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Date : 20 050 420

 

Dossier : T -1114-02

 

Référence : 2005 CF 537

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

 

ENTRE :

 

  MARK DOE et (OMITTED) INC.

 

  demandeurs

  et

 

 

  SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

  défenderesse

 

 

  MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE P. HARGRAVE

 

 

  • [1] Il s’agit d’une action que la Cour d’appel fédérale, dans les motifs du jugement du 24 mars 2003, 2003 CAF 156, dossier A-568-02, a résumé comme suit « [l]’appelant demande des dommages contre la Couronne pour interférence délictuelle avec ses relations contractuelles et économiques, et pour ce qu’il prétend être une nouvelle cause d’action, soit “l’atteinte directe cognitive”. ». Dans ces motifs, la Cour d’appel fédérale a examiné et rejeté l’appel d’une requête déposée par les demandeurs visant le versement anticipé de dépens, une requête précédemment rejetée par le juge en chef adjoint. La présente requête, examinée dans ces motifs du jugement, vise encore le versement anticipé de dépens couvrant les frais de procès et incluant des coûts d’impression et de photocopie du demandeur.


 

QUESTIONS D’ORDRE PRÉLIMINAIRE

 

  • [2] Les passages de la requête qui portent sur les dépens incluent une requête consignée dans le dossier de requête déposée le 26 mars 2003, soit le document 65 dans les dossiers de la Cour; un dossier de requête complémentaire comportant une requête ayant fait l’objet d’un remplacement intégral et un nouvel affidavit déposé le 28 mars 2003, soit le document no 73 de la Cour, le dossier de requête complémentaire déposé le 9 juin 2003, soit le document no 74 de la Cour. Un prétendu deuxième dossier de requête complémentaire déposé le 6 juin 2003, soit le document 73 de la Cour fédérale n’est complémentaire à aucun des documents susmentionnés, mais constitue plutôt une requête distincte, désignée par le demandeur individuel comme une requête visant des conseils et des directives, devant être entendue par le juge responsable de la gestion de l’instance : la requête visant des conseils et des directives na pas été abordée ni n’est-elle examinée dans les présents motifs.

  • [3] Le défendeur soutient, premièrement que la Cour de première instance, le 11 septembre 2002, et la Cour d’appel fédérale le 24 mars 2003, ayant rendu un jugement défavorable aux demandeurs quant à la requête initiale visant l’obtention de dépens, les demandeurs sont préclus en vertu du principe de la chose jugée et, deuxièmement, qu’il n’est pas évident que la Cour fédérale que je désignerai aux présentes présente par son appellation plus courte, a le pouvoir d’ordonner le paiement de dépens et, troisièmement, qu’en tout état de cause les demandeurs n’ont pas établi le bien-fondé d’un versement de dépens anticipés.

  • [4] La réponse du demandeur individuel (le « demandeur »), agissant pour son propre compte et pour celui de sa société, est qu’il n’a pas été contre-interrogé quant au contenu de son affidavit : malgré les conséquences qu’entraîne un défaut de contester une preuve par affidavit, il s’agit d’une question dont la pertinence est limitée dans le contexte de la présente requête. Ce qui importe davantage est que les demandeurs ont modifié leur déclaration pour ajouter ce qui, de l’avis du demandeur, constituait sept faits générateurs, portant ainsi, d’après le demandeur, à quarante ou cinquante le nombre le nombre de faits générateurs, dont le demandeur dit qu’elles incluent de nouvelles questions d’intérêt public concernant la corruption gouvernementale, de sorte que, de l’avis du demandeur, la déclaration ne peut donner lieu à l’application du principe ou de la doctrine de la chose jugée.

  • [5] Il est certain qu’un demandeur n’a pas intérêt à scinder son dossier, mais il devrait s’assurer de présenter tout ce qui peut être présenté lors du dépôt initial, le principe de la chose jugée s’étendant généralement aux questions qui devraient et pourraient raisonnablement avoir été soulevées à l’origine, mais ne l’ont pas été. La doctrine de la chose jugée n’est cependant pas absolue et je renverrai ici à Yat Tung Co. c. Dao Heng Bank 1975 AC 581, une décision dans laquelle le Privy Council a formulé deux observations. Premièrement, avant d’écarter l’objet du litige, en application de la doctrine de la chose jugée, la Cour doit être scrupuleuse dans son examen des circonstances : bien que négligence, inadvertance ou accident ne constituent pas des motifs rendant caduque l’application de la res judicata, il se peut que dans certains cas exceptionnels, pour faire en sorte de rendre justice aux parties, ce que le Privy Council a désigné comme étant la règle de la chose jugée ne devrait pas être appliqué : voir Dao Heng Bank à la page 590. Deuxièmement, le Privy Council a formulé des commentaires à l’égard d’Henderson c. Henderson [1843] 3 Hare 100, 67 E.R. 313, approuvant du concept selon lequel toutes les questions liées au litige doivent être présentées d’emblée, s’il avait été possible de le faire en appliquant une diligence raisonnable, mais faisant néanmoins observer que des circonstances particulières ou, comme indiqué dans Henderson (supra) à la page 115, un cas particulier, donnent lieu à une exception au plaidoyer de chose jugée.

  • [6] En raison de la question qui consiste à déterminer si la doctrine de la chose jugée devrait être appliquée rigoureusement, ou si des circonstances particulières ou un cas particulier atténuant l’application de la doctrine, j’ai examiné la déclaration initiale et je l’ai comparée à la déclaration. Cet examen s’avère d’autant plus nécessaire attendu que l’avocat du demandeur est d’avis que les modifications n’apportent effectivement rien de substantiel ni aucune nouvelle cause d’action à la réclamation du demandeur. J’en viens maintenant au contexte pertinent.

 

 


 


 

 

FAITS

 

  • [7] Le 11 septembre 2002, le juge Lutfy, alors juge en chef adjoint, a rejeté une requête du demandeur visant le paiement anticipé de dépens dans le cadre d’une action envisagée. La déclaration d’origine, que j’appellerai « déclaration initiale », a ensuite été déposée le 13 septembre 2002. La décision du 11 septembre 2002 rendue par le juge en chef adjoint a subséquemment été confirmée par la Cour d’appel fédérale, le 24 mars 2003. Cependant, dans l’intervalle entre ces deux décisions, les demandeurs ont modifié leur déclaration datée du 18 mars 2003. Une décision pertinente relative aux dépens anticipés a subséquemment été rendue par la Cour suprême du Canada, Colombie-Britannique c. Bande indienne Okanagan [2003] 3 R.C.S. 371, le 9 juin 2003. La présente requête a été déposée, en plusieurs tranches, à compter de la fin du mois de mars 2003, mais pour diverses raisons n’a pas été entendue avant l’année suivante.

  • [8] La déclaration initiale fait état d’un complot entre le défendeur et une demi-douzaine d’individus et d’entités, dont le SCRS, la GRC, la ville de Vancouver et la police de la ville de Vancouver, visant à contraindre le demandeur à adopter un comportement inapproprié et effectivement inacceptable, voire illégal, complot qui prend tout d’abord forme lorsque le SCRS a apparemment contacté le demandeur à la mi-mars 1990 afin de solliciter sa coopération pour mettre en place la surveillance d’une opération du KGB à Edmonton.

  • [9] Comme je l’ai déjà fait remarquer, la demande initiale visant un cautionnement pour dépens a été rejetée par l’ancien juge en chef adjoint Lutfy, un rejet qui a été confirmé par la Cour d’appel fédérale, mais ce sont les trois observations formulées par la Cour d’appel fédérale qui importent ici. Premièrement, la Cour d’appel a qualifié l’affaire comme suit :

 

 

 

L’appelant demande des dommages contre la Couronne pour interférence délictuelle avec ses relations contractuelles et économiques, et pour ce qu’il prétend être une nouvelle cause d’action, soit « l’atteinte directe cognitive ».

 

 

 

Deuxièmement, la Cour d’appel fédérale a commenté les décisions de la Colombie- Britannique prévoyant le paiement anticipé de dépens, dont Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) c. Bande indienne Okanagan (2001) 95 B.C.L.R. (3e) 273 (B.C.C.A.), soit la décision qui précède la décision de 2003 de la Cour suprême du Canada dans cette affaire (supra) et formulé les observations suivantes à l’égard de deux causes de la Colombie-Britannique :

 

Dans ces affaires, on a jugé qu’il y avait des circonstances exceptionnelles ou uniques, et qu’il s’agissait de causes revêtant une grande importance pour le public ou de causes types. Pour les fins du présent appel, nous sommes disposés à présumer, sans nous prononcer sur la question, que la présente Cour a le pouvoir d’adjuger les dépens avant la tenue de l’instruction.

 

 

 


Enfin, la Cour d’appel a formulé l’observation suivante :

 

Après avoir soigneusement examiné le dossier dont nous sommes saisis, ainsi que les observations de l’appelant, nous ne sommes pas convaincus que le juge des requêtes a commis une erreur en concluant qu’il ne s’agit pas d’un cas qui justifie une ordonnance pour dépens avant la tenue de l’instruction.

 

 

 

La Cour d’appel fédérale, dans son rejet du premier appel du refus d’avance de dépens, n’énonce pas expressément le critère qu’elle a appliqué, mais au palier de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans la cause Bande indienne Okanagan (supra) madame la juge Newbury a envisagé d’ordonner que l’avance de dépens soit une chose restreinte et qu’elle soit limitée aux cas exceptionnels ou aux cas particuliers, dans un contexte propre à l’établissement d’un critère, comportant un élément d’importance pour le public dans les causes à instruire, toujours en fonction des circonstances de la cause. La Cour suprême a éclairci ces concepts dans Bande indienne Okanagan (supra) et, comme nous le verrons ultérieurement, a établi un critère reposant sur trois éléments.

 


  • [10] Dans la déclaration initiale, le demandeur mentionne un complot formé au mois d’avril 1990 à Edmonton où il vivait alors ou selon la déclaration initiale, également à Vancouver, par le représentant de la Couronne fédérale, la ville de Vancouver, visant à lui porter préjudice et à le piéger dans des situations compromettantes, y compris en recourant à des drogues illicites. La déclaration contient plusieurs allusions sommaires, y compris à ce que je désignerais globalement comme une atteinte à l’esprit du demandeur; à des pratiques et des campagnes visant à déstabiliser le demandeur sur le plan émotionnel et professionnel et à entraver ses relations contractuelles et économiques; à des souffrances morales et physiques infligées; et allant jusqu’à empêcher le demandeur de gagner sa vie; à des centaines d’agressions et quatre de voies de fait, à de nombreuses diffamations, fraudes, violations de droits de propriété et actes de vandalisme; à des expérimentations médicales; à la subornation d’un témoin devant être appelé par le demandeur dans le cadre d’un litige antérieur; et le défendeur, avec ses représentants, la ville de Vancouver et un dénommé M. Pulin, le propriétaire de son logement, ont conspiré pour :

 

[traduction]

 

20 a) placer 2 morceaux de plastique dur, petits, mais très tranchants, dans le mélange montagnard du demandeur, dans le but de lui faire ingérer des substances potentiellement dangereuses pour la santé [...]

 

 

d) placer de l’encre dans son lavage causant des taches noires sur ces ses vêtements qui les ont rendus impossibles à porter [...]

 

 

Cet épisode a culminé en l’exclusion du demandeur de son logement par le propriétaire en qualité d’agent de la Couronne. La plupart de ces faits ne pourraient faire l’objet d’une action en cour fédérale, car il semble s’agir d’incidents qui surviennent entre des particuliers, mais chaque fois qu’un éventuel acte dommageable, bris de contrat ou autre préjudice est réputé avoir été perpétré par les représentants de la Reine.

 

  • [11] La déclaration initiale compte huit pages, mais est d’une portée très étendue. Son lien avec la déclaration initiale est similaire au lien entre un bref, par lequel les actions ont à un moment été engagées et la déclaration subséquente : la première donne un aperçu des éléments et de la teneur de l’action; et la deuxième donne des précisions sur le bref, établissant les causes d’action et suffisamment de faits importants, mais non la preuve.

  • [12] La déclaration modifiée compte cent soixante-huit pages. Elle semble principalement reposer sur les attentes du demandeur, qui a réussi dans ces études, et caressais depuis longtemps le rêve de suivre dans les pas de différents membres de sa famille pour devenir avocat et être nommé à la magistrature, ce qu’il percevait dans l’ensemble comme étant des attentes raisonnables, mais qui ont été contrariées par le défendeur qui, à l’égard de ses attentes :

 


 

[TRADUCTION] 
      

      
        
      
sans raison ni justification au regard de la loi, de façon intentionnelle et faisant preuve d’un manque d’égards malveillant, oppressif, arbitraire, délibéré, vicieux, vindicatif, brutal, grossièrement frauduleux, méchant, insultant, outrageant, impitoyable, honteux, volontaire, méprisable et méprisant des normes ordinaires de moralité ou de conduite décente et sans aucune considération pour les droits et libertés juridiques et constitutionnels respectifs des demandeurs, a initié et perpétué une campagne de piégeage et de punition décrite aux présentes. À partir de juin 1987, le SCRS et la GRC ont entrepris de cibler le demandeur en vue de l’ostraciser de la vie professionnelle, sociale et collective canadienne au moyen d’une multitude de stratégies, techniques et tactiques criminelles et délictuelles et de violations des droits de la personne, comme décrit aux présentes.
      

 

 

  [para. 55]

 

 

Cette déclaration assez générale quant aux actes allégués du défendeur constitue un développement, en grande partie reposant des preuves et des précisions, d’une bonne partie de ce qui est établi sous forme de bref dans la déclaration initiale. La déclaration modifiée s’étend sur cinq cents paragraphes. De façon générale, ce développement n’apporte rien de nouveau, mais comporte néanmoins des éléments qui semblent nouveaux.

 

  • [13] Il est allégué dans la déclaration modifiée que le défendeur et ses représentants, désignés au paragraphe 300 comme un regroupement de centaines d’« opérateurs de terrain » qui s’adonnent à ce que le demandeur qualifie d’ingénierie sociale, terme défini dans la cinquième édition du Shorter Oxford English Dictionary comme [traduction] « l’application de principes sociologiques à des problèmes sociaux précis. ». Ceci allait à l’encontre des intérêts et de la volonté du demandeur. Bien que l’ingénierie sociale puisse s’apparenter à entraver les liens économiques et contractuels ou puisse décrire certains des actes allégués dans la déclaration initiale, elle peut également constituer une nouvelle cause d’action.

  • [14] Afin de mener cette ingénierie sociale, le défendeur a étendu le nombre d’entités réputées être des représentants spécifiques de la Couronne, qui incluent maintenant la Law Society of Alberta, la ville de Vancouver, la Law Society of British Columbia, le propriétaire du Roxy Night Club à Vancouver et Postes Canada, soit un total de plus de trente entités et individus, en plus d’employés anonymes, représentants et complices.

  • [15] La déclaration modifie fait référence à ce qui selon moi constitue l’acte dommageable d’infliction volontaire de souffrance morale appelée « manipulation cognitive » par le demandeur (par. 234), qui peut constituer une cause d’action en plus de celle établie initialement. Le demandeur mentionne une capacité très sophistiquée pour l’ingénierie sociale associée à une surveillance en temps réel par. 299). Il y a des allégations d’enlèvement et délits de droit commun connexes au paragraphe 355, qui peuvent être de nouvelles allégations ou des allégations antérieures remaniées en une cause d’action distincte, mais parallèle. Une nouvelle allégation est faite dans la déclaration modifiée à partir du paragraphe 409, voulant que le défendeur ait induit le tribunal en erreur et soit effectivement coupable d’outrage au tribunal : dans la mesure où ces allégations figurent au résumé, elles ne correspondent pas à une cause d’action au civil; et dans la mesure où les allégations d’outrage sont liées à des ordonnances dans le cadre de cette action, le recours ne peut être intenté par voie de déclaration.

  • [16] Le paragraphe 472 contient un nouvel élément et une suite de la déclaration modifiée où le défendeur allègue différentes violations de la Charte y compris des atteintes à sa liberté d’expression et à sa liberté de mouvement, une perquisition abusive, une arrestation arbitraire, le refus du droit à l’assistance d’un avocat, un traitement cruel et inusité et l’ingérence du défendeur dans ses droits à l’égalité devant la loi.

  • [17] La déclaration modifiée allègue que des expériences inappropriées de manipulation mentale ont été menées conjointement par la Couronne fédérale et la CIA : ces irrégularités sont réputées avoir eu lieu avant que le demandeur, qui est maintenant âgé dans la mi-quarantaine ou dans la fin de la quarantaine, n’ait l’âge de susciter l’intérêt du défendeur ou de la CIA. La déclaration modifiée allègue toutefois un manquement perpétuel du défendeur à faire cesser la tenue d’autres expérimentations similaires, un manquement qui a entraîné un préjudice pour le défendeur. Ceci va au-delà de ce qui a été établi dans la déclaration initiale.

  • [18] Le demandeur allègue également une violation du Pacte international sur les droits civils et politiques, ce qui pourrait constituer un nouvel élément, mais les informations sont cependant insuffisantes pour déterminer si la violation abstraite donne lieu à une cause d’action au civil. Il se peut que ce plaidoyer, au paragraphe 479, soit parallèle à celui du paragraphe 492 où le demandeur renvoie généralement à la législation canadienne, à un pacte des Nations unies et à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains, dégradants : les précisions sont insuffisantes pour déterminer su des allégations fondées sur ces codes donnent lieu à une cause d’action au civil au Canada.

  • [19] Enfin, l’approche des demandeurs quant aux dommages-intérêts et au redressement par voie d’injonction va bien au-delà des 14 030 000 $ réclamés par les demandeurs dans la déclaration initiale. Dans la déclaration modifiée, un nombre de paragraphes, soit du paragraphe 493 au paragraphe 503, les demandeurs présentent leur approche générale quant aux dommages-intérêts. Le demandeur demande alors 389 millions de dollars en dommages-intérêts et la société demanderesse réclame 72 millions de dollars, un total de 461 millions de dollars.

  • [20] Bien que la déclaration modifiée développe ce qui a été établi dans la déclaration initiale en un récit de l’existence malheureuse du demandeur, de son enfance, il s’agit également en partie d’une histoire familiale tragique, mais non pertinente. En grande partie, la déclaration modifiée n’est pas pertinente et n’apporte aucune nouvelle cause d’action. Elle comporte néanmoins de nouvelles causes d’action. Il importe donc d’examiner dans quelle mesure la doctrine de la chose jugée devrait être appliquée.

 

 

 


 

 

 


 

 

CONSIDÉRATIONS

 

  • [21] Le demandeur, qui agit également à titre d’avocat, est l’auteur de plusieurs choses dans son propre affidavit, que je pondère toutes en conséquence. Le demandeur considère cette action comme étant plus que simplement méritoire et étant d’une nature très particulière, unique et très exceptionnelle. Le demandeur a fourni de nombreux renseignements, sur plusieurs sujets, dans son affidavit et dans son plaidoyer oral. Les renseignements varient entre analyse juridique pratique et réfléchie et propositions plutôt extrêmes et invraisemblables. Je souligne ici que les conclusions quant à la vraisemblance devraient être tirées avec prudence et, de façon générale, uniquement lorsque la preuve s’écarte à ce point de ce qui peut être considéré comme des attentes raisonnables qu’il est possible de conclure sans peine qu’elle revêt peu d’importance ou qu’elle est erronée. J’ai gardé ceci à l’esprit tout au long et particulièrement pour déterminer s’il existe des motifs justifiant une avance de dépens.

  • [22] J’ai décliné ma considération en quatre questions :

 

 


1.   l’objet et la nature de la doctrine de la chose jugée;

 

2.   dans le cas présent, si l’application de la doctrine de la chose jugée à la déclaration modifiée dans le cas présent, étant donné l’obligation générale pour un demandeur d’établir d’emblée l’intégralité de la cause qu’il est en mesure d’établir et de consigner, en faisant preuve d’une diligence raisonnable;

 

3.   s’il existe des circonstances particulières ou s’il s’agit d’un cas particulier, dans le cadre desquels l’application de la doctrine de la chose jugée devrait être évitée ou infirmée, car elle serait inopportune;

 

4.   en présumant, comme l’a fait la Cour d’appel dans ces motifs antérieurs dans ce cas, que la Cour fédérale a le pouvoir d’accorder une avance de dépens, s’il s’agit d’un cas dans lequel il y a lieu de le faire.

 

 

Objet et nature de la chose jugée

 

  • [23] L’objet de la préclusion de chose jugée est de prévenir les procédures interminables pour une question déjà réglée entre les mêmes parties. Les exigences pour la préclusion découlant de la chose jugée sont strictes, ayant été établies par la Cour suprême dans Angle c. Ministre du Revenu National [1975] 2 R.C.S. 248, à la page 254, où la cour à adopté un passage de Carl Zeiss Stiftung c. Rayner & Keeler Ltd. (No. 2) [1967] 1 A.C. 853 (H.L.), à la page 935 :

 

[TRADUCTION]

 

[...] (1) que la même question ait été décidée; (2) que la décision judiciaire invoquée comme créant la fin de non-recevoir soit finale; et (3) que les parties dans la décision judiciaire invoquée, ou leurs ayants droit, soient les mêmes que les parties engagées dans l’affaire où la fin de non-recevoir est soulevée, ou leurs ayants droit [...]

 


 

La décision Carl Zeiss renvoie à une décision définitive et dans ce cas la même question avait été tranchée dans une autre action. Cependant, les décisions interlocutoires, comme celles qui concernent l’avance de dépens dans le cas présent sont également susceptibles de donner lieu à une préclusion.

 

  • [24] Dans Première nation Anishinabe de Roseau River c. Atkinson (2001) 208 F.T.R. 304, monsieur le juge Muldoon a accepté la décision interlocutoire comme finale, aux fins de la chose jugée :

 

Les défendeurs soutiennent que la décision rendue par monsieur le juge Gibson le 26 février 2001 était finale en ce qui concerne le prononcé d’une injonction interlocutoire. La Cour fait sienne l’opinion exprimée dans la décision Ward c. Dana G. Colson (1994), 24 C.P.C. (3e) 211 (C. Ont. Div. gén.) à la page 218 :

 

 

[TRADUCTION]

 

[12] Je suis convaincu que la fin de non-recevoir fondée sur l’identité de la question n’est pas écartée du fait que l’ordonnance du juge O’Brien a été rendue dans le contexte d’une demande interlocutoire. Une décision prononcée à la suite d’une demande interlocutoire lie les parties, du moins en ce qui concerne les autres procédures engagées dans la même action. Je retiens la prétention selon laquelle le principe général veut que le tribunal ne puisse pas, lorsqu’une question identique est soulevée entre les mêmes parties, réviser une décision antérieure qui ne peut faire l’objet d’un appel. Si la décision était erronée, elle aurait dû être portée en appel dans le délai imparti. Le fait que la première décision ait été rendue dans le contexte de la même action ne change rien à ce principe. Voir  David Diamond c. The Weston Realty Company, [1924] R.C.S. 308 (C.S.C.).

 

 

  [pp. 308 à 309]

 

 

 

L’avis de monsieur le juge Muldoon a été développé par monsieur le juge Rouleau in Benisti Import-Export Inc. c. Modes TXT Carbon Inc. (2002) 20 C.P.R. (4e) 446 à 452-453.

 


Il est cependant clair que la préclusion découlant d’une question déjà tranchée puisse découler d’une décision de nature interlocutoire, mais qui prend une forme définitive et contraignante pour les parties en l’absence d’un appel : Chingee c. Chingee (1998), 149 F.T.R. 113 (F.C.T.D.) à 116, para. 6-7; Joli-Coeur c. R. [2000] 4 C.T.C. 95 (F.C.A.) à la page 96, para. 4. Par conséquent, le demandeur aurait dû interjeter appel de la décision du protonotaire conformément à l’alinéa (2)a) de l’article 27 de la Loi sur les Cours fédérales, dans les dix jours suivant la décision. Puisqu’il a omis de le faire, il est désormais trop tard, à mon avis pour contester sur le fond la décision du protonotaire.

 

 

La décision de l’ancien juge Nadon dans le cas Nordic Laboratories c. Canada (Deputy Minister of National Revenue - M.N.R.) (1996), 113 F.T.R. 168 (F.C.T.D) est particulièrement pertinente. Dans ce cas, la juge Reed a rendu une décision dans laquelle elle a interprété le paragraphe 68(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 1 de la façon suivante : une fois l’autorisation donnée d’accorder l’appel maintenant pour alors à compter de la date de la date de dépôt de la demande d’interjeter appel. Elle a conclu que cette Cour avait la compétence et l’autorisation a été accordée. L’intimé dans ce cas, qui n’a pas interjeté appel de la décision de la juge Reed a fait les mêmes observations avant le juge Nadon que celles faites devant la juge Reed concernant une demande d’autorisation pour interjeter appel.

 

 

 

La décision antérieure dans Benisti, donnant lieu à la préclusion, traitée par monsieur le juge Rouleau, la décision a été publiée (1993) 65 F.T.R. 161. Cette décision antérieure, contrairement à Roseau River, ne consistait pas en une injonction, mais plutôt en une décision interlocutoire pour obtenir l’autorisation d’un tribunal d’interjeter. Dans la décision Nordic Laboratories c. MNR (1996) 113 F.T.R. 168 (F.C.T.D.), à laquelle renvoie monsieur le juge Rouleau dans Benisti dans la citation susmentionnée, comptaient parmi les questions celle de l’interprétation interlocutoire d’un article de la Loi sur les douanes et celle touchant l’autorisation d’interjeter appel précédemment accordée. Dans Nordic Laboratories, monsieur le juge Nadon (titre qu’il portait alors), s’appuyant sur Reebok Canada c. Minister of National Revenue (Customs and Excise) (1995) 179 N.R. 300 (C.A.F.) qui consistait en une décision d’accorder l’autorisation d’en appeler de la décision d’un tribunal, était d’avis que la décision interlocutoire rendue par madame la juge Reed, quant à l’autorisation d’interjeter appel, donnait lieu à une préclusion et que l’approche appropriée n’aurait pas dû être une remise en litige, mais plutôt un appel de la décision du juge de première instance. 

 


  • [25] Il ressort clairement de Roseau River, Benisti et Nordic Laboratories que l’application du principe de la chose jugée, dans le contexte de la préclusion, peut généralement survenir dans le contexte de questions interlocutoires. J’aborderai maintenant la question de savoir si le principe de la chose jugée s’applique dans les cas où, comme dans le cas présent, la déclaration a été modifiée de façon à ce que des questions additionnelles, qui existaient dans le même contexte général, puissent servir à justifier la remise en litige d’une question, soit, ici, l’avance de dépens.

 

La chose jugée et la déclaration modifiée

 

  • [26] La préclusion peut, dans certains cas, avoir une portée plus large que celle établie dans Carl Zeiss (supra) puisqu’elle s’étend aux questions et, effectivement, à tous les éléments susceptibles d’avoir été présentés par une partie, en exerçant une diligence raisonnable dans une procédure antérieure. L’avocat du défendeur s’appuie ici sur Borley c. Fraser River Harbour Commission (1995) 92 F.T.R. 275 (F.C.T.D.). Cependant, les cas fondamentaux énoncés dans Borley sont plus instructifs.

  • [27] Il devenait alors impossible de recourir au domaine du droit qui concerne les questions qui auraient dû être traitées à un moment antérieur dans le cadre d’une procédure en raison du principe de la chose jugée, qui fut pris en compte par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans Martelli c. Martelli (1983) 148 D.L.R. (3e) 746. Martelli concernait un litige à l’égard d’actifs familiaux et la question de savoir si une action antérieure entre époux donnait lieu à la doctrine de la chose jugée, rendent ainsi la réclamation à l’égard de différents actifs familiaux impropre à un litige. À la page 748, monsieur le juge de la cour d’appel Hinkson a adopté un paragraphe du mémoire de l’appelant qui, de l’avis de la Cour d’appel, établit clairement le droit applicable :

 

 

[TRADUCTION]

 

La doctrine de préclusion pour chose jugée ou res judicata est considérée comme s’étendant à n’importe quel élément, soit par présomption ou par admission, qui constitue en substance le ratio et le fondement d’une décision antérieure. La doctrine s’applique non seulement aux questions faisant l’objet du litige, mais à l’ensemble des questions associées à une cause en litige que les parties auraient pu présenter dans le cadre d’un litige antérieur. La doctrine repose sur le principe que le litige doit avoir une fin et que pour toute cause pouvant faire l’objet d’un procès, l’affaire dans son ensemble doit être présentée devant la Cour et plutôt qu’être réglée au coup par coup dans le cadre de procédures consécutives.


 

 

Ce qui importe ici est que l’ensemble des questions donnant matière à procès dans l’affaire doivent, dans la mesure du possible en exerçant une diligence raisonnable, être présentées d’emblée à la Cour, plutôt qu’être traitées progressivement dans le cadre de procédures consécutives.

 

  • [28] La décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Town of Grandview c. Doering (1975) 61 D.L.R. (3e) 455 est instructive. Dans ce cas, le défendeur avait intenté une action initiale infructueuse pour des dommages causés par une inondation de surface imputable au barrage du défendeur. Dans une deuxième action, intentée avant le début des procédures de la première action, le demandeur a avancé une différente théorie relativement à la cause des dommages, non pas une inondation en surface, mais plutôt une inondation par voie de saturation de la couche aquifère résultant de l’endiguement par le défendeur d’eaux à l’arrière d’un barrage exerçant une pression provoquant une infiltration souterraine suivie d’une inondation. Cette théorie invoquant une pression souterraine constituait un avis différent concernant les conséquences ayant mené à l’inondation, mais il s’agit néanmoins d’un avis qui, avec une diligence raisonnable, aurait pu être obtenu auprès d’un expert afin que les deux théories puissent être traitées simultanément. Dans Doering, monsieur le juge Ritchie, à la page 461 de la décision majoritaire, indique que le cas ne relève pas, à proprement parler, de la préclusion, mais que le principe de la chose jugée peut effectivement y être appliqué et il semblait dans ce cas tendre vers la notion de la préclusion fondée sur la cause d’action. Toutefois, pour en venir à la conclusion de l’applicabilité de la chose jugée, monsieur le juge Ritchie s’est appuyé sur la jurisprudence applicable à la fois à la préclusion fondée sur la cause d’action et à la préclusion liée à une question en litige.

  • [29] La Cour d’appel de l’Ontario, dans Tsaoussis (Litigation Guardian of) c. Baetz (1998) 165 D.L.R. (4e) 268, a envisagé un assouplissement de la doctrine de la chose jugée renvoyant, aux pages 276 et 277, à l’affaire Doering (supra) et à d’autres cas aux mêmes fins. Dans Tsaoussis, il était question de faire abstraction d’un jugement pour préjudice corporel dans le cadre duquel les dommages-intérêts étaient manifestement faibles, laissant présumer que l’ancien avocat aurait dû prendre les mesures nécessaires pour obtenir un examen médical plus poussé. La Cour a considéré qu’il existe des [traduction] « exceptions à la règle générale voulant que les jugements définitifs marquent la fin d’un litige », en tenant compte d’une pondération des intérêts et que pouvaient survenir des situations dans le cadre desquelles les intérêts légitimes l’emportent sur le principe de l’irrévocabilité.

  • [30] Plus récemment, dans Withler c. Canada (Procureur général) [2002] 3 B.C.L.R. (4e) 365 à la page 379, monsieur le juge Garson a fait remarquer que lorsqu’il est question de pouvoir discrétionnaire quant à l’application de la doctrine de la chose jugée [traduction] « les facteurs qui influent sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour sont subordonnés et dépendent des circonstances propres à chaque cas particulier ». Dans Withler le juge a pris en considération la nature du litige, l’incohérence des résultats avec d’autres litiges et de la possibilité que l’ensemble des questions inhérentes au litige aient fait l’objet d’une décision.

  • [31] Ici, Brisbane City Council et al. c. Queensland (Attorney General) [1979] A.C. 411 (P.C.) revêt un certain intérêt. L’une des questions en litige consistait à déterminer si une partie devrait être préclue d’invoquer, lors d’une action ultérieure, une question susceptible d’avoir été soulevée au cours d’une procédure antérieure, soit une question portant sur l’existence d’une fiducie. Lord Wilberforce, qui a rédigé la décision, a fait la déclaration suivante :

 


 

 

 


La deuxième défense est celle de la « chose jugée ». Il n’y a, certes, pas eu de véritable décision dans les litiges entre ces parties quant à la question en cause en l’espèce, mais les appelants invoquent ce moyen de défense en son sens plus large, selon lequel une partie peut être exclue de soulever dans une cause ultérieure, une question qu’elle pouvait et aurait dû soulever au cours de procédures antérieures. La déclaration classique de cette doctrine est contenue dans le jugement de Wigram V.-C. dans Henderson c. Henderson (1843) 3 Hare 100 et son existence a été réaffirmée par le présent Conseil dans Hoystead c. Commissioner of Taxation [1926] A.C. 155. On en trouve une demande récente dans la décision du Conseil dans Yat Tung Investment Co. Ltd. c. Dao Heng Bank Ltd. [1975] A.C. 581 où elle est décrite de la façon suivante :

 

[traduction]

 

« il existe un sens plus large dans lequel la doctrine peut être portée en appel, de sorte qu’elle peut venir à représenter un abus de procédure pour soulever dans des procédures ultérieures des questions qui pouvaient et auraient donc dû être plaidées dans le cadre de procédures antérieures.

 

Cette référence à “l’abus de procédure” avait déjà été faite dans Greenhalgh c. Mallard [1947] 2 All E.R. 255 par lord juge Somervell et Leurs Seigneuries l’approuvent. Il s’agit de la véritable base de la doctrine et elle ne devrait être appliquée que lorsque les faits sont de nature à constituer un abus : sinon, une partie risque d’être empêchée de présenter un véritable sujet de litige ».

 

 

  [p. 425]

 

 

 

Le Privy Council dans Brisbane City Council a déterminé que l’application de la doctrine de la chose jugée n’était pas justifiée étant donné que les parties ignoraient l’existence de la fiducie, n’auraient pu raisonnablement en découvrir vl’existence et avaient, effectivement étagé entravés par le Brisbane City Council, auquel le recours à la chose jugée a été refusé pour ce motif. Il importe également de noter l’attitude empruntée par le Privy Council, à savoir que la doctrine de la chose jugée ne devrait être appliquée que lorsque ce qui est en cause, c’est-à-dire la présentation de quelque chose qui aurait dû faire l’objet d’un litige lors de procédures antérieures, s’apparenterait à un abus de la procédure, reconnaissant par là même même le risque de refuser à une partie la possibilité de [traduction] « présenter un véritable sujet de litige ». 

 

 


  • [32] Le critère pour infirmer l’application de la doctrine de la chose jugée suppose un examen rigoureux des circonstances : la négligence, l’inadvertance, ou la négligence par inadvertance d’une question ou d’une cause d’action ne constituent pas des excuses justifiant l’application de la chose jugée, mais il peut néanmoins y avoir des circonstances particulières dans lesquelles la règle ne devrait pas être appliquée afin que justice soit rendue : voir Yat Tung Co. c. Dao Heng Bank [1975] A.C. 581 (P.C.), à la page 590 :

 

L’exclusion d’un « sujet de litige, un pouvoir qu’aucun tribunal ne devrait exercer avant d’avoir procédé à l’examen scrupuleux de l’ensemble des circonstances, est limitée aux cas dans lesquels une diligence raisonnable aurait entraîné qu’une question soit préalablement soulevée; de plus, bien que la négligence, l’inadvertance ou même un accident ne suffisent pas à titre de justification, des « circonstances particulières » sont toutefois réservées au cas où la justice exigerait la non-application de la règle. Par exemple, s’il avait été suggéré lors de la réponse à la demande reconventionnelle au no 969 que M. Lai ignorait et ne pouvait pas raisonnablement être au courant des circonstances entourant la vente à Choi Kee, il se peut que le présent plaidoyer contre lui n’ait pu être maintenu.

 

 

 

Ici, dans Dao Heng Bank, le Privy Council s’est fondé sur la décision dans Henderson c. Henderson (1843) 3 Hare 100, 67 E.R. 313, à laquelle monsieur le juge Ritchie fait référence dans Doering (supra), et sur le principe que la chose jugée ne peut s’appliquer aux cas particuliers (Henderson à la page 115). Dans Dao Heng Bank, l’exception était qu’une personne donnée n’était pas au courant et et que l’on ne pouvait pas raisonnablement s’attendre à ce qu’elle ait connaissance de certaines circonstances.

 

  • [33] La Cour suprême du Canada, dans Danyluk c. Ainsworth Technologies [2001] 2 R.C.S. 460, à la page 480, a adopté une définition légèrement plus large en abordant la préclusion découlant d’une question déjà tranchée sous forme d’analyse en deux temps faisant appel au critère reconnu pour déterminer les conditions nécessaires à l’application de la préclusion, puis à la décision discrétionnaire visant à déterminer s’il y a lieu de l’appliquer :

 


Les règles régissant la préclusion découlant d’une question déjà tranchée ne doivent pas être appliquées machinalement. L’objectif fondamental est d’établir l’équilibre entre l’intérêt public qui consiste à assurer le caractère définitif des litiges et l’autre intérêt public qui est d’assurer que, dans une affaire donnée, justice soit rendue. (Il existe des intérêts privés correspondants.)  Il s’agit, au cours de la première étape, de déterminer si le requérant (en l’occurrence l’intimée) a établi l’existence des conditions d’application de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée énoncées par le juge Dickson dans l’arrêt Angle, précité. Dans l’affirmative, la cour doit ensuite se demander, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, si cette forme de préclusion devrait être appliquée : British Columbia (Minister of Forests) c. Bugbusters Pest Management Inc. (1998), 50 B.C.L.R. (3d) 1 (C.A.), par. 32; Schweneke c. Ontario (2000), 47 O.R. (3e) 97 (C.A.), par. 38-39; Braithwaite c. Nova Scotia Public Service Long Term Disability Plan Trust Fund (1999), 176 N.S.R. (2e) 173 (C.A.), par. 56.

 

 

 

Ici, monsieur le juge Binnie souligne le besoin, avant toute application machinale de la préclusion liée à une question en litige, de trouver un équilibre entre l’intérêt public au regard du caractère définitif des litiges et de l’intérêt public que justice soit rendue en fonction des faits d’un cas donné, ajoutant qu’il existe des intérêts privés correspondants. Monsieur le juge Binnie a ensuite abordé la gamme variable de facteurs susceptibles d’être applicables lors de l’exercice du pouvoir discrétionnaire quant è l’applicabilité de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée afin de favoriser « [...] l’administration ordonnée de la justice, mais pas au prix d’une injustice dans une affaire donnée. » (p. 494). Monsieur le juge Binnie a brièvement fait allusion à Schweneke c. The Queen in Right of Ontario (2000) 47 O.R. (3e) 97 (O.C.A.) pour deux propositions. Premièrement, il appartient à la partie intéressée à ce que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire quant à l’application de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée qu’il existe une injustice et, deuxièmement, la partie qui cherche à invoquer le pouvoir discrétionnaire ne peut simplement s’appuyer sur un risque d’injustice, mais doit démontrer que ce sur quoi elle s’appuie s’est effectivement produit dans le cas en question (paragraphes 38 et 43). L’objectif de tout ceci étant de prévenir toute injustice en exigeant que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire pour empêcher que la chose jugée et la préclusion découlant d’une question déjà tranchée soient appliquées de façon injuste, mais contrairement à l’avis du présent demandeur, c’est à lui qu’il incombe de convaincre la Cour que l’application de cette doctrine serait inappropriée. 

 

 

 


Circonstances particulières infirmant l’application de la chose jugée

 

  • [34] Le demandeur convient qu’il aurait dû plaider les nombreuses questions dans sa déclaration initiale, mais fait valoir qu’il ne pouvait le faire. Je n’accepte pas l’argument du demandeur selon lequel il ne disposait pas des fonds nécessaires pour retenir les services d’un avocat pour le représenter en raison des activités de la Couronne et de ses représentants : prendre une telle décision consisterait à trancher sur un point quelque peu douteux, voire sur la cause, à une étape interlocutoire.

  • [35] La proposition selon laquelle le demandeur était convaincu qu’il avait été la victime d’un régime brutal et délictuel durant plusieurs années et était gravement désavantagé sur les plans physique, psychologique et cognitif revêt une plus grande importance et est plus acceptable. En fin de compte, il n’était pas en état de plaider correctement et n’a effectivement pas été en mesure de le faire jusqu’au début de 2003, ce qui a mené à la déclaration modifiée du 18 mars 2003.

  • [36] Le prétexte que le demandeur était dans l’incapacité mentale de préparer une déclaration complète ne suppose pas une négligence, une inadvertance ou une négligence accidentelle à l’égard d’une question, ce que le Privy Council souligne dans Dao Heng Bank (supra), ne constitue pas des motifs pour éviter l’application de la chose jugée. Le défendeur affirme qu’il était mentalement diminué. Cet aspect n’a fait l’objet d’aucun contre-interrogatoire. L’argument de l’incapacité mentale met en jeu la notion de manque de sensibilisation, sur laquelle s’appuie le Privy Council dans Dao Heng Bank, comme un facteur infirmant l’application de la chose jugée. Par ailleurs, en acceptant les arguments du demandeur par lesquels il cherche à éviter l’application de la doctrine de la chose jugée le potentiel d’injustice est d’autant plus grand, une condition établie par la Cour suprême dans Danyluk (supra).

  • [37] Une lecture attentive de la déclaration du 13 septembre 2002 est révélatrice, pour une personne non initiée, d’une rédaction produite par une personne troublée, dont les idées ne sont pas claires, qui tire des conclusions qui ne sont pas logiques ou qui ne sont pas pertinentes. C’est toutefois sans hésitations que j’ai tiré la conclusion que le demandeur n’était pas en mesure de tirer une déclaration complète en septembre 2002, et il s’agit là d’une circonstance particulière ou d’un cas spécial qui va à l’encontre de l’application de la chose jugée.

 

 


 

 

Caractère approprié des provisions pour frais

 

  • [38] J’ai supposé, tout comme la Cour d’appel dans sa décision du 24 mars 2003 sur les dépens à l’avance, que la Cour pouvait adjuger les dépens à l’avance.

  • [39] L’accès à la justice est, en termes généraux, un droit fondamental, mais cet accès fondamental n’a pas mené à un financement universel permettant aux parties de poursuivre leurs revendications en utilisant les fonds d’autrui : décision de la Cour suprême du Canada dans Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) c. Bande indienne Okanagan [2003] 3 RCS 371 est un départ intéressant de cette généralisation. Bande indienne Okanagan traite du pouvoir discrétionnaire des tribunaux d’accorder des provisions pour frais afin de permettre l’accès à la justice dans les litiges d’intérêt public. L’objectif est de faire en sorte que les citoyens ordinaires, mais impécunieux, avec des cas de mérite prima facie, soient capables de résoudre des questions importantes pour la communauté dans son ensemble. Les provisions pour frais constituent un exercice extraordinaire des pouvoirs discrétionnaires d’un tribunal et devraient donc se limiter à des catégories restreintes d’affaires présentant des circonstances particulières. Ceci et les conditions préalables aux coûts sont précisés dans Bande indienne Okanagan :

 


 

La jurisprudence pose plusieurs conditions à l’exercice de ce pouvoir, devant toutes être présentes pour qu’une provision pour frais soit accordée. La partie qui sollicite l’ordonnance doit être si dépourvue de ressources qu’elle serait incapable, sans cette ordonnance, de faire entendre sa cause. Elle doit prouver prima facie que sa cause possède un fondement suffisant pour justifier son instruction devant le tribunal. De plus, il doit exister des circonstances suffisamment spéciales pour que le tribunal soit convaincu que la cause appartient à cette catégorie restreinte de causes justifiant l’exercice exceptionnel de ses pouvoirs. Ces exigences pourraient être modifiées si le législateur définissait les conditions d’octroi des provisions pour frais ou si les tribunaux établissaient des critères applicables à une situation particulière où l’attribution de provisions pour frais est autorisée par la loi (comme c’est le cas avec le par. 249(4) de la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario; voir Organ, précité, p. 213). Mais normalement, lorsque le tribunal exerce sa compétence en equity pour ordonner de telles provisions pour frais parce qu’il conclut qu’il y va de l’intérêt de la justice, il doit ressortir de la preuve que les trois conditions sont réunies : le manque de ressources nécessaires, une cause qui vaut d’être instruite et des circonstances particulières.

 

 

  [pp. 396-397]

 

 

 

Dans ce passage le juge LeBel, s’exprimant au nom de la majorité, établit les conditions générales pour l’octroi de provisions pour frais soit, premièrement, le manque de ressources nécessaires, deuxièmement, une cause qui vaut d’être instruite et, troisièmement, des circonstances particulières qui doivent être établies au vu de la preuve présentée à la Cour avant qu’une ordonnance provisoire puisse être rendue quant à l’octroi d’une provision pour frais.

 

  • [40] La tâche la plus difficile consiste peut-être à établir un équilibre, en déterminant d’une part que l’affaire est assez bien fondée pour être qualifiée de méritoire, car le juge ou le protonotaire doit prendre cette décision, en quelque sorte une prédétermination afin d’adjuger les dépens avant qu’il y ait un plaideur gagnant, mais d’autre part pour déterminer très prudemment le caractère valable de la cause, de sorte que le juge qui, en temps voulu, entendra l’affaire sur le fond, dispose de la latitude nécessaire. La Cour suprême a considéré cette question du seuil préliminaire comme suit :

 


Bien que la partie qui demande une provision pour frais doive établir une preuve suffisamment solide pour répondre à la condition préliminaire de l’existence d’une cause méritant d’être instruite, le tribunal ne refusera pas de rendre l’ordonnance simplement parce que les parties n’ont pas fini de débattre des questions en litige importantes. Si le tribunal décide d’accorder une provision pour frais dans de telles circonstances, il se trouvera en un sens à préjuger des questions qui peuvent faire l’objet d’un procès puisqu’il devra décider quelle partie obtiendra paiement de ses dépens avant que l’on sache qui gagnera la cause sur le fond (et puisque le gagnant a habituellement droit aux dépens). On peut donc se demander si cette situation n’affecte pas le pouvoir discrétionnaire du juge qui devra éventuellement se prononcer sur le bien‑fondé de la cause. Un tel état des choses ne devrait toutefois pas empêcher l’octroi de provisions pour frais si les conditions pertinentes sont respectées. Comme l’a souligné la juge Macdonald dans Organ, précité, le tribunal doit exercer son pouvoir discrétionnaire avec une prudence particulière lorsqu’on lui demande de préjuger d’une question litigieuse en ce sens, mais il ne s’ensuit pas qu’il excéderait les limites de son pouvoir discrétionnaire s’il rendait l’ordonnance. Je ne souscris donc pas à la conclusion de la Cour du Banc de la Reine du Nouveau‑Brunswick dans Nouveau‑Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G. (J.) (1995), 1995 CanLII 11039 (NB QB), 131 D.L.R. (4th) 273, selon laquelle on ne peut ordonner le paiement de dépens au début d’une instance en l’absence d’un pouvoir expressément prévu par la loi d’accorder des frais sans égard à l’issue de l’instance (p. 283) (cette décision a été finalement infirmée par la Cour dans [1999] 3 R.C.S. 46, mais la question des provisions pour frais était secondaire et n’a pas été examinée en appel). Je le répète, le pouvoir d’ordonner le paiement des dépens contrairement au résultat de la cause découle toujours implicitement du pouvoir discrétionnaire d’adjudication des dépens du tribunal, comme d’ailleurs le pouvoir d’accorder des provisions pour frais.

 

 

  [p. 397]

 

 

 

Que la cause vaille la peine d’être instruite ne veut pas dire qu’il doive s’agir d’une cause gagnante : ceci ressort implicitement de l’observation du juge Lebel que « [...] le pouvoir d’ordonner le paiement des dépens contrairement au résultat de la cause découle toujours implicitement du pouvoir discrétionnaire d’adjudication des dépens du tribunal, comme d’ailleurs le pouvoir d’accorder des provisions pour frais » (p. 397).

 

  • [41] Il y a la question de savoir ce qu’est le mérite et ce qui est méritoire. Le juge Andrekson, de l’Alberta Queen’s Bench, a examiné la notion de mérite dans le contexte des coûts, dans R. c. Leung [1998] 2 W.W.R. 178 à la page 197 :

 

dans le dictionnaire Concise Oxford Dictionary (8e éd. 1990) la définition du terme « merit » (fondement) est ainsi formulée : « means inter alia, deserving or worthy of consideration » ([TRADUCTION] signifie, notamment digne de considération).

 

 

 


Je définirais plus précisément le fondement comme étant les considérations importantes qui doivent être prises en compte dans le cadre d’une décision et à des notions figurant dans le dictionnaire Shorter Oxford English Dictionary, 2002, Avoir du mérite, c’est avoir une qualité de bien mériter et c’est [traduction] « un point de qualité intrinsèque, une qualité louable, une excellence, un bon point ». Il est alors clair que la cause ne doit pas être déterminée, à ce stade, en termes absolus, mais simplement qu’elle soit considérée comme étant fondée, de qualité louable et d’excellence, dans la définition du mérite.

 

  • [42] Dans le cas présent, le demandeur fait valoir, dans un affidavit daté du 9 juin 2003, que la cause revêt une [traduction] « importance immense pour le public » :

 

Je suis désormais fermement d’avis que la cause d’action modifiée, en plus d’être fondée, est très particulière, comme établi dans le deuxième motif de la requête ci-jointe, à la page 3, à cet égard, et d’une nature très exceptionnelle. Je suis également d’avis que la question soulevée dans la déclaration modifiée relativement à l’atteinte malveillante du défendeur contre l’indépendance du pouvoir judiciaire est d’une importance immense pour le public.

 

 

  [souligné dans l’original]

 

 

 

La déclaration modifiée est longue et complexe, mais malgré un examen complet et plusieurs autres analyses rapides de chaque page, je semble avoir négligé [traduction] « l’atteinte malveillante contre l’indépendance du pouvoir judiciaire ». Il se peut néanmoins que l’atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire relève des nombreuses allégations d’ingérence par la Couronne dans la nomination du demandeur à la magistrature et la démission de la mère du demandeur de la magistrature ou des allégations au paragraphe 409 de la déclaration modifiée voulant que le défendeur ait induit la Cour en erreur.


 

  • [43] Le demandeur soutient que puisqu’il n’a pas été contre-interrogé à l’égard de son affidavit, une conclusion défavorable devrait être tirée et sa preuve privilégiée ou même [traduction] « considérée comme étant irréfutable et exacte : dans la plupart des cas, cette dernière observation serait considérée comme étant excessive. Je préfère l’approche adoptée par le juge de la Cour d’appel Stone, s’exprimant pour la Cour d’appel dans Feoso Oil Ltd. c. The Ship Sarla (1995) 184 N.R. 307 où il fait l’observation suivante à propos de l’absence de contre-interrogatoire à l’égard d’un affidavit :

 

[TRADUCTION]

 

En l’espèce, aucune des parties n’a choisi de procéder à un contre-interrogatoire à l’égard de l’affidavit de l’autre partie. Je n’interprète pas les nouvelles Règles comme obligeant absolument les parties à procéder à un contre-interrogatoire, même si à défaut de le faire, l’une des parties peut éventuellement contester la position de l’autre partie sur les questions en raison d’une preuve insuffisante. Cela ne signifierait pas nécessairement un non-respect des Règles, ni ne justifierait en soi qu’une conclusion défavorable soit tirée.

 

 

  [pp. 315-316]

 

 

 


  • [44] Le mieux que l’on puisse probablement dire à propos de l’omission de contre-interroger à l’égard d’un affidavit, est que cela risque de jouer contre la position d’une partie, mais cela dépendrait néanmoins des circonstances de la cause. Dans le cas qui nous intéresse, bien que le demandeur affirme avec force dans son affidavit que le cas est très important et revêt une importance immense pour le public, dans le contexte d’une décision intérimaire au regard des coûts, dans une cause qui est dite d’intérêt public, il c’est à moi qu’incombe la tâche d’en faire l’évaluation. [1] Dans Bande indienne Okanagan (supra) La Cour suprême a considéré la relation entre les coûts intérimaires et les considérations particulières entrant en jeu dans les causes d’intérêt public. À la page 398, le juge LeBel a observé que des questions qui ont une importance, non seulement pour les parties, mais également pour la communauté en général peuvent être servies en facilitant l’octroi de provisions pour frais. Il a fait la distinction entre les litiges ordinaires au civil et les litiges comportant un intérêt pour le public, ces derniers pouvant présenter les circonstances particulières nécessaires pour justifier des provisions pour frais, associant l’importance pour le public aux provisions pour faisant l’observation suivante :

 

Il incombe au tribunal de déterminer, à l’égard de chaque affaire, si une cause donnée peut être désignée comme « particulière » par sa nature même de cause d’intérêt public, est suffisamment particulière pour s’élever au rang auquel il serait approprié d’ordonner d’accorder des provisions pour frais.

 

 

  [pp. 398-399]

 

 

 

Monsieur le juge LeBel a ensuite souligné qu’il avait gardé à l’esprit les différentes considérations, y compris les considérations susmentionnées avant e faire l’observation suivante :

 

[TRADUCTION]

 

J’identifierais les critères qui doivent être présents pour justifier l’attribution de provisions pour frais dans ce genre de cas, comme suit :

 

 

1.   La partie qui demande des frais provisoires ne peut vraiment pas se permettre de payer pour le litige, et aucune autre option réaliste n’existe pour porter les questions en jugement. En résumé, le litige serait impossible si l’ordonnance n’était pas rendue.

 

 

2.   La demande d’arbitrage mérite, de prime abord, d’être instruite; c’est-à-dire que la revendication est, au moins, suffisamment fondée pour dire qu’il est contraire à l’intérêt de la justice que la possibilité de poursuivre l’affaire soit confisquée simplement parce que le plaideur n’a pas les moyens financiers.

 

 

3.   Les questions soulevées transcendent les intérêts individuels du plaideur particulier, sont d’importance publique et n’ont pas été résolues dans le cadre de causes antérieures.

 

 


Ce sont des conditions nécessaires qui doivent être réunies pour que l’attribution de provisions pour frais puisse être considérée dans les cas de ce type. Le fait qu’elles soient respectées dans un cas particulier n’est pas nécessairement suffisant pour établir qu’une décision devrait être rendue; cette décision est à la discrétion du tribunal. Si les trois conditions sont établies, les tribunaux ont une compétence étroite pour ordonner que les frais de la partie impayée soient payés prospectivement. Ces ordonnances devraient être soigneusement rédigées et révisées au cours de la procédure afin d’assurer que les préoccupations relatives à l’accès à la justice sont contrebalancées par la nécessité d’encourager la conduite raisonnable et efficace des litiges, ce qui est également l’un des objectifs des dépens. Lorsqu’ils prennent ces décisions, les tribunaux doivent également tenir compte de la position des défendeurs. L’attribution de provisions pour frais ne doit pas leur imposer un fardeau injuste. Dans le contexte de l’intérêt public, les juges doivent être particulièrement sensibles à la position des plaideurs privés qui peuvent, à certains égards, être pris dans le feu croisé de différends qui, essentiellement, impliquent la relation entre les demandeurs et certaines autorités publiques, ou l’effet des lois d’application générale. À l’intérieur de ces paramètres, le tribunal de première instance a le pouvoir discrétionnaire de déterminer s’il s’agit d’une cause dans laquelle l’intérêt de la justice serait mieux servi en rendant l’ordonnance.

 

 

  [pp. 399-400]

 

 

 

Les points importants ici sont que, bien que les trois conditions : d’abord, une véritable incapacité à payer le litige sans une provision pour frais, deuxièmement, une requête de prime abord fondée juridiquement qui ne sera pas traitée sans provisions pour frais et troisièmement, que les questions soulevées soient d’importance publique, doivent toutes être réunies, mais cela n’entraîne pas automatiquement l’adjudication d’une provision pour frais, car les [traduction] « les tribunaux ont une compétence étroite pour ordonner que les frais de la partie impécunieuse soient payés prospectivement ». En effet, les circonstances doivent être particulières pour justifier l’exercice extraordinaire d’un tel pouvoir discrétionnaire. La Cour suprême du Canada a ajouté que de telles décisions discrétionnaires doivent être fondées sur une évaluation appropriée de la preuve et que, de plus, les critères d’exercice du pouvoir discrétionnaire sont des critères juridiques, le juge LeBel se référant à une décision antérieure de la Cour suprême, Pelech c. Pelech [1987] 1 S.C.R. 801 aux pages 814-815. 

 

Impécuniosité

 

  • [45] Il s’agit ici de déterminer si le demandeur ne peut réellement pas payer pour les litiges, s’il n’a pas d’autre choix réaliste de porter l’affaire devant les tribunaux et que [traduction] « le litige serait irrecevable si l’ordonnance n’était pas rendue. (Bande Indienne Okanagan (précitée) au numéro 399). Aux pages 396 et 397, La Cour suprême présente également la notion d’impécuniosité.

  • [46] Le 15 juillet 2002, le juge Campbell a accordé au demandeur une dispense des frais de dépôt de la déclaration, à la condition que le demandeur y renonce si sa situation économique s’améliorait et que le demandeur fournissait une déclaration sur serment faisant état de son revenu. et les dépenses. L’ordonnance était également explicite en ce que [traduction] « l’allègement pour cause d’impunité accordée par les présentes ne s’étend pas au paiement des frais qui pourraient être accordés par un juge ou un protonotaire de cette Cour. À partir de cette décision du juge Campbell, j’ai conclu que je pourrais examiner plus en détail la situation financière du demandeur.

  • [47] Autant que je puisse déterminer à partir des documents de la déclaration sous serment et du contre-interrogatoire, la mère du demandeur paie le loyer de son logement, ses produits d’épicerie et ses services publics. Le demandeur reçoit des prestations d’aide sociale d’environ 510 $ par mois. Il reçoit également une allocation irrégulière de 60 $ à 120 $ par mois de sa mère. Il est au chômage. Ni lui ni la société demanderesse n’ont aucun actif et la société est effectivement inactive, avec un petit découvert bancaire. Les comptes de Mastercharge et de Visa en souffrance du demandeur s’élèvent à environ 8 000 $. Un jugement de 12 000 $ a été rendu contre lui pour des frais découlant de procédures en Alberta, 3 000 $ ou 4 000 $ dus à la Law Society of Alberta et 2 000 $ ou 3 000 $ dus à la Law Society of British Columbia. Je me tournerai maintenant vers la question de savoir si cela rend le demandeur impécunieux, car il s’agit là d’un terme que la Cour suprême du Canada utilise dans Bande indienne Okanagan (précitée), cependant, et je pense qu’il s’agit là d’un élément plus important, le critère que la Cour suprême du Canada a appliqué dans cet exemple, le demandeur [traduction] « ne peut vraiment pas payer pour le litige, et il n’existe aucune autre option réaliste pour soumettre les questions à un procès ». En bref, le litige serait irrecevable si l’ordonnance n’avait pas été rendue (p. 399).

  • [48] En traitant d’abord de l’impécuniosité, la définition énoncée par le juge Teitelbaum dans Ferguson c. Arctic Transportation Ltd. (1996) 118 F.T.R. 154 à la page 158 est basée sur les définitions de dictionnaire :


 

 


 

 

Après avoir vérifié les faits quant à la situation financière du demandeur, je suis convaincu que l’allégation selon laquelle le demandeur est impécunieux n’est pas fondée. Le New Shorter Oxford English Dictionary sur les principes historiques (Oxford : Clarendon Press, 1993) définit le mot « impécunieux » comme « ayant besoin d’argent, pauvre, sans-le-sou ». L’American Heritage Dictionary définit le mot « impécunieux » comme [TRADUCTION] « le fait d’être en manque d’argent sans-le-sou ». Le mot « impécunieux » est un adjectif pour désigner quelqu’un qui est « pauvre » ou « appauvri » ou « nécessiteux ».

 

 

 

Cela réduit à quelqu’un qui est pauvre, appauvri ou dans le besoin. Dans Ferguson, le demandeur possédait des actifs très importants et disposait d’une retraite substantielle régulière. Il n’était pas impécunieux. Le juge Lemieux a adopté ce passage d’Arctic Transportation dans Fortyn c. Canada (2000) 191 F.T.R. 12, puis a fait référence à Smith Bus Lines Ltd. c. Bank of Montreal (1987) 61 O.R. (2e) 688 (Cdt.), cause dans le cadre de laquelle une partie qui demande une provision pour frais établit de bonnes raisons de croire que l’autre partie n’a pas suffisamment d’actifs, le fardeau de la preuve pour que l’autre partie présente des actifs suffisants pour couvrir les coûts ou alternativement, pour établir l’impécuniosité et l’injustice si l’action n’a pas été autorisée à procéder : certes, cela est dans le contexte d’un cautionnement pour dépens et non de provisions pour frais. Dans Smith Bus Lines, le juge Sutherland a examiné l’impécuniosité dans le contexte des règlements ontariens de cautionnement pour frais : alors que l’examen se déroulait dans le contexte d’une société, les observations sont pertinentes pour établir l’impécuniosité le demandeur doit démontrer qu'il n'est pas en mesure de recueillir un cautionnement pour frais :


Le terme « impecuniosité » n’apparaît pas dans la règle; c’est un terme introduit dans le cadre de l’interprétation juridique de la règle en réponse aux mots « comme c’est juste » dans la partie de la règle stipulant que (sur satisfaction des conditions préalables énoncées) « le tribunal [...] peut faire une telle commander comme c’est juste ». La société plaignante souhaitant être autorisée à poursuivre son action, sans présenter d’actifs suffisants ou sans caution, doit d’abord démontrer une « impécuniosité » signifiant non seulement qu’elle n’a pas suffisamment d’actifs en elle-même, mais qu’elle ne peut pas augmenter la garantie de ses actionnaires et associés, en partie parce que les tribunaux ne veulent pas qu’un défendeur couronné de succès soit effectivement privé des coûts lorsque, par exemple, des actionnaires fortunés ont décidé d’exercer leurs activités et de faire appel à une société-écran. Pour aller sur la voie de l’impécuniosité, le demandeur doit établir par la preuve qu’il ne peut pas constituer une garantie pour frais parce que, si une entreprise privée, ses actionnaires n’ont pas suffisamment d’actifs. Comme exprimé par le juge Reid dans John Wink Ltd. c. Sico Inc. (1987), 57 O.R. (2e) 705 à la p. 709, 15 C.P.C. (2e) 187 : [traduction] « si une ordonnance de sûreté arrête un demandeur dans ses voies, il a disposé de la poursuite ». Pour augmenter l’impécuniosité, il doit y avoir une preuve que si la sécurité est requise, la poursuite sera arrêtée, parce que le montant de la garantie n’est pas seulement non détenu par le demandeur, mais n’est pas disponible pour elle. Ici, il n’y a simplement aucune preuve à cet effet.

 

 

  [p. 704]

 

 

 

Dans Fortyn, le demandeur n’a pas été en mesure d’établir l’impécuniosité en raison d’un manque de preuve établissant cette condition selon la prépondérance des probabilités comme une preuve prima facie.

 

  • [49] En l’espèce, le demandeur a certainement un revenu très modeste qui, d’après un calcul approximatif établi à partir de son contre-interrogatoire par la Couronne, s’élève à environ 21 000 $ par année, y compris le loyer, les services publics et la nourriture payés par sa mère. Cela pourrait bien être nettement inférieur au seuil de pauvreté à Vancouver. Le chiffre de 21 000 $ comprend entre 60 $ et 120 $ par mois payé à titre d’allocation par sa mère et reçoit une aide sociale de 510 $ par mois. Bien que le plaignant puisse avoir besoin d’argent, selon certaines normes, il est loin d’être appauvri ou de manquer d’argent au point d’être sans le sou. Ici, je reconnais également qu’il n’est pas en mesure de recueillir des fonds ou, apparemment, d’obtenir du travail. Cependant, la partie la plus importante de la première partie du critère énoncée par La Cour suprême du Canada est de savoir si le refus de dépens à l’avance aurait comme résultat d’entraver le litige.

  • [50] Le demandeur, qui a suivi une formation d’avocat et a été admis au barreau en Alberta et qui, dans sa déclaration, affirme qu’il demeure membre de la Law Society of Alberta, a réussi à poursuivre son action. Bien qu’il puisse être en mesure de procéder plus rapidement si, comme il l’a demandé dans ses observations, trois avocats de la Reine l’assistent, rien dans les documents n’indique qu’il serait incapable de poursuivre le litige s’il n’y avait pas d’ordonnance de frais à l’avance ont été faites.


 

 

Réclamation méritoire de prime abord

 

  • [51] La Cour suprême de la Bande d’Okanagan a pour raison d’être que si la demande est suffisamment fondée, il serait contraire à l’intérêt de la justice si le demandeur n’a pas eu l’occasion de poursuivre l’affaire faute de ressources financières. Comme je l’ai déjà souligné plus haut, la notion de mérite signifie, entre autres, un cas qui mérite ou mérite d’être pris en considération. Le mérite est une qualité intrinsèque, une qualité louable, l’excellence et un cas généralement avec de bons points. Cependant, toute conclusion de mérite, à ce stade interlocutoire, ou inversement, un manque de mérite n’est nullement une prédétermination que le cas doit être soit un cas gagnant, soit, au contraire, un cas perdant. Il s’agit simplement de déterminer si l’affaire a des qualités intrinsèques louables, et non une détermination des problèmes eux-mêmes.

  • [52] Il m’appartient certainement de déterminer le bien-fondé de la demande modifiée, mais je devrais aussi me laisser guider, dans une certaine mesure, par l’opinion de la Cour d’appel fédérale quant au bien-fondé de la demande initialement déposée. Comme je l’ai indiqué plus haut, la déclaration initiale, en ce qui concerne la déclaration modifiée, comme le ferait un bref d’ouverture de procédure, se rapporte à une déclaration expliquant et particularisant l’affaire. Ici, j’observe que le Juge en chef adjoint Lutfy, comme il l’était alors, en refusant d’avance les dépens par une ordonnance du 11 septembre 2002, a noté que :

 


 

À la satisfaction de la Cour que la preuve du demandeur proposée à l’appui de cette requête, pour ses considérations personnelles et familiales et les questions de droit et de fait qu’il a l’intention d’affirmer dans son action, et ses arguments écrits et verbaux de respecter le seuil des « circonstances exceptionnelles ou uniques », « un cas d’une grande importance publique » ou « une cause type » tel qu’établi dans la jurisprudence qu’il invoque : Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) c. Bande indienne d’Okanagan (2001), 95 BCLR (3e) 273 (CA.), [2001] B.C.J. No 2279 (QL), 2001 BCCA 647 aux paragraphes 14, 37 et 39; et Premières nations Xeni Gwet’in c. Colombie-Britannique, 2002 BCCA 434, [2002] B.C.J. no 1652 (QL) au paragraphe 32;

 

 

 

Le juge en chef adjoint a donc estimé que la déclaration initiale n’était pas une affaire type exceptionnelle ou unique d’une grande importance publique. Le 24 mars 2003, la Cour d’appel, confirmant l’avis du juge en chef adjoint en écrivant :

 

Il semble que les tribunaux de la Colombie-Britannique ont ordonné des dépens avant le procès dans les affaires impliquant la Couronne en tant que partie : Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) c. Bande indienne d’Okanagan (2001), 95 B.C.L.R. (3e) 273 (C.A.) et Premières Nations Xeni Gwet'in c. Colombie-Britannique, 2002 B.C.C.A. 434. Il a été constaté que ces cas impliquaient des circonstances exceptionnelles ou uniques et constituaient des cas d’une grande importance pour le public ou des cas types. Aux fins du présent appel, nous sommes prêts à présumer, sans décider, que notre Cour a compétence pour adjuger les dépens avant le procès.

 

 

Après avoir examiné attentivement le dossier dont nous sommes saisis et les observations de l’appelante, nous ne sommes pas convaincus que le juge des requêtes a commis une erreur en concluant qu’il ne s’agit pas d’une affaire justifiant une ordonnance de dépens avant le procès.

 

 

 


Ici, la Cour d’appel affirme clairement que la déclaration initiale ne justifiait pas une provision pour frais. Les avis du juge en chef adjoint et de la Cour d’appel sont, en un certain sens, un amalgame d’observations, touchant au fondement juridique et à l’importance de la cause.

 

  • [53] En considérant plus strictement le fondement, j’ai attentivement lu la déclaration, y compris en faisant des allers-retours entre divers paragraphes afin d’en évaluer la valeur intrinsèque, la qualité et toute indication d’excellence ou de points positifs. En évaluant la déclaration, j’ai ignoré des éléments manifestement non pertinents, en grande partie des éléments, qui ne se rapportent ni à la réclamation du demandeur ni à celle de sa société, mais qui comprennent également des réclamations que d’autres pourraient avoir. Une grande partie de la déclaration modifiée est invraisemblable, au-delà de ce que l’on peut raisonnablement attendre et l’on se doit d’y accorder peu d’importance.

  • [54] Le demandeur écrit assez clairement, mais une bonne plume ne peut faire d’une prétention, qui est au moins en grande partie improbable et farfelue, une revendication de mérite qui mérite ou mérite d’être examinée dans le contexte d’une requête visant l’obtention de provisions pour frais.

 

 

Importance pour le public de la demande de réclamation

 

  • [55] La Cour suprême du Canada, dans Bande indienne Okanagan (supra), indique que dans le cadre d’une demande de provision pour frais le tribunal doit considérer si les questions soulevées transcendent les intérêts de la partie désignée pour devenir des questions d’importance publique n’ont pas été résolues dans les causes antérieures.

  • [56] J’ai de la difficulté à faire valoir les intérêts de la demanderesse dans des intérêts d’importance publique.

  • [57] La première difficulté substantielle que j’éprouve avec la présente action, en ce qui a trait à soulever des questions qui transcendent celles du demandeur pour qu’elles puissent revêtir une importance pour le public, est que le demandeur a déployé beaucoup d’efforts pour occulter le litige à la vue du public. Le demandeur a obtenu une ordonnance, avant le dépôt de la déclaration initiale, enjoignant au greffe de conserver deux dossiers distincts, l’un contenant tous les documents, d’autre part, le fichier devant être gardé confidentiel; et un deuxième dossier, contenant des documents en double ne contenant pas d’informations concernant l’identité du demandeur. Dans le dossier confidentiel conservé par la Cour dans un coffre-fort, la déclaration modifiée est scellée, soi-disant pour la garder de la curiosité de membres du personnel de la Cour. Ce secret, de la part du demandeur, est tout à fait compréhensible lorsqu’on considère le contenu et les allégations, tant de la Couronne que de différentes personnes, formulées dans la déclaration modifiée par le demandeur. Une telle procédure secrète peut avoir peu ou pas d’avantages, d’utilisation ou d’importance pratique pour le public.

  • [58] Deuxièmement, la déclaration modifiée ne comporte réellement aucun intérêt pour le public. La déclaration modifiée en elle-même intéresserait probablement les amateurs de théories du complot dénués de sens critique dans le public, mais elle ne comporte ni les fondements ni les éléments de recherche nécessaires pour faire de questions qui revêtent une importance dans l’esprit du demandeur des questions d’importance pour le public.

  • [59] Il ne semble y avoir aucun élément d’importance pour le public à porter en litige ou à résoudre et le point soulevé par la Cour suprême quant à la résolution de de questions d’importance pour ne public n’ayant pas déjà été résolues n’entre donc pas en compte.

  • [60] La réclamation, comme elle est établie dans la très longue déclaration a beau revêtir une très grande importance, voire représenter un intérêt majeur pour le demandeur, mais ne va guère plus loin et n’atteint certainement pas la sphère publique comme présentant un intérêt ou une importance pour le public.


 

 

 

 

 

 

CONCLUSION

 

  • [61] La présente requête visant à obtenir une provision pour frais a rigoureusement été examinée, dans son argumentation verbale et écrite au moyen de documents fournis subséquemment par le demandeur.

  • [62] La requête des demandeurs visant à obtenir une provision pour frais est rejetée.

  • [63] Les dépens, en fonction du tarif de la Cour fédérale, mais en un montant forfaitaire, sont fixés à 2 000 $, payables par les demandeurs au défendeur.

 

 

 

(Sgd.) « John A. Hargrave »

  Protonotaire


  COUR FÉDÉRALE

 

  AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

DOSSIER :    T -1114-02

 

INTITULÉ :    Mark Doe et al. c. SMR

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :   Vancouver, Colombie-Britannique

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 25 mars 2004

 

MOTIFS DU JUGEMENT :  Le juge P. HARGRAVE

 

DATE DES MOTIFS :  Le 20 avril 2005

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Mark Doe  POUR LE DEMANDEUR

 

Mme Keitha Richardson  POUR LE DÉFENDEUR

M. Malcolm Palmer

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

M. John H. Sims, c.r,    POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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