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Date : 20010815

Dossier : IMM-3651-01

Référence neutre : 2001 CFPI 896

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge O'Keefe

ENTRE :

CARLOS MANUEL MALICIA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]    Il s'agit d'une requête présentée par Carlos Manuel Malicia (demandeur) en vue d'obtenir une ordonnance de suspension de son expulsion au Portugal. Le renvoi est prévu pour le 20 août 2001


[2]    Le demandeur est arrivé au Canada en provenance du Portugal en 1975. Après son arrivée au Canada, il a acquis une dépendance envers l'alcool et la drogue. Il a aussi commis bon nombre d'infractions pénales. Son casier judiciaire montre quelque 30 condamnations au criminel, la dernière remontant à août 1997.

[3]    D'après sa déposition, le demandeur n'a pas bu une goutte d'alcool depuis quatre ans, et il n'utilise plus les drogues. Il fréquente Alcooliques Anonymes et a récemment terminé un programme de Renascent pour alcooliques.

[4]    Le demandeur s'est vu ordonner une expulsion du Canada en juin 1994 à cause de ses condamnations au criminel. Il a fait appel de cette ordonnance devant la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, mais son appel a été rejeté. Il a ensuite demandé la réouverture de cet appel et cette requête a été rejetée le 12 juillet 2001.

[5]    Le demandeur a déposé une demande de contrôle judiciaire en ce qui concerne la décision du 12 juillet 2001 de la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

[6]    Le demandeur a aussi déposé une demande pour être considéré d'après des raisons d'ordre humanitaire.


[7]                 Le demandeur jouit d'un appui familial considérable dans sa lutte contre la dépendance envers les drogues et l'alcool.

[8]                 Le demandeur n'a pas de famille au Portugal et il ne peut ni parler ni écrire la langue portugaise.

[9]                 Le demandeur a un emploi stable au Canada.

[10]            QUESTION EN CAUSE : Convient-il de rendre une ordonnance sursoyant à la mesure de renvoi?

Analyse et décision

[11]            Il est maintenant accepté qu'un agent de renvoi jouit d'un certain pouvoir discrétionnaire et peut dans certains cas suspendre le renvoi du demandeur (voir l'affaire Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 295 (C.F. 1re inst.)).

[12]            Pour obtenir une suspension, le demandeur doit répondre aux exigences énoncées dans l'affaire Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.), à la page 305 :


Notre Cour, tout comme d'autres tribunaux d'appel, a adopté le critère relatif à une injonction provisoire et énoncé par la Chambre des lords dans l'arrêt American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd., [1975] A.C. 396 [Note 3 du jugement]. Ainsi que l'a déclaré le juge d'appel Kerans dans l'affaire Black précitée :

[traduction]Le critère à triples volets énoncé dans Cyanamid exige que, pour qu'une telle ordonnance soit accordée, le requérant prouve premièrement qu'il a soulevé une question sérieuse à trancher; deuxièmement, qu'il subirait un préjudice irréparable si l'ordonnance n'était pas accordée; et troisièmement que la balance des inconvénients compte tenu de la situation globale des parties, favorise l'octroi de l'ordonnance.

Le demandeur doit répondre aux trois éléments du critère à triple volet.

Question sérieuse

[13]            Le défendeur a concédé qu'il y a une question sérieuse à trancher, à savoir si la Section d'appel de l'immigration a eu raison de refuser de tenir compte des circonstances qui attendaient le demandeur s'il était expulsé vers le Portugal. Cette question est actuellement pendante devant la Cour suprême du Canada dans l'affaire Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1999] 1 C.F. 605 (C.A.F.). L'autorisation d'en appeler a été accordée par la Cour suprême du Canada et le jugement a été mis en délibéré le 10 octobre 2000.

Préjudice irréparable

[14]            Le demandeur soutient qu'il subira un préjudice irréparable pour les motifs suivants :


1.         Le demandeur perdrait tout l'appui de sa famille dont il jouit au Canada puisque celle-ci l'a aidé à rompre sa dépendance envers l'alcool et la drogue pendant plus de quatre ans. Il n'a pas commis d'infractions pénales non plus pendant cette période. Son psychologue estime que s'il perdait cet appui familial, il pourrait subir de graves dommages émotifs.

2.         Le demandeur est presque aveugle d'un oeil car il a eu une transplantation de la cornée, laquelle, à l'origine, avait réussi mais il a maintenant subi des revers et il doit se faire opérer de l'oeil cet automne. S'il n'est pas opéré, il peut perdre la vue à un oeil et cela, d'après le demandeur, constitue une intervention chirurgicale compliquée qu'il ne peut pas obtenir au Portugal. Le demandeur n'est pas couvert par l'assurance-maladie au Portugal.

Je suis convaincu que la preuve énoncée ci-dessus constitue pour le demandeur un préjudice irréparable qu'il subirait s'il était renvoyé au Portugal.

Prépondérance des inconvénients

[15]            Le demandeur est frappé d'une ordonnance de renvoi mais il n'est pas en détention. Il ne fait pas doute que le Ministre a l'obligation de faire appliquer les dispositions de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), chap., I-2, mais le demandeur a aussi le droit de voir la décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié révisée et de faire examiner sa demande pour des raisons d'ordre humanitaire.


[16]            Le demandeur n'a pas commis d'infractions depuis 1997. Il ne présente pas actuellement de risque pour le public. En conséquence, j'estime que la prépondérance des inconvénients est en sa faveur.

[17]            La mesure de renvoi (expulsion) prise contre le demandeur est par les présentes suspendue, soit jusqu'à la date où la demande de contrôle judiciaire fera l'objet d'une décision définitive ou jusqu'à la date où il sera statué sur sa demande d'examen pour des raisons d'ordre humanitaire, la date la plus tardive devant être retenue.

                                                         

ORDONNANCE

1.                    Il EST ORDONNÉ que la mesure de renvoi sera suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué définitivement sur les demandes de contrôle judiciaire ou jusqu'à ce qu'il soit statué sur la demande d'examen pour des raisons d'ordre humanitaire, selon ce qui interviendra en dernier.

« John A. O'Keefe »

                                                                                                             Juge                        

Toronto (Ontario)

Le 15 août 2001

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                  Avocats inscrits au dossier

No DE DOSSIER :                                  IMM-3651-01

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 CARLOS MANUEL MALICIA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

DATE DE L'AUDIENCE :                                 LE LUNDI 13 AOÛT 2001

LIEU DE L'AUDIENCE :                                   TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE PAR :                               LE JUGE O'KEEFE    

DATE DES MOTIFS

ET DE L'ORDONNANCE :                              LE MERCREDI 15 AOÛT 2001

ONT COMPARU :                                            Lorne Waldman

pour le demandeur

Cheryl Mitchell

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :       Jackman, Waldman & Associates

Avocats

281, av. Eglinton Est

Toronto (Ontario)

M4P 1L3

pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

pour le défendeur


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Date : 20010815

Dossier : IMM-3651-01

ENTRE :

CARLOS MANUEL MALICIA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                           

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                          

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