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Date : 20200723


Dossier : IMM-2509-19

Référence : 2020 CF 774

Ottawa (Ontario), le 23 juillet 2020

En présence de l’honorable juge Shore

ENTRE :

GUEMAHA RODINE GEORGES

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Nature de l’affaire

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] à l’encontre d’une décision d’un agent de la Section de la protection des réfugiés [SPR] rendue le 28 mars 2019 qui refusait la demande d’asile de la demanderesse.

II.  Faits

[2]  La demanderesse est une citoyenne haïtienne âgée de 29 ans. Jusqu’à l’âge de 19 ans, elle a vécu en Haïti dans la demeure familiale avec sa famille immédiate et ses deux oncles paternels. De 2010 à 2015, la demanderesse a étudié au Mexique.

[3]  Fin 2015, la demanderesse retourne en Haïti pour moins d’un mois. Suivant un appel anonyme menaçant, la demanderesse quitte Haïti pour de bon en janvier 2016. De retour au Mexique, la demanderesse finalise ses études universitaires, puis rejoint sa grand-mère malade qui vit à Orlando aux États-Unis en août et septembre 2016. La demanderesse s’engage ensuite dans une mission religieuse bénévole pendant environ deux mois en Amérique centrale. La demanderesse retourne ensuite aux États-Unis en janvier 2017 grâce à un visa de touriste, puis voyage au Canada en mars 2017 pour y demander l’asile.

[4]  Dans son récit annexé au Fondement de sa demande d’asile [FDA], la demanderesse soulève cinq motifs de crainte sous les articles 96 et 97 de la LIPR :

  • a) Violence et menace de mort de l’un des oncles de la demanderesse;

  • b) Menaces et harcèlement d’un camarade de classe;

  • c) Intrusion de bandits dans la résidence familiale;

  • d) Existence d’actes de sorcellerie en Haïti qui poseraient un danger à sa vie; et

  • e) Crainte des actes de viol en Haïti.

III.  Décision de la SPR

A.  Violence et menace de mort de l’un des oncles de la demanderesse

[5]  La SPR conclut que la demanderesse n’a pas établi, concernant son oncle, l’existence d’une crainte bien fondée de persécution au sens de la Convention ou qu’elle serait personnellement exposée, selon la prépondérance des probabilités, au risque d’être soumise à la torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités advenant son retour en Haïti. En somme, la SPR considère que la demanderesse a tenté d’embellir son récit quant à sa relation avec son oncle et qu’il est incohérent que la famille ait continué de vivre avec cet oncle alors qu’il aurait été violent avec toute la famille.

[6]  En tout état de cause, la SPR conclut que même si ces allégations de la demanderesse étaient vraies, elles remontent à plus de dix ans; rien dans son récit ne laisse présager des faits subséquents qu’il demeure une menace pour elle aujourd’hui. Sur ce point, la demanderesse a amendé son FDA, entre la première et la deuxième audience, pour y ajouter des propos menaçants de cet oncle en 2015, lorsqu’elle était de passage en Haïti. La SPR conclut toutefois qu’il ne peut s’agir en l’espèce d’une possibilité sérieuse de persécution ou de menace à sa vie.

B.  Menaces et harcèlement d’un camarade de classe

[7]  Les faits à la source de cette crainte remonteraient à 2002 ou 2003 alors que l’un de ses camarades de classe, qui aurait été romantiquement intéressé par la demanderesse, l’aurait harcelée et menacée. Ledit camarade aurait été tenu loin de la demanderesse par l’intervention de son père et de son autre oncle paternel. La demanderesse allègue que son camarade de classe lui aurait subséquemment fait des menaces de mort, aurait amené une arme à l’école en 2004 ou 2005 et aurait été ainsi expulsé. Puis, en 2015, la demanderesse reçoit un appel anonyme d’un homme qui lui commande de sortir avec lui sous peine d’être kidnappée. Des ouï-dire de ses amis, la demanderesse attribue cet appel à son ancien camarade de classe. Confrontée au fait que rien ne s’était produit entre 2005 et 2015, la demanderesse ajoute à l’audience un évènement qui se serait produit lors de funérailles où ledit camarade l’aurait pointée du doigt et aurait dit à ses amis que « c’est elle » de manière menaçante.

[8]  En somme, la SPR a considéré que les contradictions et les incohérences dans le témoignage de la demanderesse minaient sa crédibilité. Alors que les menaces de mort et le harcèlement de son camarade de classe apparaissent comme ayant été déterminants dans le départ de la demanderesse d’Haïti, elle ne se rappelle pas exactement pendant quelles années ces incidents auraient eu lieu. De même, la SPR conclut que rien dans le récit de la demanderesse n’indique que ledit camarade est toujours présent, à la recherche de la demanderesse plus de 10 ans après les évènements. Conséquemment, la SPR conclut que la demanderesse n’a pas démontré que cet ancien camarade de classe constitue une menace pour elle.

C.  Intrusion de bandits dans la résidence familiale

[9]  La demanderesse allègue que quatre bandits armés se seraient introduits dans la résidence familiale le 5 octobre 2006, qu’ils auraient pointé une arme sur sa tête et auraient battu son père. La SPR conclut qu’il s’agit d’un acte isolé qui se serait produit il y a presque 13 ans et qui, selon le récit du père de la demanderesse, aurait consisté en un simple cambriolage. De même, ni la demanderesse ni sa famille ne font état de l’existence à l’heure actuelle d’une menace individualisée de bandits qui cibleraient à nouveau la demanderesse. Conséquemment, la SPR conclut qu’il ne s’agit pas d’une menace à sa vie en vertu de la LIPR.

D.  Existence d’actes de sorcellerie en Haïti qui poseraient un danger à sa vie

[10]  La demanderesse allègue que certains actes de sorcellerie en Haïti la forcent à quitter le pays. Au cours de ses voyages, la demanderesse aurait rencontré des pasteurs argentins au Mexique qui auraient eu une vision la concernant. Dieu se serait révélé à eux et leur aurait appris qu’une menace pèse sur sa tête si elle retourne en Haïti. La SPR conclut que la demanderesse a le droit de croire à cette menace, mais que celle-ci ne peut constituer le fondement objectif d’une demande d’asile.

E.  Crainte des actes de viol

[11]  La demanderesse a allégué des craintes de viol en Haïti en raison du fait qu’elle est une jeune femme. La SPR conclut qu’il ne suffit pas de dire qu’un groupe social est à risque de violences et que la demanderesse fait partie dudit groupe pour conclure que le tribunal devrait accepter la demande d’asile. La SPR rappelle qu’il est nécessaire d’analyser le profil de la demanderesse, d’individualiser le risque et d’expliquer comment la demanderesse ferait face à une possibilité sérieuse de viol advenant son retour en Haïti.

[12]  À cet effet, la SPR constate que la demanderesse est éduquée et débrouillarde, qu’elle a voyagé dans plusieurs pays d’Amérique centrale, qu’elle n’a pas de personne à charge, et qu’elle a plusieurs membres de sa famille vivant toujours en Haïti avec qui elle est toujours en contact et qui s’intéressent à son bien-être. Conséquemment, la demanderesse n’a pas démontré que son profil correspondrait à celui d’une femme seule et vulnérable qui serait persécutée advenant son retour en Haïti.

IV.  Analyse

[13]  Dans le présent pourvoi en contrôle judiciaire, la demanderesse soulève essentiellement deux questions en litige, à savoir des manquements allégués à l’équité procédurale et la raisonnabilité de la décision sur les risques encourus par la demanderesse en tant que femme haïtienne.

A.  Manquements allégués à l’équité procédurale

[14]  La demanderesse bégaie lorsqu’elle parle, mais celle-ci soutient qu’elle s’exprime très bien en français. Ce trouble de la parole aurait contribué à ce que l’audience qui devait originellement durer trois heures s’étire sur trois demi-journées, pour un total de huit heures de témoignage de la demanderesse.

[15]  La demanderesse allègue que la SPR est plutôt responsable de ce long témoignage en l’ayant continuellement interrompue. Ainsi, la demanderesse soutient que le Commissaire est contrevenu à l’équité procédurale en ne lui permettant pas pleinement de témoigner et de se faire comprendre. Plus précisément, la demanderesse reproche au Commissaire d’avoir repris ses propos à maintes reprises, de les avoir déformés et de ne pas avoir fait preuve d’écoute active et ouverte.

[16]  Lors de la première audience devant notre Cour, la demanderesse n’avait déposé que les transcriptions des trois jours d’audience, lesquelles ne permettaient pas du seul texte de percevoir les bégaiements, les interruptions alléguées ou l’absence d’écoute active. Conséquemment, l’audience fut ajournée pour permettre à la demanderesse de fournir à la Cour lesdits enregistrements. Suivant l’ajournement des audiences de la Cour causé par la COVID-19, les parties ont consenti à ce que cette Cour tranche par écrit le présent dossier; par conséquent, l’audience ne s’est pas continuée comme initialement prévu.

[17]  L’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], n’a pas changé le droit applicable en matière de contrôle judiciaire de l’équité procédurale, sinon de manière marginale quant à la notion de justification et de transparence des motifs (ce qui n’est pas soulevé en l’espèce). (Voir L’hon. Simon Ruel, The Review of Procedural Fairness Post-Vavilov: More of the Same?, 33 Can. J. Admin. L. & Prac. 159.) Ainsi, l’arrêt Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [CPR], a toujours force de précédent. Dans CPR, la Cour d’appel fédérale précise l’approche qu’une cour en contrôle judiciaire doit prendre lorsqu’elle détermine si un décideur a porté atteinte aux obligations d’équité procédurale qu’elle a envers un demandeur :

[54]  La cour qui apprécie un argument relatif à l’équité procédurale doit se demander si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances, y compris à l’égard des facteurs énoncés dans l’arrêt Baker. Une cour de révision fait ce que les cours de révision ont fait depuis l’arrêt Nicholson; elle demande, en mettant nettement l’accent sur la nature des droits substantiels concernés et les conséquences pour la personne, si un processus juste et équitable a été suivi. Je souscris à l’observation du juge Caldwell dans Eagle’s Nest (para. 21) selon laquelle, même s’il y a une certaine maladresse dans l’utilisation de la terminologie, cet exercice de révision est [traduction] « particulièrement bien reflété dans la norme de la décision correcte », même si, à proprement parler, aucune norme de contrôle n’est appliquée.

[55]  Tenter de caser la question de l’équité procédurale dans une analyse relative à la norme de contrôle applicable est aussi, en fin de compte, un exercice non rentable. L’examen portant sur la procédure et l’examen portant sur le fond visent différents objectifs en droit administratif. Bien qu’il y ait un chevauchement, le premier porte sur la nature des droits concernés et les conséquences pour les parties touchées, alors que le dernier porte sur la relation entre la cour et le décideur administratif. En outre, certaines questions de procédure ne se prêtent pas du tout à une analyse relative à la norme de contrôle applicable, par exemple lorsque la partialité est alléguée. Comme le démontre l’arrêt Suresh, la distinction entre l’examen portant sur le fond, l’examen portant sur la procédure et la capacité d’un tribunal à accorder des mesures de redressement adaptées à chacun est un outil utile dans la boîte à outils judiciaire et, à mon avis, il n’y a aucune raison convaincante pour laquelle elle devrait être abandonnée.

[56]  Peu importe la déférence qui est accordée aux tribunaux administratifs en ce qui concerne l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire de faire des choix de procédure, la question fondamentale demeure celle de savoir si le demandeur connaissait la preuve à réfuter et s’il a eu possibilité complète et équitable d’y répondre. Cela pourrait s’avérer problématique si une décision a priori sur la question de savoir si la norme de contrôle applicable est la norme de la décision correcte ou la norme de la décision raisonnable donnait une réponse différente à ce qui est une question singulière fondamentale à la notion de justice – a-t-on accordé à la partie le droit d’être entendue et la possibilité de connaître la preuve qu’elle doit réfuter? L’équité procédurale n’est pas sacrifiée sur l’autel de la déférence.

[La Cour souligne.]

[18]  L’arrêt de principe quant à l’étendue de l’obligation d’équité procédurale demeure à ce jour l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 RCS 817. L’obligation d’équité procédurale est souple et variable, et elle dépend du contexte dans lequel la décision est prise. La demanderesse soulève aujourd’hui ce qu’elle allègue être non pas une violation structurelle, provenant de la procédure en place, mais essentiellement du comportement précis du décideur au cours de l’instance devant la SPR.

[19]  Après la lecture complète des transcriptions et l’écoute des enregistrements des trois jours d’audience, il ne ressort pas de cette preuve que le Commissaire ait porté atteinte à l’équité procédurale de la demanderesse : la demanderesse a eu la chance d’être entendue et d’être comprise.

[20]  Certes, il ressort des transcriptions et enregistrements que le Commissaire a posé beaucoup de questions à la demanderesse afin d’obtenir des précisions ou de confirmer ses affirmations. Si la majorité du temps la demanderesse s’exprime très clairement, à certains moments elle bégaie de sorte qu’il est difficile de comprendre. C’est ce que le Commissaire a expliqué dans ses motifs, qu’il avait parfois dû interrompre les déclarations de la demanderesse afin de lui permettre de répéter ses propos. À d’autres moments, le Commissaire pose des questions pour éclaircir le récit et comprendre l’ensemble des faits soulevés.

[21]  De même, il ressort de l’ensemble des transcriptions et enregistrements que le Commissaire était conscient de la nécessité d’être attentif et ouvert à la situation de la demanderesse. La première journée d’audience s’est passée avec l’aide d’une interprète, laquelle traduisait systématiquement l’ensemble des questions et des réponses du Commissaire et de la demanderesse. Cette barrière de langue, conjuguée au bégaiement de la demanderesse, a causé certains problèmes de communication. Or, le Commissaire s’est assuré de fournir à la demanderesse une autre journée d’audience pour compléter sa demande.

[22]  Consciente de cette problématique, la demanderesse a décidé de n’utiliser les services de l’interprète qu’au besoin lors des deux autres audiences. De fait, la seconde audience s’est passée dans le respect du droit à l’équité procédurale de la demanderesse. Toutefois, il appert que le Commissaire, l’avocate de la demanderesse et la demanderesse ont eu une certaine prise de bec (voir l’enregistrement de la deuxième audience à 1h59 et 2h07). À un certain moment, le Commissaire cherchait à obtenir des précisions quant aux évènements survenus au Mexique. L’avocate de la demanderesse et la demanderesse avaient l’impression que le Commissaire ne les écoutait tout simplement pas. C’est dans ce contexte que l’avocate de la demanderesse a formulé une demande de récusation qui fut subséquemment abandonnée à la fin de la troisième journée d’audience.

[23]  Ceci étant dit, si les esprits ont pu s’échauffer, le Commissaire paraît toujours de bonne foi et tenter de comprendre le récit de la demanderesse. L’écoute de ces passages démontre bien une certaine incompréhension de part et d’autre, ce qui peut être naturel lorsqu’une personne qui raconte son histoire ne précise pas un détail ou un autre en oubliant que l’auditeur n’a pas la même connaissance intime de l’histoire. C’est dans cette perspective que le Commissaire tente d’éclaircir le récit, de le placer dans le contexte général du récit de la demanderesse et de s’assurer qu’il saisit bien de quels évènements elle parle. Plusieurs fois au cours des audiences, le Commissaire énonce son souci de s’assurer qu’elle soit comprise, qu’il faut prendre le temps nécessaire pour ce faire. À cet effet, le Commissaire prévoit une troisième audience pour compléter le témoignage de la demanderesse et donner tout le temps nécessaire à l’avocate de la demanderesse pour poser les questions qu’elle souhaite et faire l’ensemble des représentations.

[24]  Au début de la troisième audience, le Commissaire précise qu’il a réécouté les audiences précédentes pour se préparer et qu’il n’a que quelques questions de précision. Puis, l’avocate de la demanderesse a tout le loisir de poser les questions nécessaires pour s’assurer que l’histoire de sa cliente soit entièrement comprise. Toutefois, l’avocate de la demanderesse se limite qu’à quelques questions, ses interventions comptabilisant tout au plus trois pages de transcriptions sur les 258 pages de transcriptions pour les trois jours d’audience.

[25]  Si le Commissaire a posé autant de questions à la demanderesse, il apparaît des transcriptions et enregistrements qu’il s’agissait vraisemblablement d’un effort positif pour s’assurer de comprendre l’ensemble de son récit. Le ton des interventions et l’atmosphère générale des audiences étaient sereins et propices au témoignage de la demanderesse, nonobstant la prise de bec concernant les évènements au Mexique que cette Cour ne considère pas être un bris d’équité procédurale envers la demanderesse. Ceci étant dit, force est de conclure que la demanderesse a eu la chance d’être entendue et d’être comprise.

B.  Demande de protection sur la base du profil de la demanderesse comme femme haïtienne

[26]  La demanderesse allègue que la décision de la SPR est déraisonnable car « le Commissaire semble avoir banalisé l’argumentaire par l’avocate et ne pas avoir mené l’analyse qu’il se devait » sur la question de la crainte sexospécifique. Ainsi, selon la demanderesse, la SPR aurait dû conclure que la demanderesse était à risque au sens de l’article 97 de la LIPR en raison de son profil de femme haïtienne.

[27]  La demanderesse demande essentiellement à cette Cour de réviser la raisonnabilité du mérite de la décision, de déterminer si la SPR a raisonnablement refusé d’octroyer le statut de réfugiée à la vue de la preuve au dossier. Suivant l’arrêt Vavilov, lorsqu’elle procède au contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, cette Cour doit d’abord examiner les motifs donnés avec une attention respectueuse et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à une conclusion. Le décideur apprécie et évalue la preuve qui lui est soumise; à moins de circonstances exceptionnelles, cette Cour ne doit pas modifier ses conclusions de fait (Vavilov, ci-dessus, au para 125). Ceci étant dit, « le caractère raisonnable d’une décision peut être compromis si le décideur s’est fondamentalement mépris sur la preuve qui lui a été soumise ou n’en a pas tenu compte » (Vavilov, ci-dessus, au para 126).

[28]  Avec égard, cette Cour ne peut conclure que la décision rendue par la SPR est déraisonnable. Contrairement aux prétentions de la demanderesse, la SPR n’a pas ignoré la situation des femmes en Haïti. La SPR a bien étayé le droit applicable en l’espèce et a conclu raisonnablement que la demanderesse, bien qu’une femme haïtienne, n’avait pas démontré de risque individualisé.

[29]  La preuve de la demanderesse devait établir davantage qu’une simple possibilité qu’elle soit victime d’une agression en raison de son profil (Dezameau c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 559 aux para 29 et 36 à 39). En l’espèce, il était raisonnable de conclure que la demanderesse n’a pas rencontré ce fardeau de preuve.

[30]  En effet, étant donné son niveau d’éducation, son parcours, ses expériences et ses nombreuses relations familiales en Haïti, il n’était pas déraisonnable de conclure qu’elle n’était pas une personne à protéger selon l’article 97 de la LIPR.

V.  Conclusion

[31]  Cette Cour ne décèle aucune erreur dans le processus décisionnel de l’agent et par conséquent rejette la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.


JUGEMENT au dossier IMM-2509-19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

  2. Il n’y a aucune question d’importance à certifier;

  3. En vertu de la Loi sur le ministère de la citoyenneté et de l'immigration, LC 1994, c 31, le nom légal du ministère devrait être ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration. De même, le défendeur soulève une erreur dans l’orthographe du prénom de la demanderesse, laquelle a été confirmée par la demanderesse : le prénom de la demanderesse devrait s’écrire GUEMAHA. L’intitulé de cause est corrigé en conséquence.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2509-19

 

INTITULÉ :

GUEMAHA RODINE GEORGES c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 novembre 2019

 

JUGEMENT ET MOT IFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 23 juillet 2020

 

COMPARUTIONS :

Annick Legault

 

Pour la demanderesse

 

Evan Liosis

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Étude légale Me Sabine Venturelli

Montréal (Québec)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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