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Date : 19990608


Dossier : T-2406-90

OTTAWA (ONTARIO), LE 8 JUIN 1999

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE EVANS

ENTRE

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     demanderesse,

     et

     KENNETH EDWIN CROSSON et PHYLLIS EVELYN CROSSON,

     défendeurs,

     T-2407-90

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     demanderesse,

     et

     WASAGAMING WIGWAM LTD.,

     défenderesse,

     T-2408-90

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     demanderesse,

     et

     69158 MANITOBA LTD.,

     défenderesse,

     T-2409-90

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     demanderesse,

     et

     KENNETH CHARLES BURR et EDITH MARIS BURR,

     défendeurs,

     T-2410-90

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     demanderesse,

     et

     BEA-GREN ENTERPRISES LTD.,

     défenderesse,

     T-2411-90

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     demanderesse,

     et

     GEORGE EVERETT NEILLY,

     défendeur,

     T-2412-90

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     demanderesse,

     et

     DONALD KENNETH HAWKING et CAROL DIANNE HAWKING,

     défendeurs.

     JUGEMENT

     Un jugement est rendu en faveur de la demanderesse à l"encontre de chacun des défendeurs;

     Les loyers que les défendeurs doivent payer pour la période de dix ans commençant le 1er avril 1990 et les montants maintenant dus par chacun à l"égard des terrains loués sont les suivants :

     Propriété

     Loyer annuel

     Montant dû

     108 Wasagaming

     1 020 $

     5 643 $

     123 Wasagaming

     1 140 $

     6 840 $

     127 Tawapit

     1 140 $

     7 467 $

     128 Wasagaming

     1 200 $

     7 866 $

     132 Wasagaming

     1 200 $

     7 866 $

     137 Tawapit

     (lot double)

     2 160 $

     13 908 $

     122 Wasagaming

     1 200 $

     7 923 $

     Chaque défendeur doit payer des intérêts avant jugement à l"égard du montant qu"il doit; et

     La demanderesse aura droit à ses frais et notamment aux frais de la requête que les défendeurs ont présentée et qui a été rejetée le 10 février 1999, les dépens étant adjugés dans l"affaire.

                             John M. Evans

                                     J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


Date : 19990608


Dossier : T-2406-90

ENTRE

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     demanderesse,

     et

     KENNETH EDWIN CROSSON et PHYLLIS EVELYN CROSSON,

     défendeurs,

     T-2407-90

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     demanderesse,

     et

     WASAGAMING WIGWAM LTD.,

     défenderesse,

     T-2408-90

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     demanderesse,

     et

     69158 MANITOBA LTD.,

     défenderesse,

     T-2409-90

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     demanderesse,

     et

     KENNETH CHARLES BURR et EDITH MARIS BURR,

     défendeurs,

     T-2410-90

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     demanderesse,

     et

     BEA-GREN ENTERPRISES LTD.,

     défenderesse,

     T-2411-90

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     demanderesse,

     et

     GEORGE EVERETT NEILLY,

     défendeur,

     T-2412-90

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     demanderesse,

     et

     DONALD KENNETH HAWKING et CAROL DIANNE HAWKING,

     défendeurs.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EVANS

A.      Introduction

[1]      Le Mont-Riding est le seul parc national au Manitoba. Il s"agit d"un parc d"une grande beauté naturelle qui, à l"heure actuelle, attire chaque année environ 400 000 visiteurs, principalement en été, du mois de juin au mois de septembre. Clear Lake est l"une de ses principales attractions.

[2]      Depuis que le parc a été créé au cours des années 1930, la Couronne a accordé des baux dans le parc à des fins tant résidentielles que commerciales. Les titulaires de baux commerciaux sont presque tous établis dans le périmètre urbain de Wasagaming; ils fournissent divers produits et services aux visiteurs. La présence d"entreprises est devenue avec le temps un élément important de l"exploitation du Mont-Riding par Parcs Canada.

[3]      Ce litige découle d"un rapport qu"un évaluateur indépendant a soumis à Travaux publics Canada en 1989, dans le cadre du processus décennal de révision des loyers versés par les locataires. Compte tenu du rapport, les loyers à payer pour la période de dix ans commençant le 1er avril 1990 ont augmenté de beaucoup. Les titulaires de baux commerciaux, dont les défendeurs ici en cause, faisaient face à des augmentations de 300 à 360 p. 100, comparativement à une augmentation de 30 à 40 p. 100 pour les titulaires de baux résidentiels qui étaient propriétaires de chalets.

[4]      Les sept défendeurs ont refusé d"accepter les solutions offertes par Parcs Canada à l"égard de la détermination des loyers et ont continué à payer uniquement le loyer fixé par suite de la révision décennale antérieure effectuée en 1980. Sur le plan de la forme, il s"agit ici d"une action intentée par Sa Majesté en vue du recouvrement du loyer dû depuis le 1er avril 1990. Toutefois, quand au fond, il s"agit d"une demande présentée par les défendeurs, conformément aux dispositions de leurs baux, pour qu"un juge de la Cour fédérale du Canada détermine leur loyer.

[5]      La principale question en litige se rapporte à l"exactitude de l"évaluation effectuée par Sa Majesté à l"égard de terrains non améliorés loués aux titulaires de baux commerciaux. Cela dépend du rapport préparé pour Sa Majesté par M. David Lenych, un évaluateur chevronné établi au Manitoba. M. Lenych a conclu que, comme la plupart des autres biens-fonds, la valeur des terres au Mont-Riding avait augmenté de beaucoup au cours des années 1980.

[6]      Le problème auquel faisait face M. Lenych, lorsqu"il s"agissait de déterminer la valeur des terres, était qu"aucune vente de terrains tout à fait comparables n"avait été conclue pendant les années 1980, c"est-à-dire qu"aucun lot non amélioré n"avait été vendu au Mont-Riding, et qu"aucun bail n"avait été accordé par la Couronne à des fins commerciales. M. Lenych a donc décidé de trouver des ventes qu"il estimait à peu près comparables, soit principalement des ventes de propriétés résidentielles de la région conclues pendant la période pertinente, en vue d"élaborer une valeur repère à partir de ces données et de rajuster ensuite la valeur de façon à tenir compte des conditions dans le parc et de la marge d"erreur.

[7]      En déterminant si Sa Majesté a établi qu"eu égard aux circonstances, les augmentations de loyers imposées aux défendeurs en 1990 étaient justes et équitables, je tiendrai compte d"un ensemble de facteurs : les conditions des baux accordés aux défendeurs; le cadre réglementaire créé par la Loi sur les parcs nationaux , L.R.C. (1985), ch. N-14 et par son règlement d"application; le processus par lequel les loyers de 1990 ont été déterminés et les autres éléments de preuve dont je dispose en ce qui concerne la valeur des terres; la question de savoir s"il convient d"utiliser un taux de capitalisation correspondant à 6 p. 100 de la valeur estimative pour fixer les loyers.

[8]      Toutefois, comme je l"ai déjà dit, le règlement du litige dépend principalement de l"évaluation des terrains sur laquelle Sa Majesté s"est fondée. Les avocats des parties ont reconnu que l"évaluation foncière n"est pas une science exacte. À coup sûr, les évaluateurs reconnaissent généralement certains concepts et principes importants, qui servent de cadre d"analyse essentiel aux fins d"une évaluation fiable. Toutefois, il est également clair que l"expérience et le jugement professionnel de l"évaluateur sont des éléments importants et que des évaluateurs qualifiés raisonnables peuvent arriver à des conclusions différentes au sujet de la valeur d"une parcelle de terre.

[9]      Au cours du contre-interrogatoire, l"avocat des défendeurs, Me Booth, a réussi à miner sous certains aspects le rapport de M. Lenych et le témoignage que celui-ci avait présenté à l"instruction. Toutefois, aucun des points marqués par Me Booth n"a vraiment porté atteinte aux prémisses essentielles, à la méthodologie et aux conclusions du rapport ou encore à la crédibilité de M. Lenych et de son témoignage.

[10]      Par contre, l"avocat de Sa Majesté, Me Edwards, a réussi à démolir, pendant le contre-interrogatoire, le témoignage présenté par M. Dennis Browaty, qui est l"évaluateur dont les services ont été retenus par les défendeurs et qui a été cité comme témoin expert. Me Edwards a réussi à démolir le témoignage de M. Browaty à un point tel qu"en fin de compte ce dernier a convenu que, si ce n"avait été de certaines erreurs cruciales dans son rapport, la méthode qu"il avait employée et les calculs qu"il avait effectués auraient montré que dans bien des cas, les augmentations de loyers de 1990 auraient probablement dû être beaucoup plus élevées que celles qui avaient été établies par la Couronne sur la base du rapport de M. Lenych.

[11]      Comme on peut s"y attendre, Me Booth n"a pas cherché, dans ses conclusions finales, à se fonder sur la preuve présentée par M. Browaty. Il s"est plutôt fortement fondé sur la transcription de l"interrogatoire préalable du mandat d"un des défendeurs, M. James Murray, qui possédait et exploitait depuis plus de 20 ans des commerces au Mont-Riding. Les évaluations peuvent être presque autant un art qu"une science, mais je ne puis attacher beaucoup d"importance à l"avis exprimé par une personne telle que M. Murray au sujet de la valeur de la propriété, puisque celui-ci n"est ni un évaluateur qualifié ni une personne désintéressée.

[12]      Enfin, j"aimerais faire remarquer que les sept affaires ont été entendues ensemble conformément à une ordonnance rendue par le juge Muldoon le 8 avril 1998. Les questions de droit et de fait soulevées dans les différentes affaires sont à toutes fins utiles identiques.

B.      Les baux

[13]      Les baux accordés à cinq des sept défendeurs ont été renouvelés et sont rédigés en des termes à peu près similaires; les deux autres baux sont des baux primitifs dont le libellé est quelque peu différent. Toutefois, à mon avis, le litige n"a rien à avoir avec les différents libellés et j"ai conclu que l"effet des dispositions pertinentes des baux est le même pour les sept défendeurs.

     (i)      Le renouvellement perpétuel

[14]      Les baux des défendeurs sont tous renouvelables à perpétuité. Pour les locataires, il s"agit d"un élément fort important. Sous réserve du paiement du loyer et des conditions contenues dans les baux, l"intérêt foncier des titulaires de baux renouvelables à perpétuité se rapproche de celui d"un propriétaire en fief simple.

     (ii)      Les clauses de révision des loyers

[15]      Tous les baux renferment également des dispositions prévoyant la révision décennale des loyers. La clause relative à la révision des loyers des cinq baux renouvelés stipule que le locataire qui ne souscrit pas au loyer fixé par le ministre pour les dix prochaines années peut demander

         [TRADUCTION]         
         [...] qu"une détermination soit effectuée par un juge de la Cour fédérale du Canada, le loyer annuel devant être calculé comme loyer afférent à une parcelle de terre, la valeur des bâtiments, tènements, maisons ou constructions qui ont été érigés par le locataire ne devant pas être prise en compte aux fins de la détermination de pareil loyer [...]         

La clause de révision des loyers figurant dans les baux primitifs stipule que si le locataire ne souscrit pas au loyer fixé par le locateur, le loyer est

         [TRADUCTION]         
         [...] déterminé par un juge de la Cour de l"Échiquier comme étant la pleine valeur annuelle du tènement au moment de pareille détermination [...]         

[16]      Il est reconnu qu"il ne faut pas tenir compte de la valeur des bâtiments situés sur le bien-fonds en fixant le loyer payable par les défendeurs, même si le bail primitif ne renferme pas de disposition expresse à ce sujet. Toutefois, il serait injuste de permettre à la Couronne d"inclure dans le loyer la valeur des bâtiments construits aux frais du locataire, et la Couronne a toujours présumé que, lorsque la valeur du terrain est déterminée, il ne doit pas être tenu compte des bâtiments qui s"y trouvent.

[17]      Toutefois, il existe un certain désaccord au sujet de l"intérêt foncier qui devait être évalué. Me Booth a maintenu que l"évaluation aurait dû être fondée sur la valeur de l"intérêt locatif des locataires plutôt que sur le domaine en fief simple de la Couronne visé par les baux. Il s"est fondé en particulier sur le libellé des baux primitifs, qui stipulaient que le loyer est [TRADUCTION] " la pleine valeur annuelle du tènement ".

[18]      Dans la lettre d"envoi jointe au rapport qu"il a soumis à Travaux publics Canada, M. Lenych a déclaré qu"il avait évalué les lots [TRADUCTION] " comme s"il s"agissait de propriétés non bâties et d"un intérêt en fief simple ", c"est-à-dire des lots libres de baux. Le bien-fondé de cette hypothèse a été confirmé par un autre témoin expert qui a été cité par Sa Majesté, M. Peter Nichols, qui est conseiller en gestion et expert économiste ainsi qu"analyste financier, et dont l"expérience comprend des études de faisabilité et des études de marché dans le domaine immobilier.

[19]      M. Nichols a témoigné que le loyer économique des biens-fonds représente le revenu que le propriétaire en fief simple aurait pu tirer de l"utilisation optimale du bien-fonds. Par conséquent, si le loyer est fixé avec exactitude, il correspond à la pleine valeur annuelle du fief simple, de sorte que la valeur de l"intérêt du locataire dans le bien-fonds est nulle. Par conséquent, un cessionnaire ne serait pas prêt à payer quoi que ce soit au locataire pour la cession du bail. Toutefois, si le locataire a construit des bâtiments, ou s"il exploite un commerce sur le bien-fonds, ces bâtiments ou ce commerce auraient pour le locataire une valeur à l"égard de laquelle le cessionnaire serait prêt à verser un montant.

[20]      Par conséquent, étant donné que le contexte du libellé contesté des baux primitifs ici en cause se rapporte à une clause de révision des loyers, les mots [TRADUCTION] " la pleine valeur annuelle du tènement " devraient être interprétés comme se rapportant à la valeur annuelle ou au revenu généré par le fief simple, comme si les biens-fonds n"avaient pas été loués. Étant donné que l"intérêt locatif dans le bien-fonds, sans les bâtiments, devrait être nul si un loyer économique était exigé, il serait insensé d"interpréter le mot [TRADUCTION] " tènement " comme s"entendant d"un intérêt locatif.

[21]      Dans la clause relative à la révision des loyers figurant dans les baux renouvelés, le mot [TRADUCTION] " tènements " s"entend également clairement de choses construites sur le bien-fonds. Toutefois, à mon avis, cela ne remet pas en question le sens que j"ai attribué à ce mot dans les baux primitifs. Comme on le dit dans Black"s Law Dictionary (6e édition, 1990), le mot [TRADUCTION] " tènements " peut s"entendre de maisons ou de bâtiments situés sur le bien-fonds ou être interprété [TRADUCTION] " dans son sens original ou juridique ", à savoir les biens-fonds eux-mêmes.

     (iii)      Les restrictions relatives à l"occupation

[22]      Six des baux ici en cause ne permettent aux locataires d"occuper leurs lots que du mois d"avril au mois d"octobre inclusivement. Un seul bail prévoit une occupation de 12 mois. M. Lenych a déclaré qu"en évaluant le bien-fonds, il avait tenu compte de cette restriction et qu"il l"avait en fait considérée comme une restriction de zonage faisant partie de l"environnement réglementaire et économique et comme constituant un facteur pertinent aux fins de la détermination de l"utilisation optimale permise .

[23]      Les parties ne s"entendent pas sur la question de savoir si M. Lenych a attribué suffisamment d"importance au fait que les baux interdisaient aux locataires d"utiliser le bien-fonds pendant 40 p. 100 du temps. Les défendeurs soupçonnaient qu"il ne l"avait pas fait parce que le ministre avait décidé de réduire de 40 p. 100 les loyers que les propriétaires de chalets devaient payer par suite de l"évaluation de 1990.

     (iv)      La nature commerciale des baux

[24]      Chacun des baux des défendeurs stipule que le bien-fonds visé doit être utilisé à des fins commerciales. Les défendeurs se plaignent que rien n"empêchait le ministre d"appliquer aux titulaires de baux commerciaux toute la réduction de loyer offerte aux titulaires de baux résidentiels, étant donné qu"aucune disposition des baux ne permet de traiter différemment les deux catégories de locataires. Me Booth a en outre soutenu qu"il n"est pas logique pour la Couronne de faire une distinction entre les titulaires de baux commerciaux et les titulaires de baux résidentiels, tout en cherchant à justifier les loyers fixés en 1990 en référant au rapport de M. Lenych, selon lequel la valeur des terrains affectés à des fins commerciales et des terrains affectés à des fins résidentielles est à peu près la même.

[25]      Je reviendrai sur ce point. Toutefois, à mon avis, le fait que la seule différence entre les deux catégories de baux est que dans l"une, les terrains sont affectés à des fins commerciales alors que dans l"autre, ils sont affectés à des fins résidentielles n"empêche pas le ministre, dans l"exercice de son pouvoir discrétionnaire, de traiter une catégorie plus favorablement que l"autre lorsqu"il détermine le loyer y afférent. Bien sûr, il ne s"ensuit pas non plus qu"aux fins de l"évaluation, les valeurs des terrains affectés à des fins résidentielles et des terrains affectés à des fins commerciales ne sont pas normalement considérées comme comparables.

C.      Le cadre législatif

[26]      Le droit que possède la Couronne en sa qualité de propriétaire des terres du parc national du Mont-Riding de vendre, de louer ou d"aliéner ces terres de quelque autre façon est assujetti au cadre législatif établi par la Loi sur les parcs nationaux . En particulier, le paragraphe 7(1) de la Loi autorise le gouverneur en conseil à prendre les règlements qu"il juge utile à l"égard de

(g) the granting, amending and surrender of leases and licences of occupation of public lands in towns and visitor centres for the purposes of residence, trade, tourism, schools, churches, hospitals and places of recreation or entertainment, and of public lands in resort subdivisions for the purpose of residence;

g) l'octroi de baux et de permis d'occupation " y compris leur modification et leur annulation " sur des terres domaniales situées dans les périmètres urbains et les centres d'accueil pour habitation, commerce, tourisme, écoles, églises, hôpitaux et lieux de divertissement ou de récréation, ainsi que de terres domaniales situées dans des centres de villégiature aux fins de résidence;


Wasagaming est un " centre d"accueil ". L"alinéa 7(1)h ) prévoit une autorisation similaire à l"égard des terrains qui ne sont pas situés dans les périmètres urbains et les centres d"accueil.

[27]      C"est le Règlement sur les baux et permis d"occupation des parcs nationaux, DORS/81-627 qui s"applique en l"espèce. Ce règlement a été abrogé en 1991 par un règlement dont le titre est le même, mais dont le contenu, tout en étant plus étendu, est malgré tout à peu près similaire.

[28]      Le paragraphe 9(1) du Règlement de 1981 énonçait quatre formules aux fins de la détermination, à dix années d"intervalle, des loyers payables par les locataires dans les parcs nationaux, dont celui du Mont-Riding. Le locataire est tenu de faire l"un des choix suivants :

(a) six per cent per annum of the appraised value of the lot to which the lease applies;

(b) an average of six per cent per annum of the appraised value of the lot to which the lease applies, phased in at equal increments over the rental period terminating in 1990;

(c) a negotiated percentage of the annual gross revenue of the lessee"s business conducted on or from the lot to which the lease applied plus 25 per cent of the annual fair market rent derived by the lessee from all sublessees of any premises on the lot to which the lease applies; or

(d) the greater of 25 per cent of the annual fair market rent for the premises on the lot to which the lease applies and two per cent per annum of the appraised value of the lot to which the lease applies.

a) de six pour cent par année de la valeur estimative du lot visé par le bail;

b) d"une moyenne de six pour cent par année de la vie estimative du lot visé par le bail, établi suivant des augmentations égales et échelonnées sur la période de location se terminant en 1990;

c) un pourcentage négocié des recettes annuelles brutes de l"entreprise exploitée par le locataire sur le lot visé par bail ou à partir dudit lot, plus 25 pour cent par année de la juste valeur locative marchande perçue par le locataire de tous les sous-locataires des locaux situés sur le lot visé par bail; ou

d) le plus élevé des deux montants suivants : soit 25 pour cent par année de la juste valeur locative marchande des locaux situés sur le lot visé par le bail, soit deux pour cent par année de la valeur estimative du lot visé par le bail.

[29]      Il convient de faire deux observations au sujet de ces dispositions. En premier lieu, à l"article 2 du Règlement, l"expression " valeur estimative " est définie comme désignant " la valeur d"un lot visé par un bail, établie suivant la destination optimale déterminée pour ce lot par le Ministre, conformément à l"article 6 ". Cette définition est conforme à l"hypothèse sur laquelle M. Lenych s"est fondé pour effectuer ses évaluations.

[30]      En second lieu, seul le choix énoncé en a) n"exige pas la modification des conditions des baux des défendeurs. Les défendeurs ne semblent pas vouloir consentir à ce que les conditions de leurs baux soient modifiées. Cela peut résulter d"une politique passée de Parcs Canada, visant à supprimer les clauses relatives au renouvellement perpétuel. Cela peut également indiquer la suspicion et l"hostilité générales qui semblent exister entre les défendeurs et peut-être également d"autres locataires d"une part et Parcs Canada d"autre part..

D.      La compétence de la Cour

[31]      Le paragraphe 17(3) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, confère à la Section de première instance une compétence exclusive, en première instance, pour les questions suivantes :

(a) the amount to be paid where the Crown and any person have agreed in writing that the Crown or that person shall pay an amount to be determined by the Federal Court, the Trial Division or the Exchequer Court of Canada;

a) le paiement d'une somme dont le montant est à déterminer, aux termes d'une convention écrite à laquelle la Couronne est partie, par la Cour fédérale " ou l'ancienne Cour de l'Échiquier du Canada " ou par sa Section de première instance;

[32]      Toutefois, l"octroi légal d"une compétence à la Cour n"est constitutionnel que si la demande en cause est " fondée sur l"existence d"une législation fédérale applicable " : R. c. Thomas Fuller Construction Co. (1958) Ltd., [1980] 1 R.C.S. 695. La demande présentée par Sa Majesté contre un particulier n"est fondée sur le droit fédéral que si la législation fédérale confère aux droits et obligations des parties une dimension légale susceptible de servir de fondement à ces droits et obligations en droit fédéral : Rhine c. La Reine ; Prytula c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 442.

[33]      Les baux qui ont donné lieu au présent litige semblent avoir été accordés par Sa Majesté en sa qualité de personne morale simple en common law et de propriétaire d"un domaine en fief simple au Mont-Riding. Les droits que la Couronne crée en se prévalant de sa capacité de contracter en common law ne sont pas en tant que tels fondés sur le droit fédéral (McNamara Construction (Western) Ltd. c. La Reine , [1977] 2 R.C.S. 654); il en va de même pour les droits propriétaux que possède la Couronne en common law. Toutefois, comme il en a ci-dessus été fait mention, l"octroi, la modification et l"annulation de baux dans les parcs nationaux sont assujettis aux règlements pris en vertu du paragraphe 7(1) de la Loi sur les parcs nationaux ; or, il existait des règlements régissant d"une façon passablement détaillée les baux accordés dans les parcs nationaux.

[34]      Contrairement au Règlement de 1991, le Règlement de 1981 ne prévoit pas expressément que les conditions des baux et des permis d"occupation sont assujetties à certaines dispositions législatives. Néanmoins, le cadre légal créé par le Règlement de 1981 porte énormément atteinte aux baux et devrait normalement être considéré comme déterminant en ce qui concerne les questions sur lesquelles il porte.

[35]      Par conséquent, les choix que la Couronne offre aux locataires en ce qui concerne le loyer sont prescrits par le paragraphe 9(1) du Règlement de 1981, et ce, bien que ce règlement ne prévoie pas ce qui arrive si un locataire n"accepte pas l"un des choix. Toutefois, le Règlement s"applique néanmoins, parce que l"article 6 prévoit que le ministre peut établir la valeur d"un lot visé par un bail d"après la destination optimale qu"il a déterminée pour ce lot. Les locataires auxquels aucun des choix possibles ne plaît sont autorisés en vertu de leurs baux à demander à cette cour de déterminer leur loyer. La présente instance se rapporte essentiellement à la question de savoir si l"évaluation que le ministre a effectuée par l"entremise de M. Lenych est correcte.

[36]      Eu égard aux circonstances, je suis convaincu que le système législatif couvre suffisamment les droits des parties au présent litige pour qu"il soit possible de dire que la demande de Sa Majesté est fondée sur la législation fédérale applicable au sens constitutionnel du terme. Je conclus donc que j"ai compétence en la matière.

[37]      Enfin, pendant les plaidoiries, il a été question du fondement sur lequel repose la compétence de la Cour lorsqu"il s"agit de déterminer le loyer que doivent payer dans les parcs nationaux les locataires qui n"acceptent aucun des choix qui leur sont offerts au moment de la révision décennale des loyers. Me Edwards a soutenu que l"alinéa 9(1)a ) du Règlement devrait être considéré comme prévoyant un choix implicite; il a également soutenu qu"en l"espèce, la Cour a principalement pour fonction de déterminer si la valeur estimative des lots visés par les baux est exacte.

[38]      Me Edwards a souligné que, contrairement aux trois autres choix, le choix énoncé en a) ne comporte pas de modification des baux des défendeurs. Je suis d"accord pour dire que normalement il ne serait pas souhaitable que la Cour, même si elle avait compétence, fixe un loyer de façon à entraîner une modification dont le locataire ne voudrait peut-être pas. En outre, sur les quelque 32 titulaires de baux commerciaux au Mont-Riding, qui ont accepté l"un des choix offerts par Parcs Canada, deux seulement se sont prévalus du choix énoncé en a ).

[39]      J"ai donc interprété mon mandat en l"espèce comme consistant à vérifier si l"évaluation sur laquelle les loyers de 1990 étaient fondés était exacte et s"il convenait pour la Couronne d"utiliser le taux de capitalisation de 6 p. 100.

E.      Le taux de capitalisation

[40]      L"avocat des défendeurs n"a pas sérieusement contesté qu"il convenait de fixer les loyers en appliquant un taux de capitalisation correspondant à 6 p. 100 de la valeur estimative des biens-fonds. C"est la valeur estimative elle-même qu"il contestait.

[41]      Le témoin expert de Sa Majesté, M. Nichols, a déclaré que le taux de 6 p. 100 était bien inférieur au taux de rendement du marché des terrains loués à des fins commerciales et que les pouvoirs publics qui avaient décidé de fixer les loyers au taux du marché avaient adopté un taux de capitalisation allant de 8 à 12 p. 100. À son avis, un taux de rendement de 7 à 10 p. 100 aurait été juste et équitable en 1990, lorsque Parcs Canada a révisé les loyers, mais afin de tenir compte de l"effet de l"inflation sur la valeur des terrains au cours de la période allant de 1990 à l"an 2000, un taux de rendement de 10 p. 100 serait tout à fait justifiable.

[42]      Je suis convaincu, compte tenu de ce témoignage, que le taux de 6 p. 100 adopté par le ministre était tout à fait raisonnable. Je n"ai donc pas à déterminer si j"ai compétence pour choisir un taux différent du taux de 6 p. 100 prescrit selon le choix énoncé à l"alinéa 9(1)a ) du Règlement.

F.      Le processus d"évaluation

[43]      Étant donné que la révision décennale des loyers est un événement fort prévisible, Parcs Canada a amplement l"occasion d"effectuer une analyse comparative et de consulter les intéressés au préalable; c"est ce qui a été fait. Le rapport de M. Lenych a fait l"objet d"énormément de discussions publiques qui étaient sans doute parfois animées. M. Lenych a assisté à une réunion publique pour expliquer de quelle façon il était arrivé à ses conclusions; il était disponible pour conseiller le Comité de révision des évaluations formé par Parcs Canada afin d"examiner de nouveau les loyers des locataires qui n"acceptaient pas la valeur estimative de leurs lots. M. Lenych a visité les propriétés avec des membres du Comité, mais il n"a pas participé aux décisions que celui-ci a prises.

[44]      Tous les défendeurs ont demandé au Comité de réviser les loyers déterminés par le ministre selon le choix énoncé en a), soit 6 p. 100 de la valeur estimative des lots. Le Comité a réduit la valeur estimative, et par conséquent le loyer, dans le cas de quatre défendeurs; dans les trois autres cas, il a confirmé les valeurs estimatives. Le Comité était composé de trois personnes désignées par Parcs Canada, dont deux avaient été membres de comités similaires dans l"ouest du Canada, et de deux représentants des locataires au Mont-Riding.

[45]      Dans le résumé du rapport du Comité de révision des évaluations, il était conclu que les membres du Comité étaient satisfaits du processus qu"ils avaient adopté et qu"ils recommandaient l"adoption d"un processus similaire dans l"avenir, avec certaines modifications. Le fait que sept locataires seulement, soit les défendeurs ici en cause, n"acceptaient pas l"un des choix offerts par la Couronne montre que le processus était efficace, compte tenu en particulier des augmentations considérables auxquelles les locataires faisaient face depuis 1990, comparativement aux loyers fixés lors de la révision décennale de 1980.

[46]      Je dois également faire des remarques au sujet des choix offerts aux titulaires de baux commerciaux, à part le choix énoncé en a). M. John Low, chef de la gestion des terres à l"administration centrale de Parcs Canada, à Hull (Québec), a témoigné; il avait déjà été administrateur du périmètre urbain, au Mont-Riding, et occupait depuis 1983 différents postes à Parcs Canada. M. Low a fourni des renseignements généraux précieux au sujet de l"administration du Mont-Riding et des politiques de Parcs Canada. En particulier, il a témoigné que Parcs Canada ne traitait pas tous les locataires de la même façon; on établissait des catégories et des sous-catégories de locataires et tous ceux qui faisaient partie de la même sous-catégorie étaient traités de la même façon. Par conséquent, les titulaires de baux commerciaux ne disposaient pas tous des mêmes choix, et il pouvait également être nécessaire de modifier un bail selon le choix qu"un locataire avait fait.

[47]      M. Low a également déclaré que Parcs Canada avait décidé des choix au fil des ans après avoir longuement consulté les locataires concernés. Ainsi, certains locataires estimaient que la période de dix ans qui s"écoulait entre les révisions de loyers était trop longue : il était plus facile de faire face à des augmentations de loyer si elles étaient effectuées plus fréquemment. Par conséquent, l"un des choix énoncés dans le Règlement de 1981 prévoyait une augmentation de loyer progressive au cours de la période de location, alors que d"autres augmentations semblaient s"appliquer pendant toute la durée du bail.

[48]      Une préoccupation que les titulaires de baux commerciaux ont exprimée tout au long du processus de détermination des loyers et de la présente instance se rapportait à l"utilisation saisonnière des propriétés à Wasagaming. Les baux de six des sept défendeurs stipulent non seulement que les terrains peuvent uniquement être utilisés chaque année pour une période de sept mois, mais aussi à cause du climat, au Manitoba, et de l"emplacement du Mont-Riding, à une certaine distance de Winnipeg, les activités commerciales se déroulent dans l"ensemble en juillet et en août, lorsque les écoles sont fermées pour les vacances d"été. Les commerces sont ouverts pendant la saison intermédiaire, en mai, juin et septembre, mais les activités exercées au cours de cette période représentent une fraction relativement peu importante des recettes annuelles.

[49]      La " question du caractère saisonnier " peut être examinée par rapport au choix selon lequel il est tenu compte, dans la formule de détermination des loyers, d"un pourcentage des recettes annuelles brutes du locataire. Selon la preuve, un locataire avait fait ce choix, mais était revenu à la formule selon laquelle le loyer correspondait à 6 p. 100 de la valeur estimative parce que cela représentait environ le vingtième du loyer fixé selon la formule du pourcentage des recettes brutes.

[50]      Parcs Canada a également activement cherché à promouvoir une saison plus longue au Mont-Riding et a convenu dans le cas de quelques titulaires de baux commerciaux à Wasagaming, dont l"un des défendeurs, de supprimer la clause prévoyant une occupation d"une durée de sept mois.

G.      Les évaluations
     (i)      Les loyers

[51]      Pour replacer la question dans son contexte, j"indiquerai les loyers qui ont été fixés à l"égard des propriétés des défendeurs de 1980 à 1990, et les loyers payables pour la période de dix ans commençant le 1er avril 1990. L"augmentation en pourcentage dans chaque cas est sans aucun doute importante, mais le montant réel en dollars ne l"est pas, même s"il est tenu compte du fait que six des sept défendeurs ne peuvent chaque année occuper leurs lots que pour une période de sept mois, et même si la haute saison elle-même est en fait beaucoup plus courte.

[52]      Le loyer annuel payé par cinq des défendeurs est passé de 366 - 420 $ en 1980 à 1 140-1 200 $ en 1990. Le loyer annuel d"un défendeur est passé de 366 à 1 020 $, et celui d"un autre, qui avait loué un lot double, de 696 à 2 160 $.

     (ii)      Les doléances des locataires

[53]      Le ressentiment causé par ces argumentations de loyer était fondé sur les préoccupations ci-après mentionnées, au nombre de quatre, lesquelles n"étaient pas toutes directement liées à la question de savoir si la valeur estimative des biens-fonds était exacte.

         a)      Le traitement différent

[54]      En premier lieu, comme je l"ai déjà mentionné, les défendeurs estiment qu"il est tout à fait injuste que leurs loyers augmentent de 300 p. 100 ou plus, alors que les loyers des titulaires de baux résidentiels ont uniquement augmenté de 30 à 40 p. 100. Selon M. Low, la chose est attribuable au fait que les titulaires de baux commerciaux tirent un revenu de l"utilisation de terres domaniales et que le public a donc droit à un rendement supérieur. M. Low a maintenu que le ministre n"était pas tenu de traiter de la même façon les catégories commerciale et résidentielle et qu"il avait le droit de favoriser les locataires qui utilisaient les biens-fonds à des fins résidentielles.

[55]      J"ai inféré à partir de la preuve, même si aucun témoin n"en a expressément parlé, que depuis dix ans les titulaires de baux commerciaux croient que Parcs Canada a changé d"orientation, et ce, à leur détriment. Je crois comprendre qu"il est allégué que la priorité est maintenant accordée aux questions environnementales et à l"utilisation du parc aux fins de randonnées pédestres, de la natation et d"autres loisirs de plein air ne nuisant pas à l"environnement et que les préoccupations et intérêts des titulaires de baux commerciaux qui exploitent des commerces dans le parc ont été relégués au second plan.

[56]      Bien sûr, il existe une relation symbiotique entre les personnes qui visitent le parc et les commerces qui fournissent des produits et services à celles-ci. Toutefois, comme Me Booth l"a dit, les titulaires de baux commerciaux sont maintenant traités d"une façon fort différente de la façon dont ils l"étaient lorsque le parc venait d"être créé et que la Couronne offrait des conditions favorables afin d"attirer des commerces et d"accroître ainsi le nombre de visiteurs.

[57]      Toutefois, même si j"ai correctement identifié l"un des éléments sous-tendant les frictions apparentes existant entre les titulaires de baux commerciaux et en particulier les défendeurs d"une part et Parcs Canada d"autre part, cela ne prouve pas pour autant que les loyers fixés en 1990 ne sont pas justes et équitables. Je ne vois pas pourquoi, afin de réaliser les principaux objectifs visés à l"égard du parc, le ministre ne peut pas décider de traiter les titulaires de baux résidentiels d"une façon plus favorable que les titulaires de baux commerciaux en ce qui concerne les loyers. Somme toute, la Couronne est propriétaire du domaine en fief simple sur les terres et, sous réserve des restrictions légales ou des autres limitations imposées par le droit public, elle peut exercer comme elle le juge bon son droit de propriété, et notamment fixer les loyers payables par les locataires.

         b)      Les modifications administratives

[58]      Les défendeurs affirment également que certaines modifications administratives effectuées par Parcs Canada au cours des dix dernières années ont nui à leurs commerces. Ainsi, on a déploré le fait que les anciens postes d"entrée du Mont-Riding avaient été fermés et que la route ne passait plus par Wasagaming de sorte que, comme on l"a allégué, les automobilistes avaient moins tendance à s"arrêter dans la ville pour faire des achats, mais traversaient plutôt le parc sans s"arrêter. D"autres modifications ont eu pour effet de restreindre l"accès piétonnier à la ville dans le cas des visiteurs qui restaient dans les terrains de camping voisins, ce qui encourageait ces derniers à se servir de leur voiture et à sortir du parc, pour se rendre à Onanole par exemple, ou à apporter avec eux tous leurs approvisionnements.

[59]      On affirme également qu"une grosse augmentation des frais d"entrée a eu pour effet de décourager les visiteurs et a fait subir aux titulaires de baux commerciaux au Mont-Riding un désavantage concurrentiel par rapport aux commerces situés en dehors du parc et en particulier par rapport aux commerces établis dans la ville voisine d"Onanole et dans un centre de villégiature relativement nouveau situé un peu plus loin sur le chemin menant à la grand-route. Les restrictions relatives aux feux d"artifice le jour de la Fête du Canada et aux autoneiges en hiver ainsi que des exigences astreignantes en matière de santé et de prévention des incendies constituent d"autres causes de frictions dans les relations entre les titulaires de baux commerciaux et Parcs Canada.

[60]      M. Lenych a témoigné qu"en déterminant la valeur des terrains au Mont-Riding, il avait tenu compte d"une façon générale d"un certain nombre de questions en réduisant en tout de 25 p. 100 les valeurs estimatives auxquelles il était arrivé après avoir examiné les ventes de propriétés comparables. Toutefois, il a également fait remarquer qu"un certain nombre d"éléments favorables étaient associés aux terrains situés au Mont-Riding, par exemple, l"application de normes strictes en ce qui concerne la construction et la réparation des propriétés; les politiques de Parcs Canada destinées à assurer que les lieux ne perdent pas leur caractère généralement attrayant; les capitaux investis par Parcs Canada dans l"infrastructure. De plus, le nombre annuel de visiteurs augmentait constamment, d"environ 300 000 visiteurs en 1989 à 400 000 visiteurs à l"heure actuelle.

         c)      La concurrence des commerces établis à l"extérieur du parc

[61]      Me Booth a soutenu que les problèmes auxquels font face les titulaires de baux commerciaux à Wasagaming constituaient un microcosme d"un phénomène se manifestant à l"échelle du continent, soit le déclin économique des centres urbains et l"essor des centres commerciaux de banlieue et d"autres gros points de vente situés à l"extérieur des villes auxquels il est facile d"accéder en voiture. La ville d"Onanole constituait une menace croissante pour Wasagaming où, contrairement à ce qui était le cas pour Onanole, il n"y avait pas de gros supermarchés, ou encore de quincailleries et de magasins d"alcools et d"antiquités. Me Booth a été soutenu que compte tenu de la preuve relative au traitement différent dont faisaient l"objet les propriétaires de chalets et les titulaires de baux commerciaux ainsi que des diverses modifications administratives susmentionnées, Parcs Canada n"avait fait aucun cas du climat de plus en plus difficile dans lequel les titulaires de baux commerciaux devaient exploiter leurs commerces. L"augmentation décennale de loyer qui avait été effectuée en 1990 a représenté la goutte d"eau qui faisait déborder le vase.

[62]      Je n"ai pas trouvé ce raisonnement très convaincant. En premier lieu, à supposer qu"il convienne de considérer Wasagaming comme un microcosme des changements économiques auxquels faisaient face les villes d"Amérique du Nord, Me Booth a peut être bien simplifié les choses. La tendance dont il a fait mention était sans aucun doute extrêmement forte il y a quelques années, mais depuis le début des années 1980, certains centres urbains ont connu un renouvellement.

[63]      Les " hypermarchés " et centres commerciaux situés à l"extérieur des villes continuent sans aucun doute à présenter un danger pour les commerces dans de nombreux centres urbains. Toutefois, dans certains centres, les stimulants offerts par l"État, sous la forme d"allégements fiscaux, de la levée des mesures de contrôle de la planification urbaine et du relâchement des codes du bâtiment ont eu pour effet de ranimer le coeur des villes. Bref, il existe diverses tendances économiques et, en l"absence de preuve, on ne saurait présumer que Wasagaming se dirige inévitablement vers la décadence économique.

[64]      En second lieu, la preuve n"étayait pas la thèse de Me Booth selon laquelle les commerces, à Wasagaming, sont sur le déclin. Il est vrai qu"aucun nouveau lot n"a été loué à des fins commerciales dans le périmètre urbain au cours de la période pertinente et que certaines entreprises ont échoué. Toutefois, cela semble en bonne partie attribuable à la politique de Parcs Canada voulant qu"aucun terrain ne soit de nouveau loué à des fins commerciales; d"autre part, les entreprises peuvent échouer pour diverses raisons qui n"ont rien à voir avec la situation économique générale de la région.

[65]      D"autre part, le marché de la cession de baux commerciaux a été actif; aucun bail n"a été cédé si ce n"est moyennant le paiement de la juste valeur marchande, et aucun des lots loués à des fins commerciales n"est vacant. En outre, les titulaires de baux commerciaux qui ont choisi un loyer fondé sur un pourcentage des recettes brutes généraient un chiffre d"affaires si important que le loyer payé selon cette formule était environ vingt fois plus élevé que le loyer correspondant à 6 p. 100 de la valeur estimative.

[66]      Le témoignage de M. Murray, un défendeur qui était titulaire d"un bail commercial, est particulièrement révélateur. Malgré toutes ses doléances, M. Murray semble exploiter une pizzeria rentable au Mont-Riding. Le commerce est suffisamment rentable pour permettre à M. Murray d"avoir à son service un gérant et un autre employé, de se verser ainsi qu"à sa conjointe un salaire combiné de 30 000 $ grâce au travail acharné qu"ils effectuent pendant l"été lorsqu"ils n"exercent pas leur profession d"enseignants et de rembourser l"hypothèque au moyen de laquelle l"achat ainsi que les améliorations et l"agrandissement subséquents des locaux ont été financés. Compte tenu de cet élément de preuve, il est impossible de considérer la prétention que M. Murray a formulée pendant l"interrogatoire préalable, à savoir que Parcs Canada devrait le payer pour continuer à tenir son commerce, comme constituant plus qu"un argument.

[67]      Troisièmement, le refus des défendeurs de soumettre à Sa Majesté des états financiers vérifiés à l"égard de leurs commerces est peut-être tout aussi révélateur que tous les éléments de preuve susmentionnés. Ces états financiers auraient certes pu établir d"une façon convaincante qu"il était fort injuste pour la Couronne d"imposer de grosses augmentations de loyer à des commerces en difficulté.

[68]      On a cherché à justifier la réticence des locataires en affirmant que les états financiers n"avaient rien à voir avec le litige, qui porte sur la valeur des biens-fonds et non sur celle des bâtiments qui y sont situés ou des commerces qui y sont exploités. Même si cette affirmation est exacte, elle ne rend pas plus crédible la prétention des défendeurs selon laquelle la ville de Wasagaming fait face à des problèmes économiques et qu"il n"était pas justifié pour M. Lenych d"utiliser des terrains affectés à des fins résidentielles aux fins d"une comparaison en déterminant la valeur des terrains loués dans le parc à des fins commerciales.

         d)      Le " choix forcé "

[69]      Me Booth a insisté sur le fait qu"à part le choix énoncé en a ), les choix offerts par la Couronne comme formules de détermination des loyers comportaient la modification des conditions des baux accordés aux défendeurs. Les locataires, a-t-il soutenu, avaient le droit d"insister pour que les conditions de leur bail ne changent pas et ils ne devraient pas être contraints à accepter des modifications en vue d"éviter le recours à la formule fondée sur un pourcentage de la valeur estimative. Les autres choix n"étaient donc pas de " véritables " choix, mais imposaient simplement aux défendeurs un choix de formules de détermination des loyers tout aussi déplaisantes, même si elles étaient différentes.

[70]      J"ai trouvé cet argument difficile à retenir, étant donné que seule la clause de révision des loyers stipulée dans les baux devrait être modifiée. Toutefois, j"ai inféré, compte tenu des arguments avancés par Me Booth, du contre-interrogatoire auquel celui-ci a soumis M. Low et dans une certaine mesure M. Lenych, et compte tenu du témoignage de M. Murray, que les titulaires de baux commerciaux craignent que Parcs Canada utilise la modification de la clause de révision des loyers pour obtenir d"autres concessions, en particulier la suppression de la clause de renouvellement perpétuel. Il a été allégué que la Couronne utilisait cette tactique pour obtenir un consentement à la cession d"un bail.

[71]      Même si elle est fondée, et je ne suis pas en mesure de le savoir, cette préoccupation n"influe pas sur le bien-fondé du loyer fixé en 1990. Il n"a pas été allégué que la Couronne avait omis d"offrir les choix conformément aux alinéas 9(1)b ) à d) du Règlement. Par conséquent, je n"ai pas tenu compte de ce facteur en fixant le loyer que les défendeurs devraient payer.

     (iii)      Le rapport Lenych
         a)      Aperçu

[72]      Après avoir traité de toutes les questions préliminaires, j"en arrive maintenant à la question principale, à savoir si l"évaluation des lots loués aux défendeurs effectuée par M. Lenych est exacte. Comme je l"ai déjà fait remarquer, M. Lenych a adopté la méthode la plus fréquemment employée par les évaluateurs : les prix de propriétés directement comparables.

[73]      Étant donné qu"il n"avait pu trouver aucun terrain affecté à des fins commerciales qui ait été vendu dans le parc pendant la période pertinente, M. Lenych s"est vu obligé de tenir compte des prix payés pour des terrains qui n"étaient pas strictement comparables en ce sens qu"ils n"étaient pas situés dans le parc du Mont-Riding, qu"ils étaient affectés à des fins résidentielles et qu"il s"y trouvait des bâtiments. Il a justifié son choix, malgré les diverses limitations en se fondant sur le fait que dans une région donnée, à n"importe quel moment, la valeur des terrains affectés à des fins résidentielles et celle des terrains affectés à des fins commerciales est généralement à peu près la même et que les terrains affectés à des fins commerciales ont dans une certaine mesure tendance à avoir une valeur supérieure.

[74]      M. Lenych a déclaré s"être fondé sur son jugement d"expert pour rajuster les valeurs de façon à tenir compte de toute différence importante entre les baux commerciaux au Mont-Riding et les propriétés comparables qu"il avait utilisées. Il a visité les lieux et en rajustant le prix de vente des propriétés comparables pour en arriver à la valeur estimative des lots situés dans le parc, il a tenu compte des avantages qu"offraient les terrains situés dans le parc ainsi que des inconvénients.

[75]      À mon avis, M. Lenych était un témoin tout à fait digne de foi. La clarté et le bien-fondé des explications qu"il a fournies dans son témoignage au sujet de son rapport ainsi que les réponses nuancées et réfléchies qu"il a données pendant le contre-interrogatoire qu Me Booth lui a fait subir reflètent ses quelque quarante années d"expérience à titre d"évaluateur s"occupant de toutes sortes d"immeubles, et notamment de propriétés de loisirs.

         b)      M. Browaty et la " méthode d"allocation "

[76]      En témoignant pour les défendeurs, M. Browaty a dit qu"il ne croyait pas qu"il y ait eu des ventes directement comparables permettant de déterminer d"une façon digne de foi la valeur des terrains loués dans le parc. En outre, l"utilisation aux fins d"une comparaison du prix de vente des différents genres de terrains pose un problème : il est difficile de faire les rajustements appropriés en vue de tenir compte des différences.

[77]      Par conséquent, M. Browaty s"est fondé sur la " méthode d"allocation ". L"évaluateur qui emploie cette méthode doit prendre comme point de départ la valeur des améliorations apportées au bien-fonds, calculée à l"aide des frais de remplacement. De ce chiffre, il déduit un certain montant aux fins de la dépréciation. Ce dernier chiffre est ensuite soustrait du prix de vente de la propriété, et la différence est la valeur de l"intérêt du locataire du terrain non bâti. En utilisant cette méthode, M. Browaty a conclu que la valeur moyenne des terrains des sept défendeurs était de 0,35 $ le pied carré, soit moins du quart de la valeur fixée par M. Lenych, et une valeur fort peu différente de la valeur estimative en 1980.

[78]      Comme la technique de la parité, la méthode d"allocation comporte des limitations; en particulier, il est difficile de déterminer la valeur de remplacement et la dépréciation de vieux bâtiments. Le temps qui s"écoule entre la date à laquelle l"évaluation est effectuée et celle à laquelle la valeur du terrain est déterminée amplifie le problème. Dans ce cas-ci, M. Browaty tentait, en 1998, de déterminer les frais de remplacement et la dépréciation en 1989.

[79]      En plus des importantes limitations que comporte la méthode d"allocation, qui s"applique clairement dans ce cas-ci, la tentative que M. Browaty a faite pour appliquer cette méthode laissait à certains égards à désirer. Ainsi, M. Browaty a fondé ses calculs sur l"hypothèse selon laquelle, dans le rapport d"évaluation pour l"année 1980, qui était lui-même fondé sur une " méthode " à peu près similaire à la méthode d"allocation, on avait choisi l"année 1974 pour déterminer la valeur actuelle et la dépréciation des améliorations apportées aux terrains. Toutefois, M. Reimche, qui avait évalué les propriétés dans le cadre de la révision des loyers de 1980, a témoigné que le jour exact de l"évaluation était le 15 septembre 1978. Par conséquent, M. Browaty a erronément pris en compte quatre années de dépréciation, ce qui avait pour effet de faire baisser la valeur en capital des terrains non améliorés et par conséquent de réduire le loyer.

[80]      En outre, M. Browaty s"est exclusivement fondé sur les tableaux de dépréciation, même si l"on dit dans certains textes fondamentaux en matière d"évaluation foncière que l"évaluateur doit toujours examiner les lieux et inspecter les bâtiments de façon à déterminer l"état général des améliorations apportées au terrain. En effet, les tableaux sont fondés sur la dépréciation moyenne, et l"évaluateur devrait donc effectuer une vérification en inspectant les lieux, en particulier lorsque de vieux bâtiments sont en cause, en vue de déterminer si l"état des bâtiments correspond à leur âge chronologique.

[81]      Cependant, M. Browaty a passé fort peu de temps au Mont-Riding pendant qu"il préparait son rapport. Il a rencontré trois titulaires de baux commerciaux, dont deux des défendeurs, et a discuté avec eux de la situation économique générale dans le parc. Les titulaires lui ont fait faire en voiture le tour des propriétés, du terrain de camping situé près de Wasagaming et d"Onanole, qui est un quartier commercial situé juste en dehors du parc.

[82]      M. Browaty a finalement choisi aux fins de la comparaison la vente de quatre baux commerciaux de terrains améliorés situés dans le parc. Toutefois, il ne savait pas qu"au moins deux des ventes ne convenaient pas à cause de caractéristiques inhabituelles qui tendaient à faire baisser le prix de vente.

[83]      Ainsi, un créancier hypothécaire avait vendu une propriété qu"il avait saisie; le produit de la vente correspondait au montant que le locataire devait à l"établissement prêteur. Les créanciers hypothécaires ne sont pas portés à chercher à obtenir le meilleur prix possible lorsqu"ils vendent un terrain en vertu d"un pouvoir de forclusion; ils se contentent d"obtenir le montant qui leur est dû en vertu de la garantie. Une autre propriété était fort peu intéressante pour un acheteur éventuel parce que les conditions du bail existant étaient loin de favoriser le locataire, qui avait choisi la formule du pourcentage du revenu brut.

[84]      Après avoir concédé les erreurs qu"il avait commises en calculant la valeur des terrains selon la méthode d"allocation, M. Browaty a effectué de nouveaux calculs, de sorte que certaines valeurs estimatives excédaient celles qui étaient fondées sur l"approche adoptée par M. Lenych. Bref, la preuve présentée par M. Browaty était fort peu utile aux défendeurs.

[85]      En fait, le témoignage de M. Browaty avait tendance à renforcer la position de la Couronne en montrant que, même si aucune vente strictement comparable n"avait été conclue, la technique de la parité, lorsqu"elle est utilisée par des experts compétents et diligents, est susceptible d"indiquer la valeur du terrain d"une façon plus sûre que la méthode d"allocation lorsqu"elle est employée pour déterminer quels étaient les frais de remplacement et la dépréciation de vieux bâtiments neuf ans plus tôt. En outre, les erreurs que M. Browaty a commises en appliquant la méthode qu"il avait choisie montraient la façon systématique et exhaustive dont M. Lenych s"était acquitté de sa tâche.

         c)      Les propriétés comparables utilisées par M. Lenych

[86]      En l"absence de ventes de propriétés directement comparables au cours des années 1980, M. Lenych a déterminé la valeur des lots loués au Mont-Riding en tenant compte du prix auquel des terrains généralement comparables avaient été vendus dans la région, qu"il a définie comme étant le Manitoba et le nord-ouest de l"Ontario, pendant la période pertinente.

[87]      Pour ce faire, M. Lenych a tenu compte des prix auxquels plus de 200 propriétés avaient été vendues. Il s"agissait dans presque tous les cas de terrains affectés à des fins résidentielles : des lots vacants ou des terrains sur lesquels il y avait des chalets. M. Lenych estimait que les propriétés vendues à Onanole, soit 110 propriétés en tout, étaient les meilleures aux fins de la comparaison parce qu"Onanole était située à proximité de Wasagaming, juste en dehors du parc, directement au sud de Wasagaming. M. Lenych a en particulier tenu compte du prix des lots d"une superficie comparable à celle des lots situés dans le parc et a fait une distinction entre les propriétés donnant sur un lac et les autres propriétés. À son avis, ces autres propriétés, dont le prix était plus bas, étaient celles qu"il convenait de comparer aux lots affectés à des fins commerciales situés dans le parc.

[88]      Compte tenu de cette preuve, M. Lenych a établi une valeur estimative repère de 1,78 $ le pied carré, qu"il a décrite comme se situant au bas de la fourchette des prix. Il a témoigné que normalement, il n"y avait pas vraiment de différence entre la valeur des terrains affectés à des fins résidentielles et celle des terrains affectés à des fins commerciales. Il estimait donc que les prix de terrains affectés à des fins résidentielles généralement comparables dans la région étaient suffisamment exacts pour être en mesure d"établir une valeur repère qu"il pourrait rajuster de façon à tenir compte de la situation dans le parc. La valeur des terrains affectés à des fins commerciales ne serait bien inférieure à celle des terrains affectés à des fins résidentielles que dans le cas d"un déclin économique évident, comme la fermeture de commerces.

[89]      En rajustant la valeur repère qu"il avait établie, M. Lenych a tenu compte des éléments positifs et négatifs qui étaient susceptibles d"influer sur la valeur des terrains au Mont-Riding. Parmi les éléments positifs dont il a tenu compte, il y avait le fait que l"emplacement de la ville de Wasagaming était clairement supérieur à celui de la ville d"Onanole, en particulier sur le plan esthétique et sur le plan de la viabilisation des terrains; de fait, il a conclu que les services offerts dans le parc étaient les meilleurs de toutes les régions récréatives du Manitoba dont il avait tenu compte. Les capitaux que Parcs Canada avait récemment investis dans l"infrastructure au Mont-Riding l"impressionnaient également.

[90]      Quant aux éléments négatifs, M. Lenych a tenu compte du fait que dans les baux, la durée de l"occupation était limitée à sept mois et que la période réelle d"activité commerciale était encore plus brève, mais il n"a pas tenu compte de la politique qu"avait Parcs Canada de tenter de prolonger la saison. Il n"a pas non plus tenu compte des autres clauses figurant dans les baux individuels. Toutefois, il a tenu compte du fait que les frais d"entrée exigés des personnes qui visitaient le parc avaient augmenté.

[91]      En se fondant sur toutes ces considérations, M. Lenych a rajusté à la baisse la valeur repère de 20 p. 100 et l"a ensuite rabaissée de 5 p. 100 pour tenir compte de la marge d"erreur. Certains locataires se sont sans doute posé la question que Me Booth a souvent posée à l"instruction : pourquoi la valeur a-t-elle été uniquement rabaissée de 20 p. 100 alors que la clause relative à l"occupation figurant dans les baux empêchait les locataires d"occuper leurs lots pendant 40 p. 100 de l"année?

[92]      Il semblerait que ce soit pour deux raisons : en premier lieu, de l"avis de M. Lenych, les terrains situés dans le parc sont à d"autres égards supérieurs aux autres terrains dont il avait tenu compte aux fins de la comparaison. En second lieu, le climat et l"emplacement du parc sont des facteurs tout aussi importants ayant pour effet de restreindre l"occupation. Le parc du Mont-Riding est essentiellement une station d"été, bien qu"il soit dans une certaine mesure occupé en hiver et qu"il existe probablement des possibilités d"exploitation en ce qui concerne les activités hivernales : de fait, Parcs Canada autorise les randonnées en autoneige à Clear Lake.

[93]      Compte tenu de cette preuve, je ne puis considérer le fait que le ministre a effectué une réduction additionnelle au profit des titulaires de baux résidentiels de façon à tenir compte des restrictions relatives à l"occupation comme établissant que l"on n"a pas tenu compte d"une façon appropriée de ce facteur en déterminant la valeur des terrains loués à des fins commerciales dans le parc.

[94]      Après que les défendeurs eurent demandé au Comité de révision des évaluations d"examiner de nouveau la valeur à laquelle M. Lenych était arrivé, la valeur estimative de trois propriétés a continué à être de 1,77 $, de 1,77 $ et de 1,80 $ le pied carré, soit des valeurs se rapprochant énormément de la valeur repère de 1,78 $. La valeur des quatre autres propriétés a été rajustée à la baisse à 1,19 $, 1,28 $, 1,34 $ et 1,48 $ le pied carré.

         d)      Conclusion

[95]      Il ne conviendrait absolument pas de tenter de déterminer d"une façon plus précise l"une quelconque des valeurs estimatives des lots des défendeurs. La preuve dont je dispose me convainc que ces valeurs étaient exactes. Comme je l"ai déjà dit, M. Lenych est à mon avis un témoin fort digne de foi qui s"est acquitté d"une tâche difficile avec énormément de compétence, et en tenant compte de la situation locale.

[96]      Le fait que sur les 36 titulaires de baux commerciaux à Wasagaming sept défendeurs seulement n"ont pas accepté les choix offerts par le ministre montre également que les augmentations de loyer n"étaient pas déraisonnables. Le processus de révision a sans doute été fort utile lorsqu"il s"est agi d"aplanir les difficultés que présente une évaluation en masse.

[97]      En outre, les défendeurs n"ont pas offert d"autres théories ou d"autres éléments de preuve dignes de foi. Ainsi, ils n"ont pas établi le prix auquel des terrains étaient vendus dans d"autres parcs nationaux de l"ouest du Canada, ou dans les parcs provinciaux du Manitoba. Toutefois, la demanderesse a fourni des preuves au sujet des loyers s"appliquant en 1990 aux propriétés commerciales dans le parc national des Lacs-Waterton et dans le parc national Waskesiu, à Prince Albert (Saskatchewan), où les valeurs estimatives au pied carré étaient beaucoup plus élevées que celles du Mont-Riding.

[98]      Le témoignage de M. Browaty ne me permettait aucunement de croire qu"eu égard aux circonstances de l"affaire, la méthode d"allocation indiquait la valeur des biens-fonds au Mont-Riding d"une façon plus sûre que la technique de la parité. De fait, comme je l"ai déjà fait remarquer, après que M. Browaty eut corrigé ses erreurs, ses chiffres étaient un peu plus élevés que certains chiffres auxquels M. Lenych était arrivé.

[99]      Je n"ai pas pu non plus accorder beaucoup d"importance à l"avis non professionnel et intéressé que M. Murray a exprimé au sujet de la valeur de son terrain. Le témoignage selon lequel les commerces établis dans le parc arrivaient à peine à survivre a été contredit par presque tous les autres éléments de preuve mis à ma disposition. De plus, ni M. Murray ni aucun des autres défendeurs n"étaient prêts à étayer leur position en communiquant les états financiers de leurs entreprises.

H.      Conclusions

[100]      Pour ces motifs, un jugement est rendu en faveur de la demanderesse dans chacune des actions intentées contre les défendeurs. Je conclus que le loyer fixé par le ministre à l"égard de chacune des propriétés pour la période de dix ans commençant le 1er avril 1990, dans le cas où les locataires n"avaient pas fait d"autres choix, est juste et équitable. Par conséquent, chaque défendeur versera à la Couronne la différence entre le loyer de 1980 et le loyer de 1990, du mois d"avril 1980 au 1er avril 1999.

[101]      Les montants suivants sont dus à la Couronne à titre de loyers impayés à l"égard de chacune des sept propriétés.

     Propriété

     Loyer annuel

     Montant dû

     108 Wasagaming

     1 020 $

     5 643 $

     123 Wasagaming

     1 140 $

     6 840 $

     127 Tawapit

     1 140 $

     7 467 $

     128 Wasagaming

     1 200 $

     7 866 $

     132 Wasagaming

     1 200 $

     7 866 $

     137 Tawapit

     (lot double)

     2 160 $

     13 908 $

     122 Wasagaming

     1 200 $

     7 923 $

[102]      J"ordonne également que des intérêts avant jugement soient versés aux défendeurs sur ces montants et j"accorde à la Couronne ses frais, et notamment les frais de la requête de non-lieu que Me Booth a présentée pour le compte des défendeurs, que j"ai rejetée le 10 février 1999; les dépens sont en outre adjugés dans l"affaire.

                             John M. Evans

                                     J.C.F.C.

OTTAWA (ONTARIO)

Le 8 juin 1999

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :      T-2406-90, T-2407-90, T-2408-90, T-2409-90, T-2410-90, T-2411-90, T-2412-90
INTITULÉ DE LA CAUSE :      SA MAJEST LA REINE c. KENNETH EDWIN CROSSON ET AUTRES
LIEU DE L"AUDIENCE :      WINNIPEG (MANITOBA)
DATES DE L"AUDIENCE :      LES 11, 12, 13 ET 14 JANVIER 1999 ET LE 25 MAI 1999

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE EVANS EN DATE DU 8 JUIN 1999.

ONT COMPARU :

     PAUL EDWARDS

     JURGEN FELDSCHMID

             POUR LA DEMANDERESSE

     DEREK BOOTH

             POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

     DUBOFF, EDWARDS, HAIGHT & SCHACHTER

     WINNIPEG (MANITOBA)

             POUR LA DEMANDERESSE

     BOOTH, DENNEHY, ERNST & KELSCH

     WINNIPEG (MANITOBA)

             POUR LES DÉFENDEURS

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