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     Date : 19990224

     Dossier : IMM-3349-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 24 FÉVRIER 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CULLEN

ENTRE :

     KAM POR PETER LOUIE LUI,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision par laquelle l'agente des visas a rejeté la demande présentée par le demandeur afin d'obtenir le droit d'établissement au Canada est annulée et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas en vue d'un réexamen. Je suis convaincu que l'espèce ne se prête pas à une attribution des dépens.

                                 B. Cullen

                                         J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.

     Date : 19990224

     Dossier : IMM-3349-98

ENTRE :

     KAM POR PETER LOUIE LUI,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE CULLEN

LES FAITS

[1]      Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision en date du 3 juin 1998 par laquelle une agente des visas à l'emploi du défendeur (l'agente) a rejeté la demande présentée par le demandeur afin d'obtenir le droit d'établissement au Canada.

LA DÉCISION DE L'AGENTE DES VISAS

[2]      L'agente a apprécié la demande, qui a été présentée dans la catégorie des requérants indépendants, en fonction de la profession de surveillant, électroniciens d'entretien (CNP 2242). Le demandeur n'a pas obtenu le nombre minimum de points d'appréciation requis, soit 70 points. L'agente a déclaré qu'elle n'était pas convaincue que le demandeur remplissait les conditions d'accès à sa profession envisagée, soit entrepreneurs/entrepreneuses et contremaîtres/contremaîtresses en mécanique (CNP 7216) et, pour cette raison, elle n'a pas été en mesure de l'apprécier en tant que tel. Elle a affirmé qu'il n'y avait, dans la demande, aucune autre profession dans laquelle le demandeur ou sa femme possédait des compétences ou de l'expérience et qui permettrait d'accepter la demande.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[3]      1. L'agente des visas a-t-elle commis une erreur en attribuant seulement dix points d'appréciation pour les études?

[4]      2. L'agente de visas a-t-elle commis une erreur en concluant que la profession CNP 7261 ne comprenait pas les contremaîtres de réparateurs de machines de bureau alors que la table de conversion de la CNP convertit l'ancienne profession de contremaître de réparateurs de machines de bureau (CCDP 8580-126) en entrepreneurs/entrepreneuses et contremaîtres/contremaîtresses en mécanique (CNP 7216)?

[5]      3. L'agente des visas a-t-elle commis une erreur en déclarant que le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences de formation d'un contremaître de réparateurs de machines de bureau parce qu'il ne possédait pas un certificat de qualification provincial?

ARGUMENTATION

Le demandeur

[6]      Le demandeur soutient que l'agente a commis une erreur en lui attribuant dix points d'appréciation au lieu de treize pour les études, soit le facteur prévu à l'article 1(1)c)(ii) de l'annexe I du Règlement sur l'immigration. Le demandeur affirme qu'il est titulaire d'un diplôme en administration des affaires de la Hong Kong Polytechnic University. L'admission à ce programme d'études exigeait un diplôme d'études secondaires, soit la formule 6 ou 7.

[7]      Le demandeur soutient qu'il aurait dû être apprécié en fonction de la profession de contremaître de réparateurs de machines de bureau (CCDP 8580-126) puisque les tables de conversion de la CNP montrent que la profession CNP 7216 correspond à cette catégorie de la CCDP. Le demandeur invoque l'affaire Chan c. Ministre (1997), IMM-506-97, au soutien de la proposition que l'agente des visas doit, en toute équité, apprécier un demandeur en fonction d'une autre profession pour laquelle il possède les compétences voulues.

[8]      Le demandeur soutient que l'agente a commis une erreur en concluant que le demandeur ne possédait pas les compétences voulues pour exercer la profession CNP 7216 étant donné qu'il possédait au moins dix années d'expérience comme surveillant à temps plein de réparateurs de machines de bureau au moment de l'entrevue. De plus, il soutient que les fonctions de son poste de surveillant et de gérant comprenaient notamment la surveillance, la coordination et la planification des activités des travailleurs qui réparent et entretiennent des imprimantes; la commande de matériel et de fournitures; la formation des travailleurs ou la prise d'arrangements dans ce but et la préparation de rapports de production et d'autres rapports.

[9]      Le demandeur soutient que l'agente des visas a déclaré que le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences de formation applicables à un contremaître de réparateurs de machines de bureau parce qu'il ne possédait pas un certificat de qualification provincial. Le demandeur soutient qu'on ne mentionne nulle part dans la CNP qu'un certificat de qualification provincial existe pour l'emploi de contremaître de réparateurs de machines de bureau. Le demandeur soutient qu'il a fait un stage technique de deux ans chez Jardine Office Systems, qu'il est titulaire de plusieurs certificats d'études connexes et qu'il possède une expérience technique de huit ans de manière à satisfaire aux exigences de formation applicables à la profession de contremaître de réparateurs de machines de bureau ou à remplir les conditions d'accès à cette profession.

Le défendeur

[10]      Le défendeur soutient que la Cour ne devrait pas intervenir lorsque l'agent a exercé le pouvoir que lui confère la loi de bonne foi et, s'il y a lieu, en conformité avec les principes de justice naturelle, et lorsqu'il n'a tenu aucun compte de considérations dénuées de pertinence ou étrangères à l'objet de la loi : To c. M.E.I. (C.A.F., 22 mai 1996, A-172-93).

[11]      Le défendeur prétend que la preuve versée au dossier n'indique pas que le demandeur est titulaire d'un diplôme qui rend admissible à des études universitaires dans le pays où il a été obtenu. Il soutient que l'agente des visas n'a pas commis d'erreur susceptible de révision en n'attribuant pas treize points au demandeur pour les études.

[12]      Selon le défendeur, rien ne permet de conclure que l'agente a rejeté la demande au motif que le demandeur ne possédait pas un certificat provincial dans la profession envisagée. Il soutient que l'agente n'a pas soulevé ce point dans sa lettre de rejet et que, dans ses notes, elle fait remarquer qu'" un certificat de qualification provincial dans un métier correspondant est exigé " dans la description de la catégorie d'emploi des entrepreneurs/entrepreneuses et contremaîtres/contremaîtresses en mécanique prévue dans la CNP.

[13]      Le défendeur affirme que l'agente a apprécié le demandeur en fonction de la profession de surveillant, électroniciens d'entretien. Elle a conclu que le demandeur était apte à exercer cette profession. Le défendeur prétend que le demandeur n'a pas obtenu un nombre suffisant de points pour obtenir le droit d'établissement dans le cadre de son appréciation en fonction de cette autre profession.

ANALYSE

[14]      L'avocat du demandeur a fait remarquer que le défendeur n'a produit aucun affidavit en l'espèce. Il invoque plusieurs décisions dans lesquelles la valeur probante des notes prises à l'entrevue par un agent des visas et déposées en preuve de cette façon n'a pas été reconnue : Wang c. Canada (1991), 2 C.F. 165 (C.A.); Fung c. Canada (1991) 121 N.R. 263 (C.A.F.); Gaffney c. Canada (1991), 12 Imm. L.R. (2d) 185 (C.A.F.). Indépendamment de ces notes, j'ai conclu que l'agente des visas a tiré des conclusions de fait erronées sans tenir compte de la preuve dont elle disposait pour déterminer le nombre de points à attribuer au demandeur pour les études et pour conclure que le demandeur ne répondait pas aux conditions d'accès à la profession envisagée de contremaîtres/contremaîtresses et entrepreneurs/entrepreneuses en mécanique (CNP 7216). Pour ces motifs, sa décision doit être rejetée.

[15]      L'agente a commis une erreur en attribuant au demandeur dix points seulement pour les études. La traduction des conditions d'admission au programme d'études pour lequel il possède un diplôme (la pièce C de l'affidavit du demandeur) montre qu'une admission était possible avec un diplôme d'études secondaires et trois années d'expérience OU en remplissant les conditions d'admission à l'université ou en réussissant le Hong Kong Advanced Level Exam et en ayant travaillé pendant deux ou plusieurs années. Bien que l'obtention d'un diplôme d'études secondaires ne soit pas une condition d'admission, il s'agit d'une voie d'accès au programme quand on le combine à une expérience de travail. Par conséquent, il ressort de cet élément de preuve que le diplôme obtenu par le demandeur devrait être considéré comme un " diplôme [qui] exige un diplôme d'études secondaires visé au sous-alinéa b )(ii) ", de sorte que le demandeur aurait dû obtenir treize points en vertu de l'article I(1)c )(ii) de l'annexe I.

[16]      Le défendeur soutient que le moyen que le demandeur tire des tables de conversion CCDP-CNP signifie que dans l'avenir, bien après que la CCDP ne sera plus qu'un lointain souvenir, les agents chargés de l'examen des demandes du droit d'établissement seront obligés de consulter cet index, qui se veut simplement un outil durant la période de transition à la CNP. La table de conversion n'est pas le seul élément sur lequel je me fonde pour conclure que l'agente a commis une erreur. Toutefois, il s'agit d'un facteur dont j'ai tenu compte pour parvenir à la conclusion que l'agente a commis une erreur en concluant que le demandeur ne répondait pas aux conditions d'accès à la profession CNP 7216.

[17]      L'agente n'a peut-être pas jugé que le statut du demandeur en tant que contremaître de réparateurs de machines de bureau constituait un " métier correspondant " au sein du groupe CNP 7216. Toutefois, ainsi que l'a fait remarquer le demandeur, la table de conversion de la CCDP à la CNP indique que la catégorie CCDP 8580-126 (Contremaître de réparateurs de machines de bureau), à laquelle le demandeur appartient, devient la catégorie CNP 7216.

[18]      Les conditions d'accès à la profession CNP 7216 sont exposées à la page 29 du dossier de la demande du demandeur. Ainsi qu'il vient d'être mentionné, le demandeur a terminé un programme d'études dont l'une des conditions préalables était l'obtention d'un diplôme d'études secondaires. L'agente a été saisie d'éléments de preuve concernant l'emploi de technicien occupé par le demandeur de 1979 à 1988 chez Jardine Office Systems qui étaient suffisants pour prouver le demandeur remplissait la condition d'accès à la profession suivante : " plusieurs années d'expérience en tant qu'ouvrier qualifié dans un métier correspondant ". Qui plus est, l'agente n'a pas été saisie d'éléments de preuve indiquant qu'un certificat provincial est exigé pour travailler comme réparateur de machines de bureau.

[19]      Prises conjointement, ces erreurs montrent que la décision de l'agente est fondée sur des conclusions de fait erronées qu'elle a tirées sans tenir compte de la preuve dont elle disposait.

CONCLUSION

[20]      La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision par laquelle l'agente des visas a rejeté la demande présentée par le demandeur afin d'obtenir le droit d'établissement au Canada est annulée et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas en vue d'un réexamen. Je suis convaincu que l'espèce ne se prête pas à une attribution des dépens.

                                 B. Cullen

                                         J.C.F.C.

OTTAWA (ONTARIO)

Le 24 février 1999

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     NOMS DES AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :                  IMM-3349-98

INTITULÉ :                          KAM POR PETER LOUIE LUI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 27 janvier 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE CULLEN

EN DATE DU :                      24 février 1999

COMPARUTIONS :

Cecil L. Rotenberg                          POUR LE DEMANDEUR

Davis Tyndale                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cecil L. Rotenberg                          POUR LE DEMANDEUR

Don Mills (Ontario)

Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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