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     Date : 19980622

     T-2267-97

OTTAWA (ONTARIO), LE LUNDI 22 JUIN 1998

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE REED

E n t r e :

     TERRANCE HAMILTON HALL,

     demandeur,

     et

     PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     défendeur.

     ORDONNANCE

     LA COUR, après audition de la présente demande de contrôle judiciaire à Toronto (Ontario) le 9 juin 1998 et pour les motifs de l'ordonnance prononcés ce jour :

     REJETTE la demande.

     B. Reed

                                             Juge

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau

     Date : 19980622

     T-2267-97

E n t r e :

     TERRANCE HAMILTON HALL,

     demandeur,

     et

     PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE REED

[1]      Le demandeur présente une demande en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale en vue d'obtenir le contrôle judiciaire de la décision en date du 5 septembre 1997 par laquelle le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) a confirmé de nouveau une décision par laquelle le même tribunal avait rejeté la demande de pension d'invalidité d'ancien combattant présentée par le demandeur.

Contexte

     Genèse de l'instance

[2]      Le demandeur a présenté le 19 octobre 1995 une demande de pension d'invalidité au ministère des Anciens combattants. Le ministre a refusé cette demande le 4 septembre 1996. Le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) a tenu le 22 janvier 1997 une audience en vue d'examiner l'admissibilité du demandeur à la pension en question. La demande de pension a été refusée. L'appel de cette décision a été entendu le 9 juin 1997 par un comité d'appel du Tribunal qui a confirmé le refus. Le comité d'appel du Tribunal a réexaminé sa décision du 9 juin 1997 le 5 septembre 1997. Ce réexamen s'est lui aussi soldé par un refus d'accorder la pension demandée. La présente demande porte sur cette dernière décision.

     Les faits

[3]      Le demandeur a servi au sein de la Réserve principale des Forces armées entre le 24 novembre 1983 et le 6 décembre 1984. Il faisait partie du régiment des Cameron Highlanders d'Ottawa. Au cours de la formation de l'hiver 1983-1984, il s'est enfoncé dans une épaisse couche de neige et est tombé dans une crevasse. Il portait un lourd sac à dos qui était équipé d'une radio et qui était attaché au moyen d'une ceinture et d'un bandeau. Il affirme que la chute a fait déplacer son sac à dos et que le bandeau lui a violemment secoué la tête vers l'arrière et sur le côté, ce qui lui a causé une blessure apparentée à une entorse cervicale.

[4]      À l'époque, le demandeur n'a pas signalé l'incident et n'a pas consulté de médecin. Il affirme qu'au moment de sa démobilisation, il a signé une déclaration médicale attestant qu'il avait subi une blessure imputable à son service. Il affirme que la signature de sa déclaration aurait donné lieu à examen médical. On ne trouve toutefois au dossier aucun document attestant qu'un examen médical avait eu lieu.

[5]      La déclaration médicale qui est signée lors de la démobilisation oblige le membre qui quitte les rangs de l'armée à préciser si la blessure qu'il a subie est imputable ou non à son service militaire. Pour ce faire, le démobilisé doit biffer sur le formulaire le(s) mot(s) " a " ou " n'a pas " qui précède(nt) la mention " subi une blessure ". Le formulaire que le demandeur a rempli montre que les mots " n'a pas " ont été biffés. Toutefois, les mots " n'[...] pas " ont été ajoutés à la main et ont été paraphés, sans qu'aucune date ne soit précisée. Le texte du formulaire est donc le suivant : " Je [...] n'ai pas subi de blessure [...] " Le demandeur nie avoir inséré les mots " n'[...] pas ". Le formulaire de déclaration médicale précise par ailleurs que, lorsqu'une réponse affirmative est donnée à la question de savoir si une blessure a été subie, un examen médical doit avoir lieu. Or, ainsi qu'il a déjà été mentionné, le dossier militaire du demandeur ne contient aucun rapport d'examen médical.

[6]      Le demandeur affirme qu'il a attendu jusqu'en 1987-1988, c'est-à-dire quatre ans après l'accident, avant de consulter un médecin. Il affirme que son médecin de famille lui a fait une radio à ce moment-là, mais qu'il n'a pu obtenir cette radio au moment de sa demande de pension, en 1995. Il semble également qu'une radio ait été faite en 1992 par le chiropraticien qui soignait alors le demandeur. Le demandeur affirme qu'il avait cette radio en sa possession et qu'il l'a soumise au Tribunal.

[7]      Le rapport médical le plus ancien qui a été soumis au Tribunal pour démontrer l'état du demandeur est celui du docteur D. Pietrangelo, un chiropraticien. Ce médecin a rédigé le 11 janvier 1996 une déclaration dans laquelle il a posé le diagnostic suivant : [TRADUCTION] " Entorse chronique du rachis cervical résultant en une cervicalgie de type mécanique causée par un dysfonctionnement des articulations et par les spasmes musculaires associés ". Le médecin a rédigé un rapport le 19 décembre 1996. Le demandeur affirme que le docteur Pietrangelo a joint les radios de 1992 à son rapport et que ces radios lui ont par la suite été rendues. Voici le texte du rapport de décembre 1996 :

         [TRADUCTION]                 
         La présente fait suite aux constatations faites le 11 janvier 1996 au sujet de M. Hall. J'estime que le syndrome discal cervical dont souffre ce patient et qui lui cause des symptômes chroniques récurrents découle d'une vieille blessure de type " entorse cervicale " qui a été subie à la région cervicale et qui se serait produite il y a une dizaine d'années.                 
          Hormis les blessures à la région cervicale subies alors qu'il faisait partie de la Force de réserve, M. Hall nie avoir subi tout autre traumatisme à la région cervicale (accidents d'automobile, chutes, etc.) Dans ces conditions, je présume donc que la cervicalgie dont souffre ce patient est probablement le résultat de sa chute et de la blessure qu'il a subie alors qu'il faisait partie de la Force de réserve à l'hiver 1983-1984. [Mots non soulignés dans l'original.]                 

[8]      Le médecin du demandeur, le docteur R. Lovell, a fait une nouvelle radio en 1996. Il a rédigé une déclaration le 24 janvier 1996 et a signé un rapport le 10 décembre 1996. Voici le texte de sa lettre :

         [TRADUCTION]                 
         M. Hall m'a demandé d'écrire une lettre en son nom au sujet des problèmes persistants dont il est affligé à la suite de la blessure qu'il a subie à la région cervicale en 1984 alors qu'il faisait partie des Forces armées. Il affirme qu'il était en train d'effectuer des manoeuvres et qu'il portait un sac à dos assez lourd lorsqu'il s'est enfoncé dans une épaisse couche de neige et est tombé dans une crevasse, ce qui a provoqué une distorsion vers l'avant de la région cervicale. Il affirme qu'il a fallu un certain temps avant que ses camarades soldats ne le dégagent. Tout de suite après l'accident, il s'est plaint de douleurs mineures à la région cervicale. Ces douleurs se sont atténuées et n'ont véritablement commencé à le déranger qu'environ un an plus tard. Depuis lors, il se plaint de douleurs à la région cervicale. Il doit se rendre chez un chiropraticien environ toutes les deux semaines pour des traitements contre la douleur. Il n'a aucun antécédent familial d'arthrite ou de signes d'arthrite sur d'autres parties du corps.                 
         La radio du rachis cervical montre une formation d'ostéophyte aux cervicales                 
         C4-5 et C6. Le reste de la radio est normal. En l'absence d'autres signes d'arthrite ailleurs, ces signes d'arthrite du rachis cervical amèneraient à conclure que cet état est imputable à son accident, étant donné qu'il nie avoir subi d'autres blessures à la région cervicale.                 
         En résumé, j'estime que M. Hall souffre d'arthrite bénigne au rachis cervical probablement par suite de la blessure qu'il a subie à la région cervicale en 1984. [Mots non soulignés dans l'original.]                 

Les décisions

[9]      Ainsi qu'il a déjà été signalé, dans sa décision du 4 septembre 1996, le ministre a refusé la demande de pension d'invalidité du demandeur. Voici un extrait de cette décision :

         [TRADUCTION]                 
         L'examen de votre dossier de service ne révèle l'existence d'aucune plainte ou de conclusions anormales au sujet de votre cou durant votre période de service au sein de la Force de réserve. Aucun rapport de blessure n'a été rédigé au cours de votre période de service.                 
         La première mention d'un problème à la région cervicale apparaît dans la déclaration de janvier 1996 dans laquelle un médecin a diagnostiqué une arthrite de la région cervicale.                 
         Étant donné qu'aucun rapport n'a été établi au sujet d'une blessure et qu'aucune plainte n'a été signalée durant votre période de service au sein de la Force de réserve, le Ministère conclut que le syndrome discal cervical qui a été diagnostiqué chez vous en 1996 est postérieur à votre libération et qu'il n'ouvre donc pas droit à pension conformément au paragraphe 21(2).                 
             [...]                 
         Pour en venir à cette conclusion, le Ministère a examiné et appliqué les dispositions du paragraphe 5(3), qui dispose que tout doute qui existe lors de l'appréciation des éléments de preuve non contredits et dignes de foi doit être résolu en faveur du demandeur. [Mots non soulignés dans l'original.]                 

[10]      Le comité d'appel du Tribunal des anciens combattants (révision et appel), qui a examiné la question du droit du demandeur à une pension, a tiré les conclusions suivantes dans sa décision du 22 janvier 1997 :

         [TRADUCTION]                 
         Le comité d'appel constate qu'il n'y a aucun rapport médical attestant que le requérant a subi une blessure à la région cervicale au cours de sa période de service au sein de la Force de réserve. Qui plus est, il n'y a aucun document faisant état de la gravité de cette blessure et de ses répercussions futures possibles. Le demandeur a consulté un médecin quatre ans [sic] après avoir subi cette blessure et ce n'est qu'en janvier 1996 qu'un médecin a posé un diagnostic, soit une douzaine d'années après la présumée blessure.                 

     [...]

         Le comité a examiné l'ensemble des éléments de preuve et avis médicaux qui lui ont été présentés, de même que la déclaration détaillée que le requérant lui a soumise. En conclusion, le comité ne dispose d'aucun avis médical au sujet de la survenance ou de la gravité de la blessure que le requérant aurait subie à la région cervicale au cours des exercices de l'hiver 1983-1984. Le fait qu'il a consulté un médecin en 1987-1988 permet de penser que la cause de son invalidité est postérieure à sa libération et qu'elle n'a aucun lien avec son service au sein de la Force de réserve. [Mots non soulignés dans l'original.]                 

[11]      Voici un extrait de la décision en date du 9 juin 1997 par laquelle le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) a, au niveau de l'appel portant sur le droit à la pension, confirmé la décision du comité d'appel :

         [TRADUCTION]                 
         Vu l'ensemble de la preuve qui lui a été soumise, le Tribunal n'est pas en mesure de conclure que le présumé syndrome discal cervical est imputable au service relativement bref d'un an de M. Hall au sein de la Force de réserve ou qu'il est survenu durant son service. Le tribunal est convaincu que la décision du comité d'examen est bien fondée et qu'il n'y a aucune raison de la modifier.                 
         Bien qu'il comprenne le point de vue de M. Hall, le tribunal est incapable de conclure que son état ou l'aggravation de son état ouvrent droit à une pension.                 
         Suivant les éléments de preuve portés à la connaissance du Tribunal, le présumé syndrome discal cervical a effectivement été diagnostiqué le 11 janvier 1996 par un chiropraticien, le docteur Pietrangelo, qui a posé le diagnostic suivant : [TRADUCTION] " Entorse chronique du rachis cervical résultant en une cervicalgie de type mécanique causée par un dysfonctionnement des articulations et par les spasmes musculaires associés " et par le docteur Lovell, qui, le 20 décembre de la même année a conclu que le requérant souffrait [TRADUCTION] " d'arthrite bénigne au rachis cervical probablement par suite de la blessure qu'il a subie à la région cervicale en 1984. "                 
         Lors de sa comparution devant le comité d'appel à Windsor, en Ontario, le 22 janvier 1987 [sic], M. Hall a déclaré que, lorsqu'il avait été libéré du service militaire, il avait déposé une déclaration médicale au sujet des lésions subies à la région cervicale. Ainsi que le comité d'appel l'a également fait remarquer, cette déclaration médicale ne se trouvait pas parmi les documents afférents à la libération de M. Hall [sic : la déclaration médicale se trouvait parmi les documents afférents à sa libération; ce qui en était absent, c'était un rapport médical faisant suite à une déclaration de blessure].                 
         Il est également évident aux yeux du Tribunal que le diagnostic susmentionné n'est appuyé par aucune radio.                 
         Le Tribunal ne dispose d'aucun élément de preuve qui lui permette de justifier l'octroi d'une pension. Il n'y a aucun élément relatif à un symptôme ou à des plaintes durant la période de service de M. Hall au sein de la Force de réserve et il n'y a aucun rapport écrit de blessure pour la même période.                 
         Quant à l'argument de l'avocat suivant lequel les éléments de preuve portés à la connaissance du comité d'examen soulevaient un doute raisonnable quant à la possibilité que le présumé état se rapportait à une blessure subie au cours du service de M. Hall au sein de la Force de réserve, le Tribunal estime que, faute de preuve médicale au dossier, l'avis médical contenu au dossier ne soulève qu'une simple possibilité. Le Tribunal estime que les évaluations médicales en question ne sont que de pures hypothèses qui, malheureusement, ne sont pas suffisantes, eu égard aux circonstances de l'espèce, pour susciter un doute dans l'esprit du Tribunal et amener celui-ci à penser que le présumé syndrome discal cervical se rapporte à un incident survenu en 1983-1984. [Mots non soulignés dans l'original.]                 

[12]      Le demandeur a réclamé le réexamen de cette décision par le Tribunal au motif que le comité d'examen avait commis une erreur en concluant que la preuve médicale soulevait simplement la possibilité que son état était imputable à l'incident. Le demandeur a fait remarquer que les rapports médicaux qu'il avait déposés portaient la mention [TRADUCTION] " probablement ". Il a fait valoir que toute incertitude quant au bien-fondé de sa demande devait par conséquent être tranchée en sa faveur. Le demandeur a notamment cité le jugement rendu par le juge Teitelbaum dans l'affaire MacKay c. Procureur général du Canada (T-1876-96, 24 avril 1997). Cette affaire portait sur une personne qui réclamait une pension d'invalidité par suite de l'entorse cervicale qu'il avait subie une trentaine d'années avant la rédaction du rapport médical initial sur lequel il se fondait.

[13]      Dans l'affaire MacKay, le Tribunal avait refusé de tenir compte, lors du réexamen, de nouveaux éléments de preuve médicaux que l'intéressé cherchait à produire. Le juge Teitelbaum a statué qu'aux termes des dispositions législatives applicables, le Tribunal avait l'obligation de tenir compte de ces éléments de preuve. Il a également fait remarquer que les preuves d'experts médicaux qui parlent de probabilités, et non de possibilités, ne pouvaient être considérés comme spéculatifs. Il a également cité le jugement Moar c. Canada (procureur général), (1995), 103 F.T.R. 314 (C.F. 1re inst.). Le principe qui a été posé dans le jugement Moar veut que, sauf dans le cas où il ne les juge pas crédibles, le Tribunal doit accepter les éléments de preuve médicaux s'ils ne sont pas contredits. S'il conclut qu'ils ne sont pas crédibles, il doit motiver sa conclusion.


[14]      Voici un extrait de la décision en date du 5 septembre 1997 par laquelle le Tribunal a réexaminé sa décision antérieure dans le dossier du demandeur :

         [TRADUCTION]                 
         Le Tribunal ne saurait souscrire à l'argument de l'avocat. En premier lieu, le dossier relatif au service de M. Hall au sein du service de la Force régulière ne contient aucun élément de preuve permettant de conclure qu'il s'est plaint ou qu'il a été soigné au cours de sa période de service. Le Tribunal a procédé à un examen approfondi du dossier du service de M. Hall et n'a pu y relever de plaintes ou de conclusions anormales. Le Tribunal n'a pas pu examiner de rapports de blessure ou de document de quelque genre que ce soit qui démontre que M. Hall a subi une blessure ou qu'il s'est plaint de blessures au cours de son service au sein de la Force régulière.                 
         Après avoir examiné une fois de plus la présente demande ainsi qu'il était requis de le faire par la présente demande de révision, le Tribunal maintient que l'avis du docteur Lovell n'est appuyé par aucune radio et ne repose que sur les renseignements historiques communiqués par le requérant.                 
         En d'autres termes, le Tribunal estime que le dossier n'appuie pas la lettre du 20 décembre 1996 du docteur Lovell et les avis qu'elle renferme. [Mots non soulignés dans l'original.]                 

Prétentions et moyens du demandeur

[15]      Le demandeur soutient que la décision du Tribunal est mal fondée pour les motifs suivants : (1) Le Tribunal n'a pas tranché en sa faveur toute incertitude lors de son appréciation de la preuve, comme les alinéas 39a) et c) de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) l'obligeaient à le faire; l'absence d'examen médical à son dossier lors de sa libération ne devrait pas lui être reprochée. (2) Le Tribunal a appliqué un critère de droit erroné en concluant que la preuve médicale n'était pas suffisante pour justifier sa demande alors que les deux avis médicaux parlaient de probabilité, et non de possibilité. (3) Le Tribunal n'a pas tenu compte d'éléments de preuve pertinents, les siens, sans pour autant conclure expressément à l'absence de crédibilité et sans motiver ses conclusions à cet égard, le tout en violation de l'alinéa 39b). (4) Le Tribunal a commis une erreur dans sa relation des faits en déclarant qu'il n'y avait aucune radio à l'appui de l'avis du docteur Lovell.

[16]      Pour ce qui est de tirer des circonstances et des éléments de preuve qui

lui sont présentés les conclusions qui lui sont les plus favorables possible, le demandeur fait remarquer que le juge Campbell a souligné, dans le jugement King c. Tribunal des anciens combattants (révision et appel), 7 novembre 1997, T-91-97 (C.F. 1re inst.), à la page 10, que le Tribunal est tenu d'accepter les éléments de preuve non contredits que le demandeur lui soumet.

Dispositions législatives applicables

[17]      Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch. 18, modifiée :

                 3. Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi                 
                 fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la                 
                 compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et                 
                 fonctions doivent s'interpréter de façon large, compte tenu                 
                 des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada                 
                 reconnaissent avoir à l'égard de ceux qui ont si bien servi                 
                 leur pays et des personnes à leur charge.                 
                 32. (1) Par dérogation à l'article 31, le comité d'appel                 
                 peut, de son propre chef, réexaminer une décision rendue en                 
                 vertu du paragraphe 29(1) ou du présent article et soit la                 
                 confirmer, soit l'annuler ou la modifier s'il constate que                 
                 les conclusions sur les faits ou l'interprétation du droit                 
                 étaient erronées; il peut aussi le faire sur demande si                 
                 l'auteur de la demande allègue que les conclusions sur les                 
                 faits ou l'interprétation du droit étaient erronées ou si de                 
                 nouveaux éléments de preuve lui sont présentés.                 
                 39. Le Tribunal applique, à l'égard du demandeur ou de                 
                 l'appelant, les règles suivantes en matière de preuve :                 
                 a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui                 
                 lui sont présentés les conclusions les plus favorables                 
                 possible à celui-ci;                 
                 b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui                 
                 présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en                 
                 l'occurrence;                 
                 c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au                 
                 bien-fondé de la demande.                 

Loi sur les pensions, L.R.C. (1985), ch. P-6 :

                 2. Les dispositions de la présente loi s'interprètent d'une                 
                 façon libérale afin de donner effet à l'obligation reconnue                 
                 du peuple canadien et du gouvernement du Canada d'indemniser                 
                 les membres des forces qui sont devenus invalides ou sont                 
                 décédés par suite de leur service militaire, ainsi que les                 
                 personnes à leur charge.                 
                 21. (2) En ce qui concerne le service militaire accompli dans la                 
                 milice active non permanente ou dans l'armée de réserve                 
                 pendant la Seconde Guerre mondiale ou le service militaire                 
                 en temps de paix :                 
                 a) des pensions sont, sur demande, accordées aux membres des                 
                 forces ou à leur égard, conformément aux taux prévus à                 
                 l'annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, en                 
                 cas d'invalidité causée par une blessure ou maladie " ou son                 
                 aggravation " consécutive ou rattachée directement au                 
                 service militaire; [...]                 

Analyse

[18]      Comme il est bien connu, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, la Cour ne remplace pas la décision du Tribunal administratif à l'examen par sa propre décision. Il est de jurisprudence constante qu'il faut conclure qu'une décision était fondée sur une erreur de droit ou sur une conclusion de fait erronée tirée de façon arbitraire ou abusive sans tenir compte des éléments soumis au Tribunal (voir, par exemple, le jugement Lalonde c. Canada (Tribunal d'appel des anciens combattants), 21 juin 1995, T-224-94 (C.F. 1re inst.). Par ailleurs, dans l'arrêt Johnston c. Canada (ministre des Anciens combattants), (1990), 108 N.R. 306 (C.A.F.), la Cour a fait remarquer que c'est au Tribunal des anciens combattants qu'il appartient de décider du poids à accorder à la preuve. Voir également le jugement Tonner c. La Reine, 7 avril 1995, T-802-94 (C.F. 1re inst.).

[19]      Dans chacune des décisions qui ont été rendues au sujet de la demande de pension d'invalidité du demandeur, la demande a été rejetée au motif qu'il n'y avait, pour la période de 1983 et 1984, aucun certificat médical attestant l'existence d'une blessure ou d'une plainte. Bien que le demandeur affirme à juste titre que les éléments de preuve non contredits qu'il soumet doivent être acceptés à moins que l'on conclue à une absence de vraisemblance et que les conclusions qui lui sont les plus favorables doivent être tirées et que toute incertitude quant au bien-fondé de sa demande doit être tranchée en sa faveur, le demandeur est quand même tenu de démontrer que le trouble médical dont il souffre présentement découle de son service militaire ou y est rattaché. En d'autres termes, il doit faire la preuve d'un lien de causalité.

[20]      Les éléments de preuve tendant à démontrer l'existence d'un lien de causalité entre les événements de 1983-1984 et ses problèmes subséquents ne sont constitués que du témoignage du demandeur. Or, ce témoignage est contredit. En effet, il est contredit par la preuve documentaire de 1984, à savoir la déclaration médicale que le demandeur a signée lors de sa démobilisation. Dans ce document, le demandeur déclare qu'il n'a pas subi de blessure imputable à son service militaire au cours de la période en cause.

[21]      Un principe souvent invoqué en matière d'appréciation de la preuve veut que l'on accorde en règle générale une plus grande valeur aux déclarations faites qui sont avant la présentation d'une demande en justice qu'à celles qui sont faites au moment de la demande ou en vue de celle-ci. Les déclarations antérieures n'auront probablement pas été formulées en fonction de la demande subséquente. Je ne prétends pas que le témoignage du demandeur n'est pas véridique; je dis seulement que ceux qui ont déjà eu à rendre des décisions en l'espèce avait la tâche peu enviable d'évaluer à l'aide de la preuve documentaire de 1984 son témoignage de 1995 au sujet des causes de sa blessure. Ils ont choisi de se fier à la preuve documentaire de 1984 et en particulier sur l'absence de déclaration médicale portant sur la blessure en question lors de la démobilisation.

[22]      Par ailleurs, la tentative qu'a faite le demandeur pour expliquer la déclaration médicale qu'il avait signée en affirmant qu'aucune blessure n'avait été subie n'est pas très convaincante. Il a déclaré qu'il croyait que quelqu'un avait peut-être modifié sa déclaration après qu'il l'eut signée, peut-être pour lui jouer un tour. Il affirme ne pas reconnaître son écriture. Toutefois, bien que la modification apportée au formulaire ne soit peut-être pas de sa main, il ne s'ensuit pas que cette modification n'a pas été faite avant qu'il signe le formulaire. De plus, l'absence d'examen médical dans son dossier s'accorde avec la négation qu'il a faite dans la déclaration médicale.

[23]      Le Tribunal disposait du témoignage du demandeur au sujet de sa chute dans la crevasse, de son assertion qu'il avait signalé cet incident lors de sa libération en tant que blessure subie au cours de son service, laquelle assertion n'est appuyée par aucune preuve documentaire " d'ailleurs, la preuve documentaire contredit cette assertion " de son témoignage qu'il a consulté en 1987-1988 son médecin de famille qui lui a fait des radios, lesquelles, selon ce que le demandeur suppose, [TRADUCTION] " ont depuis longtemps été détruites ", du témoignage médical plus récent de 1996 du docteur Pietrangelo et du docteur Lovell, qui attestent la présence de douleurs à la région cervicale, mais dont les éléments de preuve sur la cause initiale de ces douleurs se résument au récit des événements que le demandeur a donné. Le Tribunal a apprécié ces éléments de preuve et a estimé qu'il lui était impossible de conclure que les problèmes actuels du demandeur étaient liés aux événements survenus en 1983 et 1984.

[24]      Je ne puis conclure qu'en appréciant la preuve, le Tribunal a fait fi des directives énoncées à l'article 39 et dans la jurisprudence. Pour reprendre les propos des médecins, l'affirmation suivant laquelle la blessure était " vraisemblablement " liée aux événements de 1983-1984 ou suivant laquelle le médecin " estime " qu'il découle " probablement " de la blessure subie en 1984 n'est que pure hypothèse. Ni l'un ni l'autre de ces médecins n'a eu directement connaissance des événements; ils ne soignaient pas le demandeur en 1983-1984 et n'avaient même pas commencé à le faire lorsqu'il a commencé à se plaindre de douleurs en 1987-1988. Ni l'un ni l'autre ne disposait en 1996 d'autre élément que le récit des événements du demandeur pour en venir à une conclusion au sujet de l'événement qui avait causé la blessure. Et, comme je l'ai déjà fait remarquer, l'affirmation du demandeur suivant laquelle les événements survenus en 1983-1984 sont la cause de sa blessure est contredite par la preuve documentaire qu'il a lui-même signée en 1984.

[25]      Il y a toutefois un aspect de la décision qui donne lieu à une certaine incertitude. Il s'agit de l'affirmation suivante du Tribunal : [TRADUCTION] " Le Tribunal maintient que l'avis du docteur Lovell n'est appuyé par aucune radio [...] " Bien qu'il semble qu'il n'ait pas essayé de produire les radios de 1987-1988, le demandeur affirme que les radios de 1992 ont été versées au dossier par le docteur Pietrangelo, qui les lui a ensuite rendues. Le demandeur affirme également que le docteur Lovell a fait des radios en 1996 pour pouvoir poser un diagnostic. Le docteur Lovell mentionne effectivement les radios dans son rapport au Tribunal.

[26]      L'avocat du défendeur soutient que la déclaration du Tribunal suivant laquelle l'avis du docteur Lovell n'était fondé sur aucune radio doit être interprétée en tenant compte du reste du texte de cette décision et des décisions antérieures du Tribunal. Il ajoute que le Tribunal parlait du fait qu'il n'y avait pas de radios de 1983-1984. Voici ce que l'avocat déclare dans son mémoire :


     [TRADUCTION]         
         Il ressort à l'évidence de sa décision que le Tribunal ne déclare pas qu'aucune radio n'a été déposée en preuve. Ce que le comité d'appel a conclu, c'est qu'il n'y avait aucune radio qui permettait de conclure que la cause de la blessure remontait à 1983-1984. D'ailleurs le demandeur a témoigné que les radios n'avaient été faites que de nombreuses années après sa démobilisation [...]         

[27]      Le texte de la décision rendue le 5 septembre 1997 à l'issue de la demande de révision et celui de la décision antérieure du 9 juin 1997 ne sont pas aussi clairs que ce que prétend l'avocat. Le texte semble indiquer que le Tribunal parle des radios produites en preuve au soutien du diagnostic posé en 1996 par le docteur Lovell.

[28]      Après mûre réflexion, j'ai décidé que, même si l'interprétation que le demandeur fait des déclarations du Tribunal au sujet de l'absence de radios était exacte, elle ne serait en dernière analyse d'aucune utilité pour le demandeur, étant donné qu'il n'a pas encore fait la preuve de l'existence d'un lien de causalité. Ainsi donc, si c'est au diagnostic de 1995-1996 que le Tribunal faisait allusion, ce diagnostic concerne le degré d'invalidité actuelle du demandeur et le pronostic. Il ne se rapporte pas au lien entre son invalidité actuelle et des événements qui se sont produits au cours de son service militaire. C'est l'incapacité de faire la preuve de ce lien qui constitue le principal motif du refus du Tribunal d'accorder une pension d'invalidité au demandeur.


[29]      Par ces motifs, la demande doit être rejetée.

    

                                     Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 22 juin 1998

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-2267-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :      TERRANCE HAMILTON HALL c.
                     PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :      9 juin 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Reed le 22 juin 1998

ONT COMPARU :

M. Terrance Hamilton Hall                      le demandeur,
                                 pour son propre compte
Me Sadian Campbell                          pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Terrance Hamilton Hall                      le demandeur,
Windsor (Ontario)                          pour son propre compte
Me George Thomson                          pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

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