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Date : 20050627

Dossier : IMM-1188-04

Référence : 2005 CF 907

Toronto (Ontario), le 27 juin 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

ENTRE :

                                                       JOSE D. MALAGA ARICA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                       LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Le 14 août 2003, l'unité régionale des crimes de guerre et de la sécurité publique de l'Ontario (le tribunal) a statué que le demandeur était interdit de territoire suivant l'alinéa 35(1)a) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), qui prévoit ce qui suit :



Atteinte aux droits humains ou internationaux

35. (1) Emportent interdiction de territoire pour atteinte aux droits humains ou internationaux les faits suivants :

a) commettre, hors du Canada, une des infractions visées aux articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre;

                                       

Human or international rights violations

35. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of violating human or international rights for

(a) committing an act outside Canada that constitutes an offence referred to in sections 4 to 7 of the Crimes Against Humanity and War Crimes Act;


[2]                Cette décision, qui fait l'objet du présent contrôle judiciaire, est la dernière étape d'un long processus au cours duquel le demandeur a dû assumer la responsabilité des actes qu'il a commis à l'époque où il était membre de l'armée péruvienne, de 1987 à 1989. Pour les motifs qui suivent, je ne relève aucune erreur de droit dans la décision du tribunal de le juger non admissible à la résidence permanente au Canada.

[3]                Le demandeur a présenté plusieurs demandes afin d'obtenir le droit de s'établir au Canada. Ces demandes ont toutes été étudiées avec attention. Le demandeur est arrivé au Canada avec sa famille en 1990 et a revendiqué le statut de réfugié parce qu'il craignait l'organisation terroriste péruvienne appelée le Sentier lumineux ainsi que l'armée péruvienne. En 1991, la Section du statut de réfugié (la SSR) a cependant exclu le demandeur de la protection offerte aux réfugiés parce qu'il avait été complice de crimes contre l'humanité, en application de l'alinéa 1Fa) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (la Convention). Cette disposition prévoit ce qui suit :


F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

a) qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes.

[4]                La décision de la SSR a été confirmée par la Cour d'appel fédérale (Arica c. Canada (M.E.I.), [1995] A.C.F. no 670 (C.A.F.)), l'autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada ayant ensuite été refusée avec dépens ((1995), 198 N.R. 239 (C.S.C.)). Le demandeur a présenté une demande d'établissement de l'intérieur du Canada. Cette demande a été approuvée le 29 mai 1996. Sa demande de résidence permanente a cependant été rejetée le 23 mai 1997. Cette décision a ensuite fait l'objet d'un contrôle judiciaire et, le 23 juin 1998, le juge Gibson a ordonné que l'affaire soit renvoyée afin qu'une nouvelle décision soit rendue, mais uniquement sur la question de savoir si le demandeur pouvait obtenir le statut de résident permanent. Comme il a été mentionné précédemment, le tribunal a jugé que le demandeur était interdit de territoire suivant l'alinéa 35(1)a) de la LIPR le 14 août 2003. C'est cette dernière décision qui fait l'objet du présent contrôle.

A. La décision du tribunal


[5]                Pour tirer une conclusion en application de l'alinéa 35(1)a), le tribunal devait appliquer correctement la définition de « crime contre l'humanité » . Cette expression est définie au paragraphe 4(3) de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, L.C. 2000, ch. 24 :


« crime contre l'humanité »

                                                               

« crime contre l'humanité » Meurtre, extermination, réduction en esclavage, déportation, emprisonnement, torture, violence sexuelle, persécution ou autre fait -- acte ou omission -- inhumain, d'une part, commis contre une population civile ou un groupe identifiable de personnes et, d'autre part, qui constitue, au moment et au lieu de la perpétration, un crime contre l'humanité selon le droit international coutumier ou le droit international conventionnel, ou en raison de son caractère criminel d'après les principes généraux de droit reconnus par l'ensemble des nations, qu'il constitue ou non une transgression du droit en vigueur à ce moment et dans ce lieu.

"crime against humanity"

"crime against humanity" means murder, extermination, enslavement, deportation, imprisonment, torture, sexual violence, persecution or any other inhumane act or omission that is committed against any civilian population or any identifiable group and that, at the time and in the place of its commission, constitutes a crime against humanity according to customary international law or conventional international law or by virtue of its being criminal according to the general principles of law recognized by the community of nations, whether or not it constitutes a contravention of the law in force at the time and in the place of its commission.


[6]                Pour rendre sa décision en application de l'alinéa 35(1)a), le tribunal s'est appuyé sur les conclusions de fait de la SSR concernant l'alinéa 1Fa), qui incluaient les déclarations faites par le demandeur dans son Formulaire de renseignements personnels au soutien de sa revendication du statut de réfugié :

[traduction]

1. J'ai été dans l'armée péruvienne pendant 13 ans. Je suis un mécanicien d'hélicoptère et un artilleur. Mon gouvernement utilise l'armée pour lutter contre les dissidents politiques. On m'a affecté à des tâches que je ne veux pas accomplir.

2. En novembre 1987, j'étais membre d'un équipage d'hélicoptère qui a transporté dix civils d'une base à une autre pour subir un « interrogatoire » . Je faisais aussi partie de l'équipage qui n'a ramené que quatre survivants, les autres ayant été tués lors de « l'interrogatoire » .


3. En décembre 1987, je faisais partie d'un équipage d'hélicoptère impliqué dans le meurtre de deux civils. Ils ont été abattus dans mon hélicoptère sous mes yeux par des militaires parce qu'ils étaient soupçonnés d'être des terroristes; leurs corps ont ensuite été lestés avec des pierres et jetés hors de l'appareil, dans une rivière.

4. En décembre 1987, je faisais partie d'un équipage d'hélicoptère qui a attaqué à la roquette et à la mitrailleuse un village de civils. On m'a ordonné de tirer à la mitrailleuse dans le village. Parmi les victimes de cette attaque, il y avait des femmes et des enfants. Je sais qu'il n'y avait pas de terroristes dans le village étant donné que notre appareil n'a été la cible d'aucun tir, que ce soit avant, pendant ou après cette attaque.

5. En juin 1988, j'ai été également impliqué dans le même genre d'incident que celui décrit au paragraphe 4, sauf qu'il s'agissait d'un autre village.

6. En 1987, 1988 et jusqu'en 1989, on m'a affecté de temps à autre au transport de civils soupçonnés d'être des terroristes. Je faisais moi-même (sic) partie d'un équipage qui a amené ces gens à ma base. Les personnes que j'ai amenées à la base, ainsi que d'autres personnes qui avaient été amenées là par d'autres équipages d'hélicoptère, ont été torturées. Je le sais parce que je pouvais entendre leurs cris et qu'il m'est arrivé de voir les blessures infligées aux victimes.

7. À la fin de 1987, j'ai signalé par hasard à un civil de ma connaissance que j'avais de la sympathie pour les civils innocents pris dans le conflit entre le gouvernement et ses opposants politiques.

8. Le 8 décembre 1987, alors que je me trouvais dans un restaurant à la campagne où j'avais été invité par la même connaissance, j'ai été mis en joue par quatre hommes qui m'ont « demandé » de me joindre aux terroristes à cause des sympathies que j'avais exprimées. On m'a donné du temps pour réfléchir.

9. Au cours des mois qui ont suivi, on m'a abordé à plusieurs reprises pour que je donne une réponse.

10. Le 14 mars 1988, mon fils a été kidnappé et il a été libéré plusieurs heures plus tard. Le 4 août 1988, j'ai reçu le message que le pire était à venir si je n'acquiesçais pas à leur demande.

11. De février à août 1989, j'ai été affecté à des cours de formation à Lima et j'ai pu éviter tout contact avec des « terroristes » .

12. Le 10 septembre 1989, après avoir repris mes fonctions habituelles, deux « terroristes » m'ont empoigné dans la rue. Ils m'ont dit qu'ils m'avaient laissé assez de temps pour décider d'aider l'opposition et que j'avais maintenant signé mon arrêt de mort.


13. J'étais complètement apeuré. C'était arrivé à d'autres personnes et certaines d'entre elles avaient été tuées. Je ne pouvais pas signaler à mes supérieurs les pressions qu'on exerçait sur moi. Je ne pouvais leur faire part de mes sympathies. De toute manière, lorsqu'on signale ce genre de chose, ils ne font rien. En plus, les simples soldats comme moi ne sont pas autorisés à porter des armes, même pour assurer leur protection.

14. J'ai été obligé de modifier sans cesse mes déplacements et mes habitudes de vie.

15. En mars 1990, j'ai été envoyé en Italie pour une formation sur les nouveaux hélicoptères que le Pérou avait achetés. Après la formation, je suis venu au Canada pour éviter d'utiliser ce nouveau matériel pour tuer des civils et pour échapper à la négligence de mes supérieurs concernant ma sécurité.

(Dossier du tribunal, p. 512 et 513)

[7]                Le passage pertinent de la décision du tribunal est reproduit en entier ci-dessous. La décision comporte trois parties; dans chacune, le tribunal expose d'abord les faits sur lesquels il se fonde et énonce ensuite la conclusion qu'il tire. Par souci de commodité, chaque partie est numérotée; les conclusions étaient déjà soulignées dans l'original :

[traduction]

Plus précisément, il existe des motifs raisonnables de croire que, entre 1987 et 1989, alors que vous faisiez partie de l'armée péruvienne, vous avez été complice des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité suivants :

[Partie 1] torture ou traitements inhumains, y compris expérimentations biologiques :

transporter des civils à des fins d'interrogatoire à de nombreuses reprises en sachant que ces personnes seraient torturées ou tuées par les autorités péruviennes responsables du renseignement;

en ce qui concerne le transport de prisonniers, la Cour a statué qu'une personne qui remet d'autres personnes à des organisations impliquées dans la perpétration de crimes contre l'humanité en sachant qu'elles subiront un préjudice est réputée être complice de ce crime;

[Partie 2] attaques intentionnelles directes contre la population civile ou contre des civils ne participant pas directement aux hostilités :

à cinq occasions, avoir fait partie de l'équipage d'un hélicoptère qui a attaqué un village de civils avec des roquettes et des mitrailleuses, s'étant fait ordonner de tirer sur le village, en sachant qu'aucun terroriste ne s'y trouvait. Il y avait des femmes et des enfants parmi les victimes;


dans le deuxième cas, votre présence lors des événements, combinée à votre association avec les principaux contrevenants, équivaut à une participation personnelle et consciente aux actes commis. De plus, votre appartenance à l'armée péruvienne et les avantages qui en découlent confirment l'existence d'une intention commune aux fins de la détermination de la complicité.

[Partie 3] Au cours de l'audience devant la SSR, vous avez eu la possibilité d'en dire davantage sur les incidents décrits ci-dessus. Il a été mentionné que vous avez dit que, pendant les attaques, vous aviez un secret : vous chargiez votre arme, mais vous tiriez loin des endroits où vous pensiez que des personnes pouvaient être cachées. Vous avez dit que le mitrailleur professionnel, qui se tenait à deux ou trois pieds de vous, ne s'en rendait pas compte. Vous avez mentionné également que vous étiez contraint de tirer en raison des ordre de vos supérieurs, à défaut de quoi vous auriez pu être condamné à un emprisonnement de 25 ans ou à un emprisonnement à perpétuité. Cette peine n'a jamais été mentionnée pendant les événements, mais vous la connaissiez en raison du temps que vous avez passé dans l'armée.

À la fin de 1987, vous avez dit à l'une de vos connaissances - un civil - que vous aviez de la sympathie pour les personnes innocentes prises dans le conflit. Vous faisiez alors référence à une femme qui avait été violée ainsi qu'au transport de dix personnes vers un lieu où elles devaient être interrogées et du retour subséquent de seulement quatre d'entre elles. Lorsqu'on vous a demandé si vous aviez pensé donner votre démission, vous avez répondu que vous y aviez pensé un peu et que vous aviez le sentiment que vous ne deviez pas être là, mais, comme vous deviez aller à Lima et que vous aimiez la mécanique et votre travail, vous avez changé d'idée.

En décembre 1987, des représentants du Sentier lumineux sont entrés en contact avec vous et vous ont demandé, en vous menaçant avec des armes à feu, de vous joindre à eux. Vous avez été libéré et on vous a donné du temps pour réfléchir à la question. En mars 1988, votre fils a été enlevé et vous a été remis plusieurs heures plus tard. En août 1988, vous avez reçu un message vous avertissant que le pire était à venir si vous n'acquiesciez pas à leur demande.

Le 10 septembre 1989, vous avez été attaqué par des terroristes qui vous ont dit que vous aviez eu suffisamment de temps pour réfléchir et que vous aviez maintenant signé votre arrêt de mort.

En mars 1990, vous avez été envoyé en formation en Italie, après quoi vous êtes venu au Canada et avez revendiqué le statut de réfugié.

En ce qui concerne votre départ de l'armée, plus de deux ans se sont écoulés entre la première fois où vous avez manifesté votre opposition aux activités de l'armée et votre départ de celle-ci. Ce ne sont pas les remords pour ce que vous avez fait ou vu qui ont entraîné votre départ, mais plutôt la menace de mort proférée contre vous et contre votre famille par le Sentier lumineux, une organisation terroriste. La preuve n'indique pas que vous avez essayé de quitter l'armée dès que vous en avez eu la possibilité, ni que vous vous êtes plaint à vos supérieurs.


En ce qui concerne la possibilité de contrainte, aucune menace directe n'a été formulée à votre endroit relativement aux incidents décrits ci-dessus. Comme les victimes ont été torturées ou tuées, rien ne permet de croire que la peine qui pourrait vous être infligée pourrait être plus grande que le tort causé par ces actes. Que vous les ayez commis sous la contrainte ne change rien au fait que vous en êtes complice.

(Dossier du demandeur, p. 8 et 9)

A. Les questions en litige

[8]                Il est reconnu que, même si la SSR a conclu à l'exclusion en application de l'alinéa 1Fa), le tribunal était tenu de tirer une conclusion concernant l'alinéa 35(1)a) et, en le faisant, il n'a pas commis d'erreur dans l'application du critère relatif à la complicité établi dans Ramirez c. Canada (M.E.I.), [1992] A.C.F. no 109, aux paragraphes 18 et 23 :

18. Je crois que, dans de tels cas, la complicité dépend essentiellement de l'existence d'une intention commune et de la connaissance que toutes les parties en cause en ont. [...]

23. À mon avis, il n'est pas souhaitable, dans l'établissement d'un principe général, de dépasser le critère de la participation personnelle et consciente aux actes de persécution.

Il est reconnu également que c'est la norme de la décision correcte qui s'applique aux questions de droit.


[9]                Il reste cependant deux questions à trancher.

1. Quel est le rapport entre l'article 33 et l'alinéa 35(1)a) de la LIPR?

[10]            L'article 33 prévoit ce qui suit :


Interprétation

33. Les faits -- actes ou omissions -- mentionnés aux articles 34 à 37 sont, sauf disposition contraire, appréciés sur la base de motifs raisonnables de croire qu'ils sont survenus, surviennent ou peuvent survenir.

Rules of interpretation

33. The facts that constitute inadmissibility under sections 34 to 37 include facts arising from omissions and, unless otherwise provided, include facts for which there are reasonable grounds to believe that they have occurred, are occurring or may occur.


L'alinéa 35(1)a), qui a été reproduit plus haut, est libellé comme suit :


Atteinte aux droits humains ou internationaux

35. (1) Emportent interdiction de territoire pour atteinte aux droits humains ou internationaux les faits suivants :

a) commettre, hors du Canada, une des infractions visées aux articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre;

                              

Human or international rights violations

35. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of violating human or international rights for

(a) committing an act outside Canada that constitutes an offence referred to in sections 4 to 7 of the Crimes Against Humanity and War Crimes Act;



[11]            Le demandeur prétend essentiellement que la norme de preuve applicable à une conclusion de fait est différente de celle qui est nécessaire pour satisfaire au critère concernant l'interdiction de territoire prévu à l'alinéa 35(1)a). Il soutient que, une fois les faits appréciés sur la base de motifs raisonnables conformément à l'article 33, ils sont appliqués au critère d'interdiction de territoire prévu au paragraphe 35(1), et la norme de preuve qui s'applique alors est celle de la prépondérance des probabilités. L'argumentation intégrale du demandeur est la suivante :

[traduction]

Je soutiens que l'article 33 de la LIPR énonce une norme que le décideur doit appliquer uniquement aux conclusions de fait. Une fois ces faits sous-jacents établis, le décideur doit déterminer, conformément à l'article 35 de la LIPR, si l'intéressé a « commis » l'un des crimes mentionnés dans cette disposition.

La disposition qui a été remplacée par l'alinéa 35(1)a) de la LIPR (alinéa 19(1)j) de la Loi sur l'immigration) prévoyait ce qui suit :

19(1) Personnes non admissibles - Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible :

[...]

j) celles dont on peut penser, pour des motifs raisonnables, qu'elles ont commis, à l'étranger, un fait constituant un crime de guerre ou un crime contre l'humanité au sens du paragraphe 7(3.76) du Code criminel et qui aurait constitué, au Canada, une infraction au droit canadien en son état à l'époque de la perpétration.

Par contre, l'alinéa 35(1)a) ne prévoit pas de norme, mais seulement qu'il faut décider que la personne est interdite de territoire pour avoir « commis » de tels crimes.

Je soutiens donc que, en l'absence d'indication explicite concernant la norme de preuve devant être appliquée, c'est la norme habituelle en matière civile - la prépondérance des probabilités - qui s'applique. Toute dérogation à cette norme devrait être prévue explicitement, comme le faisait l'ancienne disposition.

La norme applicable n'étant pas énoncée explicitement, je soutiens que la décision en l'espèce (le demandeur est-il interdit de territoire pour avoir commis des crimes contre l'humanité?) peut seulement comporter deux étapes auxquelles s'appliquent deux normes différentes :

1) la détermination des faits, notamment les actes commis par le demandeur et l'élément moral requis pour la « commission » de l'infraction (y compris la « complicité » ) : le décideur doit alors appliquer la norme des « motifs raisonnables de croire » prévue à l'article 33 de la LIPR;


2) l'application du droit relatif aux crimes contre l'humanité : la norme qui s'applique à toutes les questions de droit est celle de la décision correcte. La question qui se pose est donc la suivante : les faits que le décideur a des motifs raisonnables de croire qu'ils existent (y compris les éléments matériel et moral) satisfont-ils au critère de ce qui constitue la commission d'un crime contre l'humanité?

Par conséquent, je soutiens que la décision faisant l'objet du présent contrôle est irrémédiablement erronée parce que le décideur a appliqué à l'ensemble de la question la norme de preuve des « motifs raisonnables de croire » que le demandeur est interdit de territoire et qu'il n'a pas établi clairement dès le départ sur quels faits la conclusion d'interdiction de territoire était fondée et quelle norme s'appliquait relativement aux faits.

(Observations supplémentaires du demandeur du 21 mars 2005, par. 4 à 9)

[12]            Le défendeur soutient que la conclusion fondée sur l'alinéa 35(1)a) est une conclusion de droit et que, en conséquence, la « norme de preuve » de la prépondérance des probabilités proposée par le demandeur ne s'applique pas; la seule chose que le tribunal devait déterminer en tirant cette conclusion de droit, c'est si les faits établissaient que le demandeur avait commis un crime contre l'humanité. Ainsi, il ne s'agit pas, au moment de rendre une décision fondée sur l'alinéa 35(1)a), de déterminer si le crime a été commis suivant la prépondérance des probabilités - une question de fait - mais plutôt de savoir si on peut considérer que le demandeur a commis le crime - une question de droit. Le défendeur se fonde à cet égard sur l'arrêt rendu par la Cour d'appel fédérale dans Moreno c. Canada (M.E.I.), [1993] A.C.F. no 912 :            

23. On a défini la conclusion de fait comme la conclusion qu'un phénomène s'est produit, se produit ou se produira indépendamment de toute décision concernant ses effets juridiques ou antérieurement à celle-ci; voir L. L. Jaffe, Judicial Control of Administrative Action, Boston: Little, Brown and Company, 1965, à la page 548. La question de droit a, quant à elle, été définie de nombreuses façons; voir par exemple P. J. Fitzgerald, Salmond on Jurisprudence, 12e éd., London: Sweet & Maxwell, 1966, à la page 10. C'est peut-être le professeur Wade qui définit le mieux le fondement sur lequel les questions de droit se distinguent nettement des questions de fait :


[traduction] Les questions de droit doivent être différenciées des questions de fait, mais il s'agit d'un cas où les règles ont pris différentes formes en raison de la manipulation judiciaire.

[...]

Selon la doctrine plus simple et plus logique reconnue dans de nombreux jugements, les questions de fait portent sur les faits principaux de l'affaire concernée, qui doivent être établis avant que soit appliqué le droit, soit les « faits qui sont observés par les témoins et établis par les témoignages » , et auxquels devraient être ajoutés tous les faits qui sont de connaissance générale et dont la cour prendra connaissance d'office. La question de savoir si ces faits, une fois établis, répondent à une définition ou exigence juridique, doit être une question de droit puisqu'il s'agit alors de déterminer la façon d'interpréter et d'appliquer le droit aux faits établis. [Voir Wade, Administrative Law, 6e éd. (Oxford: Clarendon Press, 1988) aux pages 938 et 939.]

[...]

25. À mon avis, la norme de preuve visée par la disposition d'exclusion était destinée à servir dans les cas où des éléments de preuve contraires doivent être pondérés. Elle ne doit pas excéder son objectif législatif. Dans le présent contexte, la norme de preuve devient pertinente uniquement quant aux questions de fait suivantes.

26. La question de savoir si l'appelant ou des membres de son peloton ont tué des civils est une question de fait. La norme de preuve à appliquer est celle visée par l'expression « sérieuses raisons de penser » . De même, la question de savoir si l'appelant a monté la garde pendant qu'un prisonnier était torturé est une question de fait. Ce fait étant admis, la norme de preuve requise est respectée. Toutefois, cette norme n'a aucune conséquence sur les décisions suivantes.

27. La question de savoir si le meurtre de civils par le personnel militaire peut être qualifié de crime contre l'humanité est une question de droit. Il doit être accepté que de tels actes répondent aux critères juridiques prévus dans la Loi et dans la Convention [...] La question de savoir si les gestes ou les omissions de l'appelant comme gardien constituent un crime contre l'humanité est également une question de droit. Cette question ne peut être tranchée que par référence aux principes juridiques énoncés dans la jurisprudence relative à la « complicité » . Enfin, la question de savoir si l'appartenance à une organisation militaire comme l'armée salvadorienne constitue une complicité suffisante pour justifier l'application de la disposition d'exclusion est, elle aussi, une question de droit.

[Non souligné dans l'original]


[13]            J'estime que l'arrêt Moreno est déterminant en ce qui concerne la question en cause en l'espèce. Aussi, après avoir examiné toutes les observations présentées avec soin par les avocates des deux parties, j'arrive à la conclusion que l'interprétation du défendeur est correcte. Par conséquent, je rejette la thèse du demandeur sur cette question.

2. La conclusion du tribunal selon laquelle le demandeur a été complice d'un crime contre l'humanité est-elle correcte?

[14]            Les parties reconnaissent que la preuve au dossier n'étaie pas la conclusion de fait tirée dans la partie 1 de la décision; le demandeur n'a pas transporté de civils [traduction] « à de nombreuses reprises » en sachant que ces personnes seraient torturées ou tuées par les autorités péruviennes du renseignement. Par conséquent, j'estime que la conclusion de droit qui s'ensuit n'est pas étayée par la preuve et n'est donc pas correcte.

[15]            Il n'est pas contesté cependant que la conclusion de fait tirée dans la partie 2 de la décision est étayée par la preuve au dossier. Le défendeur prétend que cette conclusion de fait et les conclusions de droit fondées sur cette preuve sont suffisantes pour décider que le demandeur est interdit de territoire.

[16]            Dans la partie 2 de la décision, le tribunal conclut que des [traduction] « attaques intentionnelles directes contre la population civile ou contre des civils ne participant pas directement aux hostilités » constituent un crime contre l'humanité établi par les faits suivants :


[traduction] à cinq occasions, avoir fait partie de l'équipage d'un hélicoptère qui a attaqué un village de civils avec des roquettes et des mitrailleuses, s'étant fait ordonner de tirer sur le village, en sachant qu'aucun terroriste ne s'y trouvait. Il y avait des femmes et des enfants parmi les victimes;

J'estime que le tribunal a eu raison de tirer cette conclusion. La Cour d'appel est d'ailleurs arrivée à pareille conclusion dans l'appel interjeté par le demandeur à l'encontre la décision de la SSR de l'exclure en application de l'alinéa 1Fa) de la Convention. Le juge Robertson a écrit dans cet arrêt :

12. La question de savoir quels actes constituent des crimes contre l'humanité est une question de droit pour laquelle la Commission est obligée de prendre en considération les divers instruments internationaux. C'est précisé à l'alinéa a) de l'article 1F. Il ne s'agit pas de savoir si la Commission peut prendre connaissance de tels documents conformément aux paragraphes 68(4) et (5) de la Loi. À mon avis, l'alinéa a) de l'article 1F était tout ce dont la Commission avait besoin pour s'informer de la définition d'un « crime contre l'humanité » et pour que l'appelant en soit informé. Quant à la portée ou au sens de ces instruments, rien ne s'oppose sur le plan juridique à ce que l'avocat soutienne devant la Commission que la conduite présumée n'est pas considérée comme un crime contre l'humanité. En l'espèce, il ne fait aucun doute que la torture et l'assassinat de civils innocents, hors de situations de combat, sont des actes qui se classent parmi les crimes contre l'humanité; voir Gonzalez c. M.E.I. (1994), 24 Imm.L.R. (2d) 229, le juge Létourneau, à la p. 241. En résumé, rien de substantiel ne repose sur les conventions internationales mentionnées par la Commission.

[Non souligné dans l'original]

[17]            En ce qui concerne la culpabilité du demandeur, le tribunal a parlé de complicité. Il a conclu à cet égard :

[traduction] [D]ans le deuxième cas, votre présence lors des événements, combinée à votre association avec les principaux contrevenants, équivaut à une participation personnelle et consciente aux actes commis. De plus, votre appartenance à l'armée péruvienne et les avantages qui en découlent confirment l'existence d'une intention commune aux fins de la détermination de la complicité.

[18]            Il est cependant important de souligner que la SSR a tiré des conclusions de fait précises relativement à la nature de la participation du demandeur à la conduite qui constitue le crime contre l'humanité. En particulier, elle a tiré une conclusion défavorable fondamentale concernant la crédibilité au regard d'un aspect important de la preuve du demandeur. La SSR a conclu :

Je cite de nouveau le Formulaire de renseignements personnels du demandeur, à la page 7, paragraphe 4 :

4. En décembre 1987, je faisais partie d'un équipage d'hélicoptère qui a attaqué à la roquette et à la mitrailleuse un village de civils. On m'a ordonné de tirer à la mitrailleuse dans le village. Parmi les victimes de cette attaque, il y avait des femmes et des enfants. Je sais qu'il n'y avait pas de terroristes dans le village étant donné que notre appareil n'a été la cible d'aucun tir, que ce soit avant, pendant ou après cette attaque.

5. En juin 1988, j'ai été également impliqué dans le même genre d'incident que celui décrit au paragraphe 4, sauf qu'il s'agissait d'un autre village.

Il incombe au tribunal d'établir avec certitude la bonne foi du demandeur. Comme nous l'avons déjà dit, le demandeur a indiqué d'après son témoignage écrit qu'il avait tiré sur des villages où se trouvaient des civils non armés. Lors de sa déposition orale, le demandeur a indiqué qu'il avait un « secret » . À la question à savoir quel était ce secret, il a répondu que lorsqu'on lui ordonnait de tirer dans les villages, il tirait ailleurs. C'était sa façon de se protéger car il devait tirer quand on le lui ordonnait, mais il ne tirait pas de manière à blesser des civils. Ceci vient en contradiction directe avec le témoignage écrit que le demandeur a fourni dans son Formulaire de renseignements personnels.

Dans une autre partie de sa déposition orale, le demandeur a indiqué qu'il était descendu avec l'équipage d'hélicoptère et avait été témoin du vol de bijoux et de dents en or commis sur les corps des victimes civiles. Ce récit ne faisait pas partie de son témoignage écrit. Dans sa déposition orale, il a dit que son hélicoptère s'était brièvement posé pendant deux minutes, à chacune de ces occasions, pour faire descendre des troupes. Il s'agit-là d'une autre contradiction dans son témoignage. Alors qu'il était interrogé par un membre du tribunal et après qu'on lui eût montré une photo de l'hélicoptère dont il était un membre de l'équipage, le demandeur a indiqué que sa position, lors des attaques, était à la fenêtre arrière gauche de l'appareil, à deux ou trois pieds du mitrailleur professionnel qui était posté à la porte avec la mitrailleuse de plus gros calibre. Le tribunal n'est pas convaincu que son témoignage soit crédible à cet égard. Il ne croit pas que le demandeur ait tiré loin des zones peuplées afin d'éviter d'atteindre des civils innocents. Le conseil a présenté une solide preuve documentaire à l'appui de ce genre d'attaques sur des villages et il n'est pas crédible qu'il risquerait d'être détecté par ses supérieurs pour ne pas s'être plié aux ordres.

[...]


Même si la preuve documentaire révèle que le gouvernement du Pérou lutte contre l'insurrection armée menée par le groupe de guérilleros du Sentier lumineux, il s'agit d'un fait bien documenté que le maintien de l'ordre sert d'excuse pour éliminer d'importants groupes de gens. Même si le gouvernement péruvien peut considérer qu'il exerce en cela ses fonctions de maintien de l'ordre, Amnesty International et d'autres organismes ont bien documenté le fait qu'il viole les droits de la personne. Le demandeur a clairement indiqué dans sa déposition orale qu'il avait participé à ce genre d'actes. Bien qu'il nie avoir tiré directement sur les villages, nous jugeons qu'il a participé à des crimes contre l'humanité.

[...]

Le demandeur exerçait des fonctions officielles comme membre des forces armées péruviennes lors des attaques contre ces villages. De son propre aveu, ils n'ont eu à subir aucune riposte, à l'une ou l'autre de ces occasions, et les forces auxquelles il appartenait ont continué d'attaquer les habitants de ces hameaux, à la fois à la roquette et à la mitrailleuse.

[Non souligné dans l'original]

(Décision de la SSR, p. 23 à 25)

Il est important de souligner que le juge Robertson a conclu, au paragraphe 3 de l'arrêt Arica, précité, que la conclusion défavorable concernant la crédibilité ne comportait aucune erreur susceptible de contrôle. Je suis d'accord avec l'avocate du défendeur lorsqu'elle dit que la SSR a conclu que le demandeur a participé activement au crime en tirant des coups de feu avec son arme en direction de civils alors qu'il se trouvait à bord de l'hélicoptère.

[19]            L'alinéa 15b) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), est important au regard de la conclusion du tribunal selon laquelle le demandeur a participé au crime :



15. Les décisions ci-après ont, quant aux faits, force de chose jugée pour le constat de l'interdiction de territoire d'un étranger ou d'un résident permanent au titre de l'alinéa 35(1)a) de la Loi :

[...]

b) toute décision de la Commission, fondée sur les conclusions que l'intéressé a commis un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, qu'il est visé par la section F de l'article premier de la Convention sur les réfugiés;

[...]

[Non souligné dans l'original]

15. For the purpose of determining whether a foreign national or permanent resident is inadmissible under paragraph 35(1)(a) of the Act, if any of the following decisions or the following determination has been rendered, the findings of fact set out in that decision or determination shall be considered as conclusive findings of fact:

[...]

(b) a determination by the Board, based on findings that the foreign national or permanent resident has committed a war crime or a crime against humanity, that the foreign national or permanent resident is a person referred to in section F of Article 1 of the Refugee Convention; or

[...]

[Emphasis added]


[20]            Aussi, je suis d'accord avec le défendeur que, par le jeu de l'alinéa 15b) du Règlement, le tribunal était tenu de fonder sa décision sur la conclusion de fait de la SSR concernant la participation du demandeur au crime, selon laquelle le demandeur avait participé activement à celui-ci. Le demandeur a néanmoins prétendu devant le tribunal qu'il n'était pas coupable parce qu'il n'était pas complice du crime étant donné qu'il n'avait pas l'intention de le commettre.


[21]            En ce qui concerne la partie 2 de la décision, le demandeur a prétendu devant le tribunal et à nouveau devant la Cour en l'espèce qu'il n'avait pas l'élément moral requis pour la complicité, un fait qui ne peut être établi par la « simple appartenance » à une organisation, sauf si celle-ci vise principalement des « fins limitées et brutales » , ce que le défendeur ne prétend pas. De plus, le demandeur soutient que la preuve ne révèle pas qu'il partageait une intention commune relativement à la commission des actes et que, en tant que soldat occupant le rang le moins élevé dans les activités alléguées, sa responsabilité est moindre que celle des officiers supérieurs.

[22]            Il ressort de sa décision que le tribunal a rejeté les arguments du demandeur. Compte tenu des faits constatés par la SSR qui ont été exposés précédemment, je souscris à ce résultat. Le tribunal pouvait clairement se fonder sur ces faits pour conclure que la culpabilité du demandeur est établie par sa participation personnelle et consciente au crime. À mon avis, le tribunal a appliqué correctement le critère relatif à la complicité énoncé dans Ramirez à la conduite du demandeur et a eu raison de conclure que ce dernier avait été complice du crime.

3. Le demandeur a-t-il une défense?


[23]            En ce qui concerne le statut de résident permanent, la principale question que le tribunal devait trancher consistait à déterminer si le demandeur avait commis, hors du Canada, une infraction visée aux articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. Le tribunal a eu raison, dans la partie 2 de sa décision, de conclure que le demandeur avait été complice d'un tel acte. Il a cependant accordé une certaine attention, dans la partie 3 de sa décision, à la question de savoir si le demandeur pouvait invoquer le moyen de défense fondé sur la « contrainte » . Le tribunal a considéré que le demandeur n'agissait pas sous la contrainte. Il faut déterminer si le tribunal a appliqué correctement le droit lorsqu'il a conclu que le demandeur ne pouvait pas invoquer le moyen de défense fondé sur la contrainte.

[24]            Le droit relatif à la contrainte est décrit au paragraphe 40 de Ramirez :

À propos de la contrainte, Hathaway (précité), résumant le projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité sur lequel la Commission du droit international travaille depuis 1947, écrit (à la page 218) :

[TRADUCTION] Deuxièmement, il est possible d'invoquer la coercition, l'état de nécessité ou la force majeure [en défense]. Cette exception reconnaît essentiellement que, lorsqu'une personne agit dans le but d'éviter un péril grave et imminent, il n'y a pas d'intention. Il faut que le danger soit de nature « à inspirer à un homme raisonnable la crainte d'un péril corporel imminent tel qu'il se trouve privé de sa liberté de choisir ce qui est juste ou de s'abstenir de ce qui est illicite » . Le danger ne doit pas non plus résulter du fait de la personne qui se prévaut de l'exception ou découler de sa volonté. Plus important encore, les torts causés ne doivent pas excéder ceux que cette personne aurait subis. [Les renvois ont été omis.]

En supposant que l'auteur ait exprimé l'état actuel du droit international, comme le soutient l'appelant, il serait possible de considérer que la contrainte exercée sur l'appelant était suffisante pour justifier des infractions moins graves. Mais il me faut conclure, en l'occurrence, que le danger auquel il se serait exposé en affichant sa dissidence ou en refusant de participer était nettement moins important que le mal effectivement infligé aux victimes...

[25]            Le tribunal a conclu ce qui suit :

[traduction]

En ce qui concerne la possibilité de contrainte, aucune menace directe n'a été formulée à votre endroit relativement aux incidents décrits ci-dessus. Comme les victimes ont été torturées ou tuées, rien ne permet de croire que la peine qui pourrait vous être infligée pourrait être plus grande que le tort causé par ces actes. Que vous les ayez commis sous la contrainte ne change rien au fait que vous en êtes complice.

Je ne relève aucune erreur dans la façon dont le tribunal a appliqué le droit dans la partie 3 de la décision.


[26]            Le demandeur fait valoir accessoirement qu'il agissait sur les ordres de ses supérieurs. J'estime que cet argument n'est pas pertinent au regard de la décision du tribunal car il n'a de l'importance que si une personne est accusée d'un crime contre l'humanité, ce qui n'est pas la question dont le tribunal était saisi en l'espèce. La seule question qui devait être tranchée avait trait au statut de résident permanent du demandeur.

[27]            En ce qui concerne les motifs, l'avocate du demandeur propose la question certifiée suivante :

[traduction]

CONTRAINTE : Dans une affaire concernant l'interdiction de territoire, le fait que le demandeur craint avec raison d'être persécuté pour ne pas avoir suivi les ordres constitue-t-il une « contrainte » suffisante pour altérer son intention de commettre, en droit, un crime contre l'humanité?

(Question certifiée proposée et argumentation, 10 juin 2005)

[28]            L'avocate du défendeur s'oppose à la certification de la question proposée par l'avocate du demandeur. Elle s'appuie sur Liyanagamage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1994), 176 N.R. 4, pour faire valoir que la question ne transcende pas les intérêts des parties à la présente instance, n'aborde pas des éléments ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale et n'est pas déterminante quant à l'issue de la présente demande. Je souscris à l'essentiel des arguments de l'avocate du défendeur figurant dans la réponse du défendeur à la question certifiée du demandeur du 21 juin 2005, et je conclus qu'il n'y a aucune question à certifier.


                                        ORDONNANCE

Étant donné que je n'ai relevé aucune erreur susceptible de contrôle dans la décision faisant l'objet du présent contrôle, la demande est rejetée.

                                                        « Douglas R. Campbell »         

Juge

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                              IMM-1188-04

INTITULÉ :                                                             JOSE D. MALAGA ARICA

c.

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL

DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                     LE 20 AVRIL 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                            LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :                                            LE 27 JUIN 2005

COMPARUTIONS :

Patricia Wells                                                             POUR LE DEMANDEUR

Bridget O'Leary                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Matina Karvellas

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Patricia Wells                                                   POUR LE DEMANDEUR

Avocate

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                       POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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