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Date : 20030626

Dossier : T-711-02

Référence : 2003 CFPI 790

Toronto (Ontario), le 26 juin 2003

En présence de Madame le juge Heneghan

ENTRE :

                   ABBOTT LABORATORIES et ABBOTT LABORATORIES LIMITED

                                                                                                                                            demanderesses

                                                                                   et

                                   LE MINISTRE DE LA SANTÉ et GENPHARM INC.

                                                                                                                                                     défendeurs

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Abbott Laboratories et Abbott Laboratories Limited (les demanderesses) demandent une ordonnance portant prorogation de la période pendant laquelle l'alinéa 7(1)e) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (Règlement sur les AC) interdit au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité (AC) à Genpharm Inc. (Genpharm). La prorogation demandée est de dix mois à compter du 2 mai 2004. Les demanderesses sollicitent en outre l'adjudication des dépens de la présente requête.

[2]                 La requête des demanderesses s'appuie sur l'alinéa 7(5)b) du Règlement sur les AC, qui dispose :


7(5) Lorsque le tribunal n'a pas encore rendu d'ordonnance aux termes du paragraphe 6(1) à l'égard d'une demande, il peut :

...

b) proroger le délai visé à l'alinéa (1)e) avec le consentement de la première personne et de la seconde personne, ou s'il conclut que la seconde personne n'a pas, au cours de l'instance relative à la demande, collaboré de façon raisonnable au règlement expéditif de celle-ci.


7(5) If the court has not yet made an order under subsection 6(1) in respect of an application, the court may

...

(b) extend the time limit referred to in paragraph (1)(e) on consent of the first and second persons or, if the court finds that the second person has failed, at any time during the proceeding, to reasonably cooperate in expediting the application.


[3]                 Les demanderesses ont produit un volumineux dossier à l'appui de la requête, y compris un certain nombre de lettres adressées à l'avocate de Genpharm pour obtenir des précisions sur les questions soulevées dans l'avis d'allégation (AA) daté du 13 mars 2002. Le dossier de la requête renferme également l'ordonnance du 22 octobre 2002 enjoignant à Genpharm de produire certains éléments de preuve. Les données encore manquantes ont finalement été communiquées en mars 2003, et Genpharm a fait valoir qu'elle avait déjà communiqué certaines d'entre elles aux demanderesses avant l'ordonnance du 22 octobre 2002.


[4]                 Les demanderesses soutiennent maintenant avoir besoin d'un délai supplémentaire pour se préparer à l'audition de la demande à cause, tout d'abord, de l'omission de Genpharm de communiquer les éléments demandés avant que la Cour ne le lui ordonne, puis du retard de près de cinq mois qu'elle a mis à se conformer à cette ordonnance. Les demanderesses disent avoir initialement demandé la communication des données dans une lettre datée du 7 mai 2002. Genpharm n'ayant pas fourni l'information, les demanderesses ont dû demander à la Cour de l'y contraindre. Une ordonnance a donc été rendue le 22 octobre 2002, soit quelque cinq mois après la demande initiale de communication.

[5]                 Les demanderesses invoquent l'arrêt AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2000), 7 C.P.R. (4th) 272 (C.A.F.), dans lequel la Section d'appel se penche sur les obligations de chacune des parties à une demande d'interdiction fondée sur le Règlement sur les AC de hâter le dénouement de l'instance. Elles s'appuient également sur l'arrêt Merck Frosst Canada Inc. c. Apotex Inc., [1997] 2 C.F. 561 (C.A.), où la Section d'appel se prononce sur la raison d'être de l'interdiction que prévoit le Règlement sur les AC et sur l'opportunité de tenir compte du comportement des parties lorsqu'est présentée une demande de modification de la période d'interdiction.


[6]                 Genpharm conteste la requête des demanderesses. Elle reconnaît qu'il y a eu des retards, mais elle affirme qu'ils ne lui sont pas entièrement imputables. Par exemple, elle fait valoir que la demande initiale de communication présentée par les demanderesses était libellée de manière très générale. Ce n'est que le 8 août 2002 que l'avocat des demanderesses a transmis à l'avocate de Genpharm une demande détaillée. Dans l'intervalle, soit avant le 8 août 2002, les demanderesses avaient déjà déposé un avis de requête afin d'obtenir une ordonnance de production, mais plusieurs remises ayant été accordées, la requête a finalement été entendue le 21 octobre 2002.

[7]                 Genpharm prétend avoir a tardé à fournir certains éléments visés par l'ordonnance du 22 octobre 2002 parce qu'elle ne les avait pas en sa possession. Leur production exigeait l'obtention d'une nouvelle ordonnance de confidentialité. À cette fin, il fallait obtenir un affidavit d'une personne que la Cour n'avait pas le pouvoir de contraindre, et l'ordonnance n'a été rendue qu'en mars 2003.

[8]                 Genpharm fait valoir que, suivant un calendrier établi, les parties devront produire tous les affidavits requis avant le 6 octobre 2003. Il demeure possible qu'elles le fassent avant cette date. Genpharm affirme que la demande de prorogation de l'interdiction est prématurée.

[9]                 Le critère applicable pour décider s'il y a lieu ou non de prolonger la période d'interdiction est prévu à l'alinéa 7(5)b) du Règlement sur les AC. Dans David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., [1995] 1 C.F. 588 (C.A.), au paragraphe 12, la Cour a dit :

Le Règlement sur les médicaments brevetés(avis de conformité) indique aussi l'intention que ce type particulier de demande de contrôle judiciaire soit tranché de façon expéditive. Le paragraphe 7(1) du Règlement prévoit qu'un avis de conformité ne doit pas être délivré avant l'expiration de trente mois suivant le dépôt de la demande d'interdiction, à moins que la Cour n'ait rejeté la demande dans l'intervalle. Le paragraphe 7(5) autorise toutefois la Cour à abréger et à proroger ce délai de trente mois lorsqu'elle n'a pas encore rendu une décision relativement à la demande, et qu'elle constate qu'une partie à la demande « n'a pas collaboré de façon raisonnable au traitement expéditif de celle-ci » . Ainsi, par exemple, lorsque la partie requérante retarde indûment la tenue de l'audience sur le bien-fondé de la demande, la partie intimée peut présenter une requête pour demander à la Cour d'abréger le délai de délivrance d'un avis de conformité.


Pour avoir gain de cause en l'espèce, les demanderesses doivent donc établir que Genpharm « n'a pas collaboré de façon raisonnable au traitement expéditif [de la demande] » .

[10]            Comme je le signale précédemment, les demanderesses ont versé de nombreuses lettres au dossier de la requête. Elles soutiennent que ces lettres montrent que Genpharm a agi de façon à retarder l'instruction de la demande et que la période d'interdiction devrait être prolongée afin de leur permettre de bien étayer la demande d'ordonnance d'interdiction.

[11]            Selon moi, les demanderesses n'ont pas présenté d'éléments de preuve établissant que Genpharm n'a pas raisonnablement hâté le dénouement de l'instance. Suivant mon interprétation de l'alinéa 7(5)b) du Règlement sur les AC, cette preuve incombe aux demanderesses. Constituée de lettres échangées avec l'avocate de Genpharm, la preuve avancée établit qu'il y a eu retard et que ce retard est imputable aux deux parties. L'argument de Genpharm selon lequel les demanderesses ne lui ont transmis une demande claire et précise que le 8 août 2002, soit presque trois mois après la demande initiale libellée de manière générale, est valable. Le 24 juillet 2002, les demanderesses ont présenté une requête pour contraindre Genpharm à communiquer l'information demandée, mais elles en ont retardé l'audition jusqu'au 21 octobre, soit près de trois mois plus tard.

[12]            Le dossier révèle l'existence d'un avis d'examen de l'état de l'instance datant de février 2003. En réponse à cet avis, les parties ont présenté des observations conjointes, et la poursuite de l'instance a été ordonnée. Par ordonnance datée du 30 avril 2003, l'instance est devenue une instance à gestion spéciale. Dans le cadre de la gestion de l'instance, au moyen d'une ordonnance datée du 12 juin 2003, le protonotaire Lafrenière a établi le calendrier du dépôt des affidavits devant être invoqués par les parties. Il est clair que l'instance sera soumise à une surveillance quant au déroulement des dernières étapes préalables à l'instruction.

[13]            Je reconnais que le Règlement sur les AC contraint les parties à respecter certains délais. En même temps, il n'est pas évident qu'elles ne seront pas en mesure de compléter leurs dossiers respectifs à temps pour obtenir la tenue d'une audience avant l'expiration de l'interdiction d'une durée de vingt-quatre mois, soit le 2 mai 2004. À mon avis, la requête est prématurée, les parties disposant encore d'un peu plus de dix mois et devant déposer leurs affidavits respectifs au plus tard le 6 octobre 2003.


[14]            Les instances fondées sur le Règlement sur les AC sont censées être sommaires. Elles ne doivent pas donner lieu à la tenue de véritables procès. Les dossiers afférents à la demande doivent être établis en délimitant strictement les questions qui sont vraiment en litige. De par leurs propres actes, les deux parties ont toutes deux contribué à la course contre la montre dans laquelle elles sont engagées. Elles doivent consacrer leurs efforts à l'établissement des affidavits dans les délais prévus par l'ordonnance du 12 juin 2003. Au besoin, l'opportunité d'une prorogation pourra être examinée une fois que Genpharm aura signifié et déposé ses affidavits, au plus tard le 6 octobre 2003.

[15]            La requête est rejetée sans préjudice du droit des demanderesses de demander ultérieurement la prolongation de la période d'interdiction; les dépens suivront l'issue de la cause.


                                           ORDONNANCE

La requête est rejetée sans préjudice du droit des demanderesses de demander ultérieurement la prolongation de la période d'interdiction; les dépens suivront l'issue de la cause.

    E. Heneghan

                                                                                                             Juge                              

Traduction certifiée conforme

Claire Vallée, LL.B.


            COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

           Avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                                                            T-711-02

INTITULÉ DE LA CAUSE :                              ABBOTT LABORATORIES et ABBOTT LABORATORIES LIMITED

demanderesses

- et -

LE MINISTRE DE LA SANTÉ et

GENPHARM INC.

défendeurs

LIEU DE L'AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LUNDI 23 JUIN 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE PAR :                           LE JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :                                     26 JUIN 2003

ONT COMPARU :                    Me Steve Mason

                                                    Me Marcus Klee

Pour les demanderesses

Me Barbara Murchie

Pour la défenderesse Genpharm

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :       McCarthy & Tétrault

Avocats                       Toronto (Ontario)

Pour les demanderesses

Sim, Hughes, Ashton & McKay, s.r.l.

Avocats                                                

Toronto (Ontario)                                  Pour la défenderesse Genpharm


COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

    Date : 20030626

         Dossier : T-711-02

ENTRE :

ABBOTT LABORATORIES et ABBOTT LABORATORIES LIMITED

demanderesses

- et -

LE MINISTRE DE LA SANTÉet GENPHARM INC.

                     défendeurs

                                                            

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                            

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