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Date : 20040602

Dossier : IMM-8368-03

Référence : 2004 CF 802

Vancouver (Colombie-Britannique), le mercredi 2 juin 2004   

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MARTINEAU

ENTRE :

                                                     KALMAJIT SINGH MALHI

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                       ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Aux termes du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue le 15 septembre 2003 par Mme Julie Bernier, agente d'examen des risques avant renvoi (l'agente d'ERAR), qui a conclu que le demandeur n'est pas une personne qui risque d'être persécutée, d'être torturée, d'être tuée ou de subir des traitements ou peines cruels ou inusités s'il est renvoyé dans le pays dont il a la nationalité ou dans lequel il avait sa résidence habituelle.

[2]                Le demandeur, Kalmajit Singh Malhi, est un citoyen de l'Inde et il allègue la persécution.

[3]                Le 15 septembre 1999, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande au motif d'un manque de crédibilité. Par la suite, le 1er octobre 1999, le demandeur a présenté une demande d'admission dans la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugiés au Canada (CDNRSRC). Puis, le 28 juin 2002, la Loi est entrée en vigueur et la demande d'admission du demandeur dans la CDNRSRC a été transformée en une demande d'ERAR, qui a été rejetée le 15 septembre 2003.

[4]                La décision de l'agente d'ERAR est rédigée en partie comme suit :

[traduction] La présente analyse a été menée dans le cadre de la prise en compte de considérations communes, qui sont essentielles aux demandes d'asile et auxquelles il faut satisfaire pour que l'évaluation soit faite au regard des articles 96 et 97 de la LIPA. Cela peut mener à la reconnaissance du statut de personne à protéger au Canada. Les facteurs d'analyse qui doivent être pris en compte pour les considérations communes comprennent la nature du risque, la protection de l'État et la possibilité d'un refuge intérieur. En l'espèce, il n'y a pas suffisamment d'éléments de preuve permettant de conclure que le risque que le demandeur courra à son retour est personnel et objectif. Même s'il l'était, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la preuve documentaire montre qu'il pourra se prévaloir de la protection de l'État et d'une possibilité de refuge intérieur. La crainte du demandeur de retourner dans son pays est par conséquent non fondée pour les motifs exposés ci-dessous.

[...]


[5]                En résumé, l'agente d'ERAR a noté dans son évaluation que son analyse du dossier se fondait sur les mêmes faits que ceux présentés à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR), qui avaient été considérés non crédibles. En outre, la CISR avait conclu que les allégations du demandeur n'étaient pas compatibles avec ce qui paraissait être la situation politique en Inde, selon diverses sources fiables présentées dans la preuve documentaire. L'agente d'ERAR, qui a pris en compte une preuve documentaire récente, a aussi été du même avis. Il est clair que l'agente d'ERAR n'a pas fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte de la preuve dont elle disposait. Dans l'ensemble, la décision n'est pas manifestement déraisonnable.

[6]                Le demandeur affirme que l'agente d'ERAR n'a pas pris en considération le rapport du Dr Yee en ce qui concerne les cicatrices qu'il a sur le corps. Cet argument est sans fondement. Au vu du fait que le rapport du Dr Yee avait été pris en compte par la CISR, l'agente d'ERAR a noté dans sa décision que le demandeur n'avait fourni aucune explication satisfaisante quant aux incohérences relevées dans son récit. Il est bien établi qu'il appartient à l'agent d'ERAR, à titre de décideur, de déterminer le poids qui doit être accordé au témoignage du demandeur de même qu'à la preuve déposée au soutien de la demande (Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 1329, au paragraphe 3 (1re inst.) (QL).


[7]                En ce qui a trait aux nouveaux éléments de preuve déposés le 29 mai 2003, il s'agit d'un affidavit du chef du conseil de village de Nano Malhian, qui confirme les faits allégués par le demandeur. L'agente d'ERAR a conclu que, bien que le document contienne de nombreux renseignements intéressants, il ne suffit pas en soi pour qu'elle renverse la décision rendue sur la demande du demandeur, au vu tant de la preuve documentaire versée au dossier que des explications fournies par le demandeur. L'agente d'ERAR n'a accordé que peu de valeur probante à ces nouveaux éléments de preuve. Vu que l'évaluation de la preuve relève du rôle de l'agente d'ERAR, qui a le pouvoir discrétionnaire de s'appuyer sur les éléments de preuve qu'elle considère appropriés, l'intervention de la Cour n'est pas justifiée (Ferroequus Railway Co. c. La Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (2003), 313 N.R. 363 (C.A.)). La CISR avait déjà examiné diverses sources fiables de preuve documentaire et avait conclu que les allégations du demandeur n'étaient pas compatibles avec la situation politique ayant cours en Inde. L'agente d'ERAR, qui était du même avis, a considéré des éléments de preuve documentaire récents tels que le Country Report on Human Rights Practices - 2002, publié par le Département d'État des États-Unis le 31 mars 2003; Freedom in the World Country Report de Freedom House; India, 2002, d'Amnesty International Country Report 2002 et Human Rights Watch, Publications, Report by Country, 2003, et elle a conclu qu'il y avait effectivement torture et mauvais traitements au Pendjab et ailleurs en Inde tant au moment de l'arrestation que durant la détention, mais que cela ne s'appliquait pas à la situation du demandeur étant donné qu'il n'était pas un militant connu. Bien que l'agente d'ERAR ait conclu que la preuve documentaire montre que les personnes qui se font arrêter courent un risque de torture et de mauvais traitements, elle a conclu que cela ne s'appliquait pas à la situation personnelle du demandeur parce qu'il n'avait pas réussi à prouver qu'il est recherché ou qu'il court personnellement le risque d'être arrêté. Je conclus que l'agente d'ERAR a effectivement pris en considération la preuve documentaire et que cette preuve étaye sa conclusion. Bien que certains éléments de la preuve documentaire puissent présenter la situation quelque peu différemment, cela ne suffit pas, à mon avis, pour justifier que la Cour annule la décision contestée.

[8]                Il appartient clairement au demandeur d'établir qu'il a besoin de protection (article 161 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement)). Cela dit, nonobstant le fait qu'elle a conclu que le demandeur ne risquait pas d'être persécuté, l'agente d'ERAR a aussi conclu que, de toute façon, il disposait d'une possibilité de refuge intérieur (PRI). Il est bien établi qu'une PRI suffit pour que la CISR ou l'agent d'ERAR, selon le cas, ne puisse pas accorder le statut de réfugié ou le statut de personne à protéger. Dans Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 109 D.L.R. (4th) 682 (C.A.), la Cour d'appel fédérale a décidé qu'il appartenait au demandeur de démontrer qu'il craignait avec raison d'être persécuté où qu'il se trouvât dans le pays. L'agente d'ERAR, en se fondant sur la preuve documentaire, a conclu que les sikhs qui ont été victimes de violences de la part de la police peuvent maintenant obtenir la protection de l'État. Vu que l'agente d'ERAR a conclu que le demandeur n'était pas crédible et que par conséquent il n'était pas un militant connu et vu que le demandeur n'a pas réussi à montrer qu'il n'existe pas de PRI à l'extérieur du Pendjab, les conclusions tirées par l'agente d'ERAR ne justifient pas l'intervention de la Cour.


[9]                Le demandeur affirme en outre qu'il aurait dû pouvoir présenter des observations oralement. Cet argument n'a pas de fondement. Une audience n'est tenue que dans des circonstances exceptionnelles, notamment lorsque le ministre est d'avis que cela est nécessaire au regard des facteurs énumérés à l'article 167 du Règlement (l'alinéa 113b) de la Loi). En l'espèce, le demandeur n'a pas établi qu'il satisfait aux exigences de l'article 167 du Règlement. Par conséquent, je conclus que le demandeur n'a pas été empêché d'exercer son droit à être entendu, vu qu'il a eu l'occasion de présenter des observations écrites à l'agente d'ERAR.

[10]            En ce qui concerne l'allégation du demandeur selon laquelle les retards dans le traitement de sa demande ont entraîné un déni de ses droits équivalant à un traitement inéquitable, je conclus qu'il n'y a pas suffisamment d'éléments de preuve devant la Cour pour qu'elle puisse arriver à cette conclusion. Pour qu'un retard soit déraisonnable, au point de constituer un manquement à l'obligation d'agir équitablement, ce retard doit avoir été si inacceptable et abusif qu'il a vicié la procédure (Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307, au paragraphe 121 (C.S.C.). En l'espèce, le demandeur n'a présenté aucune preuve quant à ce qui est un délai de traitement « normal » pour ce genre de situations, en comparaison duquel le temps pris pour agir en l'espèce pourrait être qualifié d'excessif. En outre, la Loi ne fixe aucun délai quant au traitement des demandes d'ERAR. De plus, le demandeur n'a pas prouvé qu'il a subi un préjudice en raison du temps de traitement de sa demande.

[11]            Finalement, je conclus que l'intervention de la Cour n'est pas justifiée. La présente affaire ne soulève aucune question de portée générale, et aucune question ne sera certifiée.

                                                     


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE : La demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 15 septembre 2003 par l'agente d'ERAR, Julie Bernier, est rejetée.

« Luc J. Martineau »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


                                     COUR FÉDÉRALE

                     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                                           

DOSSIER :               IMM-8368-03

INTITULÉ :               KALMAJIT SINGH MALHI

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                             MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 17 MAI 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE MARTINEAU

DATE DES MOTIFS :                                  LE 2 JUIN 2004

COMPARUTIONS :

JACK ROSENFELD                                     POUR LE DEMANDEUR

ANDREA SHAHIN POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

JACK ROSENFELD                                     POUR LE DEMANDEUR

MONTRÉAL (QUÉBEC)

MORRIS ROSENBERG                                POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA


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