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Date : 19990115


Dossier : IMM-1567-98

ENTRE :


Marilou MALU MALU

Warren KANYIKI


Partie requérante

ET :

     MINISTERE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION


Partie intimé

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

INTRODUCTION

[1]      La requérante Marilou Malu Malu et son fils de quatre ans, Warren Kanyiki, demandent le contrôle judiciaire de la décision de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié (la Commission) en date du 10 mars 1998, concluant qu"ils ne sont pas "réfugiés au sens de la Convention". Ils demandent à cette Cour de casser ladite décision et de renvoyer le dossier pour audition devant une nouvelle formation.

FAITS

[2]      Tel qu"il appert des documents au dossier, la requérante et son fils, citoyens du Zaïre, maintenant République démocratique du Congo, ont revendiqué le statut de réfugié en raison de leur opinion politique présumée ainsi que leur appartenance à un groupe social particulier, soit la famille. Ils craignent d"être persécutés par les militaires du nouveau parti politique au pouvoir, l"AFDL, ainsi que par la population en générale. La requérante a témoigné que depuis 1995 son époux a entretenu une relation d"affaire avec M. Kongolo, l"un des fils du dictateur Mobutu qui a été renversé le 17 mai 1997.

[3]      Les faits au dossier démontrent que le mari de la requérante et ses quatre associés exploitent une compagnie dans le domaine des camions frigorifiques et possèdent une chambre froide. Dans le cadre de l"exploitation de son entreprise, le mari de la requérante a demandé au fils de Mobutu la protection de gardes du corps militaires lorsque ses associés ont eu à apporter des sommes d"argent importantes au Zaïre. Un jour, Kongolo Mobutu a demandé au mari de la requérante s"il pouvait louer ses camions et lui a proposé de lui trouver des marchés. Il a eu à se présenter peut-être deux fois par mois à la résidence de la requérante, ce qui ne posait pas de problèmes. En 1995, le mari de la requérante a été victime d"un vol, on l"a bâillonné et volé sa montre. Craintif, le mari de la requérante a alors demandé à Mobutu d"avoir des militaires à la maison pour assurer leur protection. Le style de vie de la requérante et son mari, notamment leur voiture et leurs vêtements, aurait provoqué une certaine jalousie, mais cela n"était pas de nature à les forcer à quitter le pays.

[4]      Le 17 mai 1997 Mobutu a été renversé. Les militaires assurant leur protection ont quitté leur résidence après avoir appris la mort du commandant des forces armées zaïroises. Ce même jour, des personnes se sont attroupées à leur résidence les menaçant en criant et lançant des pierres. L"époux de la requérante a pu les disperser en tirant quelques coups de feu. Aussi le 17 mai 1997, l"époux de la requérante a été arrêté par les militaires du nouveau régime de l"AFDL de Kabila pour l"interroger sur les affaires de Kongolo et savoir pourquoi il était armé. Craignant pour leur sécurité, la requérante et son fils ont quitté le Zaïre avec l"aide de militaires de l"ancien régime pour se rendre au Congo. L"époux de la requérante serait toujours détenu dans une prison de Kokolo à Kinshasa.

Analyse de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié

[5]      La Commission a analysé le dossier comme suit :

         Le revendicatrice admet qu"elle et son mari n"ont jamais fait de politique. Son mari n"a eu que des relations d"affaires avec Kongolo, le fils de Mobutu. Elle allègue avoir une crainte bien fondée de persécution à cause de son groupe social : mariée à un homme en relation avec le pouvoir.                 
         Il ressort de la preuve que seul le mari de la revendicatrice a eu des ennuis. Lorsque les soldats de Kabila sont venus à leur domicile, la revendicatrice n"a pas été interrogée ni menacée par ces hommes. S"ils avaient l"intention de la persécuter, ils l"auraient emmenée avec eux, ce qui ne fut pas le cas. De plus, il n"existe aucune preuve attestant que les épouses et enfants des relations d"affaires à Kongolo sont traqués et persécutés par le pouvoir de Kabila.                 
         En conséquence, nous sommes d"opinion que les revendicateurs n"ont aucune crainte bien fondée de persécution s"ils devaient retourner dans leur pays.                 

[6]      Après avoir entendu les prétentions des procureurs des deux parties et après avoir lu les documents au dossier, j"ai avisé les procureurs que j"accueillerais la demande de contrôle judiciaire puisque je ne suis pas satisfait des motifs énoncés par la Commission quant à sa conclusion.

[7]      Dans sa décision, la Commission n"a pas fourni suffisamment de détails à l"appui de sa conclusion à l"effet que "S"ils avaient l"intention de la persécuter, ils l"auraient emmenée avec eux, ce que ne fut pas le cas".

[8]      De plus, je ne suis pas satisfait de la déclaration de la Commission voulant que puisque les revendicateurs n"ont pas été questionnés ni menacés, ils n"ont aucune crainte bien fondée de persécution s"ils devaient retourner dans leur pays.

[9]      En outre, je ne comprends pas à quelle norme de preuve la Commission s"attendait de la part des requérants lorsqu"elle déclare "De plus, il n"existe aucune preuve attestant que les épouses et enfants des relations d"affaires à Kongolo sont traqués et persécutés par le pouvoir de Kabila".

[10]      Pour ces motifs, j"accueille la demande de contrôle judiciaire et ordonne qu"une nouvelle audition soit accordée à la partie requérante devant une autre formation.

[11]      Les parties n"ont pas soumis de questions à certifier.

                             "Max M. Teitelbaum"

                        

                                 J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Le 15 janvier 1999

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