d'examen du projet de réaménagement de la titulaire de domaine à bail, qui s'est déroulé sous le régime de la Loi sur les parcs nationaux en vigueur, du Plan directeur du parc national Banff et des Lignes directrices pour le réaménagement des établissements d'hébergement commercial périphériques des quatre parcs des Rocheuses a été une perte de temps, d'énergies et de ressources, non seulement en raison de la nouvelle disposition relative à la superficie brute totale maximale, mais aussi parce que l'aménagement ultérieur du domaine sur lequel se trouve le Storm Mountain Lodge sera revu à la fois en fonction des prescriptions de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et de la nouvelle Loi concernant les parcs nationaux du Canada, non encore entrée en vigueur, et de ses règlements, quand ils seront édictés, et [TRADUCTION] « du processus d'examen des aménagements applicable » , quel qu'il soit.


ANALYSE

Questions préliminaires


[22]            Par la voie d'un avis de requête déposé le 9 septembre 1998, les défendeurs à la première demande ont sollicité la radiation de l'avis de demande au motif qu'il avait, selon les observations des défendeurs, été déposé passé le délai prescrit, qu'il ne spécifiait pas adéquatement les ordonnances dont le contrôle était demandé, qu'il ne se limitait pas au contrôle d'une seule ordonnance et qu'il désignait en qualité de défendeur le tribunal dont la décision est attaquée par la demande. Dans une ordonnance datée du 19 avril 1999, le protonotaire Hargrave a rejeté la requête. Dans ses motifs, il a cité une nombreuse jurisprudence, notamment l'arrêt David Bull Laboratories (Canada) c. Pharmacia Inc.[12] dans lequel le juge Strayer a noté que « [l]e moyen approprié par lequel contester un avis de requête introductive d'instance consiste à comparaître et à faire valoir ses prétentions à l'audition de la requête même » . À l'ouverture de l'audience relative aux présentes demandes, j'ai informé l'avocat des défendeurs qu'en dépit du refus de la requête des défendeurs, je lui laissais la latitude de plaider devant moi tout motif justifiant que je rejette maintenant la demande. L'avocat a soulevé un seul des motifs présentés dans la requête antérieure des défendeurs, soit la date prétendument tardive du dépôt de la demande de contrôle judiciaire. L'avocat de la titulaire de domaine à bail a soutenu que la demande de contrôle judiciaire n'avait en fait pas été déposée tardivement, mais qu'en admettant qu'elle l'ait été, il demandait par voie de requête une prorogation du délai de dépôt. Par souci d'extrême prudence, j'ai pris acte de la requête verbale et ordonné à l'audience que le délai applicable au dépôt de la première demande de contrôle judiciaire soit prorogé jusqu'à la date effective du dépôt, si une telle prorogation était nécessaire.

[23]            S'agissant de la deuxième demande de contrôle judiciaire, le défendeur a demandé par voie de requête la radiation de certains paragraphes ou de certaines phrases de paragraphes de l'affidavit de George Schwarz déposé relativement à la demande, au motif que les paragraphes ou les phrases attaqués exprimaient des opinions personnelles, arguments, conclusions ou interprétations de la loi ou n'étaient pas recevables pour d'autres motifs selon la règle 81(1) des Règles de la Cour fédérale (1998)[13]. Par une ordonnance datée du 15 juin 2000, le protonotaire Hargrave a ajourné la requête [TRADUCTION] « à l'audience au fond relative à la demande de contrôle judiciaire. Le rejet de diverses preuves par affidavit est laissé au juge présidant l'audience de contrôle judiciaire. Dépens à suivre » .


[24]                        À une seconde reprise à l'ouverture de l'audience, j'ai informé l'avocat du défendeur que je ne radierais pas les paragraphes ou phrases attaqués tout en étant extrêmement sensible à ses préoccupations. J'ai indiqué qu'au lieu de procéder à la radiation des documents attaqués, je les apprécierais à leur juste valeur à mes yeux et que les passages de l'affidavit de M. Schwarz que je considérais comme inappropriés auraient effectivement très peu de valeur. Par conséquent, la requête présentée au nom du défendeur a été abandonnée.

La première demande

[25]                        Comme je l'ai signalé précédemment dans les présents motifs, la première réparation demandée dans la première demande, soit « une déclaration portant que le moratoire [visé dans le communiqué du ministre et du Secrétaire d'État (Parcs) du 26 juin 1998 et la lettre afférente du 26 juin 1998 du directeur à la titulaire de domaine à bail] est invalide ou illicite et sans effet à l'égard du projet de réaménagement du Storm Mountain Lodge » , est, j'en suis persuadé, théorique.

[26]                        Dans l'arrêt Borowski c. Canada (Procureur général)[14], le juge Sopinka a écrit à la page 353 :


La doctrine relative au caractère théorique est un des aspects du principe ou de la pratique générale voulant qu'un tribunal peut refuser de juger une affaire qui ne soulève qu'une question hypothétique ou abstraite. Le principe général s'applique quand la décision du tribunal n'aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l'affaire. Cet élément essentiel doit être présent non seulement quand l'action ou les procédures sont engagées, mais aussi au moment où le tribunal doit rendre une décision. En conséquence, si, après l'introduction de l'action ou des procédures, surviennent des événements qui modifient les rapports des parties entre elles de sorte qu'il ne reste plus de litige actuel qui puisse modifier les droits des parties, la cause est considérée comme théorique. Le principe ou la pratique général s'applique aux litiges devenus théoriques à moins que le tribunal n'exerce son pouvoir discrétionnaire de ne pas l'appliquer. J'examinerai plus loin les facteurs dont le tribunal tient compte pour décider d'exercer ou non ce pouvoir discrétionnaire.

La démarche suivie dans des affaires récentes comporte une analyse en deux temps. En premier, il faut se demander si le différend concret et tangible a disparu et si la question est devenue purement théorique. En deuxième lieu, si la réponse à la première question est affirmative, le tribunal décide s'il doit exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l'affaire. La jurisprudence n'indique pas toujours très clairement si le mot « théorique » (moot) s'applique aux affaires qui ne comportent pas de litige concret ou s'il s'applique seulement à celles de ces affaires que le tribunal refuse d'entendre. Pour être précis, je considère qu'une affaire est « théorique » si elle ne répond pas au critère du « litige actuel » . Un tribunal peut de toute façon choisir de juger une question théorique s'il estime que les circonstances le justifient.

Le juge Sopinka s'étend relativement longuement sur les questions relatives aux cas où un appel est « théorique » et sur les critères applicables à l'exercice du pouvoir discrétionnaire de « juger » une question théorique. À la lumière des indications de la Cour suprême du Canada, je suis persuadé que la question de savoir si le moratoire en question en l'espèce est invalide ou illicite et sans effet à l'égard de la titulaire de domaine à bail est théorique. En outre, j'ai la conviction qu'en regard des critères pertinents identifiés par la Cour, la présente affaire ne constitue pas un cas indiqué pour trancher la question de la validité du moratoire imposé au projet de réaménagement de la titulaire de domaine à bail.


[27]            J'ai précédemment décidé qu'il s'agissait d'un moratoire d'un an sur tout aménagement de logements commerciaux périphériques dans les parcs. Ce moratoire était relié à la création d'un comité chargé de recommander, dans le délai fixé pour le moratoire, les principes relatifs à la nature, à l'échelle et au taux de développement futur des aménagements futurs en périphérie des agglomérations des parcs. Le moratoire d'un an est venu à expiration depuis longtemps. Le comité visé dans le communiqué a effectivement été institué et il a bien produit son rapport dans le délai du moratoire d'un an, ou peu après son expiration. Le rapport du comité a maintenant été rendu public. Absolument aucun élément de preuve produit devant la Cour n'atteste que le moratoire aurait été prolongé ou qu'un nouveau moratoire aurait été imposé. En réalité, pendant la durée du moratoire, les fonctionnaires de Parcs Canada ont continué de rencontrer la titulaire de domaine à bail et ses conseillers et d'étudier le projet de réaménagement du Storm Mountain Lodge.

[28]            Dans les circonstances de l'espèce, je conclus qu'il n'existe plus de « litige actuel » au sujet du moratoire entre les parties dans la présente affaire. Je conclus également qu'il ne serait d'aucun intérêt d'examiner plus à fond si le moratoire était invalide ou illicite ou encore sans effet dans la mesure où il était présumé concerner le projet de réaménagement du Storm Mountain Lodge. Je conclus que la titulaire de domaine à bail n'a subi aucun préjudice grave en raison de l'imposition du moratoire, valide ou invalide. Bref, je conclus qu'aucune réparation à l'égard du moratoire prétendument imposé n'est justifiée.


[29]            La deuxième réparation recherchée dans la première demande est beaucoup moins facile à trancher. En effet, l'avocat de la titulaire de domaine à bail soutient que le directeur, par ses actes et par ceux des personnes affectées aux bureaux de Parcs Canada au parc national Banff, a créé chez la titulaire de domaine à bail une attente raisonnable ou légitime que le projet de réaménagement du Storm Mountain Lodge ferait l'objet d'un examen et d'une décision, conformément au processus d'approbation des aménagements et aux lignes directrices pour les aménagements qui étaient en vigueur au moment où le projet de réaménagement, dans sa forme substantiellement définitive, à l'exception de l'évaluation environnementale correspondante, a été présenté à Parcs Canada en juin 1997.

[30]            Les paramètres de la doctrine de l'attente légitime sont bien établis en droit. Dans l'arrêt Association des résidents du Vieux St-Boniface Inc. c. Winnipeg (Ville)[15], le juge Sopinka, s'exprimant au nom de la majorité, a écrit aux pages 1203 et 1204 :

Il appert toutefois que l'appelante fait valoir au fond que le comité, par sa conduite, a créé une expectative légitime de consultation. ...

Le principe élaboré dans cette jurisprudence n'est que le prolongement des règles de justice naturelle et de l'équité procédurale. Il accorde à une personne touchée par la décision d'un fonctionnaire public la possibilité de présenter des observations dans des circonstances où, autrement, elle n'aurait pas cette possibilité. La cour supplée à l'omission dans un cas où, par sa conduite, un fonctionnaire public a fait croire à quelqu'un qu'on ne toucherait pas à ses droits sans le consulter.       [références omises]

Plus récemment, dans l'affaire Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[16], s'exprimant encore une fois au nom de la majorité, Madame le juge L'Heureux-Dubé a écrit aux pages 839 et 840 :


...les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision peuvent également servir à déterminer quelles procédures l'obligation d'équité exige dans des circonstances données. Notre Cour a dit que, au Canada, l'attente légitime fait partie de la doctrine de l'équité ou de la justice naturelle, et qu'elle ne crée pas de droits matériels :¼. Au Canada, la reconnaissance qu'une attente légitime existe aura une incidence sur la nature de l'obligation d'équité envers les personnes visées par la décision. Si le demandeur s'attend légitimement à ce qu'une certaine procédure soit suivie, l'obligation d'équité exigera cette procédure :¼.Néanmoins, la doctrine de l'attente légitime ne peut pas donner naissance à des droits matériels en dehors du domaine de la procédure. Cette doctrine, appliquée au Canada, est fondée sur le principe que les « circonstances » touchant l'équité procédurale comprennent les promesses ou pratiques habituelles des décideurs administratifs, et qu'il serait généralement injuste de leur part d'agir en contravention d'assurances données en matière de procédures, ou de revenir sur des promesses matérielles sans accorder de droits procéduraux importants.                                                               [non souligné dans l'original; parties du paragraphe et références omises]


[31]            Sur le fondement de la preuve dont la Cour est saisie, il ressort clairement que les fonctionnaires de Parcs Canada au parc national Banff ont poursuivi des consultations avec la titulaire de domaine à bail et ses représentants pendant le moratoire sur les aménagements, au sujet du projet de réaménagement de la titulaire de domaine à bail. En fait, je suis persuadé que les fonctionnaires n'ont pas cessé d'encourager la titulaire de domaine à bail de continuer à investir du temps, des énergies et de l'argent dans le parachèvement de son projet, dans le cadre du processus d'approbation et des lignes directrices pour les aménagements qui étaient en vigueur à l'époque. La titulaire de domaine à bail a pris part aux processus de la Commission LCP. La Commission LCP a soumis son rapport au ministre et, une fois le rapport rendu public, sa recommandation favorable au projet de réaménagement de la titulaire de domaine à bail est devenue publique également. À partir de là jusqu'à la veille de l'audience relative aux présentes demandes, les fonctionnaires de Parcs Canada ont poursuivi leurs consultations avec la titulaire de domaine à bail et ont continué à l'encourager à parachever son projet de réaménagement. Reprenant les mots de Madame le juge L'Heureux-Dubé cités ci-dessus, je suis persuadé que la doctrine de l'attente légitime, appliquée au Canada, comme elle a une incidence sur l'équité procédurale, tient compte des « pratiques habituelles des décideurs administratifs » . Par conséquent, toujours sur la base de la preuve produite en l'espèce, je suis persuadé qu'il serait injuste que ces décideurs administratifs agissent en contravention des assurances qu'ils ont données implicitement par la poursuite des consultations et des encouragements, et qu'ils « reviennent » sur ces assurances, comme c'est le cas dans la télécopie reçue par la titulaire de domaine à bail la veille de l'audience.

[32]            Au total, j'ai la conviction que les actes des personnes de Parcs Canada dans les bureaux du parc national Banff ont créé chez la titulaire de domaine à bail une attente raisonnable ou légitime que le projet de réaménagement du Storm Mountain Lodge ferait l'objet d'un examen et d'une décision, conformément au processus d'approbation des aménagements et aux lignes directrices pour les aménagements qui étaient en vigueur au moment où le projet de réaménagement, dans sa forme substantiellement définitive, à l'exception de l'évaluation environnementale correspondante, a été présenté à Parcs Canada en juin 1997. J'accorde donc une réparation à la titulaire de domaine à bail sur sa première demande. Pour des motifs qui seront exposés plus loin et qui portent sur la limitation de la portée du mandamus, la réparation visée n'ira pas jusqu'à imposer une décision particulière, en l'occurrence, l'approbation du projet de réaménagement.

La deuxième demande


[33]            Au cours de l'audience relative aux présentes demandes, l'avocat de la titulaire de domaine à bail a reconnu qu'un mandamus peut être accordé pour forcer le décideur à trancher quand il a une gamme d'options à sa disposition, mais non pour le forcer à prendre une décision particulière dans la gamme d'options disponibles. Cette règle ressort très clairement de l'extrait suivant de Browns et Evans, dans Judicial Review of Administrative Action in Canada[17] :

[TRADUCTION] Le pouvoir discrétionnaire d'agir ou de ne pas agir, ou d'agir d'une certaine façon parmi d'autres, écarte la délivrance du mandamus du fait qu'il n'existe pas d'obligation spécifique d'agir d'une façon particulière. Autrement dit, dans le cas où un fonctionnaire possède un pouvoir discrétionnaire, il ne peut être accordé de mandamus pour forcer l'exercice de ce pouvoir de la manière recherchée par le demandeur. [renvoi omis]

[34]            Cela ne veut pas dire qu'un mandamus ne peut être accordé dans le cas où un décideur doit trancher parmi une gamme d'options à sa disposition. Cela signifie simplement que le mandamus ne peut être accordé pour forcer le décideur à prendre une décision particulière parmi une gamme d'options. Dans Kahlon c. Canada (Ministre de l'emploi et de l'Immigration[18]), le juge Mahoney a énoncé le principe de manière très succincte à la page 387 :

Ce bref ordonne l'exécution d'un devoir; il ne peut cependant pas dicter le résultat à atteindre.

Les auteurs Brown et Evans[19] écrivent à la page 1-44 :

[TRADUCTION] Par contre, dans le cas où il y a une décision à prendre, le mandamus pourra être accordé même s'il existe un pouvoir discrétionnaire à l'égard de la nature de la décision.                                                                                               [références omises]


[35]            Compte tenu de ce qui précède, je suis persuadé que plusieurs des réparations sous forme de déclarations recherchées dans la deuxième demande et précédemment mentionnées aux présents motifs, ainsi que certaines réparations afférentes par voie de mandamus tombent. Pour l'essentiel, la seule réparation recherchée qui reste à la demanderesse est l'achèvement de l'examen de l'évaluation environnementale finale transmise à Parcs Canada le 18 novembre 1999.

[36]            Réduit à sa plus simple expression, le processus d'examen prévu dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale n'est pas un processus complexe. Mais compte tenu de la multitude de situations auxquelles il doit s'appliquer et des diverses formes d'évaluation qui sont possibles, sa description dans la Loi est très complexe. Elle est d'ailleurs admirablement résumée dans les motifs du juge Linden dans l'arrêt Bow Valley Naturalists Society c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien)[20]. Le juge Linden a écrit aux paragraphes 17 à 19 :

[TRADUCTION] L'évaluation environnementale est un instrument contribuant à l'atteinte de l'objectif du développement durable qui fournit « un outil efficace pour la prise en compte des facteurs environnementaux dans les processus de planification et de décision » . Selon Parcs Canada, l'évaluation environnementale est « un processus global et systématique conçu pour identifier, analyser et évaluer les effets environnementaux de projets envisagés » . La Cour suprême du Canada a fait observer que l'évaluation environnementale était devenue « un outil de planification que l'on considère généralement comme faisant partie intégrante d'un processus éclairé de prise de décisions » .

Il y a trois type d'évaluation environnementale : l'examen préalable, l'étude approfondie et l'examen par une commission. L'examen préalable et l'étude approfondie représentent la grande majorité des projets évalués au titre de la Loi.


Le cadre fondamental régissant l'évaluation environnementale est le suivant. En premier lieu, l'autorité responsable doit décider si la Loi s'applique au projet et, le cas échéant, quel type d'évaluation environnementale est applicable. L'étape suivante est la réalisation de l'évaluation proprement dite. Au terme de l'évaluation, l'autorité responsable décide d'autoriser ou de refuser la poursuite du projet. L'étape finale est l'activité postérieure à la décision, qui consiste à veiller à l'application des mesures d'atténuation et à donner un avis public de la décision prise par l'autorité responsable.                                       [références omises]


[37]            Il n'a jamais été contesté devant moi que le directeur était l'autorité responsable à l'égard du projet de réaménagement de la titulaire de domaine à bail. Le directeur, ou son délégué, a décidé que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale s'appliquait au projet et que le niveau le plus simple d'évaluation environnementale, soit l'examen préalable, était applicable. La titulaire de domaine à bail, en consultation avec Parcs Canada et par l'intermédiaire des fournisseurs appropriés, a réalisé l'évaluation qui a fait l'objet du rapport définitif présenté à Parcs Canada le 18 novembre 1999. Entre cette date et la date du dépôt de la deuxième demande, l'autorité responsable, c'est-à-dire le directeur, n'a pas veillé à faire établir un rapport d'examen préalable (alinéa 18(1)b) de la Loi), ni pris aucune des mesures, que lui permettait l'article 20 de la Loi, appelées de façon générale la décision. En réalité, d'après la preuve, ni l'une ni l'autre de ces actions n'avait été prise à la date de l'audience relative aux présentes demandes. Si le rapport d'examen préalable avait été établi et si une décision avait été prise, je suis persuadé que la deuxième demande serait devenue théorique, sans égard à la décision finale qu'aurait pu prendre l'autorité responsable en vertu de l'article 20. En dernière analyse, c'est l'exécution des obligations que prescrit la loi à l'autorité responsable que la demanderesse cherche à obtenir par voie de mandamus[21].

[38]            Dans l'arrêt Apotex Inc. c. Merck & Co. et Merck Frosst Canada Inc.[22], au paragraphe [45], le juge Robertson a énuméré plusieurs « conditions fondamentales » à respecter avant qu'un mandamus puisse être accordé. Ce sont les suivantes :     

    

               1)            Il doit exister une obligation légale d'agir à caractère public;

               2)            L'obligation doit exister envers le requérant;

               3)            Il existe un droit clair d'obtenir l'exécution de cette obligation, ...

               4)            Lorsque l'obligation dont on demande l'exécution forcée est discrétionnaire, [certaines] règles s'appliquent;

                              ...                             

               5)            Le requérant n'a aucun autre recours;

               6)            L'ordonnance sollicitée aura une incidence sur le plan pratique;

               7)            Dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le tribunal estime que, en vertu de l'équité, rien n'empêche d'obtenir le redressement demandé;

               8)            Compte tenu de la « balance des inconvénients » , une ordonnance de mandamus devrait (ou ne devrait pas) être rendue.

Le juge Robertson renvoie à une abondante jurisprudence pour chaque principe. Il développe les principes 3) et 4) d'une manière qu'il m'apparaît superflu de reprendre ici.


[39]            De manière succincte, à la lumière de ces principes et sur le fondement de la preuve, je tire les conclusions qui suivent :

           -          premièrement, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale impose à l'autorité responsable, en l'espèce le directeur, une obligation légale d'agir à caractère public;

           -          deuxièmement, l'obligation existe envers la titulaire de domaine à bail;


           -          troisièmement, étant donné le comportement du directeur et de ses délégués depuis le dépôt du projet de réaménagement, la titulaire de domaine à bail a le droit clair d'obtenir l'exécution de cette obligation. Je suis persuadé que la titulaire de domaine à bail avait, au moment où la deuxième demande de contrôle judiciaire a été déposée, rempli toutes les conditions préalables qu'on avait portées à sa connaissance et qui donnaient naissance à l'obligation, et qu'il avait déjà présenté une demande d'exécution de l'obligation. À compter de la présentation du rapport d'évaluation environnementale, non seulement jusqu'au dépôt de la deuxième demande de contrôle judiciaire, mais jusqu'à la date d'audience sur la deuxième demande, il s'est écoulé un délai certainement raisonnable pour l'exécution de l'obligation. Il n'y a pas eu de refus ou de rejet explicite de l'évaluation environnementale jusqu'à l'audience relative aux demandes que je dois trancher. Il y a eu un refus implicite après le dépôt de la deuxième demande, par le fait d'un retard indu. Je ne suis pas disposé à interpréter la communication reçue la veille de l'audience comme un rejet explicite ou implicite de l'évaluation environnementale. Cette communication n'est pas reliée à l'évaluation environnementale en elle-même;

           -          quatrièmement, l'obligation dont on demande l'exécution forcée n'est pas discrétionnaire, elle est obligatoire, encore que la décision finale ne soit pas obligatoirement favorable à la titulaire de domaine à bail;

           -          cinquièmement, la titulaire de domaine à bail n'a aucun autre recours;

           -          sixièmement, l'ordonnance sollicitée aura une incidence sur le plan pratique et je reviendrai brièvement sur ce point ci-dessous;

           -          septièmement, aucun obstacle en vertu de l'équité n'empêche d'obtenir le redressement demandé par voie de mandamus;

           -          huitièmement et ultimement, compte tenu de la « balance des inconvénients » , une ordonnance de mandamus devrait être rendue.

[40]            Je reviens au sixième principe, à savoir si une ordonnance de mandamus aurait une incidence sur le plan pratique. Selon la Cour, si la lettre de Parcs Canada transmise à la titulaire de domaine à bail par télécopieur la veille de l'ouverture de la présente audience constitue une décision et non un simple avis, l'achèvement du processus d'évaluation environnementale basé sur le projet de réaménagement présenté en 1997 pourrait être considéré comme sans incidence pratique; il serait effectivement théorique. Cela étant dit, je ne suis pas disposé à conclure que la position adoptée par Parcs Canada dans la télécopie constitue une décision qui lie la titulaire de domaine à bail. Il s'agit là d'une question que je n'ai pas à trancher.


[41]            Comme je l'ai noté précédemment, la télécopie transmise la veille de l'audience relative aux présentes demandes n'a pas été produite devant moi sous forme d'affidavit et porte une date de beaucoup postérieure au parachèvement par les deux parties de la deuxième demande. La question du caractère théorique n'a pas été traitée dans les mémoires et n'a pas été plaidée devant moi au nom de la titulaire de domaine à bail. Je ne pouvais raisonnablement pas m'attendre à ce qu'elle soit plaidée. Dans les circonstances, je ne suis pas prêt à rejeter toutes les réparations demandées dans la deuxième demande au motif qu'elles seraient théoriques. Il importe de signaler ici que la titulaire de domaine à bail ne cherche pas seulement à obtenir une ordonnance enjoignant au défendeur de prendre une décision en soi. Comme je l'ai noté plus haut, lorsqu'on lit les deux demandes ensemble, la réparation recherchée vise à ordonner au défendeur de prendre une décision dans le cadre et le processus réglementaires concordant avec les attentes légitimes de la titulaire de domaine à bail. Refuser d'accorder une réparation au sujet de la deuxième demande annihilerait complètement la réparation que j'ai déjà décidé d'attribuer au sujet de la première demande. Je ne suis pas disposé à conclure que la télécopie prive les deux demandes dûment déposées devant la Cour de justiciabilité. Par conséquent, je conclus que je dois procéder comme si le mandamus avait, à la date de l'audience, et a maintenant, à la date de la décision contenue aux présentes, une incidence pratique.


[42]            L'avocat du défendeur a plaidé qu'il n'y avait aucun retard indu qui justifiait une ordonnance de mandamus. Il a noté que la politique législative relative aux parcs nationaux était en évolution au cours de la période où le projet de réaménagement de la titulaire de domaine à bail a été examiné par Parcs Canada et que l'évolution se poursuit d'ailleurs toujours. Cette préoccupation se reflète dans la télécopie reçue par la titulaire de domaine à bail la veille du procès. La question a été abordée par le juge Robertson dans l'affaire Apotex[23]. Au paragraphe [86], il a écrit :

Si nous revenons aux faits dont la Cour a été saisie, j'estime que l'on ne peut pas affirmer que, en exerçant le pouvoir que lui confère le RAD, le ministre avait le droit de tenir compte des dispositions du projet de loi C-91 après qu'elles eurent été adoptées mais avant qu'elles n'aient été proclamées en vigueur. Compte tenu des faits de l'espèce, les mesures législatives sur le point d'être mises en vigueur ne constituent pas une considération pertinente qui peut être invoquée unilatéralement par le ministre.    [non souligné dans l'original]

Je suis persuadé qu'on peut affirmer ici la même chose. En l'absence d'un texte législatif clair indiquant le contraire qui soit en vigueur et non simplement à venir, la politique législative à venir exposée dans la nouvelle Loi concernant les parcs nationaux du Canada, y compris toutes les ramifications en découlant, ne peut pas être unilatéralement invoquée par le directeur pour reporter ou éviter d'exécuter les obligations juridiques qui lui sont imposées à titre d'autorité responsable par la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Si le directeur pouvait procéder ainsi, la capacité de mener à bonne fin des négociations avec des fonctionnaires au sujet de questions comme celles dont est saisi la Cour serait une pure chimère.

La norme de contrôle


[43]            L'avocat de la titulaire de domaine à bail a soutenu que tant dans la première que dans la deuxième demande de contrôle judiciaire dont je suis saisi, la norme de contrôle que je devrais appliquer pour décider d'accorder ou de refuser la réparation était celui de la « décision correcte » . Au contraire, l'avocat des défendeurs a soutenu que la norme de contrôle appropriée pour les deux demandes de contrôle judiciaire était la « décision raisonnable » . Je décide que je n'ai pas à trancher la question. Quelle que soit la norme de contrôle appliquée, je suis persuadé que le résultat serait le même.

CONCLUSIONS

[44]            En conséquence, s'agissant de la première demande, je rends une ordonnance de mandamus enjoignant aux défendeurs d'examiner le projet de réaménagement de la titulaire de domaine à bail concernant le Storm Mountain Lodge soumis au directeur, en fonction du processus d'examen des aménagements et des lignes directrices pour les aménagements qui étaient en vigueur en juin 1997, sous réserve de l'ajout du rôle de la Commission consultative sur la mise en valeur, et de délivrer à la titulaire de domaine à bail un permis d'aménagement pour ce projet ou de rejeter le projet de réaménagement. Dans le cas où le projet de réaménagement est rejeté, les défendeurs sont tenus de fournir à la titulaire de domaine à bail les motifs du rejet au titre du processus d'approbation des aménagements et des lignes directrices pour les aménagements visés au présent paragraphe.


[45]            S'agissant de la deuxième demande de contrôle judiciaire, une ordonnance de mandamus enjoindra à l'autorité responsable d'exécuter ses obligations au titre des articles 18 et 20 de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale en ce qui concerne l'évaluation environnementale présentée à Parcs Canada par la titulaire de domaine à bail au sujet de son projet de réaménagement du Storm Mountain Lodge, le 18 novembre 1999. Si l'autorité responsable rejette l'évaluation environnementale au titre de l'article 20 de la Loi, elle sera tenue de fournir à la titulaire de domaine à bail les motifs du rejet.

DÉPENS

[46]            Je considère que la titulaire de domaine à bail a obtenu largement gain de cause dans ses deux demandes de contrôle judiciaire. Par conséquent, une ordonnance adjugeant les dépens à la titulaire de domaine à bail sera rendue à l'égard de chaque demande de contrôle judiciaire, contre le ministre du Patrimoine canadien pour la première demande et contre le procureur général du Canada pour la deuxième demande. Si les dépens ne sont pas convenus entre les parties, ils seront taxés selon la colonne III du tarif B des Règles de la Cour fédérale (1998).

____________________________

       J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

23 février 2001

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                              ANNEXE

                               (Note de bas de page n º 21)


18. (1) Dans le cas où le projet n'est pas visé dans la liste d'étude approfondie ou dans la liste d'exclusion, l'autorité responsable veille_:

a) à ce qu'en soit effectué l'examen préalable;

b) à ce que soit établi un rapport d'examen préalable.

(2) Dans le cadre de l'examen préalable qu'elle effectue, l'autorité responsable peut utiliser tous les renseignements disponibles; toutefois, si ell

e est d'avis qu'il n'existe pas suffisamment de renseignements pour lui permettre de prendre une décision en vertu du paragraphe 20(1), elle fait procéder aux études et à la collecte de renseignements nécessaires à cette fin.

(3) Avant de prendre sa décision aux termes de l'article 20, l'autorité responsable, dans les cas où elle estime que la participation du public à l'examen préalable est indiquée ou dans le cas où les règlements l'exigent, avise celui-ci et lui donne la possibilité d'examiner le rapport d'examen préalable et les documents consignés au registre public établi aux termes de l'article 55 et de faire ses observations à leur égard.

...

20. (1) L'autorité responsable prend l'une des mesures suivantes, après avoir pris en compte le rapport d'examen préalable et les observations reçues aux termes du paragraphe 18(3) _:

a) sous réserve du sous-alinéa c)(iii), si la réalisation du projet n'est pas susceptible, compte tenu de l'application des mesures d'atténuation qu'elle estime indiquées, d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants, exercer ses attributions afin de permettre la mise en oeuvre du projet et veiller à l'application de ces mesures d'atténuation;

18. (1) Where a project is not described in the comprehensive study list or the exclusion list, the responsible authority shall ensure that

(a) a screening of the project is conducted; and

(b) a screening report is prepared.

(2) Any available information may be used in conducting the screening of a project, but where a responsible authority is of the opinion that the information available is not adequate to enable it to take a course of action pursuant to subsection 20(1), it shall ensure that any studies and information that it considers necessary for that purpose are undertaken or collected.

3) Where the responsible authority is of the opinion that public participation in the screening of a project is appropriate in the circumstances, or where required by regulation, the responsible authority shall give the public notice and an opportunity to examine and comment on the screening report and on any record that has been filed in the public registry established in respect of the project pursuant to section 55 before taking a course of action under section 20.

...

20. (1) The responsible authority shall take one of the following courses of action in respect of a project after taking into consideration the screening report and any comments filed pursuant to subsection 18(3) :

(a) subject to subparagraph (c)(iii), where, taking into account the implementation of any mitigation measures that the responsible authority considers appropriate, the project is not likely to cause significant adverse environmental effects, the responsible authority may exercise any power or perform any duty or function that would permit the project to be carried out and shall ensure that any mitigation measures that the responsible authorityconsiders appropriate are implemented.


b) si, compte tenu de l'application des mesures d'atténuation qu'elle estime indiquées, la réalisation du projet est susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants qui ne peuvent être justifiés dans les circonstances, ne pas exercer les attributions qui lui sont conférées sous le régime d'une loi fédérale et qui pourraient lui permettre la mise en oeuvre du projet en tout ou en partie;

c) s'adresser au ministre pour une médiation ou un examen par une commission prévu à l'article 29_:

(i) s'il n'est pas clair, compte tenu de l'application des mesures d'atténuation qu'elle estime indiquées, que la réalisation du projet soit susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants,

(ii) si la réalisation du projet, compte tenu de l'application de mesures d'atténuation qu'elle estime indiquées, est susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants et si l'alinéa b) ne s'applique pas,

(iii) si les préoccupations du public le justifient.

(2) L'autorité responsable qui prend la décision visée à l'alinéa (1)a) veille, malgré toute autre loi fédérale, lors de l'exercice des attributions qui lui sont conférées sous le régime de cette loi ou de ses règlements ou selon les autres modalités qu'elle estime indiquées, à l'application des mesures d'atténuation visées à cet alinéa.

(3) L'autorité responsable qui prend la décision visée à l'alinéa (1)b) à l'égard d'un projet fait consigner un avis de sa décision au registre public tenu aux termes de l'article 55 pour le projet, et, malgré toute autre disposition d'une loi fédérale, aucune attribution conférée sous le régime de cette loi ou de ses règlements ne peut être exercée de façon qui pourrait permettre la mise en oeuvre du projet en tout ou en partie.


(b) where, taking into account the implementation of any mitigation measures that the responsible authority considers appropriate, the project is likely to cause significant adverse environmental effects that cannot be justified in the circumstances, the responsible authority shall not exercise any power or perform any duty or function conferred on it by or under any Act of Parliament that would permit the project to be carried out in whole or in part; or

(c) where

(i) it is uncertain whether the project, taking into account the implementation of any mitigation measures that the responsible authority considers appropriate, is likely to cause significant adverse environmental effects,

(ii) the project, taking into account the implementation of any mitigation measures that the responsible authority considers appropriate, is likely to cause significant adverse environmental effects and paragraph (b) does not apply, or

(iii) public concerns warrant a reference to a mediator or a review panel,

the responsible authority shall refer the project to the Minister for a referral to a mediator or a review panel in accordance with section 29.

(2) Where a responsible authority takes a course of action referred to in paragraph (1)(a), it shall, notwithstanding any other Act of Parliament, in the exercise of its powers or the performance of its duties or functions under that other Act or any regulation made thereunder or in any other manner that the responsible authority considers necessary, ensure that any mitigation measures referred to in that paragraph in respect of the project are implemented.

(3) Where the responsible authority takes a course of action pursuant to paragraph (1)(b) in relation to a project,

(a) the responsible authority shall file a notice of that course of action in the public registry established in respect of the project pursuant to section 55; and

(b) notwithstanding any other Act of Parliament, no power, duty or function conferred by or under that Act or any regulation made thereunder shall be exercised or performed that would permit that project to be carried out in whole or in part.       



Date : 20010223

Dossier : T-1552-98

Ottawa (Ontario), le vendredi 23 février 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE GIBSON

ENTRE :

THE SCHWARZ HOSPITALITY GROUP LIMITED,

demanderesse,

-et-

LE MINISTRE DU PATRIMOINE CANADIEN

et LE DIRECTEUR DU PARC NATIONAL BANFF,

défendeurs.

ORDONNANCE

Sur la demande visant :

1)                  Une déclaration portant que le moratoire d'un an imposé sur tout aménagement des logements commerciaux périphériques dans le parc national Banff, annoncé par le ministre du Patrimoine canadien le 26 juin 1998, est invalide ou illicite et sans effet à l'égard du projet de réaménagement du Storm Mountain Lodge;


2)                  Une ordonnace enjoignant au directeur du parc national Banff de procéder à l'examen et à l'approbation du projet de réaménagement du Storm Mountain Lodge conformément au processus d'approbation des aménagements et aux lignes directrices pour les aménagements qui sont en vigueur;

Et la Cour ayant décidé que les défendeurs ont créé une attente légitime ou raisonnable chez la demanderesse que son projet de réaménagement du Storm Mountain Lodge dont étaient saisis les défendeurs au moment où la présente demande de contrôle judiciaire a été déposée ferait l'objet d'un examen et d'une décision, conformément au processus d'approbation des aménagements et aux lignes directrices pour les aménagements qui étaient en vigueur au moment où le projet de réaménagement, dans sa forme substantiellement définitive, à l'exception de l'évaluation environnementale correspondante, a été présenté à Parcs Canada en juin 1997;

LA COUR ORDONNE :


Les défendeurs sont tenus d'examiner le projet de réaménagement du Storm Mountain Lodge de la demanderesse et de lui fournir une décision à cet égard, en conformité avec le processus d'approbation des aménagements et les lignes directrices pour les aménagements relatifs aux établissements d'hébergement commerciaux périphériques dans le parc national Banff qui étaient en vigueur en juin 1997, sous réserve de l'ajout du rôle de la Commission consultative sur la mise en valeur du parc national Banff. Dans le cas où le projet de réaménagement est rejeté, les défendeurs sont tenus de fournir sans délai à la demanderesse les motifs du rejet en fonction du processus d'approbation des aménagements et des lignes directrices pour les aménagements mentionnés au présent paragraphe.

La demanderesse a droit aux dépens contre le défendeur, le ministre. Si les dépens ne sont pas convenus entre les parties, ils seront taxés selon la colonne III du tableau du tarif B des Règles de la Cour fédérale (1998).

À tous autres égards, la demande est rejetée.

Frederick E. Gibson

____________________

J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


Date : 20010223

Dossier : T-34-00

Ottawa (Ontario), le vendredi 23 février 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE GIBSON

ENTRE :

THE SCHWARZ HOSPITALITY GROUP LIMITED,

demanderesse,

-et-

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur.

ORDONNANCE

Sur la demande visant :

1)                  Une déclaration portant que les conditions prescrites par la Commission consultative sur la mise en valeur du parc national Banff pour l'approbation du projet de réaménagement du Storm Mountain Lodge de la demanderesse ont été remplies;


2)                  Une déclaration portant que l'évaluation environnementale présentée par la demanderesse le 18 novembre 1999 relative à son projet de réaménagement du Storm Mountain Lodge satisfait aux prescriptions de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (la LCEE);

3)                  Une déclaration portant que le directeur du parc national Banff (le directeur) n'a aucun motif raisonnable de refuser, s'abstenir ou négliger d'établir le rapport d'examen préalable prévu à l'alinéa 18(1)b) de la LCEE;

4)                  Une ordonnance de mandamus enjoignant au directeur d'établir le rapport d'examen préalable prévu à l'alinéa 18(1)b) de la LCEE;

5)                  Une déclaration portant que le directeur n'a aucun motif raisonnable de refuser de décider, au titre de l'article 20 de la LCEE, et en particulier de l'alinéa 20(1)a), que le projet de réaménagement de la demanderesse n'est pas susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants;

6)                  Une ordonnance de mandamus enjoignant au directeur de décider, au titre de l'article 20 de la LCEE, et en particulier de l'alinéa 20(1)a), que le projet de réaménagement de la demanderesse n'est pas susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants;


7)                  Une déclaration portant que le directeur n'a aucun motif raisonnable pour refuser de prendre la mesure prévue à l'alinéa 20(1)a) de la LCEE;

a)          Une ordonnance de mandamus enjoignant au directeur de prendre la mesure prévue à l'alinéa 20(1)a) de la LCEE;

1)                  Une déclaration portant que le directeur est habilité par la LCEE et par la Loi sur les parcs nationaux ainsi que par ses règlements d'application à examiner et approuver le projet de réaménagement, et notamment à délivrer tous les permis exigés, et que le ministre du Patrimoine canadien (le ministre) n'est investi d'aucun pouvoir résiduel ou discrétionnaire l'habilitant à intervenir dans le processus d'examen, d'approbation et de délivrance des permis;

10)              Toute autre ordonnance que la Cour estime juste, notamment une ordonnance relative aux dépens.

LA COUR ORDONNE :


L'autorité responsable, soit le directeur du parc national Banff, est tenue, en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (la Loi), en ce qui concerne l'évaluation environnementale présentée le 18 novembre 1999 ou vers cette date par la demanderesse au sujet de son projet de réaménagement du Storm Mountain Lodge, d'exécuter sans délai ses obligations au titre de l'article 18 et du paragraphe 20(1) de la Loi à l'égard de l'évaluation environnementale. Si l'autorité responsable prend l'une des mesures prévues aux alinéas 20(1)b) ou c) de la Loi, elle fournit sans délai à la demanderesse les motifs des mesures adoptées.

La demanderesse a droit aux dépens contre le défendeur. Si les dépens ne sont pas convenus entre les parties, ils seront taxés selon la colonne III du tableau du tarif B des Règles de la Cour fédérale (1998).

À tous autre égards, la demande est rejetée.

Frederick E. Gibson

____________________

J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

           AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N º DU GREFFE :                                T-1552-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :    THE SCHWARZ HOSPITALITY GROUP LIMITED c. LE MINISTRE DU PATRIMOINE CANADIEN

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Calgary (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                  23 et 24 janvier 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE GIBSON

EN DATE DU :                                    vendredi 23 février 2001

ONT COMPARU :

M. Judson E. Virtue                                                                 pour la demanderesse

M. Kirk N. Lambrecht                                                 pour les défendeurs

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MacLeod Dixon LLP

Calgary (Alberta)                                                                     pour la demanderesse

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                                                     pour les défendeurs


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

           AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N º DU GREFFE :                                T-34-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :    THE SCHWARZ HOSPITALITY GROUP LIMITED c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Calgary (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                  23 et 24 janvier 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE GIBSON

EN DATE DU :                                    vendredi 23 février 2001

ONT COMPARU :

M. Judson E. Virtue                                         pour la demanderesse

M. Kirk N. Lambrecht                         pour les défendeurs

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MacLeod Dixon LLP

Calgary (Alberta)                                             pour la demanderesse

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                              pour les défendeurs

                                                     



[1]         L. C. 1992, ch. 37.

[2]         L.R.C. (1985), ch. N-14. La Loi concernant les parcs nationaux du Canada a été adoptée par le Parlement comme chapitre 32 des Lois du Canada (2000), et a été sanctionnée le 20 octobre 2000. L'article 46 de la Loi abroge la Loi sur les parcs nationaux. Sous réserve d'exceptions limitées qui ne sont pas pertinentes ici, le paragraphe 70(1) de la Loi prévoit que les dispositions de la loi entreront en vigueur à la date qui sera fixée par décret du gouverneur en conseil. Aux dates où les présentes demandes de contrôle judiciaire ont été entendues, la Loi concernant les parcs nationaux du Canada n'était pas entrée en vigueur et la Loi sur les parcs nationaux n'avait pas été abrogée.

[3]      Dossier de la demande de la demanderesse, première demande, volume 1, onglet 2(c).

[4]         Dossier de la demande de la demanderesse, première demande, volume 1, onglet 2(d).

[5]         Entre la date de publication des Lignes directrices LCP et du Plan directeur du parc national Banff, le « Ministre responsable » des parcs nationaux, qui était le ministre de l'Environnement, est devenu le ministre du Patrimoine canadien.

[6]         Dossier de la demande de la demanderesse, première demande, volume 1, onglet (2j).

[7]         Dossier de la demande de la demanderesse, première demande, onglet (2k).

[8]         Dossier de la demande de la demanderesse, première demande, onglet 2(v).

[9]         Dossier de la demande du défendeur, première demande, onglet A2.

[10]       Dossier de la demande de la demanderesse, deuxième demande, volume III, onglet 3A, page 26.

[11]       Dossier de la demande du défendeur, première demande, volume 2, onglet B4.

[12]       [1995] 1 C.F 588 aux p. 596 et 597.

[13]       DORS/98-106.

[14]       [1989] 1 R.C.S. 342.

[15]       [1990] 3 R.C.S. 1170.

[16]       [1999] 2 R.C.S. 817.

[17]       Toronto, Canvasback Publishing, 1998, à la p. 1-42. Brown et Evans mentionnent à l'appui de leur opinion les décisions Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), (1999), 252 N.R. 72 (C.A.F.) et Rocky Mountain Ecosystem Coalition c. Canada (Office national de l'énergie), (1999), 174 F.T.R. 17.

[18]       [1986] 3 C.F. 386 à la p. 387 (C.A.).

[19]       Supra, note 17.

[20]       [2001] A.C.F. n º 18 (C.A.).

[21]       Par souci de commodité, les articles 18 et 20 de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale sont reproduits dans l'annexe jointe aux présents motifs.

[22]       (1993), 162 N.R. 177 (C.A.F.).

[23]       Supra, note 22.

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