Décisions de la Cour fédérale

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Date : 20200826


Dossier : T‑507‑20

Référence : 2020 CF 853

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 août 2020

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

GUIDO AMSEL

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU MANITOBA

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le procureur général du Canada veut obtenir une ordonnance de la Cour afin de faire radier l’avis de demande que M. Guido Amsel a déposé à la Cour à Winnipeg (Manitoba) le 27 avril 2020. Pour les motifs qui suivent, la requête en radiation doit être accueillie.

[2]  M. Amsel est un détenu à l’Établissement Stony Mountain, au Manitoba. Il n’est pas représenté par un avocat.

[3]  Dans l’avis de demande qu’il a présenté à la Cour fédérale, il conteste un refus de lui donner accès à de l’information en vertu de Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée [la Loi], une loi provinciale du Manitoba. Le refus a été communiqué à M. Amsel le 18 mars 2020 par un agent du service de police de Winnipeg.

[4]  Dans sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur allègue que le raisonnement comportait des erreurs qui ont fait en sorte que le service de police de Winnipeg a conclu que l’information demandée en vertu de la loi provinciale constituait des renseignements à l’égard desquels la Loi ne s’applique pas.

[5]  Le procureur général du Canada allègue que la Cour n’a pas compétence pour instruire une demande de contrôle judiciaire visant une « décision » rendue par une entité provinciale en vertu d’une loi provinciale, soit la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée. Les demandes de contrôle judiciaire présentées devant la Cour fédérale ne peuvent viser que les décisions rendues par un office fédéral. Par conséquent, il est évident et manifeste que la demande de contrôle judiciaire n’a aucune chance de réussite.

[6]  En réplique, le demandeur a lui‑même présenté une requête en radiation de la requête en radiation du ministère public. Je considère la requête en radiation du demandeur comme le dossier de réponse de l’intimé visé aux paragraphes 369(2) et (3) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106.

[7]  Essentiellement, M. Amsel n’est pas en accord avec le principe selon lequel une décision rendue par une entité provinciale en vertu d’une loi provinciale ne peut accorder quelque compétence que ce soit à la Cour fédérale. Il soutient que le service de police de Winnipeg a commis une erreur en lui refusant l’accès aux dossiers qui l’aideraient à étayer sa prétention selon laquelle il a été condamné illégalement.

[8]  Selon M. Amsel, le fait que la Loi confère compétence à la Cour du Banc de la Reine du Manitoba n’empêche pas la Cour fédérale d’avoir compétence sur l’affaire, car il a le droit d’intenter un recours devant la cour de son choix.

[9]  La Cour fédérale n’a pas compétence pour instruire la demande de contrôle judiciaire en l’espèce. Elle peut certainement examiner les demandes de contrôle judiciaire, mais seulement lorsqu’un recours est intenté contre un office fédéral (art. 18(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7). L’article 2 de la Loi sur les Cours fédérales définit un « office fédéral » comme un « [c]onseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale [...] ». Le service de police de Winnipeg, qui tire son mandat d’une loi provinciale, n’est pas un office fédéral.

[10]  Pour qu’une requête en radiation puisse être accueillie, il doit être « évident et manifeste que l’action est vouée à l’échec parce qu’elle contient un tel vice fondamental [...] » (Hunt c Carey Canada Inc., [1990] 2 RCS 959, à la p 975). À l’inverse, s’il y a une chance de réussite, l’affaire devrait pouvoir suivre son cours. Le même critère s’applique aux demandes de contrôle judiciaire. Dans l’arrêt Canada (Revenu national) c JP Morgan Asset Management (Canada) Inc., 2013 CAF 250; [2014] 2 RCF 557 [JP Morgan Asset Management], la Cour a déclaré ce qui suit :

[47]  La Cour n’accepte de radier un avis de demande de contrôle judiciaire que s’il est « manifestement irrégulier au point de n’avoir aucune chance d’être accueilli » : David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., [1995] 1 C.F. 588 (C.A.), à la page 600. Elle doit être en présence d’une demande d’une efficacité assez radicale, un vice fondamental et manifeste qui se classe parmi les moyens exceptionnels qui infirmeraient à la base sa capacité à instruire la demande : Rahman c. Commission des relations de travail dans la fonction publique, 2013 CAF 117, au paragraphe 7; Donaldson c. Western Grain Storage By‑Products, 2012 CAF 286, au paragraphe 6; Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959.

[11]  Dans la plupart des cas, il peut être préférable pour une partie de comparaître à l’audition d’une demande de contrôle judiciaire et de faire valoir ses arguments sur le fond de l’affaire au début de l’audience (David Bull Laboratories (Canada) Inc. c Pharmacia Inc., [1995] 1 CF 588 à la page 597). Cependant, dans une affaire comme l’espèce où il est très clair que la Cour n’a pas compétence, le vice fondamental est évident et manifeste. Comme la Cour d’appel l’a conclu dans l’arrêt JP Morgan Asset Management, « [s]i l’avis de demande ne sollicite que des mesures qui ne peuvent être accordées, il doit être radié » (para 92). De toute évidence, c’est le cas en l’espèce. Il s’ensuit que la requête en radiation de l’avis de demande doit être accueillie. Le vice repéré dans cet avis de demande – l’absence de compétence de la Cour – est tel qu’on ne peut y remédier par une modification.

[12]  Le procureur général sollicite les dépens liés la requête en radiation, qu’il évalue à 374 $ (il ne demande pas le remboursement des débours). À mon avis, bien qu’il soit nécessaire d’imposer des dépens, ceux‑ci devraient se limiter à 100 $, taxes incluses, compte tenu de la situation du demandeur.


JUGEMENT dans le dossier T‑507‑20

LA COUR STATUE que :

  1. La requête en radiation de l’avis de demande de contrôle judiciaire est accueillie, sans autorisation de la modifier.

  2. Des dépens de 100 $, taxes incluses, sont adjugés.

« Yvan Roy »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

t‑507‑20

INTITULÉ :

GUIDO AMSEL c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU MANITOBA

LIEU DE L’AUDIENCE :

REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR ÉCRIT ET EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO) SOUS LE RÉGIME DE L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ROY

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 26 AOÛT 2020

OBSERVATIONS ÉCRITES PAR :

Guido Amsel

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Cynthia Lau

POUR LE DÉFENDEUR

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

POUR LE DÉFENDEUR

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

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