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Date : 20000420


Dossier : IMM-2023-99

OTTAWA (ONTARIO), LE 20 AVRIL 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD

ENTRE :


MULAKH SINGH LEALH, domicilié et résidant au

8615, rue Stuart, appartement 1, Montréal (Québec), H3N 2S4


demandeur

et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION, a/s Ministère de la Justice,

Complexe Guy-Favreau, 200, boul. René-Lévesque ouest,

Tour Est, 5e étage, Montréal (Québec), H2Z 1X4,

défendeur


ORDONNANCE

     Sous réserve de la certification de la question suivante, la demande de contrôle judiciaire est rejetée :

L'alinéa 11.4(2)b) du Règlement sur l'immigration de 1978 est-il ultra vires des pouvoirs de réglementation que l'alinéa 114(1)e) de la Loi sur l'immigration (la Loi) confère au gouverneur en conseil, en ce qu'il fixe le délai de présentation de la demande visant l'attribution de la qualité de demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada pour l'application du paragraphe 6(5) de la Loi?

" Yvon Pinard "

                                             JUGE


Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.





Date : 20000420


Dossier : IMM-2023-99


ENTRE :


MULAKH SINGH LEALH, domicilié et résidant au

8615, rue Stuart, appartement 1, Montréal (Québec), H3N 2S4



demandeur


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION, a/s Ministère de la Justice,

Complexe Guy-Favreau, 200, boul. René-Lévesque ouest,

Tour Est, 5e étage, Montréal (Québec), H2Z 1X4,


défendeur



MOTIFS DE L"ORDONNANCE


LE JUGE PINARD


[1]      Le demandeur cherche à obtenir le contrôle judiciaire de la décision, datée du 31 mars 1999, dans laquelle Claire Chabot, agente de révision des revendications refusées à Citoyenneté et Immigration Canada, a conclu qu"il n"était pas admissible à appartenir à la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de refugié au Canada (la CDNRSRC) parce qu"il n"avait pas présenté sa demande en vue de faire partie de cette catégorie dans le délai prescrit.

[2]      J"ai traité des questions que soulève la présente affaire dans deux décisions qui ont été rendues le 13 août 1999 : Bensalah c. Le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration, IMM-4907-98 et Gill c. Le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration, IMM-5202-98. Dans ces deux décisions, j"ai conclu que le Règlement sur l"immigration de 1978 (le Règlement) est intra vires des pouvoirs de réglementation que l"alinéa 114(1)e ) de la Loi sur l"immigration (la Loi) confère au gouverneur en conseil, qu"il est acceptable et raisonnable que celui-ci fixe le délai à l"alinéa 11.4(2)b ) du Règlement, et qu"un agent d"immigration n"a pas le pouvoir de proroger le délai prescrit. Les décisions Bensalah et Gill contiennent toutes les deux le passage suivant :

     Quant à la question de savoir si l'agent d'immigration a le pouvoir de proroger le délai réglementaire concerné, mon collègue monsieur le juge Nadon y a répondu par la négative dans Adam v. M.C.I. (23 décembre 1998), IMM-5090-97. M'appuyant comme lui sur les arrêts Ponnampalam v. Canada (M.C.I.) (1996), 117 F.T.R. 294, Melinte v. Canada (M.C.I.) (1997), 134 F.T.R. 292 et Razavi v. Canada (M.C.I.) (1998), 144 F.T.R. 36, je conclus également à l'inexistence d'un pouvoir discrétionnaire de prorogation du délai de quinze jours prescrit à l'alinéa 11.4(2)b) du Règlement (voir en outre les arrêts Caron v. M.N.R. et al. (1996), 108 F.T.R. 137 et Miucci c. M.R.N. (1991), 52 F.T.R. 216).
     À l'instar de monsieur le juge Nadon dans Adam, supra, je certifie la question suivante:
         L'agent d'immigration a-t-il le pouvoir de proroger le délai de présentation de la demande visant l'attribution de la qualité de demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada prévu à l'alinéa 11.4(2)b) du Règlement sur l'immigration?
     En l'espèce, les questions constitutionnelles ayant été abandonnées par le demandeur, il n'y a pas lieu de certifier, comme l'a fait le juge Nadon dans Adam, supra, des questions additionnelles reliées à l'application de la Charte canadienne des droits et libertés.
     Quant à savoir si l'alinéa 11.4(2)b) du Règlement est ultra vires des pouvoirs de réglementation que l'alinéa 114(1)e) de la Loi confère au gouverneur en conseil, le procureur du demandeur, à défaut de pouvoir citer soit de la doctrine, soit de la jurisprudence confirmant ce caractère ultra vires de la disposition en cause, soumet simplement que l'alinéa 114(1)e) de la Loi n'inclut pas spécifiquement un délai dans lequel une demande peut être présentée et que l'alinéa 11.4(2)b) du Règlement contrevient aux objectifs humanitaires de la Loi.
     Dans un premier temps, il importe de rappeler qu'il existe une présomption qu'un règlement respecte les limites fixées par la loi habilitante (voir P.-A. Côté, Interprétation des lois, 2e éd., Cowansville, Les Éditions Yvon Blais Inc., 1990, aux pages 349-350). Dans un deuxième temps, tel que noté par la Cour suprême du Canada dans Chiarelli c. Canada, [1992] 1 R.C.S. 711, aux pages 733 et 734:
         . . . le principe le plus fondamental du droit de l'immigration veut que les non-citoyens n'aient pas un droit absolu d'entrer au pays ou d'y demeurer. . . .
             Le Parlement a donc le droit d'adopter une politique en matière d'immigration et de légiférer en prescrivant les conditions à remplir par les non-citoyens pour qu'il leur soit permis d'entrer au Canada et d'y demeurer. . . .
     Enfin, la Cour d'appel fédérale, dans Jafari c. Canada (M.E.I.), [1995] 2 C.F. 595, a souligné les principes généraux applicables afin de déterminer si une législation par délégation tel un règlement se trouve dans les limites du pouvoir conféré par la loi habilitante. On peut résumer ces principes comme suit:
     -      le tribunal ne doit pas juger de la sagesse de la législation par délégation ni en apprécier la validité en se fondant sur ses préférences en matière de politique;
     -      la question essentielle est la suivante: le pouvoir conféré par la loi permet-il cette législation par délégation particulière?
     -      rechercher dans la mesure législative attributive du pouvoir en cause tous les indices possibles de l'objet et de l'étendue de la législation par délégation autorisée;
     -      tenir compte de toute limitation, expresse ou implicite, de l'exercice de ce pouvoir;
     -      examiner le Règlement lui-même pour s'assurer de sa conformité;
     -      s'il est contesté au motif qu'il n'a pas été pris pour des fins autorisées par sa loi habilitante, tenter de reconnaître une ou plusieurs des fins pour lesquelles le Règlement a été adopté;
     -      un vaste pouvoir discrétionnaire, y compris un pouvoir de réglementation, ne peut être exercé pour poursuivre une fin totalement étrangère;
     -      il appartient à la partie qui conteste le Règlement de démontrer ce que pourrait être cette fin illicite;
     -      rechercher le fondement législatif du Règlement en question;
     -      le Règlement doit apparaître comme étant relié de quelque façon à l'objet de la Loi;
     -      vérifier si l'alinéa a été rédigé aux fins de l'administration de la Loi sur l'immigration;
     -      le Règlement ne peut viser principalement à atteindre un objectif irrégulier et non autorisé;
     -      présumant que le Règlement est de prime abord autorisé par la Loi, se demander s'il est contraire à une condition quelconque imposée à l'exercice du pouvoir de réglementation.
     Considérant tous les principes ci-dessus, considérant en outre que les objectifs du législateur s'apprécient en fonction de l'ensemble de la Loi et de son Règlement, et que le Règlement en cause constitue un régime d'exception par l'effet du paragraphe 6(5) de la Loi, je suis d'avis que le pouvoir d'établir la procédure d'examen des demandes d'attribution de la qualité de membre d'une catégorie comporte le pouvoir d'en fixer le délai de présentation et qu'en l'espèce, il s'agit d'un délai de procédure. Le Règlement est intra vires des dispositions habilitantes que sont le paragraphe 6(5) et l'alinéa 114(1)e) de la Loi. De plus, l'imposition d'un délai s'avérait essentielle à la bonne administration de la Loi sur l'immigration, notamment quant au devoir du Ministre d'exécuter les mesures de renvoi dès que les circonstances le permettent. Vu la nature de la demande concernée, le fait que le demandeur est visé par une mesure de renvoi exécutoire et le fait qu'il désire se voir reconnaître la qualité de DNRSRC, il m'apparaît tout à fait acceptable et raisonnable, dans le cadre du présent régime d'exception où le demandeur sollicite un privilège d'exemption, et non un droit, que le gouverneur en conseil, en l'absence d'interdiction, ait prévu le délai prescrit à l'alinéa 11.4(2)b) du Règlement.
     Concernant cette dernière question relative au caractère ultra vires de l'alinéa 11.4(2)b) du Règlement, j'accepte de certifier la question suivante dont le texte est accepté par les procureurs des deux parties:
         L'alinéa 11.4(2)b) du Règlement sur l'immigration est-il ultra vires des pouvoirs de réglementation que l'alinéa 114(1)e) de la Loi sur l'immigration confère au gouverneur en conseil, en ce qu'il fixe le délai de présentation de la demande visant l'attribution de la qualité de demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada pour l'application du paragraphe 6(5) de la Loi?
     En conséquence, sous réserve de la certification ci-dessus de deux questions, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[3]      En conséquence, sous réserve de la certification de la question suivante, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune demande de prorogation du délai prescrit à l"alinéa 11.4(2)b ) du Règlement en ce qui a trait au dépôt d"une demande visant à faire trancher la question de savoir si le demandeur appartient à la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada n"ayant été présentée, seule la question suivante mérite d"être certifiée :

L'alinéa 11.4(2)b) du Règlement sur l'immigration de 1978 est-il ultra vires des pouvoirs de réglementation que l'alinéa 114(1)e) de la Loi sur l'immigration (la Loi) confère au gouverneur en conseil, en ce qu'il fixe le délai de présentation de la demande visant l'attribution de la qualité de demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada pour l'application du paragraphe 6(5) de la Loi?

Vu les circonstances, l"argument supplémentaire fondé sur l"article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés que le demandeur a fait valoir revêt un caractère purement théorique, en l"absence de l"avis prévu à l"article 57 de la Loi sur la Cour fédérale .



" YVON PINARD "

                                             JUGE


OTTAWA (ONTARIO)

Le 20 avril 2000.







Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :              IMM-2023-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :          MULAKH SINGH LEALH c. MCI


LIEU DE L"AUDIENCE :          MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L"AUDIENCE :          LE 22 MARS 2000

MOTIFS D"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE PINARD

EN DATE DU :              20 AVRIL 2000



ONT COMPARU :


Me JEAN-FRANÇOIS BERTRAND

                                 POUR LE DEMANDEUR

Me MICHEL SYNNOTT

                                 POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me JEAN-FRANÇOIS BERTRAND

                                 POUR LE DEMANDEUR

M. MORRIS ROSENBERG                      POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

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