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Date : 20200709


Dossier : T‑26‑19

Référence : 2020 CF 743

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 juillet 2020

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

MICHAEL HORTON

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS MODIFIÉS

Introduction

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la division d’appel (DA) du Tribunal de la sécurité sociale (TSS), qui a rejeté la demande d’autorisation d’interjeter appel d’une décision de la division générale (DG) du TSS présentée par M. Horton. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada (la Commission) a déterminé que M. Horton, qui agit pour son propre compte dans la présente instance, n’était pas admissible aux prestations d’assurance‑emploi en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi, LC 1996, c 23 (Loi sur l’AE) au motif qu’il avait fait de fausses déclarations au sujet de sa disponibilité pour travailler dans ses déclarations d’assurance‑emploi. M. Horton a donc été tenu responsable d’un trop‑payé d’environ 8 000 $.

[2]  Le 11 février 2020, le juge Boswell a entendu le présent contrôle judiciaire à Saint John (Nouveau‑Brunswick) et a pris sa décision en délibéré. J’ai été nommée par le juge en chef en vertu de l’article 39 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 pour procéder à une nouvelle audience, qui a eu lieu le 18 juin 2020 dans le cadre d’une séance spéciale de la Cour tenue par vidéoconférence.

[3]  Durant l’audience du 18 juin 2020, j’ai informé M. Horton ainsi que l’avocat du défendeur, M. Vens, que j’avais examiné tous les documents déposés dans le cadre du contrôle judiciaire et écouté l’enregistrement des observations présentées de vive voix au juge Boswell durant l’audience du 11 février 2020. J’ai aussi dit aux parties que, avec leur consentement, j’étais prête à rendre une décision en me fondant sur les documents déposés et les observations présentées de vive voix durant l’audience du 11 février 2020.

[4]  En réponse, M. Horton a formulé de brèves observations au sujet du bien‑fondé de sa demande, observations qui, je le signale, étaient les mêmes que celles qu’il avait présentées de vive voix au juge Boswell. M. Horton a accepté que la Cour rende une décision à la lumière des documents déposés auprès de la Cour et de ses observations présentées de vive voix le 11 février 2020 et, de nouveau, le 18 juin 2020.

[5]  L’avocat du défendeur, M. Vens, a accepté que la Cour rende une décision fondée sur le dossier déposé et les observations présentées de vive voix le 11 février 2020.

La question préliminaire

[6]  Le défendeur demande que l’intitulé soit modifié en vertu du paragraphe 303(2) des Règles des Cours fédérales pour désigner comme il se doit le procureur général du Canada en tant que défendeur.

[7]  J’admets que le procureur général du Canada est le défendeur approprié, et la demande est accordée avec effet immédiat.

Le contexte

[8]  En septembre 2016, M. Horton a présenté une demande de prestations d’assurance‑emploi et rempli un questionnaire dans lequel il a indiqué qu’il était inscrit à temps plein au programme en sciences de l’Université du Nouveau‑Brunswick (UNB), mais qu’il n’était pas obligé d’assister aux cours prévus à l’horaire et qu’il était donc disponible pour travailler. Il a précisé qu’il adapterait son horaire de cours, au besoin, pour accepter un nouvel emploi.

[9]  En janvier 2017, durant son deuxième semestre à l’UNB, M. Horton a rempli un autre questionnaire de l’assurance‑emploi et fourni des réponses différentes au sujet de sa disponibilité pour travailler, ce qui a incité la Commission à enquêter. Le 7 mars 2017, l’enquêteur de la Commission a communiqué avec la Faculté des sciences de l’UNB et il a appris que tous les cours de la Faculté étaient donnés en classe, sur le campus, et que la présence des étudiants était obligatoire.

[10]  L’enquêteur a informé M. Horton de cette information et lui a demandé d’expliquer les incohérences entre les questionnaires. M. Horton a confirmé qu’il connaissait la politique de l’UNB sur la présence aux cours, mais il a expliqué que ce n’était pas tous les professeurs qui prenaient les présences à leurs cours. Il a déclaré avoir choisi de répondre par la négative à la question sur la présence obligatoire parce qu’il estimait pouvoir manquer certains cours s’il devait travailler.

[11]  L’enquêteur a aussi demandé à M. Horton les raisons pour lesquelles il avait mentionné qu’il était prêt à modifier son horaire de cours afin d’accepter un emploi à temps plein pour ensuite changer sa réponse dans le questionnaire de janvier 2017 et affirmer qu’il n’accepterait pas un emploi à temps plein et qu’il poursuivrait plutôt son programme d’études. M. Horton a répondu ce qui suit : [traduction] « J’imagine que je n’y pensais pas de la bonne façon ». L’enquêteur a expliqué à M. Horton que son dossier allait être transmis à un arbitre pour examen et qu’il recevrait ensuite une lettre l’avisant de la décision. L’enquêteur a aussi expliqué la politique sur les fausses déclarations et les pénalités.

[12]  Le 2 juin 2017, à la suite de l’enquête, la Commission a envoyé une lettre à M. Horton pour l’informer qu’il avait fait une fausse déclaration et qu’elle avait conclu qu’il n’était pas disponible pour travailler. M. Horton a également été informé que, comme c’était la première fois qu’il faisait une déclaration inappropriée, la Commission avait choisi de lui donner un avertissement plutôt que de lui infliger une pénalité pécuniaire. La Commission a émis un avis de dette indiquant qu’il devait rembourser les prestations, dont le montant s’élevait à 8 055 $.

[13]  Le 15 août 2017, la Commission a rejeté la demande de réexamen présentée par M. Horton.

La division générale

[14]  M. Horton a interjeté appel de la décision de la Commission auprès de la DG. Les deux questions dont la DG était saisie consistaient à savoir si M. Horton pouvait prouver qu’il était disponible pour travailler pendant qu’il suivait un cours conformément à l’alinéa 18(1)a) de la Loi sur l’AE et s’il fallait lui infliger une pénalité en vertu de l’article 38 de la Loi sur l’AE pour avoir fait une fausse déclaration en fournissant sciemment à la Commission des renseignements faux ou trompeurs.

[15]  La DG a souligné que M. Horton croyait avoir répondu honnêtement et avoir fourni des renseignements exacts. M. Horton a déclaré être prêt à travailler parce qu’il espérait subvenir à ses besoins pendant ses études. Il a dit que beaucoup de gens agissaient ainsi et qu’il ne pensait pas faire quoi que ce soit de mal.

[16]  La DG a salué les efforts de M. Horton pour terminer ses études et trouver un emploi convenable, mais elle a conclu qu’il n’avait pas présenté d’éléments de preuve faisant état de [traduction] « circonstances exceptionnelles » pour réfuter la présomption de non‑disponibilité pendant des études à temps plein. La DG a conclu que M. Horton n’était pas admissible aux prestations d’assurance‑emploi.

[17]  En ce qui concerne la deuxième question, la DG a souligné que l’article 38 de la Loi sur l’AE permet à la Commission d’infliger une pénalité relativement à toute fausse déclaration faite sciemment. Elle a conclu que la Commission avait prouvé que M. Horton connaissait les politiques de l’UNB en matière de présence aux cours et qu’il avait présenté des renseignements contradictoires à deux occasions. Par conséquent, elle a déterminé que la Commission avait agi comme il le fallait dans les limites de son pouvoir discrétionnaire en envoyant une lettre d’avertissement en guise de pénalité et elle a rejeté l’appel de M. Horton sur les deux questions.

La division d’appel — Décision faisant l’objet du contrôle

[18]  Dans sa demande présentée à la DA, M. Horton a soutenu que la DG avait commis une erreur en ne tenant pas compte de sa situation personnelle. Il a expliqué que ses réponses étaient véridiques et qu’il était disponible pour travailler pendant ses heures de classe.

[19]  M. Horton a présenté sa demande d’appel en retard. Par conséquent, la DA avait deux questions à trancher : premièrement, s’il fallait octroyer une prorogation du délai prévu pour présenter une demande de permission d’en appeler; et, deuxièmement, s’il y avait une cause défendable selon laquelle la DG avait commis une erreur en concluant que M. Horton n’était pas disponible pour travailler.

[20]  En ce qui concerne la présentation tardive de sa demande, M. Horton n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles il a présenté sa demande en retard. La date limite pour déposer son appel était le 16 mai 2018, et il a seulement interjeté appel le 9 octobre 2018. Aucune raison ni explication n’a été fournie relativement à ce retard de près de cinq mois.

[21]  La DA s’est appuyée sur l’arrêt Canada (Procureur général) c Larkman, 2012 CAF 204 (Larkman) pour faire valoir que, au moment de déterminer s’il faut octroyer une prorogation de délai, la considération primordiale est de savoir s’il serait dans l’intérêt de la justice de le faire. La DA a souligné que la question de « l’intérêt de la justice » serait tranchée en évaluant si l’appel avait une chance raisonnable de succès. Elle s’est donc demandé s’il y avait une cause défendable selon laquelle la DG avait commis une erreur grave en concluant que M. Horton n’était pas disponible pour travailler.

[22]  La DA a examiné les éléments de preuve dont disposait la DG, y compris le dossier documentaire et les témoignages de vive voix de M. Horton et de son témoin. Elle a souligné que la DG a tenu compte de l’explication de M. Horton concernant ses réponses divergentes et de la volonté de ce dernier de travailler lorsque son horaire de cours le lui permettait. Cependant, elle a déterminé que la DG avait appliqué la présomption légale appropriée touchant la non‑disponibilité pour travailler pendant des études à temps plein et que M. Horton n’avait pas présenté d’éléments de preuve faisant état de circonstances exceptionnelles pour réfuter une telle présomption.

[23]  La DA a tenu compte des arguments de M. Horton selon lesquels il avait répondu aux questions de façon véridique et qu’il était prêt à travailler lorsqu’il n’avait pas de cours. Elle a également souligné que M. Horton avait essayé en vain de trouver un emploi et qu’il retournait aux études pour accroître son employabilité. Elle a également pris en considération l’argument de M. Horton selon lequel les questions de la demande d’assurance‑emploi étaient difficiles à comprendre, ce qui est à l’origine du malentendu.

[24]  Cependant, la DA a souligné que M. Horton s’appuyait sur les mêmes observations qu’il avait présentées à la DG et que la reformulation des mêmes arguments ne constituait pas un motif d’appel pour une erreur susceptible de contrôle. Elle a conclu que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès, raison pour laquelle elle a rejeté la demande de prorogation de délai le 11 décembre 2018.

La question en litige

[25]  La seule question soulevée dans le cadre du présent contrôle judiciaire consiste à savoir s’il était raisonnable pour la DA de refuser d’accorder une prorogation de délai parce que l’appel de M. Horton n’avait aucune chance raisonnable de succès.

La norme de contrôle

[26]  La norme de contrôle présumée de la décision de la DA est celle de la décision raisonnable. Même si une telle présomption peut être réfutée, aucune des exceptions cernées par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], aux paragraphes 16, 17 et 23, ne s’applique à la présente demande.

[27]  Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable porte sur le processus décisionnel et ses issues. Une telle norme commande à la Cour, lorsqu’elle examine une décision administrative, de s’attarder à la justification de la décision ainsi qu’à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel et de déterminer si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur la décision (Vavilov, aux par. 12 et 99, et Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au par. 47).

Analyse

[28]  Dans le cadre du présent contrôle judiciaire, M. Horton fait valoir les mêmes arguments que ceux qu’il a présentés devant la DG et la DA, c’est‑à‑dire qu’il avait répondu honnêtement au questionnaire de l’assurance‑emploi, qu’il était disponible pour travailler parce que son horaire de cours était souple et qu’il avait mal compris les questions. Selon lui, les questions auraient dû être plus explicites pour éviter les malentendus. Il soutient que la DG et la DA n’ont pas suffisamment tenu compte de sa situation particulière et de ses explications.

[29]  Quand est venu le temps d’examiner la demande d’appel présentée par M. Horton, la DA a eu raison de traiter la demande de prorogation de délai et la demande de permission d’en appeler en même temps (Bossé c Canada (Procureur général), 2015 CF 1142, au par. 12 [Bossé]).

[30]  M. Horton devait déposer son appel auprès de la DA à l’intérieur de certains délais. Comme il a été mentionné précédemment, il a déposé sa demande de permission d’en appeler avec près de cinq mois de retard. Il a donc dû demander une prorogation de délai pour interjeter appel. Au moment d’examiner une demande de prorogation de délai, le critère le plus important est celui qui consiste à déterminer s’il est dans « l’intérêt de la justice » d’accorder la prorogation. Pour évaluer « l’intérêt de la justice », il faut prendre en considération les facteurs suivants : a) l’intention constante de poursuivre l’appel; b) la question de savoir si les moyens d’appel révèlent une cause défendable; c) l’existence d’une explication raisonnable pour le retard; d) la question de savoir si la prorogation de délai cause un préjudice à l’autre partie (Bossé, au par. 12).

[31]  M. Horton n’a pas fourni d’explication pour justifier le dépôt tardif de sa demande de permission d’en appeler de façon à démontrer une intention constante de poursuivre l’appel, mais la DA a néanmoins tenu compte du facteur le plus important, soit l’existence d’une cause défendable (Liclican c Canada (Procureur général)), 2020 CF 24, au par. 23).

[32]  Les moyens d’appel dont dispose M. Horton sont définis au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, LC 2005, c 34 (LMEDS) comme suit : un manquement à un principe de justice naturelle, une erreur de droit ou une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à la connaissance du décideur (Cameron c Canada (Procureur général), 2018 CAF 100, au par. 2).

[33]  Selon le paragraphe 58(2) de la LMEDS, la DA doit accorder une permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. Pour avoir une chance raisonnable de succès, M. Horton devait prouver qu’il disposait d’un quelconque moyen d’appel défendable prévu au paragraphe 58(1) de la LMEDS grâce auquel l’appel proposé pourrait avoir gain de cause (Osaj c Canada (Procureur général), 2016 CF 115, au par. 12).

Disponibilité pour travailler

[34]  La principale question dont la DG était saisie concernait la disponibilité pour travailler de M. Horton. L’alinéa 18(1)a) de la Loi sur l’AE prévoit qu’un prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour‑là, capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable.

[35]  Il existe une présomption selon laquelle une personne inscrite à un programme d’études à temps plein, comme M. Horton, n’est pas disponible pour travailler. Une telle présomption peut seulement être réfutée dans des circonstances exceptionnelles. Un prestataire qui est seulement disponible pour travailler lorsqu’il n’a pas de cours limite sa disponibilité et n’est donc pas disponible pour travailler au sens de la Loi sur l’AE (Canada (Procureur général) c Gagnon, 2005 CAF 321, au par. 6, et Duquet c Canada (Commission de l’assurance‑emploi), 2008 CAF 313, au par. 2).

[36]  Bien que M. Horton ait pu croire qu’il pouvait se rendre disponible pour travailler pendant qu’il poursuivait des études universitaires à temps plein, cela allait à l’encontre de la politique de l’UNB, et il ne s’agit pas là d’une « disponibilité » au sens de la Loi sur l’AE et du Règlement sur l’assurance‑emploi, DORS/96‑332. Selon la loi et la jurisprudence interprétant la loi, M. Horton doit prouver sa disponibilité pour travailler. Le fait d’adapter un horaire de travail à un programme d’études à temps plein — au risque d’enfreindre les politiques de l’université fréquentée — ne correspond pas à la notion de « disponibilité » au sens de la loi.

[37]  La DA a raisonnablement conclu que la DG n’avait pas tiré une conclusion de fait erronée de façon abusive et arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. La DG a tenu compte des éléments de preuve documentaire et du témoignage de vive voix de M. Horton et a raisonnablement déterminé que la disponibilité de M. Horton était restreinte au sens de la Loi sur l’AE et que ce dernier n’avait pas fourni d’éléments de preuve faisant état de circonstances exceptionnelles.

Lettre d’avertissement en guise de pénalité

[38]  En ce qui concerne la lettre d’avertissement envoyée en guise de pénalité, le paragraphe 38(1) de la Loi sur l’AE accorde à la Commission un vaste pouvoir discrétionnaire lui permettant d’imposer une pénalité lorsque, dans une demande de prestations, un prestataire fait sciemment des déclarations fausses ou trompeuses. Le critère lié au mot « sciemment » est subjectif. Voici ce qu’avait à dire à ce sujet la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Bellil, 2017 CAF 104, au paragraphe 11 [Bellil] :

[11]  S’agissant de l’interprétation à donner au mot « sciemment », cette Cour a précisé qu’il fallait utiliser un critère subjectif pour déterminer si la connaissance requise existe. La question n’est donc pas de déterminer si le prestataire aurait dû savoir que sa déclaration était fausse ou trompeuse; une déclaration fausse mais innocente ne donnera pas lieu à des pénalités. Ceci dit, il ne suffit pas de proclamer son ignorance pour échapper à des sanctions; il est permis de tenir compte du bon sens et de facteurs objectifs pour décider si un prestataire avait une connaissance subjective de la fausseté de ses déclarations. Comme l’écrivait le juge Linden dans l’arrêt Gates (au para. 5) :

Pour décider si le prestataire avait une connaissance subjective de la fausseté des déclarations, la Commission ou le Conseil peuvent toutefois tenir compte du bon sens et de facteurs objectifs. En d’autres termes, si un prestataire prétend ignorer un fait connu du monde entier, le juge des faits peut, à bon droit, refuser de le croire et conclure qu’il connaissait bel et bien ce fait, malgré qu’il le nie. Le fait que le prestataire ignore une évidence peut donc mener à une inférence légitime selon laquelle il ment. Le critère appliqué n’est pas objectif pour autant; mais il permet de tenir compte d’éléments objectifs pour trancher la question de la connaissance subjective.

[39]  La DG a souligné à juste titre que, en cas de conclusion de fausses déclarations, le fardeau de la preuve incombe d’abord à la Commission (Bellil, au par. 10). Une fois que la Commission peut raisonnablement conclure que des prestations ont été versées à la suite d’une fausse déclaration, il incombe au prestataire de prouver que les événements laissent place à une interprétation légitime. La DG a souligné que la norme de preuve est la prépondérance des probabilités et qu’il n’est pas suffisant de ne simplement pas croire la déclaration d’innocence d’un prestataire.

[40]  La DG a souligné que, pour qu’on puisse conclure à une fausse déclaration faite sciemment, les éléments de preuve doivent démontrer : 1) qu’une fausse déclaration a été objectivement faite; 2) qu’elle a induit la Commission en erreur; 3) que cela a entraîné le versement de prestations réelles ou potentielles auxquelles le prestataire n’était pas admissible; et 4) que, au moment de la déclaration, le prestataire savait qu’il ne rapportait pas adéquatement les faits.

[41]  La DA a conclu que la DG a tenu compte du fait que la preuve établissait que M. Horton connaissait les politiques de l’UNB en matière de présence et qu’il avait fourni des renseignements contradictoires à deux occasions. Par conséquent, la DA et la DG ont raisonnablement déterminé que la Commission a agi de façon appropriée dans les limites de son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a envoyé une lettre d’avertissement en guise de pénalité.

Conclusion

[42]  J’estime que la décision de la DA est raisonnable et justifiable, et il n’y a aucune raison pour que la Cour intervienne. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[43]  Le défendeur n’a pas réclamé de dépens, et aucuns ne seront adjugés.


JUGEMENT dans le dossier T‑26‑19

LA COUR STATUE que :

  1. L’intitulé est modifié de manière à désigner le procureur général du Canada comme l’unique défendeur.

  2. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Ann Marie McDonald »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑26‑19

 

INTITULÉ :

MICHAEL HORTON c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE À QUISPAMSIS (NOUVEAU‑BRUNSWICK) ET

OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 JUIN 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS MODIFIÉS :

LA JUGE MCDONALD

 

DATE DES MOTIFS :

LE 9 JUILLET 2020

 

COMPARUTIONS :

Michael Horton

DEMANDEUR

POUR SON PROPRE COMPTE

Matthew Vens

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

AUCUN

POUR SON PROPRE COMPTE

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Ministère de la Justice

Gatineau (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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