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Date : 20001030


Dossier : IMM-5943-99


OTTAWA (ONTARIO), le 30 octobre 2000

EN PRÉSENCE DE M. le juge Rouleau

ENTRE :

     M.H. et

     K.S.

     demandeurs

ET

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur


     ORDONNANCE


[1]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                 « P. ROULEAU »

                                 JUGE

OTTAWA (Ontario)

30 octobre 2000



Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.






Date : 20001030


Dossier : IMM-5943-99


ENTRE :


     M.H. et

     K.S.

     demandeurs

ET

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE ROULEAU



[1]      Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire, au titre de l'art. 82.1 de la Loi sur l'immigration (ci-après la Loi), d'une décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (ci-après la Commission) en date du 8 novembre 1999, dans laquelle la Commission avait jugé que M.H. et K.S. (ci-après la demanderesse, le demandeur ou les demandeurs) n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.


[2]      Les demandeurs sont tous deux ressortissants iraniens.


[3]      Le demandeur affirme que sa famille avait des liens étroits avec la monarchie. Après la Révolution, son père et le mari de sa tante paternelle auraient subi un emprisonnement et des flagellations publiques en raison de leurs liens avec le régime Pahlevi. Son oncle paternel aurait été démis de ses fonctions de directeur d'un hôpital pour avoir entretenu des rapports avec des éléments de l'ancien régime.


[4]      Le demandeur affirme que, en raison de ses antécédents familiaux, sa demande d'admission à une formation pédagogique ainsi qu'à tout autre programme universitaire a été refusée.


[5]      Le demandeur affirme que, durant son service militaire, il a rencontré Ali Reza et s'est lié d'amitié avec lui. Ali Reza aurait remis au demandeur des publications monarchistes et constitutionnalistes. Après avoir quitté (caviardé) pour déménager à (caviardé), le demandeur aurait assisté à une rencontre au domicile d'Ali Reza. Il y aurait rencontré d'autres gens qui auraient formé peu après un groupe de cinq personnes. Elles se rencontraient semble-t-il une fois par mois.


[6]      Le demandeur affirme que l'un des membres, Kurosh, était en contact avec Derafsh-e Kaviani (ci-après DK) et qu'il a introduit dans le groupe DK ainsi que des publications de l'Organisation Persepolis. Le groupe redistribuait les publications qu'il recevait parmi les amis et parents en qui il avait confiance.

[7]      Le demandeur affirme que le Monkarrat, les forces religieuses de sécurité, a mis fin à une réception où l'on célébrait l'anniversaire du mariage des demandeurs, anniversaire qui coïncidait également avec l'anniversaire de naissance du Shah. Les demandeurs et leurs invités auraient été emmenés pour interrogatoire. Ils ont ensuite été relâchés.


[8]      Le 12 décembre 1996, Ali Reza aurait téléphoné aux demandeurs pour leur dire que Kurosh avait été arrêté. Le demandeur affirme qu'il est parti immédiatement pour Islamshar.


[9]      Les demandeurs affirment que des agents gouvernementaux ont visité trois fois leur domicile après le départ du demandeur.


[10]      Les demandeurs affirment que le jour qui a suivi le départ du demandeur, trois agents se sont présentés et ont fouillé leur domicile.


[11]      Durant leur perquisition, l'un des agents aurait bousculé la demanderesse, la faisant tomber de l'escalier du sous-sol. Elle aurait subi des blessures au poignet et aurait fait une fausse-couche.


[12]      Une lettre de l'hôpital a été produite par les demandeurs, où il est indiqué que la demanderesse a été admise à l'hôpital le 14 décembre pour y subir un avortement, causé par un coup à l'abdomen, ainsi qu'une chirurgie pour le syndrome du canal carpien.


[13]      Le demandeur affirme que son beau-père l'a informé de ces événements et lui a dit que les agents s'étaient emparés d'albums de photos et autres éléments de preuve qui attestaient ses inclinations monarchistes.


[14]      La demanderesse affirme dans son FRP que quatre jours après qu'elle eut quitté l'hôpital deux agents se sont présentés au domicile pour lui demander où se trouvait son mari et lui dire qu'il devait se présenter dès son retour de Mashad.


[15]      La demanderesse affirme que trois semaines plus tard deux autres agents se sont présentés en s'étonnant que son mari ne fût pas de retour. L'un des agents aurait montré à la demanderesse des photos se trouvant dans l'album de son mari et lui aurait posé des questions sur les gens ainsi photographiés. Plus particulièrement, l'agent l'a interrogée sur Ali Reza. Elle affirme avoir déclaré qu'elle ne pouvait rien leur dire à son sujet.


[16]      Les demandeurs sont arrivés au Canada le 4 avril 1997 et ont revendiqué le même jour le statut de réfugié.


[17]      La Commission a-t-elle erré en décidant qu'il n'existait aucun fondement objectif dans la revendication des demandeurs, et a-t-elle erré en se méprenant sur les faits, et a-t-elle agi par le fait même d'une manière arbitraire en décidant que les demandeurs n'étaient pas crédibles?


[18]      La Commission a estimé que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention, qu'ils n'étaient pas crédibles et que leur revendication ne reposait sur aucun fondement objectif.


[19]      La Commission avait des doutes sur la crédibilité de l'un des éléments de preuve des demandeurs et a jugé qu'il y avait des divergences sur la nature des prétendues blessures subies par la demanderesse et sur son état médical indiqué dans le rapport de l'hôpital. Les demandeurs ont donné des versions différentes de l'incident dans leurs FRP respectifs. De plus, la lettre de l'hôpital n'était qu'une télécopie et ne portait ni en-tête ni marques officielles.


[20]      La Commission avait également des doutes concernant les documents suivants produits comme preuve :


Lettre de l'Organisation Persepolis en Allemagne : Le demandeur a affirmé qu'il avait parlé en personne à l'Organisation, en langue farsi, et avait demandé la « confirmation » , mais le document produit comme preuve n'était qu'une télécopie et il était rédigé en allemand, langue qu'il ne comprend pas.


Lettre du Secrétariat de Shah Reza II en Virginie : Cette lettre ne portait pas de signature lisible, elle n'était pas sur papier à en-tête et sa seule marque était l'apposition d'un timbre caoutchouc, en dépit des prétendus liens avec l'ancienne monarchie iranienne.


[21]      La Commission a noté que, bien que le demandeur fût en bons termes avec sa famille en Iran, il ne savait pas si un mandat d'arrêt avait été décerné contre lui. Elle a aussi noté que le demandeur n'avait pas prouvé que les autorités s'intéressaient encore à lui aujourd'hui; au contraire, il a témoigné que le gouvernement n'était pas intervenu dans les affaires de sa famille, comme on aurait pu raisonnablement s'y attendre vu les prétendues circonstances.


[22]      Le tribunal a examiné les documents relatifs aux droits de l'homme mentionnés dans la pochette d'information de la SSR, la pochette d'information sur les droits de l'homme, les dossiers d'information du DOS sur les pays, etc. Nulle part il n'a pu trouver de documents faisant état d'exécutions, d'emprisonnements ni même d'arrestations de monarchistes, qui pourraient attester l'existence de persécutions, d'une politique officielle de persécution à l'endroit des monarchistes, aujourd'hui en Iran, ni même d'un autre risque auquel paraissaient exposés les demandeurs. Nulle part non plus les commissaires saisis de l'affaire n'ont pu trouver la preuve de réelles activités monarchistes aujourd'hui en Iran. La Commission a noté l'argument selon lequel les cellules monarchistes exercent leurs activités clandestinement, mais elle a trouvé curieux que même parmi les propres documents d'information des demandeurs il ne soit nulle part fait état de mesures de répression appliquées par le régime contre les monarchistes.


[23]      La Commission a conclu que l'affirmation du demandeur selon laquelle les monarchistes sont actifs et menacés en Iran aujourd'hui ne s'accordait pas du tout avec la preuve littérale objective dont elle disposait.


[24]      Les demandeurs ont affirmé que la Commission avait erré pour avoir mal interprété les faits et qu'elle avait donc agi d'une manière arbitraire en décidant qu'ils n'étaient pas crédibles.


[25]      Les demandeurs soutiennent que la Commission a erré en estimant que la revendication des demandeurs ne reposait sur aucun fondement objectif. Ils affirment que la Commission a examiné uniquement la preuve littérale pour dire que les activités monarchistes étaient marginales et donc que les demandeurs ne seraient pas menacés s'ils devaient retourner dans leur pays. La Commission ne s'est jamais demandé si les activités politiques des demandeurs conduiraient ou non le régime iranien à sévir contre eux.


[26]      Sur la question de la crédibilité, la Cour ne devrait pas modifier la décision de la Commission, bien qu'elle soit entachée d'une erreur, d'ailleurs sans conséquence. La Commission a pu errer, mais les demandeurs n'ont pas démontré que cette erreur leur a causé un préjudice. Vu la revendication, considérée globalement, cette possible erreur est à mon avis insignifiante. Puisqu'il y a d'autres motifs pour lesquels la Commission a estimé que les demandeurs n'étaient pas crédibles, le résultat serait demeuré le même, quelle que soit la conclusion de la Commission concernant certains documents.


[27]      À la lecture de la décision de la Commission, il m'apparaît qu'elle repose essentiellement sur un fondement objectif. La Commission, après avoir conclu expressément à l'absence de crédibilité des demandeurs, a évalué comme elle le devait les documents objectifs d'information sur le pays, ainsi que la preuve produite par les demandeurs, pour décider s'il existait une crainte fondée de persécution, et elle n'a donc pas commis l'erreur mentionnée dans l'affaire Shaha c. M.C.I., [1998] F.C.J. No. 1045 (1re inst.).


[28]      Je souscris à l'avis du défendeur selon lequel les conclusions de la Commission concernant le fondement objectif étaient des conclusions raisonnables qu'elle avait le loisir de tirer, eu égard à tous les éléments de preuve dont elle disposait. La Commission fait dans sa décision une analyse détaillée des documents objectifs ainsi que des éléments de preuve produits par les demandeurs. La position des demandeurs en l'espèce semble se résumer à un désaccord sur la manière dont la Commission a apprécié la preuve. Toutefois, il semble évident qu'il appartient à la Commission d'examiner l'ensemble de la preuve et d'en tirer les conclusions qui s'imposent. L'intervention de la Cour n'est pas justifiée à moins que la conclusion tirée ne paraisse arbitraire ou déraisonnable. Les demandeurs n'ont tout simplement pas produit une preuve suffisante pour établir que leur crainte de persécution était fondée. Il était donc raisonnable pour la Commission de conclure que la revendication du statut de réfugié du demandeur en tant que prétendu monarchiste n'avait aucun fondement objectif, ni par conséquent la revendication connexe du statut de réfugié présentée par la demanderesse.

[29]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                 « P. ROULEAU »

                                 JUGE

OTTAWA (Ontario)

30 octobre 2000






Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :              IMM-5943-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      M.H. et autre

                         et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :          VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :          LE 17 OCTOBRE 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE ROULEAU

EN DATE DU              30 OCTOBRE 2000


ONT COMPARU :

Bediako K. Buahene                  POUR LES DEMANDEURS
Mandana Namazi                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bediako K. Buahene                  POUR LES DEMANDEURS

Vancouver (Colombie-Britannique)


Morris Rosenberg                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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