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Date : 20200812


Dossiers : IMM‑3943‑19

IMM‑3946‑19

Référence : 2020 CF 823

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 12 août 2020

En présence de madame la juge Kane

ENTRE :

MATUSSALA MANDELA MANNINGS

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le demandeur, M. Matussala Mandela Mannings [M. Mannings], présente deux demandes de contrôle judiciaire [les demandes], qui ont été réunies, contestant les décisions d’une déléguée du ministre, rendues en application du paragraphe 44(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi]. La déléguée du ministre a conclu qu’il y a des motifs raisonnables de croire que M. Mannings est interdit de territoire au Canada en application de l’alinéa 36(1)a) de la Loi, pour grande criminalité, et qu’il est également interdit de territoire au titre de l’alinéa 37(1)b), pour criminalité organisée transnationale, compte tenu de sa déclaration de culpabilité et de sa condamnation pour avoir importé de la cocaïne. La déléguée du ministre a renvoyé l’affaire à la Section de l’immigration pour enquête.

[2]  La déléguée du ministre a tenu compte des rapports respectifs [traduction« examen des cas et recommandation » [les rapports] de l’agent d’application de la loi à l’intérieur du pays [l’agent] de l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] établis en vertu du paragraphe 44(1) de la Loi, ainsi que de la documentation et des éléments de preuve sur lesquels l’agent s’est fondé. La déléguée du ministre a souscrit aux recommandations de l’agent selon lesquelles M. Mannings pourrait être interdit de territoire au Canada au titre des alinéas 36(1)a) et 37(1)b) de la Loi et elle a fourni de brefs motifs supplémentaires relativement aux deux motifs concernant le renvoi de M. Mannings pour enquête.

[3]  M. Mannings soutient que les deux décisions sont déraisonnables parce que l’agent, et par ricochet, la déléguée du ministre, n’ont pas évalué de manière raisonnable des motifs d’ordre humanitaire importants, tout particulièrement son établissement au Canada, sa réadaptation et les conditions au Guyana. En ce qui a trait au renvoi fondé sur l’alinéa 37(1)b), M. Mannings soutient en outre que l’agent a contrevenu à l’équité procédurale.

[4]  Pour les motifs qui suivent, les demandes sont rejetées. La déléguée du ministre a conclu raisonnablement qu’il existait des motifs raisonnables et probables de croire que M. Mannings est interdit de territoire au Canada en application des alinéas 36(1)a) et 37(1)b). La justification qui sous‑tend les recommandations reflète le fait que l’agent et la déléguée du ministre ont pris en considération les motifs d’ordre humanitaire importants, mais ont raisonnablement conclu que ceux‑ci ne l’emportaient pas sur la gravité du comportement criminel.

[5]  S’agissant du renvoi découlant de l’alinéa 37(1)b), il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale. L’agent a avisé M. Mannings à l’entrevue que d’autres motifs d’interdiction de territoire pourraient être pris en considération. M. Mannings était tout à fait au courant de l’information à l’origine de son interdiction de territoire possible pour criminalité organisée transnationale, puisqu’elle découlait de sa déclaration de culpabilité, qui reposait sur son plaidoyer de culpabilité et son acceptation de tous les faits. Aucune autre communication n’a été exigée. Il s’est vu donner la possibilité de présenter des observations sur la raison pour laquelle il ne devrait pas faire l’objet d’un renvoi pour enquête en fonction de ce motif, et il l’a fait. Même s’il prétend qu’il lui était interdit de présenter des arguments de droit par rapport à l’application de l’alinéa 37(1)b), aucun élément de preuve n’appuie cette affirmation, et il n’a pas non plus tenté d’en présenter. Il a reconnu qu’il a été invité à présenter des observations sur quelque renseignement pertinent que ce soit. De plus, la recommandation de l’agent et le renvoi de la déléguée du ministre ne sont pas des décisions définitives au sujet de son interdiction de territoire. La Section de l’immigration [SI] établira l’admissibilité de M. Mannings, et il aura d’autres occasions de formuler des observations à l’audience.

I.  Contexte

[6]  M. Mannings est un résident permanent du Canada et un citoyen du Guyana. Il est arrivé au Canada en 2006 grâce au parrainage de son père.

[7]  Le 7 avril 2017, il a enregistré un plaidoyer de culpabilité et il a été reconnu coupable d’avoir importé une substance désignée (cocaïne), en contravention du paragraphe 6(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Il a été condamné à une peine équivalant à la période qu’il avait passée en détention préventive, soit 568 jours, ce qui représente une peine de 768 jours. Cette peine semble refléter l’application d’un ratio équivalant à environ une fois et demie la peine purgée.

[8]  Les rapports de l’agent relatent les circonstances de l’infraction d’après les dossiers de la police et les procédures judiciaires. Brièvement, en septembre 2014, l’ASFC a inspecté un colis contenant environ 963 grammes de cocaïne, qui arrivait au Canada dissimulé dans une purée de fruits, et elle a installé un dispositif de traçage sur celui‑ci. Le colis a été accepté par Tasha Roussel, qui a signé pour celui‑ci en utilisant un nom différent et a livré le colis à M. Mannings. M. Mannings a pris le colis et s’est enfui afin d’échapper à la police présente sur les lieux. Il a laissé tomber le colis et a couru sur une courte distance avant d’être arrêté.

[9]  Le 23 octobre 2017, M. Mannings a été informé par l’ASFC qu’il y avait des motifs raisonnables de croire qu’il était interdit de territoire au Canada en application de l’alinéa 36(1)a) de la Loi. Il a été invité à présenter des observations [traduction« expliquant pourquoi une mesure de renvoi ne devrait pas être demandée » et à fournir [traduction« des détails pertinents pour [son] affaire », y compris, sans s’y limiter, son âge au moment de l’arrivée, les cours qu’il a suivis, le soutien familial et communautaire et l’ampleur des difficultés qui seraient occasionnées s’il était renvoyé. Le conseil de M. Mannings a présenté des observations à l’ASFC le 22 janvier 2018.

[10]  Le 12 mars 2018, l’ASFC a envoyé une lettre au conseil de M. Mannings afin de convoquer ce dernier à une entrevue concernant son interdiction de territoire.

[11]  M. Mannings raconte qu’il a assisté à l’entrevue le 27 mars 2018 sans son conseil, suivant l’avis de celui‑ci selon lequel l’entrevue porterait uniquement sur son interdiction de territoire pour grande criminalité et pour qu’il n’ait pas à payer les honoraires du conseil.

[12]  Le 23 avril 2018, l’ASFC a avisé M. Mannings qu’il y avait également des motifs raisonnables de croire qu’il était interdit de territoire au Canada en application de l’alinéa 37(1)b) de la Loi. Encore une fois, il a été invité à formuler des observations.

[13]  En juin 2018, le nouveau conseil de M. Mannings a correspondu avec l’ASFC pour demander la divulgation du fondement des motifs prévus à l’alinéa 37(1)b), citant l’obligation d’équité qui lui incombait. L’ASFC a refusé, signalant que la communication serait fournie si un renvoi au titre de l’alinéa 37(1)b) était fait à la SI.

[14]  Le 16 juillet 2018, le conseil de M. Mannings a de nouveau demandé une communication ainsi qu’une prolongation de 30 jours du délai pour présenter des observations, en attente d’une réponse à leur demande d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels.

[15]  Le 25 juin et le 8 août 2018, l’ASFC a communiqué avec M. Mannings pour lui rappeler la date limite du 30 août 2018 pour présenter des observations fondées sur des motifs d’ordre humanitaire.

[16]  Le 30 août 2018, M. Mannings a produit ses observations.

[17]  Le 9 octobre 2018, la déléguée du ministre a signé les rapports établis en vertu du paragraphe 44(2), qui exposaient sa recommandation et son renvoi à la SI. M. Mannings explique qu’il n’a pas appris que son cas avait été déféré pour enquête avant le 9 août 2019, quand il a reçu les rapports en réponse à sa demande de mandamus afin qu’une décision soit rendue. M. Mannings signale que la SI n’a pas encore fixé la date de son enquête et qu’elle n’a aucune trace des renvois.

II.  Décisions faisant l’objet du contrôle

A.  Le rapport de l’agent et la recommandation de la déléguée du ministre conformément à l’alinéa 36(1)a) (grande criminalité)

1)  Le rapport de l’agent

[18]  Le rapport de l’agent (daté du 5 octobre 2018) est organisé en fonction de plusieurs rubriques : nature de l’interdiction de territoire (des interdictions de territoire), motifs d’ordre humanitaire et autres renseignements, recommandation et justification, et liste des pièces jointes.

[19]  En ce qui concerne la nature de l’interdiction de territoire, l’agent a pris note de l’information de la transcription de la Cour supérieure de justice de l’Ontario en ce qui concerne la déclaration de culpabilité et la condamnation de M. Mannings, y compris la valeur de revente de la cocaïne, estimée à 77 040 $ CA. L’agent a aussi souligné que M. Mannings a déclaré que les faits décrits à la Cour étaient exacts.

[20]  Pour ce qui est des motifs d’ordre humanitaire et des autres renseignements, l’agent a pris acte des lettres de soutien, y compris celles du père, du frère et de la sœur de M. Mannings.

[21]  L’agent a aussi reconnu les observations de M. Mannings selon lesquelles il a terminé sa dixième année et des cours supplémentaires pendant son incarcération et qu’il a dit vouloir terminer ses études secondaires, enfin, qu’il travaillait actuellement à la « House of Metals ». L’agent a fait observer que M. Mannings a continué de toucher des prestations d’aide sociale, mais qu’il avait mentionné qu’il venait d’aviser les autorités compétentes de son emploi. L’agent a reconnu la déclaration de M. Mannings selon laquelle il fournit chaque mois 400 € à sa fille, qui vit à l’extérieur du Canada, et 300 $ à sa mère, qui vit au Guyana. L’agent a aussi souligné que M. Mannings ne possède pas de maison ou de véhicule et qu’il a plusieurs dettes.

[22]  En ce qui a trait aux observations de M. Mannings au sujet de sa réadaptation, l’agent s’est reporté à l’affidavit de M. Mannings, qui décrivait le rôle qu’il a joué avec Mme Roussel pour importer de la cocaïne de Trinité‑et‑Tobago et la reconnaissance de sa responsabilité pour avoir volontairement participé à une infraction criminelle grave.

[23]  Toutefois, l’agent a fait remarquer que, lors de son entrevue le 27 mars 2018, M. Mannings avait dit que Mme Roussel [traduction« [l’]avait appelé et [lui] avait seulement dit de l’aider à recevoir une boîte […] elle a dit qu’elle a une boîte qu’elle veut qu’[il] garde, puis elle est venue et [lui] a juste remise à l’école ». Questionné au sujet du numéro de suivi, il a nié toute connaissance et a laissé entendre qu’il avait été placé dans son sac à dos et que [traduction« les policiers responsables du cas voulaient [l’]épingler ». L’agent a ajouté que, quand on lui a demandé pourquoi il a plaidé coupable, M. Mannings a répondu que son avocat avait négocié un accord.

[24]  L’agent a reconnu l’affirmation de M. Mannings selon laquelle les membres de sa famille, sa petite amie et lui subiraient tous des difficultés s’il était renvoyé. L’agent a aussi pris note des observations faites concernant les conditions défavorables dans le pays, y compris les difficultés économiques au Guyana.

[25]  Sous la rubrique « Recommandation et justification », l’agent a une fois de plus souligné que M. Mannings avait été reconnu coupable d’une infraction criminelle grave et qu’il s’était vu imposer une peine relativement longue.

[26]  L’agent a conclu que les déclarations conflictuelles de M. Mannings – à l’entrevue, dans son affidavit et au tribunal – par rapport au fait de savoir s’il avait assumé la responsabilité des infractions remettaient en question sa crédibilité. L’agent n’a pas été en mesure de conclure que M. Mannings [traduction« pouvait être réputé être réadapté ».

[27]  L’agent a reconnu que M. Mannings vivrait une période de séparation et de transition s’il était renvoyé au Guyana, puisque sa petite amie et les membres de sa famille résident au Canada. Cependant, l’agent a conclu que l’effet serait temporaire et qu’il pourrait continuer d’apporter une certaine forme de soutien à sa famille, ainsi qu’à sa fille. L’agent a jugé que les autres membres de sa famille au Guyana pourraient lui apporter une certaine forme de soutien à son retour.

[28]  L’agent a également reconnu que M. Mannings avait travaillé et qu’il avait été musicien de reggae au Guyana et au Canada. L’agent n’était pas convaincu que M. Mannings ne pourrait pas reprendre sa carrière musicale au Guyana.

[29]  L’agent a conclu que les motifs d’ordre humanitaire ne l’emportaient pas sur la gravité de la criminalité de M. Mannings et il a exprimé l’avis que la délivrance d’une lettre d’avertissement ne serait pas appropriée. L’agent a recommandé que le cas de M. Mannings soit déféré pour enquête.

2)  La décision de la déléguée du ministre

[30]  La déléguée du ministre a examiné le rapport de l’agent le 9 octobre 2020, a souscrit à la recommandation de l’agent et a fourni de brefs motifs supplémentaires. La déléguée du ministre a conclu qu’il ne serait pas approprié de délivrer une lettre d’avertissement ou de ne pas déférer le cas de M. Mannings à la SI pour enquête.

B.  Le rapport de l’agent et la recommandation de la déléguée du ministre au titre de l’alinéa 37(1)a)

1)  Le rapport de l’agent

[31]  Le rapport de l’agent concernant l’interdiction de territoire de M. Mannings au titre de l’alinéa 37(1)b) décrit les mêmes renseignements, sous les rubriques respectives du rapport, que ceux figurant dans le rapport établi en vertu de l’alinéa 36(1)a).

[32]  L’agent a souligné que, le 23 avril 2018, M. Mannings avait été invité à présenter des observations expliquant pourquoi son cas ne pouvait pas être déféré pour enquête en vertu de l’alinéa 37(1)b) et qu’il a fini par en présenter après que plusieurs prolongations concernant la réception des observations ont été accordées. L’agent a souligné que, au bout du compte, M. Mannings s’est appuyé sur les mêmes observations concernant les motifs d’ordre humanitaire que celles présentées au titre de l’alinéa 36(1)a).

[33]  Dans la recommandation et la justification, l’agent a conclu que les éléments de preuve à sa disposition soutenaient les motifs raisonnables de croire que M. Mannings avait joué un rôle dans une activité de criminalité organisée transnationale, soit l’importation de cocaïne. L’agent a de nouveau noté la déclaration de culpabilité de M. Mannings, la longue peine, les circonstances entourant l’infraction et son récit incohérent au sujet de la raison pour laquelle il a plaidé coupable. L’agent n’a pas été en mesure de conclure que M. Mannings était réadapté.

[34]  En ce qui concerne les motifs d’ordre humanitaire, l’agent a rappelé les commentaires et les conclusions du rapport de l’agent concernant l’alinéa 36(1)a).

[35]  L’agent n’était pas convaincu que les motifs d’ordre humanitaire l’emportaient sur la gravité de la participation de M. Mannings à une activité de criminalité organisée transnationale. L’agent a de nouveau reconnu que, s’il est réputé être interdit de territoire, M. Mannings n’aurait pas le droit d’interjeter appel à la Section d’appel de l’immigration [SAI].

2)  La décision de la déléguée du ministre

[36]  La déléguée du ministre a examiné le rapport de l’agent le 9 octobre 2020, a souscrit à l’évaluation et à la recommandation de l’agent et a fourni de brefs motifs supplémentaires. La déléguée du ministre a conclu que la délivrance d’une lettre d’avertissement ou le non‑renvoi du cas ne seraient pas des options appropriées dans les circonstances.

III.  Questions en litige et norme de contrôle

[37]  M. Mannings fait valoir que les décisions de la déléguée du ministre de déférer son cas à la SI pour enquête au titre des alinéas 36(1)a) et 37(1)b) sont toutes les deux déraisonnables.

[38]  M. Mannings soutient également – en ce qui concerne le renvoi au titre de l’alinéa 37(1)b) – que l’agent a contrevenu à l’équité procédurale et que, par conséquent, le renvoi par la déléguée du ministre devrait être annulé.

[39]  La norme de contrôle du rapport et de la recommandation de l’agent et de la recommandation de la déléguée du ministre est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 10, [2019] ACS no 65 [Vavilov]).

[40]  Dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême du Canada donne de vastes indications sur ce qui constitue une décision raisonnable et sur l’application de cette norme de contrôle. Elle doit se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité (aux para 99‑100).

[41]  La cour de révision doit entreprendre son enquête sur le caractère raisonnable d’une décision en examinant les motifs donnés avec une attention respectueuse et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour arriver à sa conclusion. La décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, aux para 105‑110).

[42]  Le rapport de l’agent est considéré comme partie prenante du raisonnement de la déléguée du ministre (Burton c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 753 au para 16, 295 ACWS (3e) 825).

[43]  Les questions de procédure doivent être examinées selon la norme de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 43, [2009] 1 RCS 339). Comme cela a été souligné dans l’arrêt Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 34, [2018] ACF no 382 (QL), la norme de la décision correcte renvoie davantage à une conclusion selon laquelle lorsqu’il y a manquement à l’équité procédurale, il n’est pas nécessaire de faire preuve de déférence.

[44]  La Cour doit évaluer la portée de l’obligation d’équité procédurale dans le contexte d’un rapport établi en vertu de l’article 44 et se demander s’il y a eu manquement à cette obligation, comme le fait valoir M. Mannings.

IV.  Les observations du demandeur

A.  Alinéa 36(1)a)

[45]  M. Mannings soutient que la décision de la déléguée du ministre de déférer son cas en vue d’une enquête au titre de l’alinéa 36(1)a) n’est pas raisonnable pour plusieurs raisons.

[46]  Premièrement, M. Mannings soutient que l’agent a commis une erreur en n’appliquant pas les lignes directrices figurant dans le guide sur l’exécution de la loi concernant les rapports établis en vertu de l’article 44. Il soutient que le guide ENF 6 demande aux agents de prendre en considération plusieurs facteurs, y compris l’âge au moment de l’établissement, la durée de résidence, le soutien familial, les conditions dans le pays d’origine, la criminalité et le degré d’établissement. Il affirme que l’agent n’a pris en considération que certains de ces facteurs.

[47]  M. Mannings attire également l’attention sur la section 8.3 du guide ENF 5, qui décrit les facteurs qu’un agent doit prendre en considération au moment de préparer un rapport fondé sur une grande criminalité. M. Mannings affirme que l’agent n’a pas tenu compte du fait qu’il n’avait jamais auparavant fait l’objet d’une déclaration de culpabilité et qu’il n’a pas été impliqué dans d’autres activités criminelles, et qu’il s’est plutôt exclusivement concentré sur sa déclaration de culpabilité liée à l’importation de cocaïne.

[48]  Deuxièmement, M. Mannings fait valoir que l’agent n’a pas tenu compte de motifs d’ordre humanitaire importants – en particulier sa réadaptation, son établissement au Canada et les conditions dans son pays d’origine. Il soutient que, conformément à la décision McAlpin c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 422 [McAlpin], interprétée à la lumière de l’arrêt Vavilov, une évaluation plus exhaustive des motifs d’ordre humanitaire est requise et que les motifs de l’agent et de la déléguée du ministre doivent refléter le fil de l’analyse et expliquer pourquoi des motifs ont été rejetés.

[49]  M. Mannings avance que l’agent a commis une erreur en se concentrant sur sa déclaration de culpabilité sans tenir compte d’éléments de preuve cruciaux à l’égard de sa réadaptation. Il soutient que l’agent a négligé le fait qu’il ne compte qu’une seule déclaration de culpabilité et qu’il n’a pas tenu compte des motifs du juge ayant imposé la peine, lesquels soulignaient des facteurs atténuants et son potentiel de réadaptation, ce qui a entraîné une peine plus courte que la moyenne pour l’infraction.

[50]  M. Mannings estime que l’agent n’a pas non plus tenu compte de son degré d’établissement; il a signalé qu’il est au Canada depuis 14 ans, qu’il bénéficie d’un soutien et de liens familiaux et qu’il a pris part à la scène et à la communauté musicales.

[51]  Selon M. Mannings, l’agent n’a pas non plus tenu compte des conditions au Guyana, y compris l’absence de possibilités économiques, la pauvreté généralisée, la faiblesse du système de soins de santé, l’étendue de la criminalité et de la violence et l’inefficacité des services de police au Guyana.

[52]  Troisièmement, M. Mannings soutient de façon plus générale que l’agent et la déléguée du ministre n’ont ni reconnu ni exercé leur vaste pouvoir discrétionnaire de ne pas recommander le renvoi du cas en vue d’une audience. Il soutient que le libellé des paragraphes 44(1) et (2) – « S’il estime », « peut établir un rapport circonstancié » et « peut déférer l’affaire » – signale le vaste pouvoir discrétionnaire dont jouissent les agents.

B.  Alinéa 37(1)b)

[53]  M. Mannings est d’avis que la recommandation de l’agent et le renvoi de la déléguée du ministre fondé sur son interdiction de territoire au titre de l’alinéa 37(1)b) sont déraisonnables pour les mêmes motifs que ceux signalés plus haut. En outre, il fait valoir que l’agent a commis une erreur en ne fournissant pas de motifs distincts et en ne procédant pas à une analyse juridique concernant l’applicabilité de l’alinéa 37(1)b). Il soutient que, conformément à l’arrêt Vavilov, lorsque la décision a des répercussions sévères sur les droits de l’individu visé, le décideur a une plus grande responsabilité pour ce qui est de fournir des motifs détaillés. Il prétend que, en plus de l’exigence qui consiste à évaluer raisonnablement ses observations concernant les motifs d’ordre humanitaire, l’agent et la déléguée du ministre doivent effectuer une évaluation raisonnable de la question du seuil – à savoir si les éléments de l’alinéa 37(1)b) ont été établis.

[54]  M. Mannings soutient en outre que l’agent a contrevenu à son droit à l’équité procédurale de trois façons, qui exigent cumulativement et individuellement l’annulation du renvoi.

[55]  Premièrement, M. Mannings avance que l’agent ne l’a pas informé du fait que son interdiction de territoire au titre de l’alinéa 37(1)b) serait prise en considération lorsqu’il a été convoqué à une entrevue concernant le motif visé par l’alinéa 36(1)b). Il affirme qu’il n’aurait pas renoncé à son droit de participer à une entrevue avec un conseil s’il avait su que ce motif serait examiné.

[56]  Deuxièmement, M. Mannings est d’avis que l’agent n’a pas communiqué les détails de son interdiction de territoire possible au titre de l’alinéa 37(1)b), malgré ses demandes répétées, de sorte qu’il lui a été impossible de répondre à la lettre du 23 avril 2018 qui l’invitait à présenter des observations sur la raison pour laquelle une mesure de renvoi ne devrait pas être demandée pour ce motif.

[57]  Troisièmement, M. Mannings soutient que l’agent a commis une erreur en limitant ses observations aux motifs d’ordre humanitaire. Selon lui, l’interdiction de territoire au titre de l’article 37 exige la preuve de ses éléments constituants, et l’agent l’a empêché de présenter des arguments de droit; ce faisant, l’agent a entravé son pouvoir discrétionnaire.

[58]  Par ailleurs, M. Mannings estime que, en guise de recours contre ce manquement, le renvoi devrait être annulé, et la Cour devrait ordonner la suspension des procédures, ce qui empêcherait l’ASFC de faire valoir ce motif d’interdiction de territoire.

V.  Les observations du défendeur

[59]  Le défendeur signale qu’un renvoi au titre de l’article 44 ne constitue pas une décision définitive quant à l’interdiction de territoire (Sharma c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CAF 319 au para 29 [Sharma]).

[60]  Le défendeur soutient que, même si l’agent et la déléguée du ministre ont peut‑être le pouvoir discrétionnaire de ne pas recommander le renvoi du cas en vue d’une audience, cela ne rend pas les deux décisions de déférer le cas de M. Mannings à la SI déraisonnables. Puisque M. Mannings a été reconnu coupable d’une infraction grave, qu’il a manifesté une absence de remords et qu’il a tenté de se soustraire à sa responsabilité, il était amplement loisible à la déléguée du ministre de déférer son cas pour une audience en se fondant sur les deux motifs.

[61]  Le défendeur soutient que le pouvoir discrétionnaire de l’agent pour tenir compte des motifs d’ordre humanitaire est limité (McAlpin, au para 70 et McLeish c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2020 CF 705 aux para 74‑86 [McLeish].

[62]  Le défendeur soutient que l’agent a examiné raisonnablement les motifs d’ordre humanitaire dans la justification concernant la recommandation et qu’il n’a pas fait abstraction de motifs d’ordre humanitaire importants. Le défendeur fait valoir que les éléments de preuve à l’égard de la réadaptation de M. Mannings n’étaient pas convaincants, pas plus que son établissement et ses attaches familiales ou les conditions au Guyana pris dans le contexte de la gravité de l’infraction.

[63]  Le défendeur souligne que, même si dans son affidavit M. Mannings a affirmé qu’il reconnaissait la responsabilité de son comportement et promettait de se réadapter, qu’il a plaidé coupable et admis les faits à l’appui de son plaidoyer de culpabilité devant le tribunal criminel, il a raconté une histoire différente dans son entrevue auprès de l’agent. M. Mannings a cherché à nier toute connaissance de l’importation de drogues avec Mme Roussel et il a dit qu’il avait inscrit un plaidoyer dans le cadre d’une transaction pénale. Le défendeur soutient que l’histoire incohérente de M. Mannings sape considérablement sa promesse de réadaptation et les remords qu’il a exprimés.

[64]  Par ailleurs, le défendeur soutient qu’il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale, signalant que l’étape visée à l’article 44 n’entraîne l’application que de peu de droits participatifs (Slemko c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2020 CF 718 au para 30; Lin c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 862 au para 18 [Lin]).

[65]  Selon le défendeur, un agent n’est pas tenu de procéder à l’entrevue d’un résident permanent ou d’un ressortissant étranger pour ce qui est de la préparation d’un rapport rédigé en vertu du paragraphe 44(1).

[66]  Le défendeur signale que la transcription de l’entrevue de mars 2018 révèle que l’agent a averti M. Mannings qu’il avait le droit d’être représenté par un conseil et qu’il n’était pas obligé de dire quoi que ce soit, mais que tout ce qu’il dirait pourrait être utilisé comme preuve. L’agent a informé M. Mannings que l’enquête relative à son interdiction de territoire pourrait comprendre d’autres motifs. Il a aussi souligné que l’entrevue visait à recueillir des renseignements et a répété qu’il n’avait pas pris une décision définitive concernant l’interdiction de territoire de M. Mannings à ce moment‑là.

[67]  Le défendeur ajoute que l’agent n’a décidé de procéder à l’évaluation de l’interdiction de territoire au titre de l’alinéa 37(1)b) que près d’un mois plus tard, moment où l’agent a envoyé à M. Mannings le rapport rédigé en vertu du paragraphe 44(1) relativement à l’alinéa 37(1)b). M. Mannings s’est vu fournir plusieurs occasions, y compris des prorogations de délai, pour présenter des observations écrites en guise de réponse.

[68]  Le défendeur soutient que la seule obligation d’un agent en matière de communication est de transmettre des renseignements qui sont importants et par ailleurs inconnus du résident permanent ou du ressortissant étranger et non accessibles par lui (Jeffrey c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 1180 au para 30 [Jeffrey]).

[69]  Le défendeur reconnaît les remarques incidentes de la Cour dans les affaires Durkin c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 174 [Durkin] et Jeffrey, qui donnent à penser qu’il peut être plus efficace pour l’ASFC de transmettre une communication sur demande, mais signale que les décisions en cause sont survenues avant les décisions Durkin et Jeffrey. Qui plus est, en l’espèce, M. Mannings connaissait le fondement de son interdiction de territoire possible au titre de l’alinéa 37(1)b).

[70]  Le défendeur remet en question le fait que l’agent a entravé son pouvoir discrétionnaire, signalant que M. Mannings ne s’est pas vu interdire de présenter les observations qu’il souhaitait fournir, puisqu’il a été invité à le faire.

[71]  Le défendeur soutient que, si la Cour devait conclure que le renvoi effectué au titre de l’alinéa 37(1)b) est déraisonnable ou qu’il découle de l’iniquité procédurale, le recours approprié consiste à déférer le cas pour nouvel examen. Le défendeur est d’avis que les critères concernant la suspension des procédures n’ont pas été respectés.

VI.  La décision de la déléguée du ministre de déférer le cas de M. Mannings pour une audience relativement aux deux motifs est raisonnable

[72]  Le point de départ pour réagir aux observations de M. Mannings concernant le fait que les renvois ne sont pas raisonnables, c’est de mettre en contexte le processus visé à l’article 44. Les dispositions légales sont présentées à l’ANNEXE A.

[73]  Dans l’arrêt Sharma, la Cour d’appel fédérale a déclaré que, même si un rapport fondé sur le paragraphe 44(1) et un renvoi fondé sur le paragraphe 44(2) « sont importants en ce sens qu’[ils] déclenchent le processus qui, en définitive, peut dépouiller l’appelant de son statut de résident permanent, [ils] n’ont pour ce dernier aucune conséquence immédiate et pratique ».

[74]  Comme cela est expliqué dans la jurisprudence (par exemple Sharma, au para 29, Lin, aux para 10‑13), une recommandation et un renvoi à l’étape visée à l’article 44 ne constituent pas une décision définitive. Le processus visé à l’article 44 consiste à établir, d’après l’opinion de l’agent et l’examen par la déléguée du ministre de cette opinion, si le cas du ressortissant étranger ou du résident permanent devrait être déféré à la SI pour enquête. L’agent et la déléguée du ministre n’établissent pas l’admissibilité. La SI rend la décision relative à l’admissibilité, et des observations sur des questions de fait et de droit peuvent être formulées à cette étape.

[75]  L’agent et la déléguée du ministre ont deux choix : envoyer une lettre d’avertissement ou renvoyer le résident permanent ou le ressortissant étranger à la SI pour enquête. Le résident permanent ou le ressortissant étranger est invité à formuler des observations sur la raison pour laquelle le renvoi ne devrait pas être effectué, ce qui peut comprendre des motifs d’ordre humanitaire. Ces observations, ainsi que les autres renseignements pertinents, guident l’agent et la déléguée du ministre.

[76]  La jurisprudence actuelle confirme que les agents et les délégués du ministre ont un pouvoir discrétionnaire limité pour tenir compte des motifs d’ordre humanitaire. Les agents ne sont pas tenus de tenir compte des motifs d’ordre humanitaire lorsqu’ils formulent leur recommandation, pas plus que les délégués du ministre ne doivent en tenir compte au moment d’établir s’il convient de renvoyer un résident permanent ou un ressortissant étranger pour enquête (McAlpin, au para 70, McLeish aux para 74‑75). Dans l’affaire McAlpin, le juge en chef a expliqué ce qui est attendu des agents et des délégués du ministre lorsqu’ils tiennent compte des motifs d’ordre humanitaire au moment de formuler une recommandation et d’exposer leur raisonnement.

[77]  Dans la décision McAlpin, le juge en chef a tenu compte des orientations fournies dans les arrêts Sharma, Canada (Citoyenneté et Immigration) c Bermudez, 2016 CAF 131 et Cha c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 126, [2006] ACF no 491 [Cha], ainsi que des différents objectifs de l’article 44 et de l’article 25 de la Loi. Le juge en chef a reconnu une certaine incertitude dans la jurisprudence concernant l’étendue du pouvoir discrétionnaire d’un agent et d’un délégué du ministre pour tenir compte des motifs d’ordre humanitaire et, au paragraphe 70, il a précisé les principes préalablement établis dans la décision Melendez c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 1363, afin de fournir d’autres précisions.

[78]  Le juge en chef a rappelé que le pouvoir discrétionnaire de tenir compte des motifs d’ordre humanitaire au titre de l’article 44 est très limité et que l’agent n’est pas obligé de tenir compte de tels motifs. Toutefois, le juge en chef a expliqué que, dans les cas où les motifs d’ordre humanitaire sont pris en compte par un agent ou un délégué du ministre, leur évaluation doit être raisonnable compte tenu des circonstances de l’affaire (au para 70) :

4. Toutefois, dans les cas où les motifs d’ordre humanitaire sont pris en compte par un agent ou un délégué du ministre pour expliquer le raisonnement d’une décision qui est prise en vertu des paragraphes 44(1) ou (2), l’évaluation de ces facteurs devrait être raisonnable, compte tenu des circonstances de l’affaire. Dans les cas où ces facteurs sont rejetés, une explication doit être fournie, ne serait‑ce que de nature très brève.

5. Dans ce contexte particulier, une évaluation raisonnable est celle qui tient au moins compte des motifs d’ordre humanitaire les plus importants qui ont été relevés par la personne présumée être interdite de territoire, même en énonçant seulement ces facteurs, pour démontrer qu’ils ont été pris en compte. L’omission de mentionner tout motif d’ordre humanitaire qui a été relevé, quand il faudrait prendre en compte tous les motifs d’ordre humanitaire qui ont été soulevés, peut très bien être déraisonnable.

[Non souligné dans l’original.]

[79]  Comme l’a fait remarquer le défendeur, des questions précises concernant l’étendue du pouvoir discrétionnaire à l’étape visée à l’article 44 ont été certifiées dans les décisions Surgeon c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 1314, Lin et Cheng c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 1318. Si la Cour d’appel répond à ces questions, des balises ou des certitudes supplémentaires seront fournies.

[80]  En l’espèce, toutefois, la question est non pas la portée de ce pouvoir discrétionnaire, mais le fait de savoir si l’agent et la déléguée du ministre ont raisonnablement pris en considération les motifs d’ordre humanitaire importants au moment de formuler la recommandation et le renvoi. De toute évidence, l’agent et la déléguée du ministre ont exercé leur pouvoir discrétionnaire pour tenir compte des motifs d’ordre humanitaire pertinents.

[81]  M. Mannings soutient que la décision McAlpin doit maintenant être interprétée à la lumière de l’arrêt Vavilov et que, en conséquence, les motifs de l’agent et de la déléguée du ministre doivent satisfaire à une norme plus rigoureuse pour montrer que le renvoi est justifié, intelligible et transparent. À mon avis, l’arrêt Vavilov aide les tribunaux à adapter les principes au contexte. Le contexte d’un rapport établi en vertu de l’article 44, qui est une opinion et une recommandation, n’exige pas de motifs détaillés supplémentaires outre ce qui est mentionné dans la décision McAlpin. Il convient de se rappeler que, dans l’arrêt Vavilov (aux para 102‑105), la Cour suprême du Canada a signalé qu’une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti.

[82]  Comme je l’explique plus bas, les motifs de l’agent et de la déléguée du ministre expliquent pourquoi les recommandations et les renvois ont été faits et justifient les conclusions selon lesquelles il y a des motifs raisonnables de croire que M. Mannings est interdit de territoire au Canada en faisant référence aux facteurs pertinents, y compris les motifs d’ordre humanitaire.

A.  Alinéa 36(1)b)

[83]  Contrairement aux observations de M. Mannings, l’agent n’a pas omis de tenir compte des facteurs énoncés dans le guide ENF. D’abord, le guide ENF ne représente pas la loi (Sharma, au para 46); plutôt, il offre aux agents une orientation pour préparer des rapports en vertu de l’article 44. Ensuite, le rapport de l’agent montre qu’il a tenu compte des facteurs pertinents. L’agent a tenu compte de l’âge de M. Mannings et du fait qu’il est arrivé au Canada en 2006. Il a reconnu les observations de M. Mannings concernant son établissement, y compris son emploi et sa musique, sa situation familiale et ses responsabilités, ainsi que les conditions au Guyana. L’agent a aussi tenu compte de la gravité de l’infraction de M. Mannings, de ses antécédents criminels et de ses déclarations incohérentes concernant son rôle dans l’infraction.

[84]  L’agent n’a pas fait abstraction de l’orientation fournie dans le guide ENF 5, qui décrit les facteurs pouvant être pris en considération lorsque la grande criminalité est en cause. Les rapports de l’agent ont examiné tous les facteurs pertinents : le fait de savoir si la réadaptation est imminente et susceptible d’être favorable; les infractions criminelles passées; les activités criminelles ou actes criminels organisés; la peine proprement dite; les circonstances entourant l’incident; et le fait de savoir si la déclaration de culpabilité supposait des actes de violence ou des drogues.

[85]  Contrairement aux observations de M. Mannings, ni l’agent ni la déléguée du ministre n’ont fait abstraction des motifs d’ordre humanitaire importants. Plutôt, ils ont conclu que les facteurs atténuants ne l’emportaient pas sur la gravité de l’infraction. La justification et recommandation de l’agent saisit bien les principaux facteurs qui ont aussi été notés sous d’autres rubriques dans le rapport. Comme le mentionne l’arrêt Sharma (au para 23), à l’étape visée à l’article 44, l’agent et le délégué du ministre gardent à l’esprit la sécurité et non pas les motifs d’ordre humanitaire, car ceux‑ci peuvent être examinés dans d’autres demandes (le cas échéant). Cela reflète l’intention du législateur de faire de la sécurité une priorité dans la Loi, comme en témoignent ses objectifs (art 3).

[86]  L’agent a noté que M. Mannings avait été reconnu coupable d’une infraction criminelle grave, qu’il s’était vu infliger une peine relativement longue et que le juge ayant imposé la peine s’était exprimé sur les méfaits causés par la cocaïne.

[87]  L’agent a également conclu que les déclarations conflictuelles de M. Mannings – à l’entrevue, dans son affidavit et devant le tribunal – sur le fait de savoir s’il assumait la responsabilité des infractions remettaient en question sa crédibilité.

[88]  Même si M. Mannings soutient que des éléments de preuve cruciaux à l’égard de sa réadaptation ont été négligés, les éléments de preuve ne consistent qu’en les observations de M. Mannings récitant son propre affidavit et les lettres de soutien de membres de la famille qui affirment qu’il a changé ou qu’il changera. L’agent a conclu raisonnablement qu’il n’était pas convaincu par rapport aux promesses de réadaptation en raison des déclarations incohérentes de M. Mannings, particulièrement lors de son entrevue, où il a décrit différemment le rôle qu’il avait joué dans l’infraction, a nié sa participation active et a dit qu’il avait inscrit un plaidoyer de culpabilité afin de garantir sa sortie de prison en fonction de la peine qu’il avait déjà purgée. M. Mannings a formulé d’autres commentaires à l’entrevue, disant notamment qu’il avait commis une erreur (qui semble concerner la raison pour laquelle il s’est lié à Mme Roussel) et exprimant des regrets dans un échange, mais ses commentaires dans son ensemble n’enlèvent rien à la conclusion de l’agent concernant le manque d’éléments de preuve convaincants à l’égard d’une réadaptation.

[89]  Contrairement aux observations de M. Mannings, l’agent n’a pas fait abstraction des motifs du juge qui a imposé la peine. Même si M. Mannings fait valoir que le juge qui a imposé la peine a soulevé des facteurs atténuants et son potentiel de réadaptation, ce qui a entraîné l’imposition d’une peine inférieure à la tendance pour l’infraction relative à l’importation, l’agent a conclu qu’une peine relativement longue avait été imposée et a souligné que le juge ayant imposé la peine s’est exprimé au sujet de la complexité du stratagème d’importation et des méfaits causés par la cocaïne. L’agent n’avait pas l’obligation de parvenir à la même conclusion concernant le potentiel de réadaptation de M. Mannings, puisque le rôle de l’agent est très différent de celui du juge qui impose la peine. De plus, les motifs du juge ayant imposé la peine sont brefs et signalent des facteurs aggravants et des facteurs atténuants, et la peine imposée reflétait une observation conjointe de la Couronne et du conseil de M. Mannings.

[90]  L’agent n’a pas négligé le fait que M. Mannings n’avait jamais auparavant fait l’objet d’une déclaration de culpabilité, mais il a raisonnablement fait observer qu’il était en probation au moment de l’infraction relative à l’importation pour d’autres infractions semblables en matière de drogue, à l’égard desquelles les accusations ont été suspendues en raison du retard à procéder à l’instruction.

[91]  L’agent n’a pas non plus fait fi des éléments de preuve à l’égard de l’établissement de M. Mannings, qui étaient faibles. Il a tenu compte du fait qu’il avait travaillé, qu’il avait des attaches familiales au Canada et des obligations familiales et qu’il s’était montré actif sur la scène musicale reggae. L’agent a aussi reconnu que M. Mannings vivrait une période de séparation et de transition s’il retournait au Guyana.

[92]  L’agent n’avait pas l’obligation de faire une évaluation plus détaillée des conditions au Guyana. Il a affirmé qu’il avait pris en considération l’ensemble des observations et des renseignements au dossier, et il n’y a aucune raison de douter qu’il l’a fait. En outre, dans sa justification, l’agent signale que M. Mannings a des membres de la famille au Guyana et que, après une période de transition, il pourrait se rétablir, ce qui montre que l’agent n’était pas convaincu que les conditions dans le pays étaient un facteur atténuant important.

[93]  Dans ses motifs, la déléguée du ministre précise qu’elle a conclu que le seuil du caractère raisonnable concernant l’interdiction de territoire au titre de l’alinéa 36(1)a) avait été atteint. La déléguée du ministre a jugé que, même s’il y avait quelques motifs d’ordre humanitaire atténuants (signalant l’emploi, le soutien familial et la durée de la période passée au Canada), l’acte qui consiste à organiser et à orchestrer l’importation au Canada de substances illégales a des répercussions graves sur la société. La déléguée du ministre a raisonnablement conclu qu’il ne serait pas approprié d’envoyer une lettre d’avertissement et qu’un renvoi devrait être ordonné.

B.  Alinéa 37(1)b)

[94]  La recommandation de l’agent et la décision de la déléguée du ministre selon lesquelles il y avait des motifs raisonnables de croire que M. Mannings était interdit de territoire au titre de l’alinéa 37(1)b) sont également raisonnables pour les mêmes motifs que ceux signalés précédemment.

[95]  M. Mannings prétend que les conséquences de l’interdiction de territoire attribuable à la criminalité organisée transnationale sont plus grandes et que des motifs plus exhaustifs doivent être invoqués, en particulier pour tenir compte des éléments énumérés à l’alinéa 37(1)b). Je ne suis pas d’accord pour dire que des motifs distincts ou supplémentaires étaient requis. Les observations présentées par M. Mannings en réponse à la lettre de l’ASFC du 23 avril 2018 concernant le motif exposé à l’alinéa 37(1)b) demandaient à l’agent de tenir compte des mêmes observations relatives aux motifs d’ordre humanitaire que celles déjà présentées par rapport au motif visé à l’alinéa 36(1)a). Les observations ne soulevaient aucun nouveau renseignement qui aurait fait appel à des motifs différents. L’agent a expressément conclu qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que M. Mannings était interdit de territoire pour criminalité organisée transnationale. La conclusion globale de l’agent demeurait que les facteurs atténuants ne l’emportaient pas sur la gravité de l’infraction.

[96]  Dans ses motifs, la déléguée du ministre a affirmé qu’elle était convaincue que le seuil des motifs raisonnables de croire que M. Mannings était interdit de territoire au titre de l’alinéa 37(1)b) avait été atteint. La déléguée du ministre a souligné qu’elle avait tenu compte des motifs d’ordre humanitaire et des observations formulées ainsi que des renseignements figurant au dossier. Elle a pris note des répercussions négatives si M. Mannings était renvoyé, y compris l’adaptation pour sa famille, son [traduction« recommencement » et sa réinsertion sociale sans sa famille, mais elle a conclu qu’il ne s’agissait pas d’obstacles insurmontables. La déléguée du ministre a aussi fait remarquer une considération importante, à savoir que le renvoi entraînerait la perte du droit d’interjeter appel s’il était réputé être interdit de territoire. Toutefois, elle a conclu que la récente déclaration de culpabilité de M. Mannings et son absence de remords ou d’acceptation étaient des facteurs défavorables. La déléguée du ministre a conclu de manière raisonnable qu’il ne serait pas approprié, dans les circonstances, d’envoyer une lettre d’avertissement et qu’un renvoi devrait être fait.

[97]  Contrairement aux observations de M. Mannings, je ne crois pas que la déléguée du ministre n’a pas tenu compte du fait de savoir si les exigences énoncées à l’alinéa 37(1)b) ont été établies. Elle a clairement examiné le seuil requis, quoique brièvement. Je signale que la SI déterminera si les éléments d’une criminalité organisée transnationale ont été établis avant d’appuyer une conclusion d’interdiction de territoire pour ce motif.

[98]  Même si M. Mannings peut souhaiter interpréter différemment les éléments de preuve et espérer que plus de poids soit attribué aux motifs d’ordre humanitaire qu’à la gravité de sa criminalité, il revient à l’agent et à la déléguée du ministre d’établir le poids qu’il convient d’attacher aux facteurs pertinents.

[99]  Les motifs de l’agent et de la déléguée du ministre font comprendre pourquoi les recommandations et les renvois ont été faits. Dans sa justification, l’agent montre que les motifs d’ordre humanitaire ont été évalués de manière raisonnable, mais la gravité de la criminalité de M. Mannings était un facteur important. La recommandation est justifiée, transparente et intelligente au regard des faits et du droit régissant l’article 44. Les motifs supplémentaires de la déléguée du ministre montrent qu’elle a tenu compte des facteurs pertinents et expliqué pourquoi le renvoi avait été fait, insistant une fois de plus sur la gravité de la criminalité.

VII.  L’agent et la déléguée du ministre n’ont pas contrevenu à l’obligation d’équité procédurale qui leur incombait dans les circonstances

[100]  Dans l’arrêt Sharma, au paragraphe 34, la Cour d’appel fédérale a mentionné « qu’il est justifié d’accorder un degré relativement faible de droits de participation dans le contexte des paragraphes 44(1) et (2) ». La Cour d’appel a pris note des facteurs qui orientent la portée de l’obligation d’équité procédurale, tels qu’ils ont été établis dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999 CSC 699, et s’est concentrée sur les exigences voulant que la personne soit informée des faits qui ont déclenché le processus et se voie offrir la possibilité de présenter des observations.

[101]  En l’espèce, il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale découlant du comportement de l’agent ou du processus.

[102]  Comme l’a souligné le défendeur, il n’est pas nécessaire de faire une entrevue. Le résident permanent ou le ressortissant étranger n’ont pas plus le droit de faire l’objet d’une entrevue. Une entrevue – le cas échéant – vise à recueillir des renseignements. M. Mannings a été convoqué à une entrevue après avoir reçu un avis concernant son interdiction de territoire possible au titre de l’alinéa 36(1)a). À l’entrevue, il a été informé du fait que le but était de recueillir des renseignements et que les autres motifs de l’interdiction de territoire pourraient être pris en considération. M. Mannings était tout à fait au courant de sa déclaration de culpabilité pour l’importation de cocaïne et des circonstances connexes. La décision d’envisager l’interdiction de territoire pour criminalité organisée transnationale a été rendue plus tard, et M. Mannings a été informé de ce motif supplémentaire et invité à présenter des observations en réponse.

[103]  Même si M. Mannings soutient qu’il aurait assisté à l’entrevue avec son conseil s’il avait su que les autres motifs de l’interdiction de territoire seraient pris en considération, il a lui‑même témoigné à l’entrevue qu’il s’était présenté sans conseil afin d’économiser des coûts et parce qu’il croyait qu’il s’agirait d’une entrevue [traduction« normale ». En réponse aux questions de l’agent concernant la raison pour laquelle il avait plaidé coupable – puisqu’il s’était montré plutôt évasif au sujet de son rôle dans l’importation de cocaïne avec Mme Roussel  M. Mannings a souligné qu’il voulait assister à l’entrevue lui‑même. Il a dit ceci : [traduction« Je ne voulais pas venir avec un avocat, parce que je ne veux pas qu’il embellisse quoi que ce soit pour vous; d’accord? […] et sachez que je regrette toute décision que j’ai prise dans le passé […] ».

[104]  Il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale en raison du refus de l’ASFC de fournir une autre communication au sujet des détails concernant le motif d’interdiction de territoire prévu à l’alinéa 37(1)b).

[105]  Comme l’a fait observer le juge en chef dans la décision Jeffrey, aux paragraphes 30 et 33, lorsque des arguments semblables ont été soulevés, à l’étape visée à l’article 44, un résident permanent ou un ressortissant étranger n’a le droit que de recevoir la communication des renseignements qui sont importants et qui lui sont par ailleurs inconnus.

[106]  Au paragraphe 31, le juge en chef a aussi fait remarquer ceci :

[31]  Le législateur a expressément prévu, aux paragraphes 3 et 26 des Règles de la SI, que les autres renseignements pertinents doivent être communiqués après que la décision de mener une enquête relativement à l’interdiction de territoire a été prise.

[107]  Le juge en chef a rappelé ce point au paragraphe 35 :

[35]  En ce qui concerne les autres renseignements en la possession de l’agente, les articles 3 et 26 des Règles de la SI prévoient expressément que la divulgation des autres renseignements, outre ceux décrits précédemment, n’est requise qu’après que la décision de mener une enquête eut été prise.

[108]  Les commentaires du juge Barnes dans la décision Durkin (aux para 31‑32), donnant à penser que l’ASFC pourrait se montrer plus directe pour fournir une communication, sont incidents et n’imposent pas une plus grande obligation à l’ASFC de le faire, tout particulièrement lorsque le résident permanent détient déjà les renseignements. Comme il a été mentionné dans la décision Jeffrey, toute obligation de communication ultérieure surviendrait uniquement après le renvoi par le délégué du ministre à la SI.

[109]  Contrairement à l’argument de M. Mannings voulant qu’il n’ait reçu aucun avis [traduction« particulier » des motifs ni aucune communication, il a été avisé dans une lettre datée du 23 avril 2018, jointe au rapport, qu’il pourrait être interdit de territoire [traduction« pour avoir participé à un crime organisé de nature transnationale, c’est‑à‑dire à l’importation non autorisée de cocaïne au Canada ». Il a été invité à présenter des observations sur le fait de savoir pourquoi une mesure de renvoi ne devrait pas être prise.

[110]  M. Mannings a plaidé coupable et a avoué les faits à l’origine de sa déclaration de culpabilité pour avoir importé de la cocaïne de Trinité‑et‑Tobago. Puisqu’il était pleinement au courant de sa déclaration de culpabilité et de toutes les circonstances liées à l’infraction, il connaissait les [traduction« arguments à réfuter ». Une communication ultérieure n’était pas requise et n’aurait pas fourni de renseignements importants qui lui étaient inconnus (Jeffrey, aux para 30, 33).

[111]  Comme l’a souligné l’ASFC dans la lettre de réponse, une communication ultérieure serait fournie si un renvoi était fait. Cela reflète les Règles de la Section de l’immigration (art 3 et 26) telles qu’elles sont mentionnées dans l’affaire Jeffrey, aux paragraphes 31, 35.

[112]  L’agent n’a pas entravé son pouvoir discrétionnaire en demandant des observations fondées sur les motifs d’ordre humanitaire. Je dirais que les agents devraient faire preuve de plus de précision et de cohérence dans leur correspondance avec les résidents permanents ou les ressortissants étrangers en ce qui concerne la nature des observations, mais ce manque de précision ne s’élève pas au niveau d’un manquement à l’équité procédurale. Comme je l’ai mentionné, M. Mannings a été informé, dans la lettre du 23 avril 2018, qu’il devait présenter des observations sur les raisons pour lesquelles une mesure de renvoi ne devrait pas être prise. Les exemples mentionnés comprenaient, sans s’y limiter, des motifs d’ordre humanitaire. La correspondance ultérieure portait principalement sur les motifs d’ordre humanitaire, mais elle n’excluait pas d’autres observations. Le conseil a dit qu’il souhaitait présenter des observations juridiques, mais il ne l’a pas fait, même s’il a reconnu que la lettre du 23 avril 2018 mentionnait que tout renseignement pertinent pourrait être fourni et serait pris en considération.

[113]  M. Mannings aura également la possibilité de formuler des observations, y compris sur les critères juridiques concernant une conclusion d’interdiction de territoire au titre de l’alinéa 37(1)b), dans une enquête devant la SI.

[114]  Les allégations de M. Mannings individuellement ou cumulativement ne constituent pas un manquement à l’équité procédurale.

VIII.  Conclusion

[115]  À la lumière de mes conclusions selon lesquelles les décisions de la déléguée du ministre de renvoyer M. Mannings à la SI pour enquête sur les deux motifs sont raisonnables et qu’il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale, il n’est pas nécessaire d’examiner l’observation de M. Mannings selon laquelle une suspension de la procédure relativement à son interdiction de territoire au titre de l’alinéa 37(1)b) est justifiée.


JUGEMENT dans les dossiers IMM‑3943‑19 et IMM‑3946‑19

LA COUR ORDONNE :

  1. Les demandes de contrôle judiciaire sont rejetées.

  2. Aucune question n’a été certifiée, et la présente affaire n’en soulève aucune.

« Catherine M. Kane »

Juge


ANNEXE A

IX.  Les dispositions légales pertinentes

Grande criminalité

Serious criminality

36 (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants

36 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed;

37 (1) Emportent interdiction de territoire pour criminalité organisée les faits suivants :

37 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of organized criminality for

a) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle se livre ou s’est livrée à des activités faisant partie d’un plan d’activités criminelles organisées par plusieurs personnes agissant de concert en vue de la perpétration d’une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de la perpétration, hors du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une telle infraction, ou se livrer à des activités faisant partie d’un tel plan;

(a) being a member of an organization that is believed on reasonable grounds to be or to have been engaged in activity that is part of a pattern of criminal activity planned and organized by a number of persons acting in concert in furtherance of the commission of an offence punishable under an Act of Parliament by way of indictment, or in furtherance of the commission of an offence outside Canada that, if committed in Canada, would constitute such an offence, or engaging in activity that is part of such a pattern; or

b) se livrer, dans le cadre de la criminalité transnationale, à des activités telles le passage de clandestins, le trafic de personnes ou le recyclage des produits de la criminalité.

(b) engaging, in the context of transnational crime, in activities such as people smuggling, trafficking in persons or laundering of money or other proceeds of crime.

[…]

[…]

Perte de statut et renvoi

Loss of Status and Removal

Constat de l’interdiction de territoire

Report on Inadmissibility

Rapport d’interdiction de territoire

Preparation of report

44 (1) S’il estime que le résident permanent ou l’étranger qui se trouve au Canada est interdit de territoire, l’agent peut établir un rapport circonstancié, qu’il transmet au ministre.

44 (1) An officer who is of the opinion that a permanent resident or a foreign national who is in Canada is inadmissible may prepare a report setting out the relevant facts, which report shall be transmitted to the Minister.

Suivi

Referral or removal order

44 (2) S’il estime le rapport bien fondé, le ministre peut déférer l’affaire à la Section de l’immigration pour enquête, sauf s’il s’agit d’un résident permanent interdit de territoire pour le seul motif qu’il n’a pas respecté l’obligation de résidence ou, dans les circonstances visées par les règlements, d’un étranger; il peut alors prendre une mesure de renvoi.

44 (2) If the Minister is of the opinion that the report is well‑founded, the Minister may refer the report to the Immigration Division for an admissibility hearing, except in the case of a permanent resident who is inadmissible solely on the grounds that they have failed to comply with the residency obligation under section 28 and except, in the circumstances prescribed by the regulations, in the case of a foreign national. In those cases, the Minister may make a removal order.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

IMM‑3943‑19 et imm‑3946‑19

 

INTITULÉ :

MATUSSALA MANDELA MANNINGS c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 29 JUILLET 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE KANE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 12 AOÛT 2020

 

COMPARUTIONS :

Prasanna Balasundaram

 

POUR LE demandeur

 

Christopher Ezrin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Downtown Legal Service

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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