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Date : 20020718

Dossier : T-906-00

Référence neutre : 2002 CFPI 799

Ottawa (Ontario), le jeudi 18 juillet 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

ENTRE :

                                          ARMONIKOS CORPORATION LTD.

                                                                                                                                     demanderesse

                                                                            et

                                          LE SASKATCHEWAN WHEAT POOL

                                                                                                                                           défendeur

                                                    MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DAWSON


[1]                 Dans cette action, il s'agit de savoir si, le 20 avril 2000, une charte-partie a été conclue entre les parties par leurs courtiers respectifs, la demanderesse s'engageant à louer et le défendeur s'engageant à affréter l' « ARMONIKOS » . La demanderesse affirme qu'une charte-partie a été établie ou conclue alors que, selon le défendeur, aucune charte-partie n'a été conclue parce qu'il n'y a pas eu accord de volonté sur une condition importante, à savoir si le navire était certifié par la Fédération internationale des ouvriers du transport (la FIOT).

LES FAITS

[2]                 La demanderesse Armonikos Corporation Ltd. est propriétaire de l' « ARMONIKOS » . Avant que les événements qui sont ici en cause se soient produits, l' « ARMONIKOS » , qui était ballasté, avait traversé l'Atlantique depuis Amsterdam dans l'espoir de trouver de l'emploi en Amérique du Nord. Après avoir mouillé au large des côtes de Terre-Neuve, il a été ordonné au navire de se rendre à Montréal et ensuite dans la Voie maritime du Saint-Laurent; le navire a finalement été envoyé à Thunder Bay parce que le propriétaire considérait qu'il était avantageux pour le navire sur le plan commercial d'être dans cette région au début de la saison de navigation.

[3]                 Le navire était représenté en Amérique du Nord par un courtier maritime, Scandia Shipping Agencies (Scandia), de Montréal. Le mandant de Scandia était, et est, M. Stavros Stavrinidis, qui a personnellement mené la plupart des négociations pour le compte de l' « ARMONIKOS » . Avant ces négociations, Scandia avait annoncé l' « ARMONIKOS » et sa disponibilité parmi les courtiers et les affréteurs en vue de tenter de trouver de l'emploi pour le navire.


[4]                 Le Saskatchewan Wheat Pool (parfois appelé le Wheat Pool ou SWP) est une coopérative publique qui commercialise des produits céréaliers partout au monde. Son courtier de fret exclusif était CTL Westrans (CTL), de Vancouver. M. Paul Varley était l'employé de CTL qui a mené les négociations pour le compte du Wheat Pool.

[5]                 La FIOT est une organisation formée de syndicats d'ouvriers du transport qui cherche à améliorer les conditions de travail applicables aux marins. L'exigence selon laquelle un navire doit être [TRADUCTION] « certifié par la FIOT ou par une organisation analogue » veut dire que les contrats de services d'équipage du navire doivent être approuvés par la FIOT ou par une organisation analogue. Or, pendant la période pertinente, l' « ARMONIKOS » n'était pas certifié par la FIOT ou par une organisation analogue.

[6]                 Le Wheat Pool avait donné à CTL des instructions générales selon lesquelles tout navire affrété pour son compte devait être certifié comme étant conforme aux normes de la FIOT ou d'une organisation analogue. Le Wheat Pool exigeait également que les navires qui étaient affrétés pour son compte soient certifiés en vertu du Code international de gestion de la sécurité (le Code ISM).


[7]                 La première preuve montrant qu'il y avait eu communication entre les courtiers respectifs au sujet de l' « ARMONIKOS » est un courriel que Scandia a envoyé à CTL le 21 mars 2000 pour lui demander si le SWP avait des marchandises à faire transporter à Cuba parce que l' « ARMONIKOS » était prêt à accepter des marchandises [TRADUCTION] « si le prix lui conv[enait] » . Dans ce courriel, Scandia déclarait que l' « ARMONIKOS » avait été construit en 1979, qu'il arborait le pavillon de Malte et qu'il n'était pas gréé (c'est-à-dire qu'il n'y avait pas de grues ou de mâts de charge permettant le chargement autonome). Scandia ne disait pas si le navire était conforme aux normes de la FIOT ou du Code ISM.

[8]                 Par la suite, le 7 avril 2000, CTL a envoyé une offre ferme à Scandia au sujet du chargement de marchandises désignées à bord de l' « ARMONIKOS » à des conditions précises. Selon les conditions pertinentes, le navire devait avoir au plus 20 ans, mais l'auteur du courriel demandait d'essayer un navire plus âgé, il devait être gréé, il devait être certifié par la FIOT ou par une association analogue et il devait être conforme au Code ISM pendant toute la durée du voyage, et ce, même si Scandia avait antérieurement informé CTL de l'âge de l' « ARMONIKOS » et même si Scandia avait fait savoir que le navire n'était pas gréé.


[9]                 Scandia n'a pas répondu dans le délai imparti à l'offre de CTL, mais par un courriel envoyé le 10 avril 2000, elle a plutôt fait sa propre offre à l'égard de la cargaison du Wheat Pool. Dans cette offre, en plus de répéter que le navire avait été construit en 1979 et qu'il n'était pas gréé, Scandia déclarait que le navire était [TRADUCTION] « entièrement conforme au Code ISM » . Il n'était pas fait mention de la situation du navire auprès de la FIOT.

[10]            Les négociations n'ont pas porté fruit. Par la suite, le 19 avril 2000, CTL a envoyé un autre courriel à Scandia. M. Varley, pour le compte de CTL, a fait remarquer qu'il était prêt à tenter encore une fois de négocier, mais qu'il [TRADUCTION] « n'était pas trop optimiste » étant donné les divergences de vues antérieures entre les parties au sujet du taux de fret proposé. Il est reconnu qu'aucune entente n'a été conclue entre les parties le 19 avril 2000. Les négociations du 19 avril 2000 ont été menées par courriel entre M. Varley et M. Chris Malecki, de Scandia Hellas, à qui Scandia avait demandé de mener les négociations le 19 avril 2000 étant donné que M. Stavrinidis n'était pas disponible ce jour-là. À la fin de la journée, M. Varley et M. Malecki ont tous deux séparément fait rapport à M. Stavrinidis par courriel au sujet du déroulement des négociations.


[11]            Le lendemain était le jeudi 20 avril. C'était le dernier jour de travail avant le long congé de Pâques. À ce moment-là, CTL et Scandia voulaient toutes deux conclure une charte-partie au nom de leurs mandants. L' « ARMONIKOS » n'avait pas été employé depuis un certain temps. Le Wheat Pool avait passé un contrat avec l'acheteur d'une quantité de pois de provende qui devaient être expédiés en Espagne entre le 1er et le 30 avril 2000, au gré du vendeur. Le navire et la cargaison étaient tous deux disponibles à Thunder Bay et, si une charte-partie était conclue, les parties ne voulaient pas retarder le chargement jusqu'au mardi suivant la longue fin de semaine.

[12]            Le 20 avril 2000 au matin, à 11 h 28, heure de Montréal1, M. Stavrinidis a envoyé un courriel à M. Varley. Le début de ce courriel était ainsi libellé : [TRADUCTION] « Pour éviter tout malentendu, nous récapitulons ici l'entente à laquelle nous sommes arrivés jusqu'ici. Toutes les communications antérieures sont nulles et sans effet. » L' « ARMONIKOS » était décrit : son âge était précisé et l'on disait qu'il n'était pas gréé et qu'il était conforme au Code ISM. Un certain nombre de conditions étaient proposées, la dernière étant que les conditions seraient par ailleurs [TRADUCTION] « conformes » à celles qui s'appliquaient au « NEA DOXA » , c'est-à-dire à une charte-partie antérieure qui avait été négociée entre CTL pour le compte du Wheal Pool et Scandia pour le compte du propriétaire du « NEA DOXA » . La charte-partie qui s'appliquait au « NEA DOXA » renfermait une clause FIOT/Code ISM libellée comme suit :

[TRADUCTION] Clause 33                 Clause FIOT/Code ISM

Les propriétaires garantissent que le navire a été certifié par la FIOT.

Les propriétaires garantissent également que le navire a à son bord les certificats valides de conformité et de gestion de sécurité délivrés en vertu du Code international de gestion de la sécurité (le Code ISM) ou que le navire a été certifié en vertu du Code ISM, et que tout dommage, y compris le manque à gagner, la perte de temps ou les dépenses additionnelles résultant de la non-conformité sont imputables aux propriétaires et que les jours de planche ou les surestaries n'entrent pas en ligne de compte.


Si les affréteurs l'exigent, les propriétaires fourniront une copie des documents pertinents relatifs au certificat de conformité et de gestion de la sécurité.

[13]            Les parties conviennent que la mention relative à la charte-partie antérieure vise à indiquer les autres conditions du contrat qui viennent s'ajouter aux conditions expressément négociées par les parties.

[14]            Peu de temps après, à 11 h 43, M. Stavrinidis a envoyé à M. Varley un deuxième courriel dans lequel il apportait certains ajouts au courriel antérieur et disait que l'offre qui était faite dans les deux courriels était valable jusqu'à midi, heure de Montréal.

[15]            Il y a peu de divergences entre les parties au sujet des événements qui se sont produits jusqu'à ce moment-là, mais les parties sont loin de s'entendre sur les événements subséquents. Par conséquent, puisque j'ai résumé les événements qui se sont produits avant le 20 avril 2000, j'examinerai maintenant les positions respectives que les parties ont prises au sujet des événements du 20 avril 2000.

LES POSITIONS DES PARTIES

(i) La demanderesse


[16]            La demanderesse affirme que la charte-partie a été établie sur le formulaire « C » de la charte-partie dite « Baltimore Berth Grain » , avec des suppressions, des modifications et des ajouts pour un voyage à partir de Thunder Bay avec une cargaison composée d'environ 19 500 tonnes métriques de pois de provende devant être déchargée dans un ou deux ports sûrs en Espagne. La charte-partie incorporait une clause Centrocon modifiée prévoyant l'arbitrage à Londres.

[17]            La demanderesse affirme que la charte-partie a été établie par suite de l'échange d'une série de courriels entre M. Stavrinidis et M. Varley le 20 avril, lesquels ont abouti à un appel téléphonique entre ces deux personnes à 13 h 11, M. Stavrinidis ayant alors informé M. Varley que le marché était conclu.

[18]            La demanderesse affirme que M. Varley a ensuite exigé que la charte-partie renferme la même clause que celle qui était stipulée dans la charte-partie concernant le « NEA DOXA » , à savoir que le navire était certifié par la FIOT ou par une organisation analogue. La demanderesse ajoute que même si, au cours des négociations, il n'avait pas été garanti que l' « ARMONIKOS » était conforme aux normes de la FIOT, le propriétaire avait répondu à la question en acceptant, comme M. Varley l'avait proposé, d'être tenu responsable des conséquences, des frais et des risques qui pourraient survenir par suite de l'absence de certification de la part de la FIOT.

[19]            La demanderesse affirme qu'après qu'il eut été convenu de la chose, le contrat a encore une fois été confirmé.


(ii) La défenderesse

[20]            Le Wheat Pool affirme qu'il n'y avait pas de contrat parce que les parties ne se sont jamais entendues sur une condition importante, à savoir que l' « ARMONIKOS » était conforme aux normes de la FIOT. Le défendeur nie expressément que M. Stavrinidis ait fait savoir à M. Varley que le marché était conclu et nie expressément que M. Stavrinidis ait convenu que le propriétaire serait tenu responsable des conséquences négatives découlant de l'absence de certification de la part de la FIOT. Le défendeur affirme que les négociations ont donc abouti à une impasse le 20 avril 2000 parce que M. Stavrinidis avait refusé d'accepter toute proposition relative à l'absence de certification de la part de la FIOT. Le défendeur affirme que, par suite des négociations et puisqu'il avait été mentionné que les conditions étaient par ailleurs identiques à celles qui s'appliquaient à la charte-partie concernant le « NEA DOXA » , la demanderesse en négociant avait garanti que l' « ARMONIKOS » était certifié par la FIOT ou par une organisation analogue.

LE DROIT

[21]            Comme l'examen des positions des parties permet de le constater, cette action dépend de l'appréciation de la preuve factuelle contradictoire que les parties ont fournie. Les parties s'entendent sur les principes juridiques applicables.


[22]            En résumé, les principes en question sont les suivants :

i)           Pour qu'une charte-partie exécutoire soit conclue, il doit y avoir accord de volonté sur toutes les conditions importantes. Voir par exemple Socanav Inc. c. Greater Sarnia Investment Corp. (1988), 21 F.T.R. 162 (1re inst.);

ii)          Lorsqu'aucun document n'indique l'intention des parties, la Cour doit examiner les négociations dans leur ensemble et donner effet aux intentions objectives plutôt que subjectives des parties. Voir par exemple Socanav, précité, et Rahal c. Perdale Developments Corp., [1996] B.C.J. no 1221 (C.S.C.-B.);

iii)          Une charte-partie peut être exécutoire même si aucun document officiel n'est signé. Voir par exemple Socanav, précité.

LES CONCLUSIONS

(i) Une entente initiale a-t-elle été conclue?


[23]            Comme il en a ci-dessus été fait mention, la communication initiale entre les parties, le 20 avril, a été effectuée au moyen du courriel envoyé à 11 h 28 par M. Stavrinidis et par l'autre courriel envoyé à 11 h 43 dans lequel était énoncée l'offre du propriétaire, qui était valable jusqu'à midi. Le début de l'offre était ainsi libellé : [TRADUCTION] « Pour éviter tout malentendu, nous récapitulons ici l'entente à laquelle nous sommes arrivés jusqu'ici. Toutes les communications antérieures sont nulles et sans effet. » Entre autres choses, l'offre précisait que l' « ARMONIKOS » était conforme au Code ISM, qu'il avait 21 ans et qu'il n'était pas gréé. Il n'était pas fait mention de la situation du navire auprès de la FIOT, mais après avoir proposé un certain nombre de conditions, l'auteur du courriel disait que, par ailleurs les conditions étaient les mêmes que celles qui s'appliquaient au « NEA DOXA » .

[24]            La mention selon laquelle [TRADUCTION] « [t]outes les communications antérieures sont nulles et sans effet » avait clairement pour effet d'entraîner de nouvelles négociations. Pendant le contre-interrogatoire, M. Varley a confirmé l'exactitude de la réponse qu'il avait donnée lors de l'interrogatoire préalable, à savoir qu'il croyait comprendre par suite du courriel que M. Stavrinidis lui avait envoyé à 11 h 28, [TRADUCTION] « que, pour une raison ou une autre, les pourparlers et négociations qui avaient eu lieu la veille, le 19, n'étaient plus valables et ne s'appliquaient plus, ou quelque chose du même genre » , de sorte qu'avec ce document, les parties recommençaient les pourparlers.


[25]            Sur réception de la communication de M. Stavrinidis, M. Varley a demandé des instructions au Wheat Pool en lui transmettant une copie du courriel de 11 h 28. À 11 h 54, il a répondu à M. Stavrinidis en employant la formule [TRADUCTION] « accepter sous réserve » . M. Stavrinidis et M. Varley croyaient tous les deux que cela voulait dire que ce dernier acceptait toutes les conditions de l'offre de M. Stavrinidis à l'égard desquelles il ne faisait aucune [TRADUCTION] « réserve » expresse dans sa réponse. Selon la preuve, telle est la pratique normalement suivie dans l'industrie lorsque l'on veut réduire, au cours des négociations, le nombre de questions à régler.

[26]            La réponse que M. Varley a fait parvenir par courriel à 11 h 54 portait principalement sur les conditions commerciales de la charte-partie. Il n'y était pas fait mention de la description du navire ou de sa situation auprès de la FIOT. Cela voudrait dire, selon la formule « accepter sous réserve » , que M. Varley acceptait la description du navire donnée par le propriétaire, en ce sens qu'aucune réserve n'était faite au sujet de l'absence de mention de la certification auprès de la FIOT. Dans sa réponse, M. Varley proposait que la charte-partie pro forma soit celle qui s'appliquait au « UNITED » ; or, cette charte-partie renfermait une clause stipulant que les propriétaires garantissaient que l' « UNITED » était certifié par la FIOT. Toutefois, la preuve n'établissait pas que les conditions d'une charte-partie pro forma l'emportaient sur les conditions qui faisaient l'objet de négociations expresses.

[27]            La contre-offre de M. Varley, à 11 h 54, ne convenait pas au propriétaire. M. Stavrinidis a répondu par courriel à 12 h 35; il a rejeté la contre-offre de l'affréteur et a réitéré l'offre du propriétaire, à laquelle il fallait répondre sur-le-champ.


[28]            À 12 h 59, M. Varley a envoyé en réponse le bref courriel suivant :

[TRADUCTION] J'ai parlé à Don; il dit qu'il peut accepter votre proposition relative au chargement d' « autres » marchandises dans la mesure où ce ne sont pas des pois ou des pois de provende.

- Maintenir la déclaration qui doit être faite dans un délai de 7 jours aux ports de déchargement.

- Maintenir la clause relative aux agents désignés par les affréteurs aux deux bouts.

- Confirmer de nouveau que toutes les marchandises seront mises à la disposition du navire tel qu'il est exigé.

- Conditions par ailleurs identiques à celles de la charte-partie applicable au Nea Doxa en date du 11-19-98, avec les modifications qui s'imposent.

J'espère que ces conditions vous conviennent; veuillez confirmer.

[29]            M. Stavrinidis a témoigné que ces conditions convenaient au propriétaire, qu'il avait communiqué l'acceptation à M. Varley par téléphone peu de temps après 13 h et qu'il avait alors dit à M. Varley que [TRADUCTION] « le marché était conclu » ou quelque chose du même genre. M. Stavrinidis a signalé un agenda dans lequel étaient consignés les appels téléphoniques sortants, indiquant que CTL avait été appelée à 13 h 11 et à 13 h 32, à l'appui du témoignage selon lequel il avait appelé M. Varley pour confirmer le marché.

[30]            M. Varley a témoigné qu'après avoir envoyé son courriel à Scandia, à 12 h 59, il n'avait pas reçu d'appel téléphonique de M. Stavrinidis et qu'il n'avait jamais eu avec M. Stavrinidis une conversation téléphonique au cours de laquelle ce dernier lui aurait dit que le marché était conclu ou quelque chose du même genre.


[31]            Devant cette preuve contradictoire, je conclus que peu de temps après avoir reçu le courriel de 12 h 59 de M. Varley, M. Stavrinidis a téléphoné à M. Varley et qu'au cours de la conversation téléphonique, il a dit à M. Varley que le marché était conclu ou quelque chose du même genre. Je tire cette conclusion pour les motifs ci-après énoncés.

[32]            Premièrement, la preuve présentée par M. Stavrinidis était dans l'ensemble cohérente en soi. Par contre, la preuve présentée par M. Varley contenait des exagérations ou des incohérences. Ainsi :

i)           Lors de l'interrogatoire principal, on a référé M. Varley au courriel que M. Malecki lui avait envoyé à 8 h 21, le 19 avril. M. Varley a témoigné avoir interprété ce courriel comme voulant dire que M. Malecki avait accepté la clause relative à la FIOT, ce qui voulait dire que le navire était conforme aux normes de la FIOT.

Toutefois, pendant le contre-interrogatoire, M. Varley a convenu qu'il ne croyait pas que M. Malecki eût dit, dans le courriel, que le navire était conforme aux normes de la FIOT. Voici le témoignage que M. Varley a présenté lors du contre-interrogatoire :

  

[TRADUCTION]

Q.             Lisez la réponse de M. Malecki à l'onglet 16 [le courriel de 8 h 21].

R.             D'accord.

Q.             Vous ne vous êtes pas rendu compte que le 19, M. Malecki vous a fait savoir ce qui suit :

« Le navire est entièrement conforme au Code ISM et il continuera à l'être pendant tout le voyage. »

R.             D'accord.

<                                 Q.             Vous ne vous en êtes pas rendu compte?

R.             Je ne me rappelle pas. Je le vois bien sur le document, mais...

Q.             Mais vous êtes d'accord avec moi pour dire que compte tenu de la formule « accepter sous réserve » , il n'y aurait pas eu lieu pour Scandia de répondre...

R.             C'est exact.

Q.             Et vous ne vous rappelez pas si le 19, cela vous a amené à réagir?

R.             Non, je n'ai pas réagi.

Q.             D'accord.

Veuillez vous reporter à la page 30 de votre interrogatoire préalable.

R.            D'accord.

Q.             Bon. Vous êtes ici interrogé par M. Harrington au sujet de la contre-offre que vous avez reçue de Chris Malecki, qui est reproduite à l'onglet 16.

R.             Oui, c'est bien cela.

Question 121 :

« Et avez-vous reçu la réponse au courriel le 19 avril? »

Réponse :

« Je crois avoir reçu la contre-offre. »

Question :

« Et il s'agit ici de votre document, ou devrais-je dire du document du défendeur, qui semble être adressé à CTL Westrans et Paul/Chris. »

Réponse :

« C'est exact. Oui. »

Question :

« Et si l'on examine ce que vous avez appelé la contre-offre, vous constaterez qu'il était déclaré que le navire était conforme au Code ISM. »

Réponse :

« Oui. »

Question :

« Et encore une fois, il n'est pas fait mention de la FIOT. »

Réponse :

« C'est exact. »

Question :

« Ai-je raison de croire que, selon vous, il n'était pas déclaré que le navire était conforme aux normes de la FIOT? »

Réponse :

« C'est exact. »

C'est ainsi que vous avez répondu?

R.             Oui, c'est ainsi que j'ai répondu.


Q.             Et les réponses étaient exactes?

R.             Oui, elles l'étaient. [Non souligné dans l'original.]

ii)          Comme il en sera ci-dessous fait mention, à 13 h 35, le 20 avril 2000, Scandia a envoyé à M. Varley un courriel énonçant les modifications à apporter à la charte-partie pro forma conformément aux négociations. Pendant l'interrogatoire principal, M. Varley a exprimé l'avis selon lequel la plupart des éléments énumérés n'étaient pas des modifications qui s'imposaient comme l'avait déclaré Scandia, mais qu'il s'agissait plutôt des conditions principales du contrat. M. Varley a témoigné qu'il n'y avait donc, dans le courriel de 13 h 35 de Scandia, rien qui indique que les conditions principales avaient été acceptées ou mises au point, de sorte qu'il ne restait qu'à s'entendre sur des détails.

Pendant le contre-interrogatoire, M. Varley est revenu sur ce qu'il avait affirmé, à savoir qu'il n'y avait qu'une seule véritable modification qui s'imposait dans le courriel de 13 h 35, et il a convenu qu'un certain nombre d'éléments étaient de fait des modifications à apporter à la charte-partie pro forma. Pendant le contre-interrogatoire, il a en outre témoigné qu'il considérait que ce courriel de 13 h 35 constituait l'acceptation des modifications qui avaient été énoncées dans son courriel de 12 h 59, de sorte qu'il croyait comprendre que le courriel envoyé en réponse par M. Stavrinidis constituait une acceptation de sa contre-offre.


iii)          Quant à l'importance pour le Wheat Pool d'une certification délivrée par la FIOT, M. Varley a témoigné pendant l'interrogatoire principal que le SWP se préoccupait particulièrement de la FIOT à son propre terminal, à Thunder Bay, où la main-d'oeuvre était syndiquée, et que pendant qu'il négociait la charte-partie, et le 19 avril 2000, il savait que le SWP se préoccupait principalement de la nécessité d'une certification délivrée par la FIOT en ce qui concerne le chargement à Thunder Bay.

Toutefois, pendant le contre-interrogatoire, M. Varley a convenu que jusqu'au début de l'après-midi du 20 avril, il ne comprenait pas vraiment les préoccupations que le SWP avait exprimées au sujet de la FIOT. En particulier, il ne savait pas que le SWP avait des préoccupations au sujet de sa propre main-d'oeuvre à Thunder Bay.

[33]            J'ai remarqué que lorsque l'on a attiré l'attention de M. Varley sur ces incohérences, il a répondu d'une façon plus hésitante et avec plus de nervosité.

[34]            Par conséquent, lorsqu'il existe des contradictions dans la preuve, je préfère retenir le témoignage de M. Stavrinidis plutôt que celui de M. Varley.


[35]            Deuxièmement, la preuve que M. Stavrinidis a fournie au sujet de la conclusion d'un marché et de la communication de l'acceptation des conditions mentionnées dans le courriel de 12 h 59 de M. Varley a été corroborée dans une certaine mesure par l'adjointe, Marilyn Gonsalves, qui a témoigné que M. Stavrinidis lui avait dit qu'il avait conclu une charte-partie et lui avait demandé d'envoyer à M. Varley un message confirmant le contrat.

[36]            Mme Gonsalves a témoigné que c'est après avoir été informée de la situation par M. Stavrinidis qu'elle a préparé et envoyé deux courriels à M. Varley. Le premier courriel a été envoyé à 13 h 35; les modifications qu'il fallait apporter à la charte-partie concernant le « NEA DOXA » y sont énoncées. Le deuxième courriel a été envoyé à 14 h 07; les conditions du contrat y étaient récapitulées. Mme Gonsalves a témoigné qu'elle préparait toujours une récapitulation, de façon à avoir un document à sa disposition si elle était en fin de compte obligée de rédiger une charte-partie.

[37]            Je retiens le témoignage de Mme Gonsalves. Je me rends bien compte que Mme Gonsalves travaille depuis longtemps pour la demanderesse, mais elle a témoigné d'une façon sincère et crédible; son témoignage était raisonnable et cohérent en soi et il n'a pas été remis en question pendant le contre-interrogatoire.


[38]            Troisièmement, les mesures que Scandia a prises en envoyant ces courriels portant sur les modifications à apporter à la charte-partie pro forma et récapitulant les conditions [TRADUCTION] « du contrat dont il a[vait] été convenu » sont compatibles avec le fait que les parties avaient de fait établi les principales conditions de la charte-partie et sont incompatibles avec le fait qu'il restait encore une question importante à négocier. À 13 h 48, Scandia a également envoyé un courriel à M. Varley pour lui demander de délivrer la cargaison [TRADUCTION] « de façon qu'il soit possible de se conformer aux conditions de la charte-partie » et, à 14 h 07, Scandia a envoyé un courriel pour demander la confirmation du contrat. Même en l'absence de la confirmation de M. Stavrinidis selon laquelle un marché avait été conclu, il s'agit d'une conduite permettant d'inférer qu'une entente avait été conclue.

[39]            Par contre, malgré le témoignage de M. Varley, à savoir qu'il avait l'habitude de consigner les choses par écrit, M. Varley n'a jamais répondu qu'il n'existait aucune entente sur les conditions essentielles. M. Varley a répondu au courriel relatif aux modifications qui s'imposaient en faisant savoir par écrit, à 13 h 43, que les modifications [TRADUCTION] « semblaient bonnes » sauf pour la clause relative à la FIOT. À 13 h 53, M. Varley a confirmé qu'on demanderait au SWP de délivrer la cargaison à bref délai pour qu'elle soit prête au moment où l' « ARMONIKOS » accostait. La chose a été confirmée par M. Varley à 14 h 57.


[40]            À mon avis, cette documentation indique plutôt qu'un contrat a été conclu, comme M. Stavrinidis l'a déclaré dans son témoignage.

[41]            Quant à la conclusion d'une entente portant sur les conditions mentionnées dans les courriels échangés entre M. Varley et M. Stavrinidis, l'existence d'une clause relative à la FIOT était importante pour le Wheat Pool, mais la conclusion d'un marché entre M. Varley et M. Stavrinidis peu de temps après 13 h est compatible avec le fait que, jusqu'alors, pendant toute la durée des négociations, M. Varley ne se rendait pas particulièrement compte de la situation ou n'y prêtait pas particulièrement attention. Je conclus que M. Varley n'avait pas soulevé jusqu'alors la question auprès de Scandia, et qu'au moment où M. Stavrinidis a confirmé le marché, M. Varley n'aurait pas non plus considéré l'absence d'une clause relative à la FIOT comme faisant obstacle à la conclusion d'une charte-partie. À cet égard, voici la preuve que M. Varley a présentée :

i)           avant le 20 avril, il n'avait pas eu de pourparlers avec qui que ce soit chez Scandia ou au Wheat Pool au sujet de la clause relative à la FIOT;

ii)          M. Varley n'avait pas initialement supposé que l' « ARMONIKOS » était certifié par la FIOT;


iii)          jusqu'au 20 avril, pendant l'après-midi, on cherchait surtout à négocier des conditions commerciales, de sorte que M. Varley était bien loin de songer à la question relative à la FIOT et que ce n'est qu'après 13 h 35, heure à laquelle il a reçu le courriel relatif aux modifications qui s'imposaient que la question de la FIOT s'est posée;

iv)         la connaissance qu'avait M. Varley au sujet de la FIOT était relativement restreinte, mais au cours de l'après-midi du 20 avril, sa connaissance s'est accrue de beaucoup.

[42]            Si ces faits sont considérés objectivement, une personne raisonnable croirait, à mon avis, qu'une entente avait été conclue et que l' « ARMONIKOS » n'avait pas à être conforme aux normes de la FIOT ou d'une organisation analogue.

[43]            Il a été soutenu avec véhémence pour le compte du Wheat Pool qu'aucune charte-partie ne pouvait être établie parce que, pendant les négociations, la demanderesse avait garanti que l' « ARMONIKOS » était certifié par la FIOT ou par une organisation analogue. Il a été soutenu que lorsque CTL a appris que le navire n'était pas ainsi certifié, il n'y avait pas de consensus sur une condition essentielle.


[44]            À l'appui de cette prétention, on a accordé beaucoup d'importance à l'offre que M. Varley avait envoyée à M. Malecki à 13 h 55, le 19 avril 2000, selon laquelle le navire devait être certifié par la FIOT ou par une organisation analogue. M. Malecki a répondu par courriel, à 14 h 21, en disant que l'offre devait être acceptée sous réserve; la question de la certification auprès de la FIOT n'était pas mentionnée, mais il était déclaré que le navire était entièrement conforme aux normes du Code ISM. Aucune autre mention n'a été faite au sujet de la FIOT dans les courriels qui ont été échangés le 19 avril 2000 et M. Varley n'a pas expressément été informé que le navire n'était pas conforme aux normes de la FIOT.

[45]            Toutefois, comme il en a ci-dessus été fait mention, M. Varley a confirmé pendant le contre-interrogatoire l'exactitude de la preuve qu'il avait présentée lors de l'interrogatoire préalable, à savoir qu'à son avis, le courriel de M. Malecki ne précisait pas que le navire était conforme aux normes de la FIOT.

[46]            De même, M. Varley a confirmé pendant le contre-interrogatoire qu'en recevant une offre antérieure de Scandia le 10 avril 2000, il n'avait pas supposé que le navire était conforme aux normes de la FIOT et que Scandia n'avait fait aucune déclaration en ce sens.


[47]            Compte tenu de cette preuve, je ne suis pas convaincue que le courtier du Wheat Pool ait eu l'impression que l' « ARMONIKOS » était conforme aux normes de la FIOT pendant les négociations, le 20 avril 2000. Je conclus que l'agent du Wheat Pool ne croyait pas comprendre qu'il avait été garanti, pendant les négociations, que le navire était conforme aux normes de la FIOT.

[48]            Par conséquent, compte tenu des conditions énoncées dans les courriels échangés entre les parties dont il a ci-dessus été fait mention et de la preuve dans son ensemble, je conclus que les parties ont tenté d'établir une charte-partie par suite de l'échange d'une série de courriels entre M. Stavrinidis et M. Varley et qu'en fin de compte M. Stavrinidis a informé M. Varley qu'un marché avait été conclu.

[49]            Malgré cette conclusion, il reste que M. Stavrinidis savait que, selon l'une des exigences du SWP, le navire devait être conforme aux normes de la FIOT ou d'une organisation analogue et qu'il savait que l' « ARMONIKOS » n'était pas ainsi certifié. En se fondant sur cette connaissance, M. Stavrinidis avait donc demandé à Scandia de répondre aux offres de CTL en donnant une description détaillée de l' « ARMONIKOS » parce que, comme il l'a dit, il incombait au courtier de l'affréteur de lire attentivement la description en vue de déterminer si les exigences de son client étaient respectées.


[50]            Toutefois, je n'ai pas à examiner l'effet de la connaissance qu'avait M. Stavrinidis parce que, comme il en sera ci-dessous fait mention, je conclus également que lorsque M. Varley a soulevé la question au cours de l'après-midi du 20 avril, après que M. Stavrinidis eut confirmé le marché, une entente a été conclue et que cette entente répondait expressément aux préoccupations manifestées par le Wheat Pool au sujet de la FIOT.

(ii) Y a-t-il eu une deuxième entente par laquelle le propriétaire s'engageait à être tenu responsable des conséquences, des frais et des risques découlant de l'absence de certification de la part de la FIOT?

[51]            Les parties sont dans l'ensemble d'accord en ce qui concerne la marche des pourparlers qui ont précédé la deuxième entente invoquée par la demanderesse.

[52]            À 13 h 43, M. Varley, après avoir été informé par Mme Gonsalves, chez Scandia, des modifications qui s'imposaient, a fait savoir par courriel que les modifications semblaient bonnes et qu'elles lui convenaient à l'exception de la clause 33 se rapportant à la FIOT. Il a demandé que l'on modifie la charte-partie en incorporant une clause stipulant que le navire était conforme aux normes de la FIOT ou d'une organisation analogue.


[53]            À 13 h 52, M. Stavrinidis a répondu que la modification proposée ne convenait pas au propriétaire et que le navire avait déjà été déchargé dans deux ports, en Espagne, sans aucun problème. À 14 h 07, Scandia a envoyé une récapitulation des conditions du contrat et a déclaré que pendant les négociations, le propriétaire n'avait pas garanti que le navire était certifié par la FIOT.

[54]            En réponse, à 14 h 09, M. Varley a envoyé le courriel suivant :

[TRADUCTION] Je suis d'accord; cependant, les conséquences, frais, risques et ainsi de suite devraient être imputables au propriétaire si un problème se posait.

En outre, je crois comprendre que, selon les agents, étant donné que des inspections doivent être effectuées avant le chargement, on s'attend à ce que le chargement commence à 20 ou 21 h seulement, de sorte qu'il ne resterait pas grand temps pour effectuer le changement pendant le poste de nuit. Si des postes de jour et d'après-midi sont rajoutés samedi, le chargement devrait probablement se terminer samedi, à la fin du poste d'après-midi seulement. Le taux des heures supplémentaires pour ces trois postes devrait s'élever à près de 20 000 $CAN. Or, le chargement, le vendredi, se fait à tarif double, de sorte que le montant devrait s'élever à près de 30 000 $CAN plutôt qu'au montant de 10 000 $CAN dont il a été question, le montant total devant être partagé moitié-moitié comme il a été convenu. Je tiens seulement à vous informer au préalable des frais, de façon qu'il n'y ait pas de désaccord après coup.

Comme on peut le constater, M. Varley ne contestait pas, dans ce courriel, l'assertion de Scandia relative à l'absence de garantie fournie par les propriétaires au sujet de la certification auprès de la FIOT.

[55]            C'est ici que la preuve de chaque partie diffère.


[56]            Selon M. Stavrinidis, M. Varley a envoyé ce courriel à 14 h 09 en réponse à son dernier courriel, dans lequel il demandait avec insistance que l'on renonce à la clause relative à la FIOT. M. Stavrinidis a affirmé que le fait que de nouveaux éléments soient incorporés dans un marché qui, croyait-il, avait à toutes fins utiles été conclu, le rendait perplexe. M. Stavrinidis a affirmé avoir répondu, en discutant par téléphone avec M. Varley du courriel envoyé par celui-ci à 14 h 09.

[57]            M. Stavrinidis a témoigné que, pendant la conversation téléphonique, il avait fait savoir à M. Varley que ce que celui-ci essayait d'accomplir ne lui plaisait pas particulièrement parce que, quant à lui, le navire avait été affrété. M. Stavrinidis a affirmé que M. Varley avait répondu qu'il pouvait uniquement obtenir le consentement du Saskatchewan Wheat Pool au sujet du contrat si le propriétaire assumait les conséquences advenant le cas où un problème se posait au port de chargement ou au port de déchargement, en ce qui concerne la certification de la FIOT. À la fin de la conversation, M. Stavrinidis a fait savoir qu'il acceptait l'avis que M. Varley avait donné au propriétaire dans son courriel de 14 h 09, le propriétaire devant être tenu responsable des conséquences, frais, risques et ainsi de suite.

[58]            M. Stavrinidis a en outre témoigné que cette entente avait alors été confirmée par écrit par M. Varley à 14 h 31, au moyen du courriel suivant :

[TRADUCTION] Selon les dernières charte-parties, le navire n'est pas conforme aux normes de la FIOT ou d'une organisation analogue, mais pour plus de clarté, comme il a été convenu au cours de notre conversation téléphonique, si un problème se posait pendant le chargement ou le déchargement, bien que selon vous la chose est peu probable, les conséquences, frais, risques et ainsi de suite devraient être imputés aux propriétaires. Je tiens simplement à le préciser pour que tout soit bien clair.

[59]            Par conséquent, M. Stavrinidis croyait que le navire était affrété une deuxième fois.


[60]            M. Varley a témoigné que, lorsque la question de la FIOT s'est posée, il avait rejeté l'idée d'une clause d'indemnisation et qu'avant que cette proposition soit faite, il ne savait absolument pas si M. Stavrinidis l'accueillerait, et que M. Stavrinidis avait répondu à la proposition en disant que la question avait déjà été réglée. M. Varley a affirmé que par la suite il n'avait jamais eu avec M. Stavrinidis de conversation téléphonique indiquant que ce dernier avait tenu compte de cette proposition et que M. Stavrinidis n'avait jamais répondu à la proposition et ne l'avait jamais informé qu'il acceptait la clause d'indemnisation.

[61]            En ce qui concerne ces éléments de preuve contradictoires, pour les motifs qui ont ci-dessus été énoncés, lorsqu'il y a contradiction, je préfère retenir le témoignage de M. Stavrinidis plutôt que celui de M. Varley.


[62]            En outre, en ce qui concerne la question de la deuxième entente, il existait une preuve corroborante fournie par Mme Gonsalves, qui a témoigné que le 20 avril, elle avait répondu à un appel de M. Varley, qui lui avait dit qu'il voulait parler à M. Stavrinidis au sujet de la suppression de la clause 33 de la charte-partie pro forma. Pendant l'interrogatoire principal, Mme Gonsalves a témoigné que, depuis son poste de travail, à trois ou quatre pieds de distance de l'endroit où était M. Stavrinidis, elle avait entendu M. Stavrinidis dire à M. Varley au téléphone que le navire avait déjà fait escale en Espagne, que les propriétaires n'avaient eu aucun problème, et qu'il accepterait toutes les conséquences parce que, selon lui, le navire pouvait faire escale en Espagne sans faire face à des problèmes puisqu'il l'avait déjà fait.

[63]            Pour les motifs susmentionnés, je retiens le témoignage de Mme Gonsalves qui, selon moi, n'a pas vraiment été contredit pendant le contre-interrogatoire.

[64]            En outre, en concluant que M. Stavrinidis s'est engagé pour le compte du propriétaire à accepter les conséquences de l'absence de certification de la part de la FIOT, j'ai également tenu compte du fait que jusqu'alors le navire n'avait jamais eu de problèmes. Selon la preuve présentée sur ce point, la FIOT ne s'en était jamais prise à l' « ARMONIKOS » au Canada ou ailleurs, le navire avait été inspecté par la FIOT en Italie en 1999 sans qu'il ait eu de problèmes; en 1998, il avait été déchargé dans deux ports, en Espagne, sans avoir de problèmes et il avait toujours fait du commerce dans les Grands Lacs, y compris à Thunder Bay, et ce, sans problème. M. Stavrinidis n'était pas personnellement au courant de conflits de travail à Thunder Bay en ce qui concerne les navires représentés par Scandia, et ce, même s'ils n'étaient pas certifiés par la FIOT. Au mois de mars 2000, des efforts ont été faits pour faire certifier l' « ARMONIKOS » par la Fédération Panhellénique des Cheminots (la FPC) et, le 25 avril 2000, une entente approuvée par la FIOT a été signée avec la FPC.


[65]            Par conséquent, l'entente relative à l'indemnisation ne semblait pas présenter un risque réel pour le propriétaire.

[66]            J'ai tiré une conclusion, en ce qui concerne cette deuxième entente, et ce, même si M. Stavrinidis n'avait pas expressément confirmé le contrat par écrit comme l'avait demandé M. Varley dans les courriels de 15 h 22 et de 15 h 48. M. Stavrinidis a plutôt répondu ce qui suit à 15 h 38 :

[TRADUCTION] OBJET : L' « ARMONIKOS » ET LE SWP

EN CE QUI CONCERNE LA FIOT, NOUS AVONS CLAIREMENT FAIT SAVOIR CE MATIN QUE TOUTES LES COMMUNICATIONS ANTÉRIEURES ÉTAIENT NULLES ET SANS EFFET ET, POUR LA BONNE RÈGLE, NOUS AVONS COMPLÈTEMENT RÉCAPITULÉ CE DONT IL AVAIT ÉTÉ CONVENU.

Et, à 15 h 51, il a envoyé le courriel suivant :

[TRADUCTION] OBJET : L' « ARMONIKOS » ET LE SWP

CP, 20 AVRIL 2000

IL A ÉTÉ ORDONNÉ DE CHARGER LE NAVIRE CONFORMÉMENT À LA CHARGE-PARTIE. TOUTES LES AUTRES CONDITIONS SERONT ÉNONCÉES PAR ÉCRIT, ET CE, EN TOUTES LETTRES, DE FAÇON À ÉVITER TOUT MALENTENDU.

NOUS N'AVONS RIEN D'AUTRE À AJOUTER.

  

[67]            De toute évidence, il aurait été préférable que M. Stavrinidis confirme expressément le contrat.


[68]            Toutefois, je retiens les explications que M. Stavrinidis a données au sujet de cette lacune en ce sens qu'il a témoigné qu'il croyait que M. Varley avait confirmé l'entente dans le courriel susmentionné qu'il avait envoyé à 14 h 31, que M. Stavrinidis considérait que les actions de l'affréteur, lorsqu'il avait délivré la cargaison, étaient compatibles avec l'existence d'un contrat et qu'il croyait que M. Varley essayait de revenir sur ce dont il avait été convenu.

[69]            À cet égard, après que M. Varley eut envoyé un courriel au Wheat Pool à 15 h 17, M. Varley a appris que l'offre qu'il avait faite, selon laquelle il acceptait une clause d'indemnisation, ne plaisait pas au Wheat Pool et que le Wheat Pool voulait plutôt que le navire soit, comme l'a dit M. Varley [TRADUCTION] « conforme aux normes de la FIOT ou d'une association analogue, un point, c'est tout! » Ce n'est qu'après avoir envoyé un courriel au Wheat Pool à 15 h 17, que M. Varley a commencé à demander des réponses écrites à Scandia au sujet des conditions de la charte-partie. Auparavant, c'était Scandia qui, à 14 h, avait demandé que le contrat soit de nouveau confirmé.

LES CONCLUSIONS

[70]            Il n'est pas contesté que les parties ont convenu des principales conditions de la charte-partie, à part la clause relative à la FIOT. J'ai conclu que, comme l'a affirmé la demanderesse, une entente avait été conclue sur ce dernier point lorsque M. Stavrinidis avait accepté la proposition de M. Varley de régler la question en imputant au propriétaire les risques possibles découlant de l'absence de certification de la part de la FIOT.


[71]            Il s'ensuit que la demanderesse a droit à la réparation suivante tel qu'il est allégué dans la déclaration :

i)           une déclaration portant que l' « ARMONIKOS » a été affrété pour un voyage entre Thunder Bay et l'Espagne; et

ii)          une déclaration portant que la charte-partie renfermait une clause prévoyant l'arbitrage à Londres.

  

[72]            Il s'ensuit en outre que l'instance devrait être suspendue de façon à permettre l'arbitrage à Londres en ce qui concerne la question des dommages-intérêts, des intérêts et des dépens autres que les dépens de la présente instance, et qu'un jugement sera rendu à ces conditions.

[73]            La question des dépens relatifs à l'instance est reportée, en attendant que les avocats soumettent des arguments supplémentaires. Les avocats devront informer le Greffe dans les sept jours qui suivront la réception de ces motifs de la date à laquelle ils sont disponibles pour discuter, par téléconférence, de la forme que prendront ces arguments supplémentaires et du moment où ils seront présentés.


[74]          L'avocat de la demanderesse devra préparer pour homologation un projet de jugement conformément aux présentes conclusions, ce projet devant être approuvé quant à la forme par le défendeur comme le prévoit l'article 394 des Règles de la Cour fédérale (1998).

    

« Eleanor R. Dawson »

Juge

Ottawa (Ontario)

le 18 juillet 2002

  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.

___________________________

1.              Dans ces motifs, lorsqu'il est important de mentionner l'heure, c'est l'heure avancée de l'est, soit l'heure de Montréal, où était M. Stavrinidis, qui est utilisée, la différence entre Montréal et Vancouver, où était M. Varley, étant de trois heures.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                                                      T-906-00

INTITULÉ :                                                                     ARMONIKOS CORPORATION LTD.

c.

SASKATCHEWAN WHEAT POOL

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           LE 13 MAI 2002

MOTIFS DU JUGEMENT :                                     MADAME LE JUGE DAWSON

DATE DU JUGEMENT :                                             LE 18 JUILLET 2002

  

COMPARUTIONS :

M. GEORGES POLLACK                                              POUR LA DEMANDERESSE

M. WILLIAM BURRIS                                                   POUR LE DÉFENDEUR

M. CHRISTOPHER ELSNER                                       

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GOWLING, LAFLEUR HENDERSON LLP              POUR LA DEMANDERESSE

MONTRÉAL (QUÉBEC)

BULL, HOUSSER & TUPPER                                      POUR LE DÉFENDEUR

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

  
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