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Date : 20060227

Dossier : T‑92‑06

Référence : 2006 CF 257

 

ENTRE :

EMBALLAGES RICHARDS INC.

 

demanderesse

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

LE PROTONOTAIRE MORNEAU

 

[1]               Il s'agit d'une requête formée par Distrimedic Inc. (Distrimedic) en vue d'obtenir une ordonnance l'autorisant à se constituer codéfendeur en vertu des alinéas 104(1)b) et 303(1)a) des Règles des Cours fédérales (les Règles), ou, subsidiairement, à intervenir sous le régime de leur article 109, dans une demande de contrôle judiciaire déposée par la demanderesse, Emballages Richards Inc. (la demanderesse Richards ou Richards), à l'égard d'une décision en date du 20 décembre 2005 par laquelle le commissaire aux brevets a refusé d'enregistrer un document censé être un acte de renonciation que lui avait communiqué la demanderesse Richards le ou vers le 8 novembre 2005 relativement à son brevet 2,207,045 intitulé « Ensemble et procédé pour la fabrication d'un jeu de contenants individuels pour pilules ».

[2]               Le seul défendeur constitué par la demanderesse Richards dans sa demande de contrôle judiciaire (la demande) est le procureur général du Canada.

[3]               L'avocat du procureur général du Canada a avisé la Cour à l'audience de la présente requête que son client appuie la requête de Distrimedic.

Contexte

 

[4]               Afin de bien comprendre la volonté de Distrimedic de se constituer codéfendeur dans la demande et son intérêt à l'être, il faut tenir compte des faits et événements suivants.

[5]               Le ou vers le 26 septembre 2005, Distrimetric a déposé dans le dossier de la Cour T‑1591‑05 une déclaration contre, entre autres, la demanderesse Richards, par laquelle elle sollicitait, sous le régime du paragraphe 60(2) de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4, modifiée, une décision déclarative comme quoi son produit ne contrefait pas le brevet 2,207,045 de ladite demanderesse, soit le brevet en cause.

[6]               Le ou vers le 8 novembre 2005 (donc avant de déposer sa défense dans le dossier T‑1591‑05), Richards a adressé au commissaire aux brevets ce qu'elle estimait être un acte de renonciation sous le régime du paragraphe 48(2) de la Loi sur les brevets, concernant le brevet en cause dans le dossier T‑1591‑05.

[7]               Nous reproduisons ici les passages pertinents de l'article 48 de la Loi sur les brevets :

48. (1) Le breveté peut, en acquittant la taxe réglementaire, renoncer à tel des éléments qu'il ne prétend pas retenir au titre du brevet, ou d'une cession de celui-ci, si, par erreur, accident ou inadvertance, et sans intention de frauder ou tromper le public, dans l'un ou l'autre des cas suivants:

 

a)  il a donné trop d'étendue à son mémoire descriptif, en revendiquant plus que la chose dont lui-même, ou son mandataire, est l'inventeur;

 

b)  il s'est représenté dans le mémoire descriptif, ou a représenté son mandataire, comme étant l'inventeur d'un élément matériel ou substantiel de l'invention brevetée, alors qu'il n'en était pas l'inventeur et qu'il n'y avait aucun droit.

 

 

 

 

      (2) L'acte de renonciation est déposé selon les modalités réglementaires, notamment de forme.

 

      (3) [Abrogé, 1993, ch. 15, art. 44.]

 

 

      (4) Dans toute action pendante au moment où elle est faite, aucune renonciation n'a d'effet, sauf à l'égard de la négligence ou du retard inexcusable à la faire.

 

(...)

48. (1) Whenever, by any mistake, accident or inadvertence, and without any wilful intent to defraud or mislead the public, a patentee has

 

(a)  made a specification too broad, claiming more than that of which the patentee or the person through whom the patentee claims was the inventor, or

 

(b)  in the specification, claimed that the patentee or the person through whom the patentee claims was the inventor of any material or substantial part of the invention patented of which the patentee was not the inventor, and to which the patentee had no lawful right,

 

the patentee may, on payment of a prescribed fee, make a disclaimer of such parts as the patentee does not claim to hold by virtue of the patent or the assignment thereof.

 

      (2) A disclaimer shall be filed in the prescribed form and manner.

 

 

      (3) [REPEALED: S.C. 1993, c. 15, s. 44.]

 

      (4) No disclaimer affects any action pending at the time when it is made, unless there is unreasonable neglect or delay in making it.

 

(...)

 

 

                        (Non souligné dans l'original.)

[8]               Le ou vers le 1er décembre 2005, Richards a déposé dans le dossier T-1591‑05 une défense et demande reconventionnelle où elle soutenait, entre autres, que le produit de Distrimetric contrefait bel et bien le brevet en cause.

[9]               Cependant, par décision en date du 20 décembre 2005, le commissaire aux brevets a fait savoir à l'avocat de Richards que le document présenté comme un acte de renonciation ne pouvait être considéré comme tel, qu'il était donc refusé et que le Bureau des brevets n'avait pas inscrit la correction qui y était demandée, entre autres, à la revendication indépendante no 15 du brevet en cause.

[10]           Nous reproduisons ici les passages pertinents de la décision du commissaire en date du 20 décembre 2005 :

[traduction]

Le Bureau des brevets a reçu le 8 novembre 2005 de la société Emballages Richards Inc. une lettre où elle demandait l'enregistrement d'un acte de renonciation relativement au brevet 2,207,045.

Le paragraphe 49(2) [sic] de la Loi sur les brevets dispose que l'acte de renonciation doit être déposé selon les modalités réglementaires, notamment de forme.

Dans la formule 2 qu'il a communiquée, le breveté a rempli la section 3(2), soit la section à remplir lorsque le breveté souhaite renoncer seulement à une partie d'une revendication. Or, dans le cas qui nous occupe, le breveté renonce dans la section 3(2) à l'intégralité des revendications 15 à 21, exception faite de ce qu'il présente comme un objet de portée plus restreinte. Cependant, après examen du présumé acte de renonciation, cela ne semble pas être le cas.

La partie c) de la revendication indépendante no 15 est plus restreinte sous sa forme modifiée qu'elle ne l'était dans la première version du brevet, mais l'introduction de l'expression [traduction] « moyen d'engagement » après la partie d) a pour effet de rendre la portée de l'ensemble de la revendication plus large qu'à l'origine. La première version de la revendication portait [traduction] « au moins un trou » et [traduction] « au moins un autre trou, dimensionné et placé de manière à correspondre à ladite protubérance et à y en permettre l'engagement ». Or, l'expression « moyen d'engagement » peut désigner d'autres objets qu'un trou (au sens d'ouverture pratiquée de part en part), par exemple une cavité ou un enfoncement.

Il s'ensuit que la modification de la revendication 15 aurait pour effet d'élargir la portée des revendications du brevet telles qu'elles ont été acceptées. Par conséquent, la formule 2 de Richards ne peut être considérée comme un acte de renonciation et est à ce titre refusée.

Pour les motifs exposés plus haut, la correction demandée n'a pas été inscrite.

 

[11]           Par suite de cette décision, la demanderesse Richards a déposé la présente demande le ou vers le 18 janvier 2006. Elle y sollicite un bref de mandamus ordonnant au commissaire d'enregistrer la renonciation, ainsi qu'une décision déclarative comme quoi l'acte de renonciation a été déposé le 8 novembre 2005 et prend effet à partir de cette date.

Analyse

 

[12]           L'article 104 et l'alinéa 303(1)a) des Règles sont libellés comme suit :

104. (1) La Cour peut, à tout moment, ordonner :

a) qu’une personne constituée erronément comme partie ou une partie dont la présence n’est pas nécessaire au règlement des questions en litige soit mise hors de cause;

b) que soit constituée comme partie à l’instance toute personne qui aurait dû l’être ou dont la présence devant la Cour est nécessaire pour assurer une instruction complète et le règlement des questions en litige dans l’instance; toutefois, nul ne peut être constitué codemandeur sans son consentement, lequel est notifié par écrit ou de telle autre manière que la Cour ordonne.

 

(2) L’ordonnance rendue en vertu du paragraphe (1) contient des directives quant aux modifications à apporter à l’acte introductif d’instance et aux autres actes de procédure.

104. (1) At any time, the Court may

(a) order that a person who is not a proper or necessary party shall cease to be a party; or

(b) order that a person who ought to have been joined as a party or whose presence before the Court is necessary to ensure that all matters in dispute in the proceeding may be effectually and completely determined be added as a party, but no person shall be added as a plaintiff or applicant without his or her consent, signified in writing or in such other manner as the Court may order.

 

 

 

(2) An order made under subsection (1) shall contain directions as to amendment of the originating document and any other pleadings.

 

303. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le demandeur désigne à titre de défendeur :

a) toute personne directement touchée par l’ordonnance recherchée, autre que l’office fédéral visé par la demande;

303. (1) Subject to subsection (2), an applicant shall name as a respondent every person

(a) directly affected by the order sought in the application, other than a tribunal in respect of which the application is brought; or

 

                        (Non souligné dans l'original.)

 

[13]           En disposant que la Cour peut ordonner que soit constituée comme partie à l'instance toute personne qui aurait dû l'être, l'alinéa 104(1)b) nous renvoie en fait à l'alinéa 303(1)a), qui fait obligation à l'auteur d'une demande de contrôle judiciaire de désigner à titre de défendeur toute personne directement touchée par l'ordonnance sollicitée. Autrement dit, le demandeur doit désigner à titre de défendeur toute personne qui sera directement touchée par la décision qu'on rendra sur sa demande.

[14]           Ladite décision, pour ce qui concerne la présente instance, aura en fin de compte pour effet de faire accepter et enregistrer par le commissaire la renonciation de la demanderesse Richards, ou de confirmer son refus de le faire.

[15]           L'acceptation possible de la renonciation ne peut qu'influer directement sur les droits de Distrimedic, puisqu'elle a intenté son action contre Richards en invoquant le libellé du brevet en cause dans son état antérieur à la communication de l'acte de renonciation. Inversement, il apparaît que Richards a invoqué le contenu de son acte de renonciation comme moyen dans la demande reconventionnelle où elle soutient que Distrimedic contrefait son brevet.

[16]           Sous ce rapport, la présente espèce doit être distinguée des démarches fondées seulement sur la valeur de précédent d'une affaire.

[17]           Le fait que Distrimedic puisse contester la renonciation dans sa défense à la demande reconventionnelle, si elle est acceptée et quand elle le sera, ne lui interdit pas de se constituer codéfendeur dans la demande.

[18]           La demande n'en est encore qu'à ses premières étapes, et les questions qui y sont en litige n'ont pas encore été réunies. Ces questions pourraient se révéler plus larges que ne l'affirme la demanderesse Richards, selon laquelle la demande mettra principalement en jeu des thèses sur le point de savoir si le commissaire a commis des erreurs de droit et a manqué à ses obligations envers elle sous le régime de la Loi sur les brevets. À ce propos, la position de la demanderesse Richards semble être que le commissaire n'est pas habilité par la législation applicable à statuer sur la validité légale d'une renonciation.

[19]           En ce qui concerne le fait que le procureur général du Canada est déjà constitué partie défenderesse dans la demande, je souscris entièrement aux propositions suivantes de Distrimedic selon lesquelles cette constitution est insuffisante vu les circonstances de l'affaire :

30.           La défenderesse Attorney General of Canada n’a pas les mêmes intérêts que la requérante Distrimedic Inc. dans la demande de contrôle judiciaire et on ne peut donc dire qu’elle pourra convenablement représenter les intérêts de Distrimedic Inc. ou qu’elle formulera les arguments applicables à la situation de Distrimedic Inc., surtout en ce qui a trait à la date de prise en effet de la renonciation si elle est jugée valide, ce que Distrimedic Inc. conteste.

31.           Comme l’explique le juge Dubé dans Commissaire à l’information, il ne faut pas présumer que la défenderesse Attorney General of Canada protégera les intérêts de Distrimedic Inc. dans la demande de contrôle judiciaire :

Pour le moment, il suffit de décider si NAV CANADA est directement touchée par l’ordonnance recherchée dans la demande, et, à mon avis, c’est le cas : par conséquent, elle est autorisée à comparaître à titre de défenderesse. On ne peut présumer que le Bureau de la sécurité des transports protégera les intérêts de NAV CANADA.

·         Canada (Commissaire à l’information) c. Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transports et de la sécurité des transports, [2001] A.C.F. no 978; 13 C.P.R. (4e) 308 (C.F.), confirmé [2002] A.C.F. n199 (C.A.F.) aux paras. 16.

(Souligné par Distrimedic.)

[20]           Vu la jurisprudence de la Cour touchant la constitution comme partie à une instance [voir Nu-Pharm Inc. c. Procureur général du Canada et al. (2001), 14 C.P.R. (4th) 280, aux pages 286 et suivantes, et la décision y examinée Apotex Inc. c. Canada (Procureur général) (1993), 48 C.P.R. (3d) 54, aux pages 57 et 58], j'estime que Distrimedic est directement et légitimement concernée par l'issue de la demande. Par conséquent, en vertu de mon pouvoir discrétionnaire, j'autorise Distrimedic à se constituer codéfendeur dans la demande.

[21]           Comme j'ai autorisé Distrimedic à se constituer partie, il n'est pas nécessaire que j'examine la question sous le régime de l'article 109 des Règles.

 

« Richard Morneau »

Protonotaire

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

 

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


 

DOSSIER :

 

INTITULÉ :

T‑92‑06

 

EMBALLAGES RICHARDS INC.

 

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 


 

LIEU DE L'AUDIENCE :                          MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                        LE 20 FÉVRIER 2006

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :           LE PROTONOTAIRE MORNEAU

 

DATE DES MOTIFS :                               LE 27 FÉVRIER 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 


Dale E. Schlosser

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

 

André Lespérance

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 


George R. Locke

Louis Gratton

 

POUR DISTRIMETRIC INC.

 

 

 


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 


Lang Michener LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 


Ogilvy Renault

Montréal (Québec)

 

POUR DISTRIMETRIC INC.


 


 

 

Date : 20060227

Dossier : T‑92‑06

Montréal (Québec), le 27 février 2006

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE PROTONOTAIRE MORNEAU

 

ENTRE :

EMBALLAGES RICHARDS INC.

 

demanderesse

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.         Distrimedic Inc. est constituée codéfendeur dans la présente demande.

 

2.         L'intitulé de la cause sera désormais le suivant :


EMBALLAGES RICHARDS INC.

demanderesse

 

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

et

DISTRIMEDIC INC.

défendeurs

 

 

3.         La défenderesse Distrimedic Inc. signifiera et déposera au plus tard le 20 mars 2006, sous les régimes respectifs des articles 305 et 307 des Règles, son avis de comparution et les affidavits qu'elle entend utiliser. Pour simplifier les choses et synchroniser les démarches des deux défendeurs, la Cour ordonne au procureur général du Canada de signifier et de déposer au plus tard à la même date les affidavits qu'il entend lui-même utiliser.

 

4.         Les dépens afférents à la présente requête suivront l'issue de la cause.

 

« Richard Morneau »

Protonotaire

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

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