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                                                                                                                                     IMM-1028-86

 

E n t r e :

 

                                                           WAI HONG CHUNG,

                                                                                                                                            requérant,

                                                                             et

 

                     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                                                                                                                 intimé.

 

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                               (version révisée des motifs prononcés à

                                      l'audience le 22 octobre 1996 à Toronto (Ontario))

 

LE JUGE LUTFY

 

            La décision de l'agente des visas est contenue dans sa lettre de refus du 16 février 1996 :

 

[TRADUCTION]

 

Hormis le cours de trois mois en coloration et du cours de coiffure d'un mois, vous n'avez reçu aucune formation systématique comme coiffeur pour dames et ne pourriez probablement pas remplir les conditions requises pour être considéré comme un coiffeur pour dames au Canada. L'expérience que vous avez acquise de 1990 à 1994 l'était à titre de coiffeur débutant et d'aide coiffeur et non de coiffeur pour dames. En 1994, vous avez commencé à travailler au salon de coiffure de votre père et y travaillez depuis comme associé de cette entreprise. L'expérience que vous avez acquise depuis que vous vous êtes associé à votre père ne suffit pas, selon moi, pour démontrer votre capacité de vous établir avec succès au Canada avec la valeur nette de 60 000 $ indiquée dans votre demande.

 

Vous avez déclaré lors de l'entrevue que l'entreprise que vous prévoyez lancer impliquerait la location d'un fauteuil dans le salon de coiffure existant pour 200 $ par mois. Comme vous ne parlez pas l'anglais et que vous n'avez pas de permis d'exploitation d'un salon de coiffure, il vous serait difficile de réussir à exploiter une telle entreprise. De plus, on ne pourrait considérer qu'une entreprise exploitée à aussi petite échelle soit probablement avantageuse pour l'économie canadienne.

 

            La décision à laquelle l'agente des visas en est arrivée est reprise au paragraphe 21 de son affidavit, qui a été versé au dossier de la demande du requérant :

 

[TRADUCTION]

 

J'en suis venue à la conclusion, pour les motifs suivants, que le requérant n'a pas la capacité de lancer ou d'acquérir au Canada une entreprise qui lui permettra d'exercer un emploi et qui apportera une contribution significative à l'économie ou à la vie culturelle ou artistique canadiennes :

 

a)il ne possède pas un sens assez aigu des affaires;

 

b)bien qu'il ait accumulé plusieurs années d'expérience comme coloriste et apprenti coiffeur, il subsiste des doutes quant à son expérience comme coiffeur autonome;

 

c)il ne pourrait pas, contrairement à ce qu'il prétend, desservir une large clientèle à l'extérieur de la communauté cantonaise en raison de ses connaissances insuffisantes de la langue anglaise;

 

d)il ne pourrait même pas desservir la communauté cantonaise, étant donné qu'il y a lieu de se demander s'il pourrait obtenir le permis nécessaire de l'Ontario et dans combien de temps, en raison de ses connaissances insuffisantes de la langue anglaise.

 

            Ainsi que l'agente des visas l'a reconnu elle-même, en raison des mots « il y a lieu de se demander s[i] [...] et dans combien de temps » à l'alinéa 21d) de son affidavit, les éléments de preuve concernant la nécessité d'obtenir un permis pour travailler à la Swan Hair Boutique est équivoque. La meilleure preuve sur laquelle l'agente des visas s'est fondée semble être la lettre du 2 janvier 1996 écrite par l'avocate du requérant. Voici ce qu'on y lit, à la page 4 :

 

[TRADUCTION]

 

Nous avons communiqué avec l'organisme de réglementation à cet égard et nous avons appris que, pour passer l'examen, il faut avoir accumulé trois ans d'expérience. Or, l'expérience de M. Chung est beaucoup plus longue.

 

            L'avocate du requérant a écrit cette lettre en réponse aux questions écrites de l'agente des visas que l'on trouve aux pages 26 et 28 du dossier de l'agente des visas. Il s'agit des notes que l'agente des visas a remises au requérant après l'entrevue. On y trouve ce qui suit au paragraphe 4 : [TRADUCTION] « Attestation du gouvernement de l'Ontario certifiant que vous possédez les qualités requises pour obtenir un permis (de travail comme coiffeur pour dames) ».

 

            Le fardeau de la preuve repose sur le requérant, qui a eu l'occasion d'aborder cette question. L'agente des visas a conclu — de façon non déraisonnable selon moi — qu'au vu du dossier qui lui était soumis, le permis était nécessaire. Si elle s'est méprise à cet égard —  et il s'agit là d'une question de fait —, je suis convaincu que cette erreur n'a pas d'incidence réelle sur sa conclusion que le requérant n'apporterait pas une contribution significative à l'économie du Canada.

 

            J'ai écouté attentivement l'avocate du requérant et j'ai bien examiné les six éléments qu'elle a qualifiés d'erreurs au cours de l'audience qui a été consacrée aujourd'hui à la décision de l'agente des visas.

 

            Si j'ai bien compris son plaidoyer, l'avocate du requérant insiste sur certaines déclarations qui ont été faites par l'agente des visas dans ses notes, lesquelles ont été versées au dossier (pages 70 à 72, onglet 8 du dossier du requérant). En particulier, elle cite la page 72, où l'agente des visas a noté :

 

[TRADUCTION]

 

L'intéressé a été établi par son père, qui exploite cette entreprise depuis de nombreuses années. J'estime que le père a agi ainsi pour s'assurer que son fils puisse se joindre aux autres membres de la famille en présentant une demande à titre de travailleur autonome, ce qui le dispenserait ainsi de satisfaire lui-même aux critères de sélection des travailleurs indépendants. (Texte original non corrigé.)

 

Sous la même rubrique, l'avocate du requérant cite le paragraphe 7 de l'affidavit de l'intimée, dans lequel celle-ci fait certaines assertions au sujet de la déclaration faite par le requérant en ce qui concerne son travail, sur l'aspect commercial de son expérience dans un salon de coiffure de Hong Kong. Sur ces deux questions, je suis convaincu que l'agente des visas n'a commis aucune erreur. Il ne s'agissait pas de questions qui n'avaient manifestement aucun rapport avec la demande. Il s'agissait de tentatives qu'elle faisait pour vérifier le bien-fondé des assertions du requérant, et j'estime qu'il s'agissait de facteurs dont elle pouvait légitimement tenir compte pour apprécier de façon globale si le requérant était un travailleur autonome au sens de la définition et des divers critères de l'annexe applicable du Règlement.

 

            De même, la deuxième question soulevée par l'avocate du requérant concerne le fait qu'aucun point d'appréciation n'a été attribué au requérant au chapitre de l'expérience. À mon sens — et j'accepte les déclarations de l'avocat de l'intimé à cet égard —, même si entre deux et six points lui avaient été attribués pour l'expérience — six points étant le maximum suivant ce que l'avocate du requérant a elle-même reconnu —, le requérant n'aurait malgré tout pas réussi à accumuler les 70 points nécessaires étant donné que, suivant l'appréciation globale de l'agente des visas, il ne tombait pas sous le coup du paragraphe 8(4) du Règlement.

 

            L'avocate du requérant a également essayé de qualifier d'erreur les commentaires formulés par l'agente des visas au paragraphe 12 de son affidavit au sujet de l'incapacité du requérant de communiquer en anglais. Le quatrième point qu'elle a tenté de qualifier d'erreur est l'emploi par l'agente des visas du mot « concession » (à la page 71 du dossier du requérant, onglet 8) pour qualifier ce que le requérant ferait à la Swan Hair Boutique. L'avocate du requérant reproche également à l'agente des visas de n'avoir accordé que trois points sur une possibilité de dix sous la rubrique de la personnalité. Elle cite le paragraphe 17 de l'affidavit de l'agente des visas à cet égard.

 

            En ce qui concerne les trois derniers points, que l'avocate du requérant a qualifié d'erreurs, je suis convaincu que l'agente des visas n'a commis aucune erreur à cet égard, du moins aucune erreur qui justifierait l'intervention de la Cour.

 

            En ce qui concerne le sixième point soulevé par l'avocate du requérant au sujet de la question du permis de coiffeur pour dames, j'ai déjà abordé cette question dans les présents motifs. Et, en ce qui concerne plus particulièrement cette question, je suis convaincu que le requérant a eu amplement l'occasion d'aborder cette question.

 

            En résumé, le requérant n'a pas réussi à convaincre la Cour que l'agente des visas avait été injuste dans l'exécution de ses fonctions, ou qu'elle n'avait pas tenu dûment compte des principes de justice naturelle et d'équité procédurale. L'agente des visas a, en remettant des questions écrites au requérant, donné à celui-ci l'occasion de répondre à ce qu'elle estimait être les points litigieux selon son appréciation de la demande.

 

            L'avocate du requérant m'a, à juste titre selon moi, cité l'arrêt Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, à la page 10 :

 

 

C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.

 

            Je constate que la Cour d'appel a cité et approuvé cet extrait dans l'arrêt qu'elle a récemment rendu le 22 mai 1996 dans l'affaire To c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), dans le dossier no A-172-93.

 

            Par ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

                                                                                                                                         Allan Lutfy                  

            Juge

 

 

Ottawa (Ontario)

Le 31 janvier 1997

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                                                                                                                                           

 

François Blais, LL.L.


                                               COUR FÉDÉRALE DU CANADA

 

 

                           AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

No DU GREFFE :IMM-1028-96

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :WAI HONG CHUNG c. M.C.I.

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :Toronto (Ontario)

 

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :22 octobre 1996

 

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Lutfy le 31 janvier 1997

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

Soshana T. Greenpour le requérant

 

 

Kevin Lunneypour l'intimé

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Soshana T. Greenpour le requérant

Toronto (Ontario)

 

 

Me George Thomsonpour l'intimé

Sous-procureur général du Canada

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