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     Date : 19980812

     Dossier : IMM-4581-97

OTTAWA (Ontario), le mercredi 12 août 1998

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE

     SAYED HOSSEINI,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     Une demande ayant été présentée en vue d'un contrôle judiciaire et de l'obtention d'une ordonnance infirmant la décision par laquelle la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté, le 30 septembre 1997, la demande par laquelle le demandeur contestait la compétence de la section du statut à l'égard de la décision qu'elle avait rendue le 3 octobre 1996 au sujet de la revendication que celui-ci avait présentée en vue d'obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention;

     L'avocat du demandeur et l'avocat du ministre défendeur ayant été entendus à Toronto le 4 mars 1998 à l'égard de cette demande et d'une seconde demande mettant en cause les mêmes parties dans le dossier du greffe IMM-3873-96, et la décision ayant alors été reportée à plus tard;

     Les observations qui ont alors été présentées et les observations subséquentes qui ont été présentées par écrit pour le compte du demandeur à la suite de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.S. no 46, 4 juin 1998, ayant été examinées, alors que la présente décision n'avait pas encore été rendue;

     ORDONNANCE

     IL EST ORDONNÉ que la demande soit rejetée.

     W. Andrew MacKay

     ________________________________

     Juge

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

     Date : 19980812

     Dossier : IMM-3873-96

OTTAWA (Ontario), le mercredi 12 août 1998

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE

     SAYED HOSSEINI,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     Une demande ayant été présentée en vue d'un contrôle judiciaire et de l'obtention d'une ordonnance infirmant la décision par laquelle la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu, le 3 octobre 1996, que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention parce qu'il était exclu en vertu de la section Fc) de l'article premier de la Convention internationale relative au statut des réfugiés, puisqu'il avait été déclaré coupable de trafic de stupéfiant, infractions qui allaient apparemment à l'encontre des buts et principes des Nations Unies;

     L'avocat du demandeur et l'avocat du ministre défendeur ayant été entendus à Toronto le 4 mars 1998 à l'égard de cette demande et d'une seconde demande mettant en cause les mêmes parties dans le dossier du greffe IMM-4581-97, et la décision ayant alors été reportée à plus tard;

     Les observations qui ont alors été présentées et les observations subséquentes qui ont été présentées par écrit pour le compte du demandeur à la suite de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1998] A.C.S. no 46, 4 juin 1998, ayant été examinées alors que la présente décision n'avait pas encore été rendue;

     ORDONNANCE

IL EST ORDONNÉ CE QUI SUIT :

1.      Il est fait droit à la demande.
2.      La décision contestée que la section du statut de réfugié a rendue le 3 octobre 1996 est infirmée dans la mesure où elle se rapporte à l'application de la section Fc) de l'article premier de la Convention internationale relative au statut des réfugiés;
3.      La revendication que le demandeur a présentée en vue d'obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention est renvoyée à la section du statut pour qu'elle détermine que celui"ci est un réfugié au sens de la Convention conformément aux conclusions tirées dans la décision du 3 octobre 1996, à savoir qu'il craint avec raison d'être persécuté et qu'il ne pourrait pas bénéficier d'une protection adéquate s'il retournait dans son pays.

     W. Andrew MacKay

     ________________________________

     Juge

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

     Date : 19980812

     Dossiers : IMM-3873-96 et IMM-4581-97

     IMM-3873-96

ENTRE

     SAYED HOSSEINI,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur

ET ENTRE

     IMM-4581-97

     SAYED HOSSEINI,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIF DES ORDONNANCES

LE JUGE MacKAY

[1]      Par une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire présentée le 24 octobre 1996, le demandeur sollicite, dans le dossier IMM-3873-96, le contrôle judiciaire d'une décision par laquelle une formation de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la formation) a conclu, le 3 octobre 1996, qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention. Le dossier IMM-4581-97 se rapporte à une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire datée du 29 octobre 1997, en vue du contrôle judiciaire d'une décision par laquelle une formation de la section du statut de réfugié a rejeté, le 30 septembre 1997, une requête dans laquelle le demandeur contestait la compétence de la formation d'examiner sa revendication. Les demandes ont été entendues ensemble à Toronto.

Les faits

[2]      Le demandeur est un musulman chiite; il est citoyen de l'Afghanistan et il allègue qu'il a été persécuté dans ce pays du fait de son ethnie et de sa religion. Il a quitté l'Afghanistan en 1977, pour des raisons financières, afin de vivre en Iran. Dans ce pays, il a joint les moudjahiddin, une organisation qui cherchait alors à renverser le régime communiste en Afghanistan. Le demandeur s'est rendu au Pakistan en sa qualité de membre des moudjahiddin. Pendant qu'il franchissait la frontière pour livrer des armes à des rebelles en Afghanistan, il a été capturé et torturé, ce qui lui a occasionné un syndrome de stress post"traumatique. Le demandeur s'est évadé; il s'est retrouvé au Pakistan, où il a été traité. De là, il s'est rendu en Inde, et finalement, après avoir passé six ans dans ce pays, il est arrivé au Canada à la fin de décembre 1987.

[3]      Après son arrivée au Canada, le demandeur s'est livré au trafic d'héroïne; il a été accusé de trafic d'héroïne et de possession de stupéfiant en vue du trafic, soit deux infractions à la Loi sur les stupéfiants; il a plaidé coupable. En décembre 1991, le demandeur a été condamné à la peine déjà purgée, soit un an, plus une peine de sept ans. Il s'est vu accorder une libération conditionnelle de jour après avoir purgé 15 mois de sa peine, et il a obtenu une libération conditionnelle totale en avril 1994.

Procédures relatives au statut de réfugié

[4]      Lorsque le demandeur est arrivé au Canada en 1987, il a revendiqué le statut de réfugié au point d'entrée; il a présenté une revendication officielle en janvier 1988 lors d'une enquête qu'un arbitre présidait, conformément au système alors en place à l'égard de l'examen des revendications. L'enquête a été ajournée aux fins d'un interrogatoire sous serment, conformément au paragraphe 44(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I"2, telle qu'elle était alors en vigueur. Cette disposition se lisait comme suit :

         44. (1) La revendication du statut de réfugié au sens de la Convention n'empêche pas la poursuite de l'enquête; s'il est établi ultérieurement qu'en l'absence d'une telle prétention, elle aurait donné lieu à une mesure de renvoi ou d'interdiction de séjour, l'enquête est suspendue et un agent principal procède à l'interrogatoire sous serment de l'intéressé.                 

[5]      L'interrogatoire sous serment a eu lieu le 24 août 1988, mais aucune décision n'a été rendue pour le compte du ministre au sujet de la revendication et le cas du demandeur a finalement fait partie de l'"arriéré".

[6]      Le 1er janvier 1989, le projet de loi C"55 (ci"après appelé la "loi de 1989") a été adopté; il apportait des modifications majeures à la Loi sur l'immigration . En vertu du système qui était en place entre cette date et le 31 janvier 1993, les revendications devaient faire l'objet d'une présélection par un arbitre et par un membre de la section du statut, en vue de permettre de déterminer si elles étaient recevables, dans le cadre d'une "audience sur le minimum de fondement". Les dispositions transitoires pertinentes associées à ces modifications se lisent comme suit :

         41.      Malgré toute disposition de la nouvelle loi, la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention est recevable par la section du statut si l'intéressé se trouve dans l'une ou l'autre des situations suivantes :                 
                 a) l'enquête dont, à la date de référence, il fait l'objet a été ajournée conformément au paragraphe 45(1) de l'ancienne loi et le ministre n'a pas encore, aux termes du paragraphe 45(4) de cette loi, rendu sa décision;                 
         [...]                 
         42. (1) Dans le cas où la revendication est recevable aux termes des alinéas 41a) ou b), l'agent d'immigration supérieur fait tenir une audience devant un arbitre et un membre de la section du statut.                 
         [...]                 
         43. (1) Dans le cas visé à l'article 42, l'arbitre et le membre de la section du statut chargés de l'audience déterminent si la revendication a un minimum de fondement.                 

[7]      Le 7 octobre 1992, malgré les assertions contraires qui étaient faites dans l'affidavit que le demandeur a déposé à l'appui de la présente demande, une enquête a de toute évidence été effectuée par un arbitre à l'établissement de Collins Bay, où le demandeur était apparemment incarcéré. L'enquête était apparemment tenue [TRADUCTION] "en vertu des dispositions de la Loi sur l'immigration". Lors de cette enquête, les propos suivants ont été échangés :

         [TRADUCTION]                 
         Q.      Monsieur, revendiquez"vous le statut de réfugié au sens de la Convention?                 
         R.      Oui.                 
         Q.      Dans ce cas, l'enquête sera également ajournée de façon qu'un membre de la section du statut de réfugié soit présent. Ce membre et moi"même examinerons la revendication. Nous ne déterminerons pas si vous êtes un réfugié au sens de la Convention, mais si la revendication doit être envoyée à la section du statut pour qu'elle rende une décision définitive.                 

[8]      Cette enquête a été ajournée. Elle a repris le 4 décembre 1992, en présence d'un arbitre différent et d'un membre de la section du statut. L'affaire a encore une fois été ajournée de façon à permettre au demandeur de retenir les services d'un avocat.

[9]      Le 10 février 1993, l'enquête a repris en présence d'un arbitre seulement. À la fin de l'enquête, une mesure d'expulsion conditionnelle a été prise et l'arbitre, agissant seul, a déféré la revendication à la section du statut. Cette décision a été rendue dix jours après que la Loi sur l'immigration eut de nouveau été modifiée par suite de l'adoption du projet de loi C"86 (L.C. 1992, ch. 49) (ci"après la "loi de 1993"). En vertu de la loi de 1993, les renvois à la section du statut doivent être faits par un agent d'immigration supérieur conformément à l'article 44, et non par un arbitre ou par une formation chargée de tenir une audience relative à la question du minimum de fondement, sauf en ce qui concerne les cas prévus à l'article 110 de la loi de 1993, qui se lit comme suit :

         110.      Les enquêtes ou audiences prévues par des dispositions de la Loi sur l'immigration modifiées ou abrogées par la présente loi sont tenues, et les décisions auxquelles elles donnent lieu sont rendues, comme si ces dispositions n'avaient pas été modifiées ou abrogées si, à la date d'entrée en vigueur de la modification ou de l'abrogation, elles avaient été commencées.                 

L'article 112 de la loi de 1993 prévoit ce qui suit :

         112.      Par dérogation à l'article 110 :                 
                 a) toutes les revendications du statut de réfugié au sens de la Convention présentées entre le 1er janvier 1989 et la date d'entrée en vigueur du présent article et dont il n'a pas encore été décidé à cette date si elles avaient un minimum de fondement sont déférées à la section du statut;                 
                 b) les mesures découlant des enquêtes ou audiences visées à l'article 110, notamment les mesures de renvoi ou les mesures d'expulsion conditionnelle, sont prises conformément aux dispositions de la Loi sur l'immigration, dans leur version édictée par la présente loi, en vigueur au moment de la prise.                 

[10]      En l'espèce, à côté de la note relative au renvoi de la décision, l'arbitre a inscrit à la main [TRADUCTION] "D.T. 112", ce qui selon le demandeur veut dire : "Dispositions transitoires, article 112". À la suite de ce renvoi, la section du statut a conclu, le 3 octobre 1996, que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention. Le passage principal des motifs de la formation se lit comme suit :

         [TRADUCTION]                 
         Compte tenu de la preuve dans son ensemble, la formation conclut que de nombreux groupes qui se définissent par leur religion, par leur ethnie, par leur sexe, etc., sont sérieusement en danger de nos jours en Afghanistan. La crainte du demandeur est fondée sur le fait qu'il est un Hazara chiite, ce qui, soutient"il, donnerait lieu à de la persécution de la part des milices sunnites, des soi"disant forces gouvernementales et du taliban. La formation conclut, selon la prépondérance de la preuve, que le demandeur craint avec raison d'être persécuté du fait de son identité personnelle et, en outre, qu'il ne peut pas bénéficier d'une protection adéquate dans son pays. [...] Cela étant, la formation doit se demander si le demandeur serait exclu en vertu de la section Fc ) de l'article premier de la Convention [...]                 

La formation a ensuite conclu que le demandeur, qui avait été déclaré coupable de trafic de stupéfiant, soit une infraction considérée comme contraire aux buts et aux principes des Nations Unies, était exclu de la définition de "réfugié au sens de la Convention" figurant dans la Loi en vertu de la section Fc) de l'article premier, de sorte qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention. La section Fc) de l'article premier de la Convention prévoit ceci :

         F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :                 
             a) qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;                 
             b) qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme réfugiés;                 
             c) qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.         

[11]      Par la suite, le demandeur a présenté une requête à la section du statut en vue d'obtenir une ordonnance portant qu'au départ, la section n'avait pas compétence pour entendre la revendication. Par une décision datée du 30 septembre 1997, la section a rejeté la requête, en concluant qu'elle avait compétence et, subsidiairement, qu'elle était dessaisie de l'affaire.

[12]      Le demandeur présente une demande de contrôle judiciaire (IMM"3873"96) de la décision du 3 octobre 1996, dans laquelle il conteste la compétence de la formation d'entendre sa revendication ainsi qu'une demande de contrôle judiciaire (IMM"4581"97) dans laquelle il conteste la décision que la formation a rendue le 30 septembre 1997. Dans les observations supplémentaires qu'il a présentées par écrit et dans son plaidoyer oral, le demandeur soutient également que, subsidiairement, la formation a commis une erreur de droit en se fondant sur la clause d'exclusion figurant dans la section Fc ) de l'article premier dans sa décision du mois d'octobre 1996.

Les points litigieux

[13]      À mon avis, les questions qui sont ici en litige sont les suivantes :

     1. La formation avait"elle compétence pour rendre la décision du 3 octobre 1996?

     2. La formation a"t"elle commis une erreur en rejetant la requête du demandeur, le 30 septembre 1997?
     3. En rendant la décision du 3 octobre 1996, la formation a"t"elle commis une erreur en concluant que le demandeur était exclu en vertu de la section Fc ) de l'article premier de la Convention?
     4. Quelle est la réparation appropriée en l'espèce?

La question de la compétence

[14]      Le demandeur soutient, en se fondant sur les modifications législatives susmentionnées, qu'un arbitre siégeant seul n'a pas compétence pour déférer sa revendication à la section du statut. Avant le 1er février 1993, tout renvoi devait être effectué par un arbitre et par un membre de la section du statut. Après le 31 janvier 1993, c'était un agent d'immigration supérieur plutôt qu'un arbitre qui avait compétence pour déférer l'affaire.

[15]      Il n'était pas approprié pour l'arbitre de se fonder sur l'article 112 de la loi de 1993, est"il soutenu, parce que le demandeur n'a pas présenté sa revendication entre le 1er janvier 1989 et la date d'entrée en vigueur de la loi de 1993. La revendication a plutôt été initialement présentée lorsque le demandeur est arrivé au point d'entrée, en 1987, et elle a été réitérée en janvier 1988, lors de la première enquête, qui a été ajournée conformément au paragraphe 44(1) de la Loi, telle qu'elle était alors libellée. Il est soutenu que c'est plutôt l'article 110 de la loi de 1993 qui s'applique. Le demandeur soutient que son cas aurait dû être traité en vertu des dispositions de la Loi sur l'immigration telle qu'elle existait avant d'être modifiée, le 1er février 1993; en particulier, sa revendication aurait dû être traitée au moyen d'une audience relative à la question du minimum de fondement.

[16]      De son côté, le défendeur affirme que rien ne montre que le demandeur se soit opposé à la compétence de la section du statut en ce qui concerne l'audition de sa revendication, ou qu'il ait sollicité le contrôle judiciaire de la décision du 10 février 1993 par laquelle l'arbitre avait déféré son cas à la formation. Il est soutenu que le demandeur sollicite en fait l'examen de la décision de cet arbitre, et qu'il y a prescription.

[17]      Le demandeur affirme qu'il n'y a pas prescription en ce qui concerne une question de compétence. Il soutient qu'en fait, les décisions que la Cour fédérale a récemment rendues au sujet de la question du "danger pour le public" au sens du paragraphe 70(5) laissent entendre que la Cour n'exercera pas de contrôle, lorsqu'une attestation est délivrée, tant que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié n'aura pas rendu une décision dans laquelle elle refuse d'exercer sa compétence à cause de l'attestation. Par analogie, pour qu'il soit possible de rendre une décision au sujet de la compétence de la section du statut, la Cour doit avoir devant elle une décision de la section.

[18]      À mon avis, entre le 1er janvier 1989 et le 31 janvier 1993, le cas du demandeur faisait partie de l'arriéré des revendications dont la recevabilité devait être déterminée, en vertu des modifications effectuées par la loi de 1989, dans le cadre d'une audience relative à la question du minimum de fondement tenue devant un arbitre et un membre de la section du statut.

[19]      Entre le 1er janvier 1989 et le 31 janvier 1993, le demandeur pouvait uniquement faire l'objet d'un renvoi à la section du statut à la suite d'une audience relative à la question du minimum de fondement. Au moment où le cas du demandeur a été déféré à la section du statut, le 10 février 1993, les dispositions transitoires de la loi de 1993 étaient en vigueur. À mon avis, étant donné que la revendication avait été présentée avant le 1er janvier 1989, c'était l'article 110 qui s'appliquait plutôt que l'article 112 et l'enquête entreprise en octobre 1992, probablement en vertu des dispositions de la loi de 1989, devait se poursuivre jusqu'à ce qu'une décision soit rendue à la suite d'une audience relative à la question du minimum de fondement, comme si les dispositions alors en vigueur n'avaient pas subséquemment été modifiées ou abrogées.

[20]      Cette interprétation de l'article 110 est étayée par une ordonnance rendue sur consentement par Monsieur le juge McKeown dans l'affaire Atta"Kyere c. MCI, IMM"1756"95, 26 janvier 1996. Les faits de l'affaire, tels qu'ils sont énoncés dans l'exposé des points d'argumentation du demandeur en cause, étaient semblables à ceux de la présente espèce. En particulier, le demandeur avait revendiqué le statut de réfugié avant le 1er janvier 1989, mais une audience relative à la question du minimum de fondement n'a jamais été tenue. Le demandeur a soutenu que l'article 110 de la loi de 1993 exigeait que son cas soit traité conformément à la loi de 1989, qui prévoyait la tenue d'une audience relative à la question du minimum de fondement. Il a affirmé qu'étant donné que son cas n'avait pas été ainsi traité, la formation n'avait pas compétence. Sur consentement, Monsieur le juge McKeown a ordonné que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie, que la décision de la formation soit infirmée et que le cas du demandeur soit traité conformément au Règlement sur la catégorie admissible des demandeurs du statut de réfugié, ce qui devait comprendre, au besoin, le traitement du cas du demandeur comme si l'audience relative à la question du minimum de fondement avait commencé avant le 1er février 1993. En fait, cela voudrait dire qu'une audience relative à la question du minimum de fondement aurait dû être tenue avant que la formation puisse avoir compétence, soit un processus préservé par l'article 110.

[21]      Je remarque qu'une ordonnance rendue sur consentement n'a pas valeur de précédent1. Néanmoins, j'estime que cette interprétation de l'article 110, qui est inférée de l'ordonnance rendue par le juge McKeown, est conforme à la position adoptée dans le jugement Sahayarajah c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)1, rendu par Monsieur le juge Noël. Dans ce jugement"là, il a été tenu compte du régime prévu par la Loi telle qu'elle existait avant l'entrée en vigueur de la loi de 1989, et de l'effet de l'article 110 de la loi de 1993 sur les dispositions de la loi de 1989. Il s'agissait de savoir si, à la suite d'une conclusion défavorable tirée dans le cadre d'une audience relative à la question du minimum de fondement, une enquête qui avait entraîné la prise d'une mesure d'exclusion pouvait être recommencée, après l'entrée en vigueur de la loi de 1993, en vertu de la procédure qui s'appliquait avant l'entrée en vigueur de la loi de 1989. En concluant qu'elle pouvait l'être, le juge Noël (tel était alors son titre) a examiné la question de l'interprétation de l'article 110, et a notamment fait remarquer ce qui suit :

         L'article 110 n'exige pas que l'enquête soit initiée en vertu d'une disposition abrogée ou modifiée par le Projet de loi C-86. Elle n'exige que l'enquête ait débuté avant son adoption. De plus, le fait que l'enquête ait été ajournée au moment de l'adoption du Projet de loi C-86 est sans intérêt, car le requérant continuait de faire l'objet d'une enquête à l'époque concernée. On ne cesse pas de faire l'objet d'une enquête simplement parce qu'une enquête est ajournée.                 

[22]      En l'espèce, l'enquête qui avait commencé en octobre 1992 a pris fin au moyen de la prise d'une mesure de renvoi conditionnel, en février 1993. Toutefois, le renvoi de la revendication à la section du statut à cette dernière date a été effectué par un arbitre siégeant seul, et non par une formation chargée de tenir une audience sur la question du minimum de fondement, et notamment par un membre de la section du statut.

[23]      Je conclus qu'après le 1er février 1993, l'article 110 s'appliquait à la revendication du demandeur. Dans les plaidoyers oraux qu'il a présentés devant moi, le défendeur a soutenu que le demandeur avait présenté une deuxième revendication pendant l'enquête de 1992, de sorte qu"il était visé par l'article 112. À l'appui, le défendeur souligne le passage précité (au paragraphe 7) de la transcription de l'audience du 7 octobre 1992, au cours de laquelle on a demandé au demandeur s'il revendiquait le statut de réfugié au sens de la Convention. Avec égards, le demandeur a peut"être réitéré sa revendication à ce moment"là, mais les faits montrent clairement que la revendication remonte à l'année 1988. Elle a été faite avant 1989 et avant l'entrée en vigueur de la loi de 1989. Le fait que le demandeur a simplement réitéré sa demande qui, selon le dossier, avait été présentée avant l'entrée en vigueur du régime législatif, le 1er janvier 1989, ne veut pas dire, à mon avis, que l'article 112 s'applique à la revendication.

[24]      En ce qui concerne la question de savoir s'il s'est opposé en temps opportun à la compétence de la section du statut, le demandeur, dans le dossier IMM"4581"97, se fonde sur l'arrêt Byers Transport Ltd. c. Kosanovich1. Dans cet arrêt, la Cour d'appel a statué que le silence ou le consentement explicite ou tacite des parties au sujet de la question de la compétence n'excusait pas l'arbitre, qui agissait en vertu du Code canadien du travail. Toutefois, il importe de noter que, dans cet arrêt"là, la Cour a statué qu'en vertu de la loi qui était en cause, l'arbitre était tenu d'examiner la question de la compétence avant d'entreprendre son enquête.

[25]      Dans l'arrêt F. Zormann and Co. Real Estate Ltd. v. Toronto Real Estate Board1, où il était question de la compétence d'un comité d'arbitrage qui se prononçait sur un litige entre deux membres du Toronto Real Estate Board, le juge Reid, au nom de la Cour, a statué ce qui suit :

         [TRADUCTION]                 
             La commission ne se voit pas conférer une compétence qu'elle n'a pas simplement parce qu'on a omis de s'opposer à ce moment"là, mais il y a un autre aspect de l'omission qui mérite d'être examiné. Il s'agit de l'effet que l'omission de faire opposition en temps opportun a sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire de cette cour.                 
             Il existe de bonnes raisons pratiques d'exiger que les objections soient faites à l'audition de l'affaire elle"même. Il est utile d'avoir la décision que la commission a rendue à ce sujet. La commission peut rendre une décision qui est entièrement favorable à la personne qui fait opposition. Cela voudrait dire qu'il ne serait pas nécessaire de soulever l'objection par la suite devant un tribunal. Il existe des raisons pratiques de procéder ainsi. Je m'attarde sur la question parce que nous nous sommes engagés dans de longues discussions avec l'avocat de la demanderesse au sujet du fait qu'on a omis de s'opposer aux questions qui ont été soulevées devant nous, sauf une. À mon avis, cette omission ne devrait pas être considérée comme fatale en l'espèce car il est ici question de la compétence.                 

Cet arrêt a été cité dans le jugement New Brunswick Egg Marketing Board c. Canadian Egg Marketing Agency1, où Monsieur le juge Dubé a statué que l'omission de soulever le défaut de compétence en temps opportun n'a pas en soi pour effet de rendre compétent l'organisme en cause.

[26]      Dans le jugement Kupeyan v. Royal College of Dental Surgeons of Ontario1, le juge Anderson, au nom de la Cour divisionnaire de l'Ontario, a fait la remarque suivante :

         [TRADUCTION]

         Même si l'on estimait que l'appelant a donné son consentement, et rien ne montre que ce soit le cas si ce n'est pour l'inférence qui peut être faite par suite de sa participation à l'instance, cela importerait peu. Voir Essex County Council v. Essex Incorporated Congregational Church Union, [1963] A.C. 808, aux pages 820"821 (C.L.), lord Reid :                 
             [...] selon un principe fondamental, aucun consentement ne peut conférer à une cour ou à un tribunal qui possède une compétence restreinte en vertu de la loi le pouvoir d'outrepasser cette compétence ou ne peut préclure la partie consentante de maintenir par la suite que la cour ou le tribunal a agi sans avoir compétence.                 
         De son côté, lord Morris of Borth"y"Gest a dit ceci, à la page 825 :                 
             Le tribunal ne pouvait pas assumer une compétence qu'il aurait uniquement si certaines mesures avaient été prises et si certaines conditions avaient été remplies.                 

[27]      Dans l'arrêt Cetoute v. Canada (Minister of Employment and Immigration)1, la Cour d'appel fédérale a implicitement adopté une position différente. Dans cette affaire, la compétence de la Commission d'appel de l'immigration était remise en question. En rejetant la demande de contrôle judiciaire, Monsieur le juge Hugessen a fait la remarque suivante :

         Qu'elle soit bien fondée ou non, la décision de la Division de première instance dans l'affaire Harvinder Singh Sethi c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration [...], ne peut avoir aucune incidence sur l'issue de la présente cause, car le présent dossier ne démontre pas que l'on ait contesté en temps opportun la compétence de la Commission.                 

[28]      En l'espèce, je ne suis pas convaincu que le fait qu'aucune objection n'a été formulée en temps opportun à l'égard de la compétence entraîne le rejet de l'affaire. À mon avis, le demandeur qui omet de soulever la question au cours des procédures initiales qui ont eu lieu devant la section du statut ne renonce pas pour autant à s'opposer à la compétence. À mon avis, une objection soulevée dans le cadre d'une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire est formulée en temps opportun.

Le rejet de la requête du demandeur par la formation

[29]      L'autre question qui se pose dans le dossier IMM"4581"97 est celle de savoir si la section du statut a commis une erreur en concluant subsidiairement qu'elle était dessaisie de l'affaire et qu'elle n'était pas autorisée à annuler sa décision antérieure. Dans les plaidoyers oraux qu'il a présentés devant moi, le défendeur a soutenu que l'affaire n'avait plus aucun intérêt pratique. Je souscris à son avis. Lorsque la Cour refuse d'accorder une réparation parce que la question soulevée n'a plus aucun intérêt pratique, elle détermine en fait 1) qu'aucune question justiciable n'oppose les parties, et 2) que rien ne permet au juge d'exercer son pouvoir discrétionnaire pour entendre l'affaire1.

[30]      La décision de la formation qui est ici examinée, à savoir qu'elle était dessaisie de l'affaire, constituait essentiellement une raison de plus de ne pas arriver à la conclusion recherchée par le demandeur. Dans ce cas"ci, la Cour tire cette conclusion, à savoir que la formation n'avait pas compétence pour examiner la revendication. À mon avis, toute décision rendue par la Cour au sujet de la question de savoir si la formation a commis une erreur en concluant qu'elle était dessaisie n'aura donc pas pour effet de régler une controverse qui influe ou peut influer sur les droits des parties, étant donné que cette controverse est ici réglée. Partant, rien ne permet à mon avis à la Cour d'exercer son pouvoir discrétionnaire pour entendre l'affaire.

Exclusion en vertu de la section Fc) de l'article premier

[31]      Avant qu'une décision soit rendue en l'espèce, la Cour suprême du Canada a fait connaître sa décision dans l'affaire Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)1. Par la suite, les avocats ont présenté des observations additionnelles par écrit, au sujet de l'importance de cette décision dans le cas qui nous occupe. Le demandeur affirme que, compte tenu de l'arrêt Pushpanathan, la formation a commis une erreur de droit en l'excluant en vertu de la section Fc) de l'article premier de la Convention. Voici ce que Monsieur le juge Bastarache a conclu dans cet arrêt au nom de la majorité de la Cour :

             Même si le trafic international des drogues constitue un problème extrêmement grave que les Nations Unies ont tenté de résoudre en prenant des mesures extraordinaires, en l'absence d'indications claires que ce trafic est considéré par la communauté internationale comme une violation suffisamment grave et soutenue des droits fondamentaux de la personne pour constituer une persécution, soit parce qu'il a été désigné expressément comme un acte contraire aux buts et aux principes des Nations Unies (la première catégorie) ou parce qu'il est visé par des instruments internationaux précisant par ailleurs que ce trafic est une violation grave des droits fondamentaux de la personne (la seconde catégorie), des personnes ne doivent pas être privées du bénéfice des protections essentielles contenues dans la Convention pour avoir commis de tels actes. L'article 33 et les dispositions de la Loi qui lui font pendant prévoient l'expulsion des personnes qui constituent un danger pour la société canadienne, et les motifs justifiant cette mesure ont une portée plus large et sont formulées plus clairement. À l'évidence, ma décision quant à la portée de la section Fc) de l'article premier de la convention, incorporé au droit national par le par. 2(1) de la Loi, n'empêche donc pas le ministre de prendre les mesures qui s'imposent pour assurer la sécurité des Canadiens.                 
             À mon avis, le complot en vue de faire le trafic d'un stupéfiant commis par l'appelant n'est pas une violation visée par la section Fc) de l'article premier.                 

[32]      À mon avis, compte tenu de la décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Pushpanathan, il est maintenant clair qu'en l'espèce le demandeur ne peut pas être exclu en vertu de la section Fc) de l'article premier à cause des infractions dont il a été reconnu coupable. En l'excluant pour ce motif, la formation a commis une erreur de droit.

Réparation

[33]      Dans les plaidoyers additionnels qu'il a présentés par écrit après l'audience, le demandeur maintient les arguments qu'il avait avancés au sujet de la compétence de la formation et demande subsidiairement à la Cour de conclure qu'il est un réfugié pour le motif que, si ce n'avait été de l'erreur de droit commise à l'égard de la section Fc) de l'article premier, la formation aurait conclu qu'il était un réfugié. Il importe de noter que la formation a conclu que le demandeur avait raison de craindre d'être persécuté s'il retournait en Afghanistan, son pays natal.

[34]      Avec égards, les objections que le demandeur a soulevées à l'égard de la décision de la formation créent des problèmes en ce qui concerne la réparation à accorder. Si la formation n'avait pas compétence, comme il a réussi à l'établir, le demandeur peut difficilement se fonder sur la conclusion de fait que la formation a tirée, à savoir qu'il avait raison de craindre d'être persécuté, et il peut difficilement soutenir que cette cour devrait, si elle a la compétence voulue, conclure qu'il est un réfugié.

[35]      Dans les plaidoyers oraux qu'il a présentés devant moi, le défendeur a soutenu que la Cour ne devrait pas intervenir, même si la procédure par laquelle le cas du demandeur a été déféré à la formation était viciée. On a fait remarquer, avec raison à mon avis, que si la revendication avait été traitée de la façon appropriée, et si un résultat favorable avait été obtenu, le cas du demandeur aurait été porté devant la formation. Étant donné que le demandeur ne pouvait pas s'attendre à un processus plus favorable que celui dont il a bénéficié, aucun préjudice ne lui a été causé. On soutient, en se fondant par analogie sur l'arrêt Yassine v. Minister of Employment and Immigration1, que cette cour ne devrait pas intervenir. Dans l'arrêt Yassine, la Cour d'appel fédérale a décidé qu'il ne servirait à rien de renvoyer l'affaire à la section du statut, malgré le manquement à la justice naturelle, si le résultat obtenu devant la section était de toute façon inévitable.

[36]      Le défendeur se fonde également sur la décision Pal v. Canada (Minister of Employment and Immigration)1. Dans cette décision, Madame le juge Reed devait décider de la réparation à accorder par suite d'un manquement à la justice naturelle. Dans son analyse, elle a fait l'observation suivante :

             Il échet donc d'examiner si le manquement aux principes de justice naturelle n'avait guère ou pas d'effet sur l'issue de la décision prise dans son ensemble. La réparation visée au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale relève du pouvoir discrétionnaire de cette Cour. Tel est le sens de ce paragraphe qui prévoit que les mesures de réparation "sont prises [par la Cour] si elle est convaincue que" l'office fédéral "n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale". Ce libellé évoque la nature discrétionnaire des anciens brefs de prérogative, que remplacent maintenant les mesures prévues au paragraphe 18.1(4). Il s'ensuit que si la procédure ou la décision erronée ne cause pas un préjudice, la Cour ne rendra normalement pas l'ordonnance portant annulation de la décision. Si une nouvelle audience ne sert à rien, la Cour ne l'ordonnera pas.                 

[37]      En l'espèce, je refuse d'intervenir parce que, en principe, la formation n'avait pas compétence. Il ne servirait à rien de renvoyer l'affaire pour ce motif étant donné qu'au mieux, le demandeur se présenterait de nouveau devant la section du statut. Le demandeur n'a subi aucun préjudice du fait que la formation a examiné son cas, même si la procédure relative au renvoi ne satisfaisait pas aux exigences de la Loi et des dispositions transitoires. Les parties conviennent que le demandeur était une personne non admissible pour l'application du Règlement sur l'arriéré, et ce, principalement parce que le paragraphe 3(2) de ce règlement prévoit qu'il ne s'applique pas aux personnes visées à l'alinéa 19(1)c) de la Loi sur l'immigration, lequel s'applique au demandeur. Je souscris aux observations que le défendeur a présentées à la section du statut dans la requête présentée dans le dossier IMM"4581"97, que la formation a adoptées dans ses motifs :

         [TRADUCTION]                 
         Le représentant du ministre soutient essentiellement que le demandeur a déjà bénéficié de tous les avantages dont il pouvait se prévaloir et que la section du statut ne peut pas lui accorder une réparation qu'il n'a pas déjà obtenue, et notamment une audition équitable à l'égard de sa revendication. Le représentant du ministre a soutenu qu'indépendamment de la méthode de renvoi, l'effet pour le demandeur aurait été le même : une instruction approfondie devant la section du statut. Selon cet argument, cela dépendait des circonstances particulières du cas du demandeur et des dispositions législatives qui étaient alors en vigueur. Il a été conclu que le demandeur n'était pas visé par le Règlement sur la catégorie admissible des demandeurs du statut de réfugié (le RCADSR) parce qu'il avait été déclaré coupable d'une infraction à la Loi sur les stupéfiants. Compte tenu de cette déclaration de culpabilité, le demandeur appartenait à la catégorie de personnes non admissibles visée à l'alinéa 19(1)c) de la Loi sur l'immigration. Selon le représentant du ministre, le RCADSR avait pour effet de permettre à la personne dont la revendication avait un minimum de fondement de demander le droit d'établissement. Toutefois, même s'il avait été conclu que sa revendication avait un minimum de fondement, le demandeur n'aurait pas pu demander le droit d'établissement à cause de la déclaration de culpabilité, qui avait pour effet de l'exclure de l'application de ce règlement. Étant donné le moment où l'enquête a eu lieu, le cas du demandeur a été déféré à la section du statut pour une instruction approfondie, ce qui constituait pour lui un avantage, étant donné qu'il n'avait pas à satisfaire d'abord au critère relatif au minimum de fondement [...] Il aurait été injuste de refuser au demandeur la possibilité d'être entendu, et puisque l'audience devant la section du statut était la seule dont le demandeur puisse se prévaloir à la suite de l'enquête, nous ne pouvons conclure que cette dernière n'avait pas compétence pour entendre la revendication. Puisqu'il avait présenté une revendication, nous ne concluons pas que le demandeur avait l'intention ou le droit de ne pas être entendu.                 

[38]      Je refuse d'infirmer la décision de la formation en me fondant sur le défaut de compétence, et ce, pour les motifs susmentionnés, mais je conclus que la formation a commis une erreur de droit en concluant que le demandeur était exclu en vertu de la section Fc) de l'article premier de la Convention. Comme je l'ai ci"dessus fait remarquer, le demandeur a soutenu dans des observations additionnelles qu'il a présentées par écrit, que la Cour doit conclure qu'il est un réfugié au sens de la Convention étant donné que la formation a clairement conclu qu'en fait, il a raison de craindre d'être persécuté. Le demandeur cite l'arrêt Moreno c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)1, dans lequel la Cour d'appel fédérale, en examinant une erreur de droit que la section du statut avait commise en appliquant le paragraphe F de l'article premier de la Convention, a dit ce qui suit à titre de remarque incidente :

         [...] si la Commission commet une erreur relativement à l'application de la disposition d'exclusion mais qu'elle se prononce également sur l'application de la disposition d'inclusion, il peut être inutile de lui renvoyer l'affaire.                 

[39]      La Loi n'autorise pas expressément la Section de première instance à rendre la décision que la formation aurait dû rendre. Les pouvoirs de la Section de première instance, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, sont énoncés au paragraphe 18.1(3), qui se lit comme suit :

         (3) Sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire, la Section de première instance peut :                 
             a) ordonner à l'office fédéral en cause d'accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refusé d'accomplir ou dont il a retardé l'exécution de manière déraisonnable;                 
             b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu'elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l'office fédéral.                 

[40]      Dans l'arrêt Turanskaya v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration)1, la Cour d'appel fédérale a eu l'occasion de répondre à la question certifiée suivante :

         La Section de première instance a-t-elle le pouvoir d'obliger la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié à déclarer qu'un requérant est un réfugié au sens de la Convention, conformément à l'alinéa 18.1(3)b) de la Loi sur la Cour fédérale?                 

En première instance, le juge Simpson avait conclu ce qui suit :

             En l'espèce, la Commission a conclu que la requérante craignait avec raison d'être persécutée à Cuba. Je suis convaincue qu'à l'exception de l'erreur qui a fait que la Commission exige de la requérante qu'elle démontre une crainte fondée aussi en ce qui concerne l'Ukraine, la Commission aurait déclaré la requérante réfugiée au sens de la Convention d'après sa situation cubaine.                 
             En conséquence, une ordonnance sera rendue pour que la Commission déclare que la requérante est une réfugiée au sens de la Convention.1                 

[41]      En répondant à la question dont elle était saisie, voici ce que la Cour d'appel a décidé :

             Les "instructions" que l'alinéa 18.1(3)b) habilite la Section de première instance à donner varieront selon les circonstances de la cause. Si, par exemple, il subsiste des questions de fait à trancher, il conviendrait qu'elle renvoie l'affaire pour nouvelle instruction par le même tribunal ou par un tribunal de composition différente, selon les circonstances de la cause. Tel n'est cependant pas le cas en l'espèce. La seule question à trancher par la Section de première instance était de savoir si la section du statut avait commis une erreur de droit en concluant que l'intimée n'était pas une réfugiée au sens de la Convention parce qu'elle avait une résidence habituelle antérieure en Ukraine. La décision de Mme le juge Simpson indique implicitement que l'affaire était renvoyée pour instruction au vu du dossier. L'appelant n'attaquait devant elle aucune conclusion sur les faits par voie de contrôle judiciaire. Il s'ensuit qu'il n'y a aucune question de fait à résoudre. Nous en concluons que Mme le juge Simpson a exercé son pouvoir discrétionnaire dans les limites de l'alinéa 18.1(3)b) en laissant à la section du statut le soin de se prononcer au fond, étant entendu que l'erreur de droit ayant été rectifiée, elle déclarerait l'intimée réfugiée au sens de la Convention.1                 

[42]      Je conclus que même si la Cour n'a pas le pouvoir, en vertu du paragraphe 18.1(3), de déclarer que le demandeur est un réfugié, elle peut renvoyer l'affaire à la section du statut en lui demandant de rendre cette décision lorsqu'elle est convaincue que, si ce n'avait été de l'erreur de droit qui a été commise, la section aurait conclu que le demandeur est un réfugié.

Conclusion et dispositif

[43]      Je résume mes conclusions. Je suis convaincu que lorsque la revendication du demandeur a été examinée, la formation n'avait pas légalement compétence pour entendre l'affaire étant donné qu'en vertu des dispositions transitoires de la Loi, l'affaire aurait dû être déférée à la section par une formation chargée de la tenue d'une audience relative à la question du minimum de fondement, et non par un arbitre. Le renvoi de la revendication a été effectué sans qu'il y ait compétence, mais dans ce cas"ci l'audience devant la formation était la procédure la plus favorable au demandeur, et la formation était le seul ressort en vertu de la loi qui pouvait se prononcer sur la revendication lorsqu'elle a finalement été examinée. Je ne suis pas prêt à exercer le pouvoir discrétionnaire qui m'est conféré par l'article 18.1 pour intervenir sur la base d'une erreur de compétence. Au mieux, le demandeur se retrouverait devant la section du statut pour que sa revendication soit examinée. Le demandeur n'a subi aucun préjudice par suite de l'erreur de forme qui a été commise lors du renvoi. Les conclusions de fait que la formation a tirées sont donc maintenues.

[44]      Toutefois, je conclus qu'en rendant sa décision du 3 octobre 1996, la formation a commis une erreur de droit en excluant le demandeur à cause des déclarations de culpabilité dont il avait fait l'objet en se fondant sur la section Fc) de l'article premier. Si ce n'avait été de cette erreur de droit, la formation aurait conclu que le demandeur est un réfugié. Une ordonnance est rendue pour que l'affaire soit renvoyée à la section du statut, celle"ci devant conclure que le demandeur est un réfugié au sens de la Convention.

[45]      Je ne suis pas prêt à déterminer si la formation a eu raison de conclure, dans la décision qu'elle a rendue par la suite, qu'elle était dessaisie de l'affaire. Cette question n'a maintenant qu'un intérêt théorique.

[46]      Dans les plaidoyers oraux qu'il a présentés devant moi, l'avocat du demandeur a proposé la certification d'un certain nombre de questions se rattachant à la compétence, à la question de savoir si la formation était dessaisie de l'affaire et à l'interprétation qu'il convient de donner à la section Fc) de l'article premier. L'avocat du défendeur a soutenu qu'aucune question ne devait être certifiée, en bonne partie parce que les circonstances de l'affaire n'établiront probablement pas l'existence d'une question d'intérêt général.

[47]      À mon avis, la Cour suprême a maintenant répondu à la question qui a été proposée en ce qui concerne la section Fc) de l'article premier. Par ailleurs, je ne suis pas convaincu que la question proposée, en ce qui concerne la compétence que possède la formation compte tenu des dispositions transitoires de la loi, soit une question d'importance générale. En outre, étant donné que j'ai refusé de me prononcer sur la question de savoir si la formation a commis une erreur en déclarant qu'elle était dessaisie de l'affaire, il ne convient pas de certifier cette question. Par conséquent, aucune question ne sera certifiée.

[48]      En fin de compte, une ordonnance est rendue en vue de faire droit à la demande présentée dans le dossier IMM"3873"96 et d'infirmer la décision du 3 octobre 1996, dans la mesure où elle se rapporte à la section Fc ) de l'article premier de la Convention. La revendication est renvoyée à la section du statut pour nouvel examen, pour que l'affaire soit réglée conformément aux conclusions déjà tirées, sauf en ce qui concerne l'erreur commise en appliquant la section Fc) de l'article premier de la Convention, à savoir que le demandeur a raison de craindre d'être persécuté et qu'il ne peut pas se réclamer de la protection de son pays.

[49]      Une seconde ordonnance est rendue dans le dossier IMM"4581"97, en vue de rejeter la demande de contrôle judiciaire.

[50]      Une copie des présents motifs sera versée aux deux dossiers.

     W. Andrew MacKay

     ________________________________

     Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 12 août 1988.

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉROS DU GREFFE :          IMM"3873"96 et IMM"4581"97
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Sayed Hosseini c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              le 4 mars 1998

MOTIFS DES ORDONNANCES du juge MacKay en date du 12 août 1998

ONT COMPARU :

Michel Crane                      pour le demandeur
Jamex Brender                  pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Micheal Crane                  pour le demandeur

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                  pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

__________________

     Uppal v. Canada (Min. of Employment & Immigration) (1987), 2 Imm. L.R. (2d) 143 (C.A.F.).

     (21 juillet 1993), dossier du greffe no IMM"1691"93, [1993] A.C.F. no 831 (C.F. 1re inst.).

     [1995] 3 C.F. 354 (C.A.F.).

     (1982), 36 O.R. (2d) 724 aux p. 726"727 (Cour div. Ont.)

     (1992), 55 F.T.R. 161 à la p. 176.

     (1982), 37 O.R. (2d) 737 à la p. 749 (Cour div. Ont.).

     (1988), 5 Imm. L.R. (2d) 62 aux p. 62"63 (C.A.F.).

     Community Before Cars Coalition v. National Capital Commission (1997), 135 F.T.R. 1.

     (4 juin 1998), [1998] A.C.S. no 46.

     (1994), 172 N.R. 308 (C.A.F.).

     (1993), 70 F.T.R. 289 à la p. 295.

     [1994] 1 C.F. 298 à la p. 327 (C.A.F.).

     (1997), 210 N.R. 235. (C.A.F.).

     (1995), 111 F.T.R. 314 à la p. 316.

     Supra, note 13, à la p. 237.

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