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Date : 20060531

Dossier : T-183-06

Référence : 2006 CF 666

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 31 mai 2006

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

GEORGE LESLIE MINDE

demandeur

et

 

PREMIÈRE NATION CRIE D’ERMINESKIN

CONSEIL TRIBAL D’ERMINESKIN

défendeurs

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               En vertu de diverses ordonnances délivrées par la juge Heneghan, il a été prévu que la demande de contrôle judiciaire en l’espèce sera instruite péremptoirement les 23 et 24 août 2006. Je suis saisi d’une requête présentée par M. Clinton Roan, Jr. et Mme Jody Small, deux membres de la Première Nation crie d’Ermineskin afin d’intervenir.

 

[2]               Les faits entourant le contrôle judiciaire en suspens sont présentés dans les motifs de jugement du juge Belzil de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta dans Ermineskin Cree Nation v. Minde 2006 ABQB 118. En août dernier, M. Minde a été réélu en tant que chef de la Première Nation crie d’Ermineskin, une bande indienne. Il aurait pris des dispositions pour acheter de l’équipement de construction lourd de son propre chef, à l’insu du conseil tribal et sans le consentement de ce dernier. Le conseil tribal a lancé une enquête par l’intermédiaire d’aînés de la bande, et cette enquête a finalement mené à une résolution du conseil en vue de démettre M. Minde de ses fonctions de chef.

 

[3]               M. Minde a amorcé une demande de contrôle judiciaire en vue d’obtenir une déclaration selon laquelle il demeurait chef. Entre temps, le juge Belzil a émis une injonction à la demande de la Première Nation crie d’Ermineskin et du conseil tribal d’Ermineskin afin d’interdire à M. Minde d’entrer dans les bureaux de la bande, d’effectuer des opérations financières et, de manière générale, de nuire aux activités du personnel, des membres de la bande ou des entreprises tribales.

 

[4]               Messieurs Roan et Small, apparemment soutenu par d’autres membres de la Première Nation Crie d’Ermineskin, critiquent la composition actuelle du conseil tribal. Idéalement, ils arrêteraient la procédure judiciaire devant la Cour et devant la Cour du Banc de la Reine. Le processus dans son ensemble oppose les aînés entre eux. Une résolution culturelle et traditionnelle devrait être rendue sur cette affaire. Le litige érode les actifs de la communauté, qui pourraient être utilisés à meilleur escient.

 

[5]               Ils affirment que leur intervention pourrait contribuer à résoudre le litige. Il y a, dans la communauté, une perception répandue selon laquelle les membres ont été tenus dans l’obscurité et, étant donné que le litige semble se limiter aux intérêts égoïstes de M. Minde et du conseil tribal, la probabilité que la décision, indépendamment de l’issue, soit acceptée dans la communauté serait accrue si les membres obtenaient un statut d’intervenant.

 

[6]               S’ils devaient intervenir, ils demanderaient à ce que l’audience sur le fond se poursuive. À défaut de le faire, ils ne feraient certainement rien pour nuire au calendrier actuel. En tant qu’intervenants, ils recevraient des copies de documents qu’ils ne pourraient se permettre autrement, ils pourraient vouloir déposer des preuves en affidavit et s’en tiendraient à exposer des arguments oraux à l’audience. J’ai fait remarquer que les arguments oraux, sans avertissement écrit par voie d’observations écrites, pourraient en fait donner lieu à des retards s’ils devaient prendre les parties actuelles par surprise.

 

[7]               J’en suis parvenu à la conclusion que le fait d’accorder un statut d’intervenant à messieurs Roan et Small ne permettrait pas de régler le malaise qu’ils ont cerné; je dois donc rejeter la demande. Le critère a été bien établi par la Cour d’appel fédérale dans Canadian Union of Public Employees (Airline Division) c. Canadian Airlines International Ltd. 2000 ACF 220, (2000), 95 A.C.W.S. (3d) 249, et fréquemment réitéré depuis, par exemple dans International Association of Immigration Practioners c. Sa Majesté la Reine 2004 ACF 770, (2004), 130 A.C.W.S. (3d) 1100. Il faut examiner six critères. Ils n’ont pas tous été remplis.

 

[8]               Voici ces critères et ma réponse à ces derniers :

 

A.                 Les intervenants proposés sont‑ils directement touchés par l’issue?

La réponse est non. Ils sont, comme d’autres membres de la Première Nation crie, indirectement touchés. Ceux qui sont directement touchés sont M. Minde et le conseil tribal.

 

B.                 Existe‑t‑il une question relevant de la compétence des tribunaux et un intérêt public véritable?

 

Une question relevant de la compétence des tribunaux a été définie. Il n’y a toutefois aucun intérêt public prévalent outre les intérêts des parties au litige.

 

C.                 Y a‑t‑il absence apparente d’un autre moyen raisonnable ou efficace ou y a-t-il un autre moyen raisonnable ou efficace de soumettre la question à la Cour?

La réponse est non. Personne n’a réussi à relever un élément de la constitution tribale qui exige de suivre les étapes menant à une demande de contrôle judiciaire, comme la procédure de grief qui prévaut dans la fonction publique.

 

D.                 La position de l’intervenant proposé fait‑elle l’objet d’une défense adéquate par l’une des parties à l’affaire?

Les intervenants sont quelque peu ambivalents. D’un côté, ils s’opposent au processus en vertu duquel un chef élu pourrait effectivement être démis de ses fonctions; de l’autre, ils affirment qu’il poursuit son propre ordre du jour plutôt que d’agir dans l’intérêt général de la bande. Il se pourrait qu’il faille changer la constitution de la bande; toutefois, le système judiciaire est axé sur la résolution de litiges privés ou, si l’on préfère, égoïstes, c’est là la triste réalité.

 

E.         Leur intervention sert‑elle mieux l’intérêt de la justice?

Je ne peux voir en quoi la justice serait mieux servie. L’audience a déjà été accélérée. Un contre‑interrogatoire de M. Minde sur son affidavit devait avoir lieu le lendemain de l’audition de sa requête. L’avocat des défendeurs ne s’opposait pas à ce que les intervenants et leur avocat assistent à ce contre‑interrogatoire. Qui plus est, même s’il n’avait aucun mandat précis au nom du conseil, selon ce qu’il en comprenait, tous les documents liés à cette affaire seraient, devrait être ou seront disponibles aux fins de consultation. Quoi qu’il en soit, il est possible de s’en procurer des copies auprès de la Cour après leur dépôt.

 

F.                  La Cour peut‑elle statuer sur le bien‑fondé de l’affaire sans les intervenants proposés?

La réponse est évidemment oui. Leur inquiétude est attribuable au fait qu’il doit y avoir une meilleure façon de régler ce litige. Ils ont probablement raison. Les litiges, de par leur nature, sèment la discorde. La réponse se trouve toutefois dans le cœur et l’esprit de tous ceux qui sont touchés. Les tribunaux sont au service de ceux qui ne peuvent résoudre leurs litiges d’une meilleure façon. Dans un sermon que j’ai entendu, des personnes ayant des problèmes voyageaient en aval vers la municipalité locale. Ils ont reçu de l’aide de résidants de cette municipalité. Toutefois, personne ne s’est rendu en amont afin de trouver la cause du problème et d’y remédier. Il en va de même en l’espèce. Une intervention ne résoudra pas les problèmes qui existent; la réponse se trouve en amont, dans la bande.

 

 

 

 

ORDONNANCE

 

            La demande présentée par M. Clinton Roan, Jr. et Mme Jody Small afin d’obtenir un statut d’intervenant est rejetée. Aucune ordonnance n’est rendue à l’égard des dépens.

 

 

 

« Sean Harrington »

 

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

NOM DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-183-06

 

INTITULÉ :                                       GEORGE LESLIE MINDE c.

PREMIÈRE NATION CRIE D’ERMINESKIN ET CONSEIL TRIBAL D’ERMINESKIN

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 23 mai 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 31 mai 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Deborah M. Hanly

POUR LE DEMANDEUR

 

Me David F. Holt

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Hanly Law Office

Avocats et notaires

Sylvan Lake (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Hladun & Company

Avocats

Edmonton (Alberta)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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